Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Sujets - Aodh

Pages: [1]
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Les terres sauvages / Les joyaux de la Terre [Mélusine Clark]
« le: samedi 07 janvier 2023, 21:21:32 »
Le Royaume de Valusie était sur le sentier de la guerre. Olgerd Vladislav avait frappé sans prévenir et l'invasion des territoires du roi Nemedus de Valusie avait immédiatement succédé à l'annonce de son couronnement, sans aucune déclaration de guerre en bonne et due forme.

Les deux armées se faisaient face de part en part d'une large vallée encaissée, entre des falaises abruptes, que traversait un cours d'eau peu profond qui serpentait au milieu, entre des roseaux et des saules. Les hommes de l'intendance de chacune des armées descendirent jusqu'aux berges pour puiser de l'eau, échangèrent des insultes et se jetèrent des pierres. Les derniers rayons de soleil vinrent frapper la bannière dorée de Valkia, ornée de son cheval pourpre, qui s'agitait sous le vent au-dessus du pavillon du roi Olgerd, installé sur une butte près des falaises à l'est. A l'ouest, l'ombre des falaises recouvrait tel un suaire les tentes, les armées Valusiennes et la bannière noire frappée d'un lion d'or, qui flottait au-dessus du pavillon du général Aodh.

Toute la nuit les feux de camp illuminèrent la vallée tout entière, et le vent apporta avec lui l'appel des trompettes, le fracas des armes et les qui-vive des patrouilleurs qui étaient à cheval le long des berges bordées de saules.

Dans les ténèbres qui précèdent l'aube, Aodh s'agita sur sa couche -un simple tas de soieries etd e fourrures jetées sur quelques planches- et se reveilla. Il sursauta, poussa un cri aigu et se saisit de son épée. A ce cri, Baltus, le second en chef des armées de Valusie, se précipita sous la tente et y trouva le commandant en chef, la main sur la garde de son épée, son visage pâle et toute sa musculature ruisselante de sueur. Aodh n'avait rien d'un général, ainsi vêtu de son seul pagne. "Général !" S'exclama Baltus. "Quelque chose ne va pas ?"

Il flottait une odeur animale, casi primitive dans l'habitacle. L'atmosphère y était lourde.

"Tout va bien dans le campement ?" Demanda Aodh. "Mise à part l'une de nos reserve de flèches qui a pris mystérieusement feu dans l'après-midi, tout est en ordre. Cinq cent cavaliers patrouillent le long de la rivière, commandant, et la cohorte des mages envoyés par l'école de sorcellerie de /// est arrivée dans la matinée, prêts à nous offrir leur soutien pour contrer les ambitions de Valkia. Les troupes d'Olgerd n'ont pas fait mine de vouloir avancer contre nous cette nuit. Ils attendent l'aube, tout comme nous."

"Par Crom !" murmura Aodh. "Je me suis réveillé avec le pressentiment qu'un malheur allait s'abattre sur moi dans l'obscurité."

Il regarda la grande lampe qui diffusait une lumière tamisée sur les tentures et les tapis en peau de bête. Ils étaient seuls ; pas même un esclave ou un page ne dormait sur le sol. Pourtant, les yeux d'Aodh avaient la même intensité fiévreuse que lorsqu'il sentait un péril imminent. Baltus le regarda d'un air incertain. Aodh semblait être en train d'écouter quelque chose.

"Ecoute !" siffla le barbare. "L'as-tu entendu ? Un bruit de pas furtifs !"

"Sept guerriers en arme gardent votre tente, général." Répondit Baltus. "Nul ne pourrait s'en approcher sans être immédiatement interpellé." "Pas à l'extérieur." grogna Aodh. "C'est comme si le son venait de l'intérieur de la tente." Baltus jeta un coup d'oeil autour de lui, surpris. Les tentures se confondaient avec les ombres dans les recoins obscurs de la tente, mais s'il y avait eu quelqu'un avec eux à l'intérieur de la hutte, le second l'aurait aperçu. De nouveau il secoua la tête. "Il n'y a personne ici, général. Vous dormez en plein milieu de votre armée."

"J'ai vu la mort frapper un roi entouré de milliers d'hommes." murmura Aodh. "Quelque chose qui s'avance sur des pieds invisibles et que l'on ne peut apercevoir."

"C'était peut-être un rêve, général." suggéra Baltus, quelque peu perturbé. "Ou de la magie noire est à l'oeuvre ici..."

"Vous pensez que... Olgerd couverait quelques sorciers sombres dans sa hird ?" Aodh se leva, révélant son imposante stature barbare. Il était puissamment bâti et nu, à l'exception d'un pagne lui ceignant les reins. Son corps était couvert sueur, dessinant davantage ses muscles hypertrophiés. Sa crinière noire était souillée transpiration. De sous les mèches de ses cheveux en broussaille, des yeux injectés flamboyaient, tels des charbons ardents aux reflets bleutés. "Ce porc pourrait tout à fait en être capable." Aodh se dirigea vers un broc d'eau et s'aspergea le visage. "Fais discrètement quérir un des mages dans ma tente, le premier que tu trouveras. Je ne veux pas alarmer inutilement mes troupes à l'aube de la bataille."

"Vous souhaitez combattre la magie par la magie ? Cela ne vous ressemble guère général."

"Assez de paroles Baltus. Va."

"Fort bien général." Sans plus de cérémonie Baltus s'éclipsa hors de la tente.

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Prélude / Aodh, juste Aodh. [Vanéabarbaridé !]
« le: mardi 20 décembre 2022, 18:22:26 »
Identité : Aodh
Âge : De 20 à 50 ans selon le moment où vous choisissez de croiser son chemin.
Sexe : Masculin et toujours pointé dans la bonne érection.
Race : La plus vile de toutes ; humaine.
Sexualité : THICC !!!

Physique :

« Ses séjours en de nombreuses contrées de Terra se remarquaient à son équipement disparate et attestaient de ses voyages ; un casque à cornes que portaient les gladiateurs sanguinaires de Shadizar, un haubert et des jambières du plus bel ouvrage issu de Nexus ; la fine cotte de mailles protégeant ses bras et ses jambes venait de Zon’Da l’esseulée et sa cape écarlate n’avait pu être tissée qu’à Tarantia. » 

« Le barbare se tenait adossé au mât, les yeux réduits à des fentes, sur le qui-vive, et l'épée à la main. Le marin l'étudia posément à la lueur de sa torchère, veillant à ne faire aucun mouvement vers le long couteau passé à sa ceinture. Il avait devant lui un homme de grande taille, puissamment charpenté avec des épaules larges et massives, une robuste poitrine qui se soulevait à chaque respiration et des membres épais et musclés. Sa peau était tannée par le soleil des déserts, comme l’étaient les natifs des contrées les plus à l’Est de Terra, et portait les stigmates d’une existence violente avec pour témoin son épiderme parcheminé de terribles cicatrices. Elles s’étendaient sur toute sa carrure et allaient de la rugueuse caresse du fouet jusqu’à la morsure profonde de l’acier.

L'intrus semblait tout autant déplacé sur ce bateau qu'un loup gris parmi des rats de gouttière malingres. Son armure bon marché ne pouvait dissimuler les lignes dures et effilées de sa puissante charpente. Il portait un haubert aux mailles d'acier noires, des jambières brunies lacées hautes et un casque de métal aux reflets bleus d'où saillaient deux cornes de taureau luisantes. De ses épaules bardées de fer tombait une cape écarlate qui se gonflait au vent du large. Un ceinturon de chagrin à boucle en or retenait le fourreau qui pendait à sa hanche. Son air de loup dénotait le barbare et il semblait porter la grande épée à ses mains plus naturellement que son armure. 
Sous le casque à cornes, sa crinière de freux surmontait un front large. Elle contrastait avec ses yeux bleus volcaniques qui étaient pénétrants et répandaient au creux de ses iris un feu dont on ne savait s’il brûlait, ou s’il gelait. Ils brillaient d’une vitalité farouche en dépit de la faible clarté des étoiles et semblait couver quelque tempête intérieure.

