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« le: mercredi 10 novembre 2010, 22:50:09 »
Silke sourit à la provocation. N'était pas né le guerrier qui lui ferait ployer l'échine ; plusieurs maîtres d'arme l'avaient blessée, mais aucun ne lui avait fait poser un genou à terre. La Walkyrie savait qu'elle était une excellente guerrière, ce n'était pas de la vanité ou de l'orgueil mal placé, mais un fait. Avoir été Choisie par Odin la confortait davantage dans cette optique : qu'aurait fait le Dieu Roi de la Nouvelle Asgard d'une Walkyrie incapable de se battre ? Non, Silke n'en doutait pas une seule seconde, elle faisait partie de l'élite, de la crème des crèmes. Et ce qu'elle avait devant elle n'était rien de plus qu'un prétentieux arrogant qui pensait pouvoir profaner une demeure divine. On ne parlait pas de temple, mais de résidence privée abritant réellement un Dieu - enfin, quand il n'était pas de sortie... L'étranger continuait à la chercher, mais hélas pour Khaléo ! Silke était dépourvue de sens de l'humour. Elle fut bien heureuse, d'ailleurs, que sa poignée de neige ne le fasse enfin taire, au moins pour un temps. Le manque d'entraînement récent lui fit faire un enchaînement simple, aisément paré par le chasseur... En même temps, elle aurait été déçue si celui qui prétendait saigner l'une des panthères des glaces censées garder le palais avait été ne serait-ce que touché.
Pourtant, il fit une erreur. Le sang de Silke ne fit qu'un tour à son petit discours... Que cette "abomination", comme il aimait s'appeler, ne croit pas en les Dieux ou en Odin, après tout, cela lui importait peu. Silke croyait en Son Seigneur, en cette nouvelle vie qu'Il lui avait accordée et qu'il dirigeait, et jamais la Walkyrie, malgré tout cela, n'aurait chercher à "convertir" qui que ce soit à sa cause. Il suffisait de voir le nombre de Einherjar, assez peu conséquent au vue du nombre de morts qui tombaient, chaque jour. Non, cela importait peu que les gens remettent en cause sa propre divinité ou le fait qu'Odin ne puisse agir sur la Destinée de Ses gens. Son pouvoir était bien entendu diminué à peine !), alors qu'ils étaient à présent en ces terres désolée, si loin, trop loin de leur patrie, le Royaume d'Asgard. Cet arrogant pouvait bien renier leur existence même ; Silke elle-même se fichait bien du fil de la destinée de Khaléo. Tant que cette destinée ne le menait pas en ces lieux.
Là où il avait dépassé les limites, c'était en les traitant de guignols. Elle respectait son choix de ne se vouer à aucun saint, c'était son droit (Même si cela prouvait qu'il était un sacré idiot !)... Silke avait prêté serment à un Dieu, et allégence à un Roi. Le chasseur venait de se moquer ouvertement des voeux d'éternité qu'elle avait prêtés. A son sang bouillant vint s'ajouter le frisson qui s'accorda au regard le plus glacé qu'elle n'avait jamais employé envers qui que ce soit. Vraiment, ce misérable mortel allait trop loin. Une Divinité a bien entendu besoin de fidèles, et un Dieu intelligent sait s'entourer comme il le faut de prêtres ou de prêtresses, voire même les deux ; Odin, lui, s'était en plus constitué une armée de ses fidèles servantes... Et la Walkyrie se plaisait à croire qu'Il n'avait besoin que d'elles, voire même d'elle seule. Le monde entier pouvait les ignorer, ce n'était pas grave : ils étaient là, et le jour des mortels aussi stupides que celui que la femme avait devant elle seraient dans une merde phénoménale, on verrait vers qui ils se tourneraient... Silke le savait, pour le voir dans le regard de chaque guerrier mort au combat, ou à l'agonie : les mortels finissaient toujours par se tourner vers leurs divins supérieurs ; en tant que Déesse de la Mort, la Walkyrie avait été appelée plus d'une fois même par ceux qui n'avaient jamais cru en quoi que ce soit durant leur vie... Khaléo n'avait visiblement rien compris à l'ordre de l'univers : tout ne fonctionnait que par cycle, à l'image de Jörmungand, le Serpent de Midgard qui encerclait le monde, où du Ragnarok qui détruit l'Ordre afin qu'il renaisse du Chaos. Mâchoire serrée, la Vierge Guerrière affirme sa prise sur son arme, alors que lui amorce un mouvement. Il veut la preuve qu'elle existe ? Il va l'avoir. Mais qu'il ne vienne pas se plaindre s'il lui manque un pied, un bras ou une tête, après. Et comme pour confirmer cette menace muette, Answalt croassa dans le ciel.
