Il était presque onze heure, et l'on voyait au loin un homme marcher dans les rues, seul et visiblement occupé. Tsukasa, Wasaburo. Une feuille de papier griffonnée entre les mains, il vérifiait une dernière fois l'ensemble des informations qu'il avait pu récolter à propos de cette femme. Shylee Tsumo... Aussi belle que farouche, elle ne s'était pas laissée attendrir par ses tentatives de séduction, et l'avait, gentiment, éconduit. Un râteau comme il s'en distribuait tant d'autre chaque secondes à travers le monde. Sabu avait sagement courbé l'échine, approuvant qu'il serait déplacé qu'une histoire se crée entre collègue de travail, surtout au lycée, et il avait laissé à la professeur la tranquillité qu'elle demandait. Temporairement. Il n'était pas du genre à baisser les bras aussi vite, et comptais bien s'amuser comme il l'entendait. Avec ou sans son consentement. Ces évènements remontaient à quelques semaines déjà, et il avait pris soin de ne pas se faire remarquer jusque là, se contentant simplement de salutations polies à son égards. Il ne voulait pas attirer son attention sur lui plus que nécessaire, surtout pas avec ce qui se tramait dans son dos...
Les pas vifs de Sabu le menèrent à un pub, de réputation assez médiocre, et bien loin de son lieu de travail. L'avantage, c'était qu'il ne risquait pas de croiser qui que ce soit qui le connaissent, ici, et c'était tout ce qui comptait à ses yeux pour le moment. D'un coup d'oeil furtif, il dévisagea l'ensemble des personnes présentes, et repéra au milieu de la foule celui qu'il cherchait, celui à qui il avait donné rendez-vous. Un gars fiable, ayant peu de considération pour la loi ou ce qui s'y réfère. Un voyou, comme certains auraient dit, et c'était sans doute vrai, mais le plus important était qu'ils entretenaient d'assez bonne relation, en particulier dans le monde du combats de rue. Ce n'était pas de la sympathie, jusqu'à maintenant personne n'avait pu se vanter d'attirer la sympathie de Sabu. C'était simplement du business, parfois à la limite de l’illégalité, parfois bien au delà, un peu comme ce qu'ils complotaient actuellement...
- Elle s'appelle Shylee Tsumo, c'est une prof du lycée. C'est ni une camée, ni une alcoolo, et elle a pas l'air d'avoir de petit copain non plus. Enfin bref, t'as toutes les infos qu'il faut ici : l'adresse de son appart', les lieux où elle aime aller, et une p'tite description physique. Mais d'toute façon avec ses cheveux bleus, tu peux pas la louper, hein ?Ses premiers mots, sec et direct, après s’être assis près de l'homme en question. Nul besoin de paroles stériles et superflues, autant aller à l'essentiel, et les deux hommes le savaient. Dans le même temps, Sabu lui tendit la feuille où était inscrit le nécessaire, et posa ensuite sur la table une enveloppe qu'il tira de sa veste, enveloppe où se trouvait une somme d'argent non négligeable. Cela lui faisait un peu mal au coeur, de devoir payer pour ça, pour une simple femme. Mais, Shylee en valait la peine... Il ajouta alors, fixant d'un regard inflexible son interlocuteur.
- Un tiers maintenant, le reste plus tard, comme convenu. Tu sais ce qu'il te reste à faire... J'compte sur toi, me déçoit pas.L'homme acquiesça d'un léger signe de tête, le regard posé sur l'épaisse enveloppe qu'il convoitait. Il s'en empara d'un geste vif, comme un vautour fondant sur une proie isolée, et vérifia d'un oeil expert son contenu, avant de la glisser dans la poche pectorale de sa veste, avec le précieux papier contenant les informations donnée par le rouquin. Tout était en ordre, maintenant, il suffisait simplement d'attendre. Attendre que le piège se mettent en place, imprévisible, discret, et redoutable. Attendre le moment propice, que la petite brebis s'écarte du troupeau, et qu'elle tombe sans crier gare entre les griffes du grand méchant loup...
L'ambiance du bar était étouffante, et Sabu supportait mal les effluves d'alcools, de cigarettes, et de transpiration, qui agressaient inlassablement son odorat. Aussi, il se leva dans le plus grand silence (si l'on excepte les rugissements et autres braillements des assoiffés au comptoir) et sortit aussi vite qu'il était entré. Ils savaient très bien ce qu'ils devaient faire, et disposaient de toutes les cartes en mains pour réussir, les mots étaient donc devenus inutiles. Sabu rentra chez lui, à pieds. Il ne craignait pas d’être agressé, au contraire même, si ça lui permettait de se défouler un peu il se jetterait dans la mêlée avec allégresse. Un sourire en coin étira ses lèvres, satisfait de savoir que demain soir, la prof de maths aura une belle surprise en rentrant du travail... Ho oui, ils allaient follement s'amuser.
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Le lendemain, dix-huit heure, la nuit commençait déjà à étendre son voile sur les rues de Seikusu. Assis à son bureau de surveillant, dans une chemise bleu ciel assortie à ses yeux, Sabu attendait avec une certaine impatience la sonnerie qui annonçait la fin des derniers cours de la journée. Les dernières minutes avant la fin de son service, mais aussi de celle de Shylee. La douce et délicieuse Shylee, la paisible professeur de mathématiques, qui paraissait si petite et si fragile à coté de lui... Les yeux rivés sur la pendule fixée au mur, le regard concentré sur le battement régulier des aiguilles, ses doigts tapotaient nerveusement sur le rebord du bureau. Tic, tac, tic, tac...