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« le: mardi 07 avril 2020, 15:10:09 »
"Mais bien sûr que si, putain!"
Là, pas moyen de savoir si c'était Gwendal ou Milano qui avait réagi. Son plan était foireux. Je voulais bien croire que les homme-rats aient un odorat développé, mais il y avait une différence entre l'odeur corporelle et l'odeur du sang! Et pour peu qu'ils jouent les charognards entre eux, on pourrait attirer davantage l'attention. Et puis, merde à la fin, il était strictement hors de question de saigner une de ces bestioles pour se badigeonner de liquide poisseux et odorant.
L'idée de prendre de la hauteur me plaisait davantage, je pouvais au moins lui accorder ce bon point. Nous progressâmes donc vers une habitation, dont j'ouvris la porte avec une nonchalance totale. Une odeur rance de renfermé me prit au nez, si aigre qu'elle me fit éternuer. Au moins, si la bicoque était toujours occupée, notre hôte était maintenant au fait de notre présence. Je couvrais mon visage avec le foulard que j'avais autour du cou. Comme quoi, c'était une bonne idée de l'avoir emmené finalement.
"Je pense pas que notre employeur se contentera d'un 'Ouais ouais, y avait bien des ruines'. Faudrait du concret, il doit bien y avoir quelque chose à lui apporter."
Je n'avais rien de spécial en tête, si ce n'était cette idée terrée au fond de moi qu'il fallait pousser plus loin. C'était sans doute une fausse piste, une ville pourrie infestée de rats géants en armure et de monstres millénaires facilement irritables. Mais mon instinct me hurlait qu'il y avait quelque chose, ici-bas, que je devais voir, que je devais trouver. Peut-être la simple perspective que le patriarche ne me colle une dérouillée si je revenais les mains vides, ceci dit.
"Je sais pas pour toi, mais il m'avait pas l'air commode. Ma récompense est à peine au-dessus de mes frais."
Sans plus de cérémonie, je m'engageai dans l'escalier en faisant très attention où je mettais les pieds. L'endroit était si saccagé que je me demandais quel genre de pillard avait bien pu prendre la peine de refermer la porte derrière lui. Y avait-il des hommes-rats avec des TOCs? A l'étage, certains murs avaient été marqués par des traces d'une lutte violente, et je finis par trouver le peu qu'il restait d'un squelette poreux qui tombait en poussière. A croire que le moindre rai de lumière le ferait s'évanouir dans l'air.
Je passai par la fenêtre et me tint un moment sur le rebord, pour découvrir dans le mur extérieur une alcôve similaire à celles que nous avions vues plus tôt sur les bâtiments plus élevés. Après un tour de force assez audacieux et un effort qui me fit pester contre Assassin's Creed, je réussis tant bien que mal à me hisser sur le toit. Il faut dire que le parkour et l'escalade, ça reste quand même plus facile avec une manette. Le visage rougi par un effort bien trop inhabituel, j'aidais tout de même Shad à me rejoindre, plus par politesse que par réelle nécessité. Les toitures me semblaient globalement stables, et à peu près de même hauteur, on allait pouvoir progresser rapidement en surplomb. Il fallait simplement se faire discrets. Avec délicatesse, je délogeai une tuile et la fourrait dans ma besace. J'avais une petite idée de ce à quoi elle pourrait me servir. C'est en relevant le nez que j'aperçus un mouvement, près d'une espèce d'église, au loin.
"Oh merde! Je crois que j'ai vu un truc voler! Ça existe, les homme-rats volants?"
Il s'agissait peut-être d'une chauve-souris, mais cette nouvelle créature m'avait semblé plus... grande. Elle avait piqué vers le bas et disparu derrière une rangée d'autres bâtiments. Mais une autre chose capta mon attention et je tapotai Shad de l'épaule pour lui désigner l'endroit.
En contrebas, à l'endroit où les rues que nous surplombions se terminaient pour rejoindre une artère plus large, il y avait une espèce d'ancien entrepôt dont la plupart des murs avaient disparu. La charpente avait été réutilisée et servait maintenant de support à une étrange machinerie de chaînes et de poulies qui s'enfonçaient dans un énorme puits situé en plein milieu de la "salle". De ce boyau obscur entraient et sortaient des homme-rats, alors même que certains grouillaient aux alentours, actionnant des leviers et tirant sur des chaînes, tout en jetant de brefs coups d’œils dans l'abîme. Ils me semblaient tout à coup beaucoup plus intelligents que je ne l'aurais pensé.
"Je comprends pas ce qu'ils font, là, mais j'trouve ça de plus en plus inquiétant."