Son visage, sombre, balafré, presque sinistre, était celui d'un redoutable combattant ; et il avait l'air nettement belliqueux avec ses traits burinés, taillés à la serpe et durs comme l'ombon cuivré d'un bouclier. »


Caractère :

« Que sais-je du raffinement, des dorures, de l’artifice et du mensonge ? Moi qui suis né dans une terre désolée et ai grandi à ciel ouvert. La langue subtile, la ruse du sophiste ne peuvent rien quand chante la grande épée. Accourez et venez mourir, chiens – Je suis un barbare avant d’être roi ! »


D’aussi loin qu’il s’en souvienne, le barbare ne s’est jamais senti à l’aise derrière des murs ou entouré par la foule. Intrépide par nature et ivre du feu des combats, il ne prospère que sur les étendues sauvages de Terra où il suit un mode de vie terrible, sanglant, féroce et dénué de tendresse. Il recherche la folle exultation de la bataille ; lorsque les lames bleutées s’enflamment et se teintent d’écarlate. Bien que jeune par le nombre d’années, les combats et ses errances l’ont endurci. Le jour et la nuit sont sa bible, dans laquelle il peut tout lire sur les choses qui courent, marchent, rampent ou volent. Les arbres et l’herbe, les rochers couverts de mousse, les oiseaux, les bêtes et les nuages sont vivants pour lui et font partie de sa famille.

A de nombreux égards aussi naïf qu’un enfant, étranger aux manières sophistiquées de la civilisation, il est intelligent par nature, jaloux de ses droits et aussi dangereux qu’un tigre affamé.

Il lui arrive de souffrir de la faim au cours de ses errances mais lorsqu’il fait bombance, c’est avec grande délectation ; et les sucs des nourritures et des boissons fortes sont comme des vins pétillants sur son palais. Il aime la bonne chère, et les liqueurs sont chez lui une passion et une faiblesse. Il rit à gorge déployée, bois jusqu’à plus soif, et braille de bonnes chansons.

Mais s’il se montre prompt aux festivités, le barbare est tout aussi prompt et redoutable dans sa colère. Quand les spectres de la rage sont sur lui, Aodh est capable d’un déchaînement de fureur, inextinguible et irraisonné. Bien plus qu’une émotion passagère, sa fureur est celle d’un féroce prédateur acculé, l’assaut implacable d’une tempête déchaînée, le tumulte d’une mer démontée. Le barbare puise cette énergie d’une réserve trouble de colère contre ce monde qui le condamne à la souffrance. Une force brute, pure et animale qui alimente sa frénésie guerrière.   

S’il a conservé des perceptions quasi animales, des réflexes très rapides et une certaine communion avec le monde physique, Aodh a néanmoins intégré de nombreuses valeurs dites « civilisées » comme un courage inébranlable, même s’il sent la peur des forces occultes l’envahir lorsqu’elles s’opposent à lui. Le barbare incarne la liberté absolue. Jamais il ne se soumet aveuglément à l’autorité et veille jalousement sur ses libertés comme un nain sur son or.

Son évolution psychologique et philosophique, s’il en est, évolue en fonction de son besoin de survivre dans un monde dont il est étranger ; car Aodh se situe dans la zone grise que l’œil ne voit pas. Ni totalement sauvage, ni intégralement civilisé, il est un barbare, un être en quête perpétuelle de l’entre-deux qui doit évoluer pour quitter l’état de brute simiesque peu propice à son épanouissement mais qui doit tout autant se garder de franchir une certaine étape, car, lorsque l’évolution s’engage sur la voie de la civilisation, il s’agit d’un trajet sans retour menant à un état social et personnel nuisible aux fondements de l’homme.

Résumé : Le barbare est rusé, intelligent et fier. Il saisit la vie à pleines mains, marqué par des accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies. Aodh reste un homme d’extrêmes, aussi philosophe que pragmatique. Son esprit n’est jamais au repos, sans cesse en train d’apprendre et de croître. Prompt à se faire des alliés et à s’imposer parmi ses pairs, il montre un sens aigu de l’adaptation et une grande confiance en ses capacités. Le barbare ne craint pas la peur dans la bataille et rares sont les épreuves qui l’impressionnent. Indomptable, il apparaît également incroyablement débrouillard, ce que la plupart de ses ennemis ne comprennent que trop tard.


Histoire :

Genèse

« Aucune terre ne fut jamais aussi sinistre que celle qui m’a vu naître. Ce n’est qu’une suite de collines couvertes de forêts denses ; les arbres y sont étrangement sombres, si bien que même en pleine journée la région semble obscure et menaçante. A perte de vue, s’étend un panorama sans fin de collines de plus en plus sombres avec l’éloignement. Le temps y est toujours couvert et les cieux, presque toujours gris. Les vents y sont glaciaux et brutaux, amenant la pluie, la grêle ou la neige avec eux, et ils gémissent lugubrement le long des cols en s’engouffrant dans les vallées. C’est une contrée dénuée de toute joie. » Aodh.

____

Le père d’Aodh était un coupe jarret qui naquit dans un petit village de l’Ouest du continent, dans une région frontalière au royaume de Nexus qu’il visita à plusieurs reprises lors de raids sanglants, poussant même ses pérégrinations vers les contrées désertiques de l’Est. Mais très vite, il fut contraint de quitter son clan et, poursuivi par une vendetta, se réfugia dans l’arrière-pays, par de-là les plaines inhabitées, au cœur des terres sauvages. Ce père au tempérament aventurier trouva rapidement sa place au sein d’un petit clan d’exilés qui n’entretenait aucun contact avec les royaumes civilisés, mais défendait régulièrement son territoire face aux bandits et braconniers suffisamment hardis pour s’enfoncer aussi loin dans les terres.

Monnaie courante, ces raids de pillards permettaient en de nombreuses occasions à l’étranger de faire preuve de ses talents de guerrier, endurcis par des années de combat dans l’Ouest. Il s’attacha rapidement au clan qui l’avait accueilli et le brigand devenu forgeron trouva une compagne.

Plus tard, au cours d’un raid nocturne naquit Aodh. Comme il le dira par la suite, les premiers sons qu’il perçut furent « le fracas des épées et les râles des mourants ». Les maraudeurs en furent pour leur frais ce jour-là et payèrent leurs velléités martiales au prix du sang.

Dans le cas contraire, la vie d’Aodh aurait été nettement plus brève.

La région dans laquelle l’enfant passa sa prime jeunesse était un endroit sinistre. Les forêts y étaient ténébreuses, masquant les pentes des sombres collines et l’éternelle voûte de plomb des nuages gris teintait le ciel d’une couleur lugubre. Les eaux opaques des rivières s’écoulaient sans un bruit et les vents solitaires mugissaient le long des défilés. En une morne perspective, colline après colline, pente après pente, noircies d’arbres maussades, s’étendait la sombre contrée. Et quand un homme gravissait un pic déchiqueté et plongeait son regard, son œil assombri ne rencontrait que cette perspective à perte de vue : colline après colline, pente après pente, et toutes masquées comme leurs sœurs.

Le nord des plaines inhabitées était une terre silencieuse et morose, qui semblait retenir tous les vents et les nuages ainsi que les songes qui fuyaient l’astre solaire. Les branches nues frissonnaient dans un vent solitaire et les forêts épaisses noyaient tout de leur obscurité, que ne savait percer un rare soleil maussade.

Elle abritait des hommes et des femmes n’ayant d’autres choix que de s’endurcir ou de trépasser. Aodh n’échappa guère à cette règle et développa dès son plus jeune âge une vitalité animale. Il débuta très tôt son entrainement au combat sous la houlette de son père, avant l’âge de dix ans, et fortifia son corps et ses sens à la pratique de la chasse. Son clan n’utilisant pas l’arc, chasser impliquait pour eux de longues courses, la discrétion et la nécessité de se fondre dans la nature. Aodh y traqua des loups et tua des faucons à jets de pierre. Le jeune garçon était souple et fort comme une panthère, et la joie entière de l’effort physique acharné était sienne.

Le soir au coin du feu, repu du festin qu’ils avaient acquis au prix de l’effort, le père du jeune garçon l’instruisait des récits de ce monde.

« Cette histoire commence dans les temps très anciens, des temps si lointains qu’on les dit légendaires. Mais la légende est à l’Histoire ce que la fumée est au feu mon garçon ; elle semble illusoire, fantasque, déformée par les vents ou les années, et pourtant elle n’existerait pas sans la réalité qui l’a fait naître.

Lorsque le monde était jeune, les humains faibles et que les démons de la nuit allaient librement, vivait au Nord du continent un peuple de géants. Ils habitaient les austères montagnes de glace, balayées par des vents cruels et incessants, et constituaient une race fière et intelligente.
Quand le dieu Crom quitta son refuge Céleste pour rejoindre le monde des hommes, il leur accorda le don de plier les forces de la Nature à leur volonté ; l'air, la terre, l'eau et l'éther. Car vois-tu, la magie est l’art de forcer les puissances surnaturelles à intervenir dans le cours normal des choses. Ces géants furent les tout premiers magiciens de notre monde tandis que nous autres hommes, n’étions qu’à nos premiers balbutiements.

Hélas mon garçon, sans mesurer la portée de ce don, la divinité avait donné bien plus aux géants qu’elle ne l’avait souhaité. Par ce présent Divin, elle éveilla en eux une soif. »


« Quelle soif ? » Questionna le jeune garçon, les bras tendues en direction du foyer crépitant.

« La soif du monstre toujours possible dans chaque être... une soif inextinguible de Pouvoir. » Le visage buriné du vieux forgeron s’assombrit, les ombres des flammes dansaient sur son épiderme parcheminé de rides. « Dans les ténèbres de leurs montagnes, les géants dupèrent Crom et purent ainsi lui voler l’élément du feu secret. Le feu destructeur, celui qui brûle et consume, celui qui forge l’acier servant à entailler les chairs. Il est le feu civilisateur qui élève les hommes mais affaiblit leur âme et leur corps, le feu corrupteur qui donne naissance à l’or noircissant le cœur.
 
Lorsqu’elle découvrit l’odieux larcin, la Déité se mit en colère et la terre trembla. Les eaux et le vent abattirent ces géants et ils jetèrent leurs corps dans les mers ! Mais, dans sa rage, la Divinité oublia le feu secret sur le champ de bataille. Et c'est nous qui l'avons trouvé. Nous ne sommes que des hommes, pas des Dieux, pas des géants. De simples hommes. Et le feu secret a toujours porté avec lui un mystère. Tu dois apprendre sa valeur mon fils tu dois apprendre ses lois. Car à personne, personne en ce monde tu ne dois te fier. Ni aux bêtes, ni aux hommes, ni aux femmes. »

« Pas même en Crom ? »

« Tu dois t’en méfier et le respecter. Mais avises-toi de ne jamais attirer son attention mon garçon, ne t’en remet jamais à lui au moment de croiser le fer ou lorsque tu sens les ficelles de ton destin se dérober. J’ai vu des hommes et des femmes ériger des temples fait d’or en son nom. Des bâtisses qui scintillent sous le soleil comme une asphalteuse parée de bijoux, et elles attiraient aussi bien les imbéciles que des soi-disant sages. Mais tous avaient une chose en commun, veux-tu savoir laquelle mon garçon ? »

« Je veux savoir père ! »

« Ils prétendaient connaître les volontés du Dieu, et s’octroyaient le droit de décider qui était digne de vivre et qui devait mourir. Retiens bien ceci, preuve est faite que visages dévots et pieuses actions ne nous servent qu’à enrober de miel le Démon lui-même. »

_____
En parallèle, son père lui enseigna les techniques en usage chez les forgerons pour mettre le métal en fusion, le marteler sur l’enclume tout en actionnant le soufflet, avant de lui donner son ultime apparence à l’aide de la lime et du maillet. Le jeune garçon se révéla être un apprenti appliqué et attentif ; fasciné qu’il était par ces différentes opérations, qui lui avaient semblé de la pure magie. Son père l’encourageait dans ses velléités artisanales. « Tu es doué fils, tu as l’étoffe d’un dompteur du feu et des éléments. Le forgeron a le pouvoir de transformer la matière brute en métal noble. Nous sommes des démiurges et des magiciens, c’est pourquoi nous sommes craints et respectés. Garde ça en tête mon garçon, si les sorciers sont les maîtres de la magie, les forgerons sont les maîtres de la matière. »

De cette manière s’écoula l’enfance du jeune garçon. Une vie de clan à l’ombre des arbres lugubres, caché des lumières de la civilisation. Une existence rythmée par la clameur des combats, le frisson de la chasse et le vacarme assourdissant du marteau frappant l’enclume. Et il aurait pu en être ainsi longtemps encore, du berceau à la mort, le temps se serait chargé d’emporter le barbare dans sa tombe.
Mais…

C’était sans compter sur la Destinée. Cruelle maîtresse dont les auspices et les sorts n’avaient pas d’observatrice plus attentive et qui nourrissait à l’égard du jeune homme de seize ans un tout autre dessein que celui réservé à son peuple.

Voici sa toute première aventure :

Vengeance

« Cruauté réveille-toi, qu’importe le courroux, qu’importe la ruine, et que l’aube soit rouge. » Théoden.

____

Le barbare se réveilla aux premières lueurs de l'aube qui pénétraient à travers le volet en peau mal rabattu. Il se redressa sur un coude et inspecta la pénombre. Autour de lui, son père et sa mère dormaient, couchés sur les fourrures de bêtes. Seule, une poule s'agitait sous la table et grattait le sol à la recherche d'un grain de blé qu'elle n'avait aucune chance de trouver. Au cœur de l’hiver, les vivres se faisaient rares si bien que l’on se serait baissé trois fois pour le ramasser plutôt que de le laisser se perdre. Aucun bruit ne venait du dehors. Le clan était encore endormi à cette heure matinale. Le jeune homme quitta sa paillasse et veilla à traverser la pièce sans faire de bruit. Le regard fixé sur ses parents dont il guettait le moindre signe de réveil, il retenait son souffle pour se faire plus silencieux. Après s’être emparé d’une lance qu’il avait taillé la veille et armé d’un silex tranchant à son extrémité, Aodh repoussa la peau de bête qui protégeait sa demeure du froid nordique et sorti rejoindre les forêts obscures en quête de gibier.

___

La traversée des bois moribonds se fit sans encombre, le barbare trouvant sans problème son chemin entre les arbres aux cimes enneigées. Même ces ombres qui lui avaient semblé si menaçantes à l’aller, lui semblaient bien moins intenses, et les rayons qui parvenaient à percer la canopée bien plus nombreux et chauds.  Finalement, le sous-bois épais laissa place à un chemin plus dégagé et le chasseur sourit en reconnaissant ce sentier qu’il avait suivi dans la matinée. Car La fin d‘après-midi était presque tombé à présent et tandis qu'il remontait le sentier principal conduisant à son village, Aodh aperçut au loin des volutes de fumée noires s'élever dans l’horizon grisâtre. Il laissa aussitôt choir le gibier qu’il portait sur ses épaules ensanglantées et s’empressa de franchir la distance qui le séparait de son hameau natal. Jamais il n’avait couru aussi vite de sa vie.

En arrivant sur place, le jeune homme tomba des nues, sa pire crainte venait de se réaliser et pour la première fois au cours de son existence, il senti le sol se dérober sous ses pieds : les cadavres des hommes, des femmes et des enfants de son clan jonchaient le sol comme les feuilles en automne. Ils n’étaient pas morts dignement comme des guerriers au cœur de la bataille, emplis d’ardeur et de courage, l’arme à la main et prêts à faire face à l’ennemi. Ils avaient été surpris dans leur quotidien et sauvagement massacrés. Tous -du moins, les quelques visages à peu près intact-, affichaient un rictus d’horreur que la mort elle-même n’avait pu effacer. Les habitations avaient été brûlées et l'odeur du sang s’était mêlé à celle de la fumée.

En fouillant dans les décombres encore fumants de la forge, Aodh retrouva tout d’abord le corps sans vie de sa mère ; les vêtements arrachés et le corps lardé de coups de poignards. Elle portait sous ses ongles les traces d’une rixe sauvage et son visage d’ordinaire rosé et aux traits fins était à présent livide et tuméfié. La farouche femme du nord avait opposé une vive résistance qui semblait l’avoir préservé d’un viol brutal. Mais avant qu’il ne puisse s’en aller au chagrin, le jeune homme discerna un peu plus loin une seconde carcasse, partiellement dissimulée sous un amoncellement de gravats noircis par les flammes. Aodh s’en approcha promptement et avec l’énergie du désespoir, retira une par une les pierres qui ensevelissaient le cadavre, révélant un visage éteint, ridé et mangé par une barbe grisonnante qu’il ne connaissait que trop bien. Le dompteur du feu et des éléments, son père, gisait au sol. Il reposait sur le dos, les jambes largement écartées et quelque chose, sur ses lèvres, s'était figé, comme une grimace de terreur. Un puissant coup d’épée lui avait transpercé une moitié du faciès et pénétré profondément dans le crâne jusqu'à l'occiput.
Le barbare poussa un cri si horrible, si inhumain dans la fureur aveugle qui l’animait, qu'il aurait pétrifié d'horreur toute personne aux alentours réalisant que c'était là le cri d'un homme et non d’une bête sauvage.

Mais l’heure n’était pas encore venue de pleurer les morts, ou de maudire la fatalité, Aodh ne le sentait que trop bien. En lui s’était insinué la haine ; la flamme rougeoyante de la vengeance qui brûlerait dans son cœur, nuit et jour, et ne lui accorderait aucun repos jusqu’à ce que la pointe acérée de sa lame ne trouve son chemin à travers la poitrine de ses ennemis. Cette flamme ne pouvait s’éteindre que dans le sang. « Entends-moi, Crom ! Je tuerai ces hommes avant la prochaine lune ou bien, par les chiens de la haine, que l’on m’emporte vers les tertres brumeux des damnés ! »

Le cri solitaire d’un corbeau répondit aux sombres imprécations du barbare et le vent gémit tristement. Puis Aodh saisit l’armure et l’épée de son père avant de suivre les traces de pas qui menaient plus au nord, en direction des montagnes protectrices.

Il arpenta des jours durant les tristes collines de sa région natale battues par les vents et traversa les mélancoliques forêts noires qu’il ne connaissait que trop bien pour y avoir chasser toute sa jeunesse, sans s’accorder de pause, sans vivres, conscient dans son ivresse guerrière qu’il empruntait là une voie sombre, un aller simple pour les enfers : les spectres de la vengeance rôdaient autour du barbare, comme des milliers de petites bouches affamées attendant sa mort. Elles bredouillaient de sinistres rumeurs à ses oreilles et le poussèrent à entreprendre la dangereuse ascension des montagnes aux neiges éternelles, le royaume des géants dont parlait les histoires de son père.

Il finit par gravir les titans rocheux, au prix de l’effort et atteignit les brumes bleutées du Grand Nord. Au milieu des pics enneigés et des glaces scintillantes, le barbare venait de rattraper la cohorte des maraudeurs qui avait incendié son village quelques jours plus tôt, et un combat acharné s’ensuivit.

_______

Le fracas des épées était retombé ; la clameur de la bataille s'était tue ; le silence recouvrait la neige maculée de sang. Le soleil morne et pâle étincelait d'une façon aveuglante sur les bancs de glace et les plaines recouvertes par la neige, lançant des reflets d'argent sur les corselets arrachés et les lames brisée ; des têtes casquées, rejetées en arrière et figées dans la mort, dressaient des barbes rousses et des barbes blondes vers le ciel, comme pour crier une dernière invocation à Crom, divinité barbare.

Au milieu de la neige rougie par le sang et des formes bardées de fer, deux silhouettes regardaient l'une vers l'autre. Elles seules bougeaient au sein de cette désolation extrême. Au-dessus de leurs têtes, le ciel glacé ; autour d'elles, la plaine blanche à perte de vue et les morts, gisant à leurs pieds. Lentement elles s'avançaient parmi les cadavres, semblables à des fantômes s'approchant de leur lieu de rendez-vous au sein des décombres d'un monde éteint. Dans ce silence profond, elles se faisaient face.

Les deux hommes étaient de grande taille, bâtis comme des loups et aussi souple que des panthères. Ils avaient perdu leurs boucliers ; leurs corselets étaient bosselés et déchirés. Du sang séché maculait leurs cuirasses ; leurs épées étaient tachées d'écarlate. Leurs casques à cornes portaient la trace de coups féroces. L'un d’eux était imberbe et ses cheveux étaient noirs ; la chevelure et la barbe de l'autre étaient aussi rouges que le sang sur la neige ensoleillée. « Jeune barbare ! » déclara celui-ci « Dis-moi ton nom afin que mes frères trépassés sachent quel fut l’assassin à plier genoux à terre sous l'épée d'Unferth ! »

« Ce n'est pas en guerrier victorieux et couvert de gloire que tu repartiras d'ici, chien ! » gronda le guerrier aux cheveux noir de freux. « Lorsque je t'enverrais rejoindre la fange immonde qui t'a vu naître, tu diras à tes bâtards de frères que tu as croisé le chemin d’Aodh ! »

Unferth poussa un rugissement et bondit ; son épée étincela comme elle décrivait un arc de cercle mortel. La lame s'écrasa en chantant sur le casque d’Aodh et vola en éclats au milieu d'étincelles bleutée. Le barbare vacilla ; devant ses yeux flottèrent des brumes rouges. Pourtant, comme il titubait, il porta une botte de toute la force de ses puissantes épaules. La pointe de l’acier arracha les mailles de cuivre et s'enfonça, brisant les os et écrasant le cœur. Le guerrier aux cheveux roux mourut aux pieds d’Aodh.

Le guerrier se tenait debout, son épée vers le sol, envahi d'une lassitude soudaine et d'un profond dégoût. L'éclat du soleil sur la neige blessait ses yeux tel un couteau aiguisé et le ciel parut se retirer, devenant étrangement lointain et différent. Il se détourna de l'étendue piétinée où des guerriers à la barbe blonde gisaient auprès des tueurs aux cheveux roux, unis dans la mort. Il ne fit que quelques pas et soudain la lueur ardente des pentes neigeuses fut occultée. Une vague de ténèbres l'engloutit et il tomba dans la neige, ne se tenant que sur un bras bardé de fer, secouant la tête pour chasser l'obscurité de ses yeux comme un lion agiterait sa crinière.

La fille des neiges
« Elle était indomptable comme un vent du nord, aussi souple et redoutable qu'une panthère des neiges. »

Un rire cristallin parvint aux oreilles d’Aodh, transperçant son vertige ; sa vue redevint lentement normale. Il leva les yeux. Le paysage alentour lui semblait curieusement transformé, une étrangeté qu'il ne parvenait pas à situer ou à définir, une teinte inconnue du ciel et de la terre. Mais il n'y songea pas longtemps. Devant lui, ondoyant comme des arbrisseaux sous le vent, se tenait une jeune femme. Pour ses yeux éblouis, le corps l’inconnue semblait d'ivoire ; à l'exception de légères peaux tissés des fils les plus fins, elle était aussi nue qu'au premier jour. Ses pieds délicats étaient plus blancs que la neige qu'ils foulaient avec dédain. Elle riait en regardant le guerrier déconcerté ; son rire était plus mélodieux que les doux clapotis de fontaines argentées, et cependant empreint d'une cruelle moquerie. 

« Qui es-tu ? » demanda le barbare « D'où viens-tu ? »

« Heiajaheia ! Heia ! Quelle importance ? » répondit-elle.

Sa voix était plus musicale qu'une harpe aux cordes d'argent, mais exprimait aussi une certaine cruauté. Aodh contemplait l’apparition, fasciné. Sa chevelure semblait d'un or de fée ; le soleil se reflétait sur ses tresses avec une violence telle que le guerrier avait presque mal à les regarder. Ses yeux, de même, n'étaient ni tout à fait bleus, ni tout à fait gris ; leur couleur était changeante, pleines de lueurs dansantes et de nuances qu'il aurait été incapable de définir. Ses lèvres rouges et pleines souriaient ; de ses pieds menus à la couronne aveuglante de sa chevelure tombant en cascade, son corps d'ivoire était aussi parfait que le songe d'un dieu. Le sang du barbare martelait ses tempes.

« Dis-moi femme, as-tu vu la lueur de cuirasses sur les plaines enneigées ou aperçu des hommes en armes venant dans cette direction ? » S’enquit le guerrier, afin de savoir s’il avait bien vengé les siens.

Elle répondit : « Wallalallalala leiahei ! J’ai vu la gelée blanche étinceler au soleil. Et j’ai entendu le chant de l’épée murmurer parmi les neiges éternelles. »

Aodh secoua la tête en soupirant.« Quelles sont ces paroles que tu profères ? Elles révèlent autant qu'elles ne dissimulent. Je ne sais d'où tu viens mais certainement pas de loin, habillée comme tu l’es. Conduis-moi vers ta demeure car mes blessures m'ont affaibli et je suis épuisé de ces combats. »

« Heiajaheia ! Heia ! Heia ! Ma demeure se trouve plus loin que tu puisses aller... » dit-elle en riant.
Ecartant ses bras, elle se balança devant lui, sa tête blonde s'inclinant avec sensualité. Ses yeux scintillants étaient à demi ombragés par de longs cils d'or. « Heia ! Haha ! Heiajaheia ! Ne suis-je pas belle, guerrier ? »

« Aussi belle que l'Aube courant nue sur la neige » murmura-t-il. Ses yeux brûlaient comme ceux d'un loup.

« Wallalallalala leiahei ! Tu me contemples avec un regard de convoitise » renchérit-elle. « Le puceau voudrait sans doute être déniaisé ! » Elle éclata de rire.

« Weia ! Waga ! Wagalaweia ! Vais-je te laisser jouer avec moi ? »  Minauda la nymphe. « Wallala weiala weia ! Quel sera le prix que je demanderais au barbare pour lui offrir mes charmes ? » Elle venait de lancer une question qui n’attendait aucune réponse. « L’épée enchantée volée par Grendel ! » conclut-elle en tendant ses bras blancs vers le guerrier. Ce dernier se sentit troublé par la demande que lui faisait le mirage. « L’épée enchantée ? Que me chantes-tu là ? » répliqua-t-il d'un ton plus sec.

« Heiajaheia ! Heia ! Haha ! Tu veux le savoir ? Alors qu'attends-tu pour te relever et me rattraper ? Quel est ce vaillant guerrier qui reste prostré à terre devant moi ? » Chanta la jeune femme avec une raillerie à rendre fou tout être humain. « Allonge-toi donc et meurs dans la neige comme ces autres fous, Aodh à la noire chevelure. Tu ne saurais me suivre là où je voudrais t'amener ! Heia ! Haha ! Heiajaheia ! »

Avec un juron, le guerrier se redressa et se mit debout. Ses yeux flamboyaient, son visage sombre et couvert de balafres était déformé par la colère. La rage ébranlait son âme, mais le désir que lui inspirait cette silhouette au rire moqueur et l’épée qu'elle avait évoqué embrasait son sang et martelait frénétiquement ses tempes. Une passion aussi violente qu'une douleur physique inonda tout son être ; la terre et le ciel s'empourprèrent et tanguèrent sous ses yeux. La folie qui l'envahit chassa de son corps la fatigue et le dégoût.

Sans prononcer un seul mot, il s'avança vers elle, tendant les doigts pour saisir ce corps si doux. Avec un gloussement, elle fit un bond en arrière et se mit à courir ; elle tourna la tête et rit par-dessus son épaule blanche. Poussant un grognement sourd, Aodh la suivit. Oubliée la bataille, oubliés les guerriers bardés de fer baignant dans leur sang ! Il ne pensait plus qu'à la silhouette blanche et svelte qui semblait plus flotter que courir devant lui.
La poursuite le mena à travers les plaines enneigées et aveuglantes. Le champ de bataille rougi et piétiné disparut derrière lui, mais Aodh continua, avec la ténacité silencieuse de sa race. Ses bottes cuirassées de fer écrasaient la croûte gelée du sol ; il s'enfonçait profondément dans les coulées de neige mais avançait tout de même, porté par sa seule énergie brute. La jeune femme, elle, dansait sur la neige, aussi légère qu’une plume flottant sur un bassin ; ses pieds nus laissaient à peine une empreinte sur la gelée blanche recouvrant le sol. Le froid transperçait la cuirasse et la tunique doublée de fourrure du barbare, le mordant cruellement, et ce, en dépit du feu qui irradiait dans ses veines ; l’apparition dans son voile arachnéen courait aussi légèrement et aussi joyeusement que si elle dansait parmi les palmiers et les roseraies de Shadizar.

Elle courait encore et toujours et Aodh la suivait. De noires imprécations sortaient des lèvres desséchées du guerrier. Les grosses veines de ses tempes étaient gonflées et battaient ; il grinçait des dents avec fureur.

« Tu ne m'échappera pas ! » rugit-il. « Conduit-moi vers un traquenard et tu le regretteras ! Cache-toi et je fendrai en deux les montagnes pour te retrouver ! »

Les lèvres du guerrier se couvrirent d'écume comme le rire ensorceleur de la sirène flottait jusqu'à lui. Elle l'emmenait de plus en plus loin, vers des régions désolées. Le paysage se transforma. Les vastes plaines furent remplacées par des collines basses qui se succédaient et s'élevaient en un alignement irrégulier. Loin vers le nord il entrevit des montagnes titanesques, bleues dans la distance, ou rendues blanches par les neiges éternelles. Au-dessus d'elles apparurent les faisceaux éclatants de l'aurore boréale, lames gelées de lumière froide et ardente, aux couleurs changeantes, et qui envahirent le ciel en dessinant un éventail toujours plus large et lumineux.

Au-dessus de lui, les cieux flamboyaient et crépitaient, emplis de lueurs et d'éclairs insolites. La neige brillait étrangement, tantôt d'un bleu gelé, tantôt d’une écarlate glacée, et parfois d'un argent froid. Aodh courait toujours à travers ce royaume enchanté aux chatoiements glacés ; il s'enfonçait avec obstination dans un labyrinthe de cristal où la seule réalité était le corps blanc qui dansait sur la neige étincelante, hors d'atteinte, toujours hors d'atteinte !

Ils parvinrent finalement à une crevasse, dissimulée sous une épaisse couche de glace dans les ténèbres de laquelle le duo s'engouffra. « Tu ne peux m'échapper ! » Avec un cri d'épouvante, la jeune femme s’enfuit plus rapidement. A présent, elle ne riait plus et ne se moquait plus du guerrier par-dessus sa blanche épaule. Elle courait comme si sa vie était en jeu. Le combattant mit à contribution le moindre de ses nerfs et de ses muscles et bientôt, ses tempes semblaient sur le point d'éclater. La neige tangua, rouge devant lui ; pourtant elle se maintenait hors de sa portée, toujours plus profond dans la caverne. Elle ne forma plus qu’une silhouette à peine plus grande qu’un enfant, puis une flamme blanche dansant sur le sol rocheux, enfin une vague tache dans l'horizon obscur. Aodh serra les dents, au point que le sang coula de ses gencives, et continua de courir avec peine. Il vit la tâche grandir et se transformer en une petite flamme blanche dansant sur le sol rocheux, puis en une silhouette aussi grande qu’un enfant. Et désormais, elle courait à moins d'une centaine de pas devant lui. Lentement, foulée après foulée, l'écart entre eux s'amenuisait.

Elle courait avec effort à présent, ses cheveux blonds flottaient sur ses épaules ; il entendait son souffle rapide et haletant. Il perçut la lueur terrifiée au fond de ses yeux, comme elle regardait rapidement derrière elle. La farouche endurance du guerrier était enfin récompensée. Les jambes de de la nymphe, d'une blancheur éclatante, perdirent de leur agilité ; sa course devint incertaine. Dans l'âme indomptée d’Aodh s'embrasèrent les feux de l'Enfer qu'elle avait si bien su allumer. Avec un rugissement inhumain, il la rejoignit au moment où elle se retournait avec un cri d'horreur, et elle tendit ses bras pour le repousser.

Son épée tomba au sol comme il l'attirait et la serrait contre lui. Le corps svelte de l'apparition s'arqua en arrière. Elle se débattait avec une fureur désespérée, prisonnière des bras d'acier du guerrier. Ses cheveux d'or volaient autour du visage d’Aodh, l'aveuglant de leur éclat ; le contact de son corps svelte se tordant entre ses bras bardés de fer fit naître en lui une folie plus aveugle. Ses doigts puissants s'enfoncèrent profondément dans la peau délicate de la jeune femme, une peau aussi froide que la glace. Il eut l'impression d'étreindre non une femme de chair et de sang, mais un être de glace ardente. Elle rejeta sa tête de côté pour éviter les baisers impétueux qui meurtrissaient ses lèvres rouges.

« Tu es aussi froide que la neige ! Mais je vais te réchauffer avec le feu qui court dans mes veines ! »

Avec un cri, dans un ultime mouvement de révolte, elle se dégagea de l'étreinte d’Aodh, laissant entre les doigts du guerrier son vêtement en peau. Elle s'écarta d'un bond et lui fit face. Ses seins d'albâtre se soulevaient rapidement, ses yeux magnifiques s'écarquillaient de terreur. Un instant, Aodh resta figé, saisi d'une crainte respectueuse devant sa redoutable beauté comme elle se tenaient ainsi, nue sur la neige.

Soudain, les yeux de ce visage aux traits fins ne fut plus estourbit. Malicieux et machiavéliques, ils pétillaient d'intelligence et l'expression de terreur avait glissé du visage de la créature comme un masque. « Walalalala ! Heia ! Haha ! Heiajaheia ! Le brave guerrier est arrivé là où je le souhaitais. »

Le rire cristallin résonna de nouveau et la curieuse femme leva alors les bras vers l'obscurité du plafond de la grotte d'où s'extirpa une lumière dorée aveuglante. Aodh s'élançait en avant, tendant les bras pour la saisir, lorsque, dans un formidable craquement évoquant un glacier se disloquant, le haut de la caverne se transforma en un brasier de glace. Le corps de la femme fut soudain baigné d’une flamme dorée et chaude, si aveuglante que le guerrier porta vivement ses mains à ses yeux pour les protéger de la lueur intolérable.

Aodh tituba alors, et poussa un cri. La tentatrice s’était envolée.

Les galeries de l’Enfer

« Le barbare parcourut les galeries de l’Enfer ; en travers de son chemin tombèrent les ombres sinistres de créatures létales et innommables, monstres aux mâchoires écumantes. Les ténèbres résonnèrent de cris et de hurlements quand le barbare parcourut les galeries de l’Enfer. »

Aodh…

Le barbare ressemblait à l'un des corps sans vie qu'il avait vu sur les champs de bataille où il avait guerroyé. Il essaya de lever la tête, mais ne parvint à la soulever que de quelques centimètres au-dessus du sol. Jamais il ne s'était senti aussi faible. Depuis combien de temps était-il là ? Il ne le savait pas. Des mouches vinrent bourdonner autour de sa tête. Il voulut les chasser, mais n'eut pas même la force de lever le bras qu'il avait raide, fragile comme le reste du corps. Il devait être là depuis un bon moment se disait-il en remuant un doigt après l'autre.

Sa tête était lourde ; ses pensées étaient les ombres fugitives du délire. Il se souvenait de l’escarmouche, d’avoir ensuite poursuivi une étrange femme dans la neige jusque dans l’obscurité d’une grotte, une lumière diaphane puis l’obscurité. Bientôt, il senti les ténèbres l'engloutir à nouveau et pour y résister, le barbare secoua tant bien que mal sa tête afin de chasser l'obscurité de ses yeux, comme un lion agiterait sa crinière.
Il inspecta la pièce autour de lui, plongée dans l’obscurité et tandis qu’il s’hasardait à avancer à tâtons dans la pénombre, le barbare entendit le cliquetis métallique des chaînes à ses pieds. Voilà qu’il s’était fait capturer. Aodh jeta un œil à l’anneau dans le mur et à cette entrave qui le retenait captif. Ses membres étaient libres, mais il savait que même sa force d’acier ne pourrait venir à bout de ses fers. La chaîne, dont les maillons étaient aussi épais que son pouce, était soudée à une épaisse plaque de métal qui enserrait sa taille et était aussi large que sa main. Un homme moins robuste que lui aurait péri sous le seul poids de ces liens. Les maillons qui reliaient la plaque à la chaîne étaient si massifs qu’un marteau-pilon n’aurait pu les ébrécher. Quant à l’anneau lui-même, il traversait de toute évidence le mur tout entier et était rivé de l’autre côté. 

Aodh jura et il sentit la panique le gagner comme il regardait ce puits de ténèbres qui semblaient se presser contre lui. Toutes les terreurs superstitieuses du barbare sommeillaient au fond de son âme, et la logique de la civilisation ne serait jamais parvenu à les entamer. Son imagination primitive peuplait l’obscurité souterraine de formes terrifiantes. De plus, sa raison lui disait qu’on ne l’avait pas conduit ici juste pour l’y retenir prisonnier. On l’avait placé dans cette fosse avec une intention bien précise, dont l’issue lui serait fatale.

Et alors que des pensées confuses traversaient son esprit, le barbare entendit un bruissement, et ce que ce bruit impliquait le fit frémir. Il se crispa avec une intensité douloureuse pour écouter. Une main glacée lui parcourut alors l’échine. Il n’y avait aucun doute, ce bruit était celui d’écailles souples glissant sur la pierre. Une sueur froide vint perler sur son corps comme il devinait une silhouette aux dimensions colossales, répugnante bien qu’encore indistincte. Elle se dressa en oscillant lentement et deux yeux jaunes et froids fendirent l’obscurité pour se poser sur lui. Une hideuse et énorme tête triangulaire sortit lentement des ténèbres sous les yeux grands ouverts du barbare, suivie, en de lentes reptations, de l’horreur ultime du développement reptilien.

C’était un serpent d’une taille inconcevable. Il faisait plus de quatre-vingts pieds de long et sa tête était plus grosse que celle d’un cheval. Ses écailles projetaient une lueur glacée dans la pénombre, blanche comme du givre. Assurément ce reptile était né et avait grandi dans l’obscurité, et pourtant, ses yeux maléfiques ne semblaient pas aveugles. Il lova ses anneaux gigantesques devant le barbare, et la grande tête vint se balancer à quelques centimètres de son visage. Sa langue bifide entrait et sortait, frôlant les lèvres du guerrier, et son haleine fétide lui donna presque la nausée. Les grands yeux jaunes s’enfoncèrent dans les siens, et Aodh lui renvoya le regard d’un loup pris au piège. Il combattit désespérément une impulsion subite de s’en prendre à lui à mains nues. Puisant au-delà de toute conception civilisée, il avait déjà brisé le cou d’un ours lors d’un terrible corps-à-corps au cours d’une chasse. Mais ce reptile était venimeux ; il avait vu les grands crocs de près d’un pied de long, incurvés comme des cimeterres. Il savait d’instinct que le liquide incolore qui s’en écoulait signifiait une mort instantanée. Il aurait peut-être pu écraser ce crâne triangulaire en lui assenant un coup de poing de toutes ses forces, mais il savait qu’au moindre mouvement, le monstre frapperait à la vitesse de l’éclair.

Si Aodh resta immobile, ce ne fut pas en raison d’une quelconque stratégie, puisque sa raison lui aurait peut-être conseillé -étant donné qu’il était condamné de toute façon- de provoquer le serpent pour qu’il attaque et en finisse ; c’était l’instinct de conservation, aveugle et noir, qui le faisait rester aussi rigide qu’une statue de fer. Puis le grand tronc se souleva et la tête du monstre le domina. Une goutte de venin tomba sur sa cuisse dénudée, et il crut qu’on venait de lui enfoncer une dague chauffée à blanc dans les chairs. Un cri d’agonie transperça son cerveau, et pourtant il resta immobile ; nul frémissement de muscle, nul battement de paupières ne trahit la douleur qui le foudroya et devait laisser une cicatrice qu’il portera jusqu’au jour de sa mort.

Le serpent oscilla au-dessus de lui, comme s’il cherchait à savoir s’il y avait ou non une once de vie dans cette forme immobile comme la mort. Soudain, un grand fracas résonna dans les ténèbres de la grotte. Le serpent, suspicieux comme tous ceux de sa race, se retourna avec une rapidité incroyable au vu de sa masse, et disparut le long du tunnel en un long glissement.

Une porte s’ouvrit et ne fut pas refermée. Une silhouette massive et sombre se découpa à la lueur d’une torche. Cette ombre s’avança, révélant une créature simiesque, immondice du monde sous-terrain à l’aspect effrayant. Son corps était d'un noir profond, insondable comme les ténèbres des eaux profondes. Sa chevelure était hirsute et d'une saleté repoussante. Sa chair avait une texture étrange, semblable à celle de la pierre. Ses yeux dardaient leurs flammes dans un visage informe et sans traits. Les bras de la chose révélaient leurs armes redoutables : ses mains gigantesques étaient composées de doigts griffus couronnés de cinq terribles ergots, aussi longs et effilés que des épées. Ces formidables couteaux pouvaient dépecer un homme d'une simple chiquenaude. Curieusement, une lame grossière pendait à sa hanche.

«Stupide voleur enfin réveillé ? »

Sous ses cheveux hirsutes, son visage difforme se fendit en une horrible grimace bestiale, révélant de grandes dents blanches et des yeux qui rougeoyaient à la lueur de la torche. « J’ai senti présence de toi dans ma grotte ! Voleur ! Voleur ! Toi pensé pouvoir voler trésor à moi ? » Aodh dardait son geôlier d’une mine déconcertée. « De quoi parles-tu créature ? De quel trésor es-tu en train de me rabattre les oreilles ? J’ai été piégé par les charmes d’une sirène à la chevelure d’or et emmené ici captif, par les chiens de l’enfer ! Comment ai-je pu me montrer aussi sottard ! » La créature s’ébroua. « Voleur et menteur ! Pas femme ici ! Grendel tout seul dans galerie ! » Grendel. Ce nom parut familier aux oreilles du barbare. Des bribes de la conversation étrange qu’il avait eu avec la jeune fille des neiges lui revinrent en mémoire. Le voleur, l’épée enchantée… une idée germa dans son esprit malingre. « Voleur et menteur ?! Mais qui de nous deux l’est plus que l’autre Grendel ? » Le monstre apparut interloqué. « Celui qui nie ou l’hypocrite qui condamne l’autre pour un crime qu’il a lui-même commis ? Pensais-tu que j’ignorais qu’autrefois, tu volasses une épée enchantée ? »

Comment l’homme pouvait-il savoir pour l’épée ? La bête immonde trembla de stupeur. Ses puissants membres tremblaient comme des feuilles ballotées par le vent d’automne. « Tu me traites de voleur et de menteur mais tu serais bien avisé de regarder ton reflet dans la rivière avant de porter tes accusations sur moi ! » Le barbare rusait, les paroles sifflaient à ses lèvres, aussi coupantes et affûtées que des lames de poignard. « Aaaah ! » rugit la bête, attaquée dans son orgueil. « Grendel plus intelligent que toi ! Car Grendel pas attrapé pour vol » Il lui tira grossièrement la langue, à la façon d’un enfant. « Cela reste à prouver stupide animal ! » Le barbare ne cessait de provoquer la bête, son instinct de survie l’intimait à le faire. « Voleur vouloir jouer ? Grendel aimer les énigmes ! Alors toi et Grendel jouer aux devinettes pour voir qui est plus malin ! Si toi réussir, toi pouvoir partir et moi te donner les clefs ! » Il agita les clés sous les yeux d’Aodh. « Et si tu l’emportes, tu disposeras de ma carcasse comme bon te semblera, je n’opposerais aucune résistance. » Rétorqua laconiquement le barbare, juste avant de poursuivre : « Je commence. Dis-moi ce que j’avais hier. Sais-tu ce que c'était ? Elle embarrasse l'esprit, retient et précipite les paroles. Grendel, réfléchis à l'énigme. » La créature roula de grands yeux puis décrivit trois tours sur elle-même avant de se tourner vers le barbare, la mine réjouie. « Bonne ! Bonne énigme ! Elle est devinée ! Bière, bière ! Elle blesse l'esprit de beaucoup, et beaucoup sont bavards quand ils sont pris de bière ! Mais à quelques-uns la langue s'embrouille, en sorte qu'ils ne peuvent proférer une parole ! »

Aodh laissa s’échapper un grognement. « A moi ! Quel est celui-ci, le résonnant, qui va par des chemins difficiles ! Et déjà il les a parcourus. Il embrasse très fort, celui qui a deux bouches, et ne marche que sur de l'acier ! Réfléchis à l'énigme voleur ! »

Le barbare parti dans un rire sauvage. Bien trop facile pour lui. « Ton énigme est pitoyable, Grendel. Elle est devinée. C'est le marteau du forgeron : il crie haut et fort quand il frappe la dure enclume, et c'est là son chemin. Maintenant c’est mon tour ! Quelle créature était-ce là, que je vis au-dehors ? Elle a huit pieds et quatre yeux, mais plus haut, genou ni ventre. Grendel, réfléchis à mon énigme. »

Cette fois-ci, la créature difforme enfouit son visage dans les paumes de sa main en sautillant, visiblement en proie à une profonde réflexion. La trogne n’en ressortit qu’une fois la réponse trouvée : « Pouah ! C'est une araignée ! Beurk ! Vilaine ! » Une nouvelle fois, le barbare pesta et avant qu’il ne puisse ajouter quelque chose, le jeu d’énigme se poursuivit. « Quelle est cette merveille que je vis au-dehors ; pierres blanches, volantes frappent, mais noires dans le sable s'enterrent. Réfléchis à mon énigme, voleur ! »

« J’ai été soumis aux caprices du temps plus de fois qu’il n’en faut au cours d’une vie Grendel. Ton énigme est trouvée, il s’agit de la grêle et de la pluie ! La grêle frappe le chemin mais les gouttes de pluie sombrent dans le sable et disparaissent dans la terre. »

« Raaah ! Toi malin voleur ! Mais Grendel pas avoir dit son dernier mot ! »

« En attendant, c’est à mon tour. Ecoute celle-ci, si tu parviens à trouver la réponse alors considère que j’ai perdu ! Mais si en revanche tu échoues, tu me libéras de mes entraves ! »

La créature sembla d’accord. « Plus dur que de la corne, plus noir que le corbeau, plus blanche que la membrane intérieure de l'œuf, plus droit que le bâton. Réfléchis à ma dernière énigme Grendel ! »

Un silence de mort pesa dans la cellule. Cette fois-ci, la créature difforme ne bougeait plus, ne s’excitait pas davantage. Elle avait une mine circonspecte et le regard sévèrement idiot d’une poule en train de couver un œuf. Et tandis qu’il prenait ceci comme un aveu de faiblesse, Aodh déchanta rapidement puisqu’à présent, les yeux de ce visage monstrueux n'étaient plus hagards, sombres et songeurs. Ils pétillaient d'intelligence et de cruauté. L'expression d'imbécillité avait glissé du visage de la créature comme un masque. « C'est de l'obsidienne et les rayons du soleil brillent dessus ! »

Grendel n’eut pas besoin d’entendre la confirmation du barbare, son expression abasourdie parlait d’elle-même. La créature venait de remporter la joute de l’esprit et déjà elle planta ses jambes massives, semblables à deux épaisses colonnes d’ébène, dans le sol et brandit sa grande épée à deux mains, tous ses muscles saillants illuminés par la torche. « Tu meurs voleur ! » Et à cet instant précis, l’ombre titanesque qui se tenait derrière Grendel se jeta en avant et la tête triangulaire frappa avec une puissance si terrible que l’impact se répercuta le long des parois des tunnels. Pas un son ne s’échappa des lèvres disgracieuses qui s’ouvrirent toutes grandes le bref instant que dura l’agonie. Aodh vit la vie abandonner les grands yeux écarquillés à la vitesse d’une bougie que l’on mouche. Sous la puissance de l’attaque, le corps fut projeté en travers du couloir et aussitôt la grande forme sinueuse vint s’enrouler autour, ses horribles replis cachant le cadavre aux yeux du barbare, qui entendit distinctement les os de Grendel se rompre et se faire broyer.

Puis quelque chose fit battre le sang plus rapidement encore dans ses veines. L’épée et les clés avaient été projetées par le choc et avaient atterri en résonnant sur le sol de pierre… Et les clefs ne se trouvaient qu’à quelques pas du barbare.

Aodh…

Il se pencha afin de les atteindre, mais sa chaîne était trop courte ; presque suffoqué par son cœur qui battait la chamade, il ôta une de ses bottes de fourrure et réussit à les atteindre du bout du pied. Il ramena alors son pied sous lui et s’empara frénétiquement des clés, étouffant à grand-peine le cri de joie qui lui était instinctivement monté à la gorge.

Aodh manipula les clés quelques secondes et se retrouva libre. Il ramassa l’épée et scruta autour de lui. Son regard ne rencontra que les ténèbres, celles-là mêmes dans lesquelles le serpent avait traîné la chose sanglante et mutilée qui n’avait plus grand-chose à voir avec le corps d’origine. Le barbare se concentra alors sur la porte restée ouverte. Il parvint à celle-ci en quelques enjambées et s’empara d’une torche logée dans une niche. Il s’enfonça dans un long couloir, l’épée à la main. Il ne vit aucun signe du serpent ou de sa victime, apercevant seulement une grande trainée de sang sur le sol de pierre.

Il se mit à courir dans la direction de la galerie principale et parvint à une petite pièce carrée dans laquelle deux tunnels débouchaient à angle droit. Comme il entrait dans cette salle, il aperçut l’espace d’un instant fugitif une sorte de masse sur le sol, juste devant lui ; avant qu’il puisse s’arrêter ou la contourner, son pied heurta cette substance molle qui céda sous lui et émit un cri aigu. Le barbare alla s’étaler de tout son long ; la torche lui échappa des mains et s’éteignit en touchant les dalles de pierre. A demi assommé par sa chute, Aodh se releva et tâtonna dans les ténèbres. Il était désorienté, incapable de dire dans quelle direction se situait la galerie principale. Il ne chercha pas à retrouver sa torche puisqu’il n’avait aucun moyen d’en raviver la flamme. En tâtonnant il resta à avancer ainsi le long de ce couloir dans le noir, il ne le saurait jamais, mais soudain ses instincts barbares le prévinrent de l’imminence d’un danger. Il s’immobilisa et ne bougea plus.

Il éprouvait une sensation identique à celle qu’il avait eue lorsqu’il s’était retrouvé sur le rebord d’un grand précipice dans l’obscurité. Il se mit à quatre pattes et poursuivit sa progression ainsi, mains tendues vers l’avant. Celles-ci rencontrèrent le rebord d’un puits, et il semblait que le souterrain se terminait à cet endroit. Il glissa la main le long de la paroi du puits, qui était froide et visqueuse. Apparemment le trou était à pic. Il tendit la main de l’autre côté et la pointe de son épée effleura la paroi opposée. Il avait donc l’option de bondir de l’autre côté, mais jamais cette idée ne traversa son esprit. De toute évidence il avait emprunté le mauvais tunnel et la galerie principale se trouvait quelque part derrière lui.
Comme il réalisait ceci, Aodh sentit un léger mouvement d’air. Un vent ténébreux montait du puits et agitait sa crinière noire. Les chairs d’Aodh se contractèrent. Il tenta de se convaincre que ce puits rejoignait d’une façon ou d’une autre la surface, mais ses instincts lui disaient que ce courant d’air n’avait pas une origine naturelle.

Il se releva, recula, et à ce moment quelque chose sortit du puits en flottant. Ce que c’était, Aodh n’en avait aucune idée. Il ne pouvait rien voir dans l’obscurité, mais il sentit distinctement une présence, une forme d’intelligence invisible, intangible, qui flottait sinistrement dans les airs. Il tourna les talons et s’enfuit par le chemin d’où il était venu. Loin devant, il aperçut une minuscule lueur rouge. Il s’avança dans sa direction, mais bien avant de l’atteindre, il buta la tête la première contre un mur, et il vit que la lueur était à ses pieds. C’était sa torche ; si la flamme était éteinte, une braise rougeoyait encore à une extrémité. Il s’en empara précautionneusement et souffla dessus pour raviver la flamme. Il pourra un soupir de soulagement lorsqu’elle jaillit. Il était revenu dans la pièce où se croisaient les tunnels et du coup recouvra son sens de l’orientation.

Il identifia le couloir par lequel il avait quitté la galerie principale, et alors qu’il s’élançait dans sa direction, sa torche se mit à crépiter furieusement, comme si des lèvres invisibles soufflaient dessus. Il sentit de nouveau une présence, et il leva sa torche, scrutant les ténèbres.

Il ne vit rien ; pourtant, confusément, il sentit une présence invisible dans les airs, une chose ruisselante de bave, proférant des obscénités qu’il ne pouvait entendre, mais qu’il comprenait néanmoins instinctivement. Il porta une botte vicieuse dans le vide, mais ce fut comme si son épée fendait des toiles d’araignées. Il fut saisi d’une horreur glacée et il s’enfuit le long du tunnel, sentant le souffle d’une haleine fétide et brûlante sur son dos.
Mais lorsqu’il parvint dans la galerie principale, il ne sentit nulle présence étrangère, visible ou invisible. Il continua à s’enfoncer dans la galerie, s’attendant à tout moment à sentir les serres ou les crocs de créatures bondissant des ténèbres pour l’attaquer. Les galeries n’étaient pas silencieuses. De tous côtés, dans les entrailles de la terre lui parvenaient des sons qui ne pouvaient provenir d’un monde rationnel. Aodh entendait des couinements, des ricanements aux accents de joie diabolique, des ululements terrifiants. Il entendit même à un moment le long ricanement d’une affreuse créature qui se brise pour se transformer horriblement en un flot de paroles humaines particulièrement blasphématoires. Il entendit le bruit de pas feutrés et dans les bouches des tunnels aperçut les contours monstrueux de silhouettes difformes.

C’était comme se retrouver en enfer. Mais les formes ténébreuses ne s’aventuraient pas dans la grande galerie, même s’il pouvait distinctement entendre les bruits de succion de leurs babines salivantes et sentait des regards brûlants se poser sur lui. Et soudain le barbare comprit pourquoi : le bruit d’une reptation parvenait à ses oreilles. Electrisé, il gagna l’obscurité d’une galerie adjacente et éteignit sa torche. Il entendit le grand serpent qui glissait lentement le long de la grande galerie, encore engourdi après son horrible festin. Juste à côté du barbare, quelque chose gémit de peur et disparut en hâte se cacher dans les ténèbres. De toute évidence la grande galerie était le terrain de chasse du gigantesque reptile, et les autres monstres lui laissaient le champ libre.

Pour Aodh, le serpent était la moins effrayante de ces horreurs ; il ressentait même une certaine parenté avec lui lorsqu’il se rappelait de la chose immonde qui avait couiné et pleuré, et de celle qui était sortie du puits, ruisselante de bave. Au moins le serpent était constitué de chair terrestre ; c’était une mort rampante, certes, mais elle ne menaçait que son être physique, tandis que ces horreurs représentaient un danger pour son esprit et son âme.

Après avoir été dépassé par le serpent, Aodh ralluma la torche et le suivit dans le couloir, restait à ce qu’il estimait être une distance respectable. Il n’avait pas progressé bien loin lorsqu’il entendit un gémissement sourd qui semblait émaner d’un tunnel proche, plongé dans l’obscurité la plus totale. La prudence lui dictait de poursuivre sa route, mais sa curiosité prit le dessus et il s’enfonça dans le tunnel, brandissant haut dans les airs sa torche, dont il ne restait pas grand-chose. Il se tenait prêt à toute éventualité mais ce qu’il vit, était la chose à laquelle il s’attendait le moins.

Aodh….

Il vit qu’il se trouvait à présent dans un grand corridor sombre qui semblait taillé dans la roche noire. Ce couloir n’était pas éclairé, mais par quelque sortilège il y voyait comme en plein jour. Le sol, le plafond et les murs étaient lisses et luisaient sombrement. Ils étaient sculptés de bas-reliefs représentant des figures antiques. Aodh frissonna en découvrant les gigantesques contours incertains d’innommables créatures et il comprit alors qu’aucun mortel n’avait foulé ce corridor depuis des siècles.

Aodh…

Il parvint jusqu’à un large escalier creusé dans la roche, dont les parois s’ornaient de symboles ésotériques si anciens et terrifiants qu’il en frissonna d’horreur. Une représentation d’un gigantesque serpent était gravée sur chaque marche, si bien qu’à chaque pas il devait fouler du pied la tête de la créature ophidienne répugnante, ainsi qu’on l’avait prévu depuis des temps immémoriaux. Cela ne le tranquillisa pas pour autant.

Aodh…
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Une voix mystérieuse ne cessait pas d’invoquer son nom, et il aboutit enfin, dans des ténèbres qui auraient été insondables à ses yeux matériels, dans une étrange crypte dans laquelle il vit une silhouette diffuse d’un individu à longue chevelure, assise sur une tombe. Les cheveux du barbare se hérissèrent. A ce moment, la silhouette se mit à parler d’un ton moqueur.

« Heihahajaheiha ! Je vois que tu as survécu… » Aodh plissa le regard, cherchant à percer le voile de ténèbres qui recouvrait la pièce. Les muscles d’acier du barbare étaient tendus comme la peau d’un tambour et traduisaient une farouche impression de dangerosité, comme un loup pris au piège et n’ayant plus rien à perdre. Le barbare serrait entre ses mains fermes le manche de l’épée qu’il avait subtilisé à son tortionnaire. « Sors de ta tanière et montre-toi ! ».  La silhouette s’exécuta et la lueur éclairant le centre de la salle révéla alors des pieds menus et graciles qui se figèrent instantanément. Une paire d’yeux brillaient telles des joyaux bleutés depuis les ombres. « Aodh… Aodh… mon beau barbare… » A présent qu’elle vibrait à ses oreilles, mielleuse et cruelle à la fois, le jeune homme n’eut aucun mal à reconnaître la voix qui l’avait conduit à vivre toutes ces mésaventures dans les galeries de l’Enfer.

Aodh en était certain. C’était elle, la fille des neiges…

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