Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Sujets - Lyan Rose

Pages: [1] 2
1
Archives / Une petite vidéo spéciale LGJ ? :D
« le: vendredi 20 février 2015, 02:52:09 »
[iframe=700,400]http://www.youtube.com/embed/mjNAJZlb7To?rel=0[/iframe]

Pour ceux pour qui l'iframe marcherait pas, pour une raison ou pour une autre, voici un lien youtube direct.

https://www.youtube.com/watch?v=mjNAJZlb7To

Voilà voilà ! :D

Ca m'a occupé un peu, et j'me suis bien amusé à la faire. Enjoy ! :D

2
L'Art / Silent Actor
« le: dimanche 14 décembre 2014, 16:51:46 »
« Since the Dawn of Times, all being bears darkness within their heart. [...] But you are not so chosen. [...] If you wish to defy this fact, the demon inside, then come and state your name, Seed of Man. »

"Depuis l'Aube des Temps, chaque être porte une certaine part de ténèbres en son cœur. Mais tu n'es pas si choisi. Si tu souhaites défier ce fait, le démon en toi, alors approche et prononce ton nom, Graine de l'Homme."

NOTE : Il s'agit de la suite d'un autre écrit datant de l'année dernière nommé Depuis les Ombres, à travers le Temps. Il est fortement conseillé de lire (ou relire) cet écrit avant de lire celui-ci.

Tu seras accordée d'un an. Fais de cette année le changement de toute une vie, de toute une existence. Tu n'auras qu'un an pour changer la face de ce monde, qu'il s'agisse de le détruire ou de le sauver. Change ta vie, et change ce monde. Toi, l'actrice silencieuse, toi qui ne regardais le monde qu'au travers d'un kaléidoscope. Depuis les ombres, à travers le temps, tu as toujours agi sans savoir quoi faire.

Silent Actor
Titre alternatif : Depuis les fins, à travers la vie.


Partie 1 : Another Code


13 Novembre 2011 – 15:45


- J'ai fait un rêve. Je revoyais ma terre d'origine, celle d'où je viens. Elle était en ruines. La fin du monde était là, et elle me tendait les bras. Et je ne pouvais rien y faire. Seules deux personnes continuaient à lutter pour survivre. Non pas pour sauver le monde, ils n'étaient pas aussi idiots que ça. Ils savaient que c'était peine perdue. Non, ils voulaient simplement survivre. Ces deux personnes fuyaient, se retournaient, avaient confié leur vie à l'autre. Tout ce qu'ils voulaient faire était vivre... qui sait s'ils ont réussi, au final ? Qui sait ce qui s'est passé ? Je n'en sais rien moi-même... Je n'ai pu que me réveiller, en larmes.
- Votre terre d'origine ?
- Je ne veux pas trop en parler... Vous ne me croiriez pas de toute façon.
- Nous sommes ici pour vous aider, mademoiselle. Vous le savez, pas vrai ? Vous traversez une passe difficile, on le sait. Si nous, et ce médecin, ne vous avions pas retrouvé... Qui sait ce qui se serait passé ?
- Je ne veux pas de votre aide. Vous le savez aussi bien que moi.
- Vous avez besoin de notre aide. Vous vous êtes terrée dans la solitude pendant un an après la perte d'un proche. Tout cela ne peut être que négatif pour vous. Alors maintenant, expliquez-moi toute cette histoire. Nous avons recherché dans les papiers officiels, et nous ne trouvons rien à votre sujet. Votre passé est un mystère. Vous êtes un mystère, mademoiselle. Rien ni personne au monde n'a entendu parler de vous avant ces deux dernières années. Je ne voudrais pas jouer un rôle qui ne m'appartient pas, mais tout cela est par définition... louche.
- Vous ne comptez pas abandonner, pas vrai ?
- Je n'abandonnerai pas, en effet. Pas avant de savoir ce qu'il en est de vous.
- Vous allez m'interner.
- On ne fera rien du tout.
- Oh que si, je vous connais. Vous allez m'interner.
- Enfin, arrêtez de perdre du temps ! Nous ne vous relâcherons pas avant de savoir, de toute manière.
- Bien... Quitte à finir entre quatre murs toute ma vie...

Alors elle prend son souffle, Mila Morgana. Elle respire. Le deuxième procès de sa vie, même si celui-ci est d'ordre médical. Elle va raconter à quelqu'un son passé. Pour la première fois depuis la mort de celui qu'elle considérait comme ce qu'elle aurait été si le sort avait fait d'elle un homme, et non pas une femme. Elle va raconter à cette bonne femme qui la harcèle tout ce qu'elle contient en elle. Non pas par choix, non. Elle veut juste partir – quitter cet endroit qui lui inspire si peu confiance. L'air empli de désinfectant, cette odeur de mort que l'on essaie de camoufler. Tout ce qui lui donne la nausée, et ce qui lui inspire un sentiment de rage. Elle n'a été que peu de fois dans un hôpital. Et cette fois, elle a été traînée ici de force. La douce joie des hommes zélés, toujours en quête de personnes à sauver. Le complexe du sauveur, cette foi en la douce hypocrisie qu'est rendre service pour obtenir remerciement. Petit sourire amer : s'ils veulent tant de merci, ils n'auront que des crachats dans leur paume grande ouverte.