L'arrogant intrus avança, et amorça son attaque. Silke, à son tour, se fit orgueilleuse, et ne bougea pas... avant le momenta fatidique où il aurait du la toucher. Silke fit un pas en arrière, cambra son dos, mais l'attaque changea brusquement de direction, et l'intrus se retrouva à passer au-dessus d'elle. Elle aurait presque pu s'en vouloir de ne pas avoir prévu un tel coup. Pire : à présent, il pouvait violer la demeure sacrée d'Odin, maintenant qu'il était entre l'arche qu'elle gardait et elle. Sa colère enfla à nouveau alors qu'à présent, il rouvrait sa bouche, sur son ton plein d'humour qu'il avait l'air d'affectionner. Etait-il donc idiot ? Que ne comprenait-il pas dans les mots "Déesse de la Mort" ? Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, elle donna un premier coup de hallebarde circulaire, juste pour qu'il se taise.
- Un arrangement... Un ARRANGEMENT ?!
C'était la meilleure ! Parce qu'il avait le culot de demander quelque chose, lui, le profanateur ? La Vierge Guerrière était dans une telle rage plutôt contrôlée magré tout, qu'elle n'arriva pas à en rire. Ses coups pleuvaient, comme dans une chorégraphie pour une danse. Sauf que dans cette valse, chaque mouvement porté ou évité pouvait se révéler fatal. Peu à peu, Silke cessa de le voir comme un simple chasseur, mais comme un guerrier. Et quel guerrier ! Pas un instant, il ne baisse sa garde. Leurs mouvements à tous deux, fluides, s'enchaînent, alternant les esquives gracieuses aux épreuves de force féroce. Silke ne fatigue pas, elle a été entraînée à se battre des jours entier, s'il le fallait, sur un champ de bataille... C'était il y a longtemps, visiblement. Elle sent la sueur dans son dos, à croire que quelques jours d'inactivité ont suffit à entamer son endurence. Et si ses coups ne perdent rien de leur violence, sa rage et sa haine se transforment petit à petit en... une sorte d'admiration. Alors qu'elle tente un coup par le bas, pour trancher le bras qui tient l'épée, elle finit par demander sur le ton de la conversation :
- Et je peux savoir quel genre d'arrangement tu as en tête ? Non pas que je déclare forfait...
Nouvelle épreuve de force, dont la Walkyrie s'échappe d'une roulade sur le côté. Elle repart à la charge, le visage toujours fermé :
- ... Mais j'aimerai savoir pourquoi un guerrier de ta trempe perd son temps à courir après nos chiens. Et je crois voir que pour le coup, c'est toi qui a besoin de personnes dont... (Elle esquive un nouveau coup, qui lui vaut malgré tout une entaille sur la cuisse.) ... tu nies l'existence même.
Et le simple fait de dire ces mots là font rejaillir sa colère contre lui. Il arrive à porter quelques coups, qui lui feront avoir de sacrés bleus au mollet et à l'épaule, mais Silke reprend un instant le dessus : sa hallebarde réussit enfin à le blesser au bras droit. Une entaille de pas grand chose, mais qui réussira peut-être l'exploit de le faire faiblir plus vite. Grisée par cette toute petite victoire, Elle le prend par surprise, finalement, lors d'une nouvelle épreuve de force, en faisant disparaître brusquement sa hallebarde. Silke tourne sur elle-même pour éviter l'épée du mercenaire et le saisit à la gorge, puis fait réapparaître son arme, comme si de rien n'était. La belle guerrière ne sourit toujours pas, et si elle pourrait le tuer, elle n'en fait rien. Silke reprend discrètement son souffle, même si les nuages de fumée qui s'échappent de ses lèvres trahissent son essoufflement.
- Tes crimes sont nombreux sur cette terre, intrus. Je pourrai, là maintenant, décider d'envoyer ton âme dans l'au-delà. Pourtant, tu dois payer. Pour avoir profané cette demeure sacrée. Je me fous que tu ne crois pas en Odin, Hel, Loki, ou n'importe quelle autre divinité de ce monde qui n'est pas le mien. Mais s'il y a une chose universelle, dont tu ne peux nier l'existence, c'est la mort. Ce que je représente. Je t'ai laissé en vie seulement parce que je le voulais bien.
Un peu de bluff ne pouvait faire de mal à personne... Les iris turquoises de Silke restaient rivées sur les yeux en fente de Khaléo. Elle se permit un sourire doux, pourtant, et murmura :
- Donne moi au moins ton nom. Tu possède un potentiel vraiment... Quel dommage que tu ne crois en rien, mortel. Tu aurai été un Einherjar extraordinaire.
Elle ne vit pas le croc-en-jambe du merenaire venir, mais elle le sentit et tomba - un peu ridiculement - au sol. La colère afflua à nouveau, le combat repris...