Elle se met à tout dire à propos d'elle. Son passé. Sa provenance réelle. Mila Morgana, dix-neuf ans, née en 2495. La dernière de la lignée des Morgana, une expérience à l'échelle mondiale ayant pour but de créer l'humain parfait. Quelle ironie, lorsque cette théorie de l'humain parfait fut jugée en 2510 parce que le plus humain des humains s'avère être un potentiel danger envers l'humanité ! Depuis toujours, elle n'avait vu que des dos tournés et des formes de rejet. Alors le procureur qui l'a jugée, elle et personne d'autre, celui qui lui a tendu la première main, est devenu son sauveur. Elle a échappé à la mort pour la première fois grâce à cet homme. Elle est arrivée en ce monde, à cette époque, le 27 Novembre 2007. C'est là qu'elle a rencontré son frère d'une autre temporalité. Lui aussi un Morgana, lui aussi exilé. Seiker de son prénom. Aveugle. Et elle, la muette. Une rencontre qui n'était pas supposée se produire un jour.

Il lui avait parlé de leur mission en cette époque. Découvrir « la vérité » disait-il. Encore à cette époque, elle ne savait pas ce qu'il voulait dire par là. Il lui avait parlé de la boîte de Pandore. Eux deux étaient la première clé à la boîte. Le but était ici de refermer la mythique boîte de Pandore, la source de tous les maux dans ce monde. Ils étaient les humains les plus parfaits au monde. Ils étaient donc les mieux qualifiés pour cette tâche. A eux deux, ils allaient refermer cette boîte à jamais. Et pour ce faire, ils allaient devoir se battre. Il existe des mondes parallèles, Venari strigas, contenus à l'intérieur de créatures semblant humaines au premier abord. On les nomme Corrompus. Détruire leur apparence extérieure permet d'entrer dans ces mondes et en détruire l'intérieur également.

Tout se passait si bien.

Jusqu'à ce que Seiker décède lors d'un assaut dans un Venari strigas. Se battre n'était bien évidemment pas sans dangers : et la mort en était un. Elle avait traîné le corps de Seiker jusqu'à l'hôpital. C'est la première fois qu'elle allait dans cet endroit. Bien évidemment, le médecin ne pouvait plus rien pour Seiker, qui était déjà froid. Elle était repartie, avait enterré Seiker elle-même et avait gardé son arme. Elle ne voulait pas que quelqu'un d'autre la trouve par hasard. Depuis ce jour, elle avait retrouvé sa voix. C'est pourquoi elle était devenue artiste de rue, et ne vivait que de ses performances. Chasseuse de sorcières le jour, chanteuse dans les rues la nuit. Une vie monotone et solitaire.

Jusqu'à ce qu'un détective vienne mettre son nez dans ses affaires. Le médecin n'était pas resté les bras croisés lorsqu'il a vu une jeune fille porter un cadavre sur ses épaules. De plus, elle n'était pas difficile à retrouver. Avec ses yeux rouges, et sa chevelure de neige. Bien vite un homme était venu enquêter. Et c'est ainsi qu'elle se retrouvait ici, un peu moins d'un an après la mort de Seiker, devant une psychologue et un inspecteur de police, dans une chambre d'hôpital.


- Et voilà, voici toute mon histoire. Vous êtes satisfaits maintenant ? Qu'est-ce que vous allez faire ? M'interner ?

Elle ne croyait pas si bien dire. Le lendemain, les formulaires étaient prêts et elle se retrouvait dans une cellule spéciale. Capitonnée. Sans camisole de force, à la grande détresse des aides-soignants. Une élégie pour les détenus et les caméras de surveillance. Une élégie pour la jeune femme qui pleure, recroquevillée dans un coin de la cellule. Sortez les violons, faites pleurer les choeurs, chantez et dansez à la gloire de la jeune femme qui, pour avoir été trop honnête, s'est retrouvée prisonnière de son propre passé.

Chaque jour sonnait la même rengaine. Matin : médicaments. Midi : psychologue. Après-midi : confinement. Soir : médicaments. Et pour la nuit... le traitement l'abrutissait tellement qu'elle ne pouvait rien faire d'autre que dormir. Loin de son arme, Existence. Loin de celle de Seiker, Déchéance. Ce qu'elle ne voulait pas savoir, c'est ce qui allait se passer après. Que lui réservait demain ? Elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait pas l'admettre – mais la réponse la plus probable était claire et nette.

Elle ne sortirait jamais d'ici vivante, que ce soit demain ou dans cent ans.



11 Mars 2515 – 18:33

C'était un jour tout à fait normal, sans aucun obstacle dans ma vie. Un jour où j'étais dans un profond ennui. Je marchais dans la rue, sans prêter attention aux écrans autour de moi. Tous montraient un homme ventripotent, une mine d'enterrement. Qui ne savait pas qui était cet homme ? De nos jours, il n'existe plus que deux grands empires. La Néo-Brittanie, l'empire fondé sur les bases de l'ancienne Europe, étendu jusqu'à l'ancienne Asie, et les Nations d'Outremer, couvrant ce qui était autrefois l'Amérique toute entière et une multitude de continents. Celui qui parlait aujourd'hui n'était que l'Empereur Brittanien, Harper Morgana. Mes oreilles sont couvertes par mes écouteurs, je ne veux pas écouter cet homme. Je ne veux rien savoir, rien entendre, je ne veux pas communiquer avec le monde extérieur. C'est tout.

Écoute-le.

Me dit mon instinct.

Au même moment, la batterie décide de me lâcher. Adieu musique, bonjour le monde. Puisque je n'ai rien à faire, autant écouter ce vieux bonhomme. S'il est montré sur tous les écrans, c'est qu'il y a une raison. Je le regarde. Des larmes se forment dans le coin de ses yeux. Il a cette voix pitoyable, qui fait tout ce qu'il est. Un régent pitoyable, qui n'a fait que séparer de plus en plus la Néo-Brittanie. Un homme mou, sans volonté. Un type qui n'a accédé au pouvoir que par la succession. Sommes-nous toujours dans une démocratie ? Bien sûr, vous dira le citoyen modèle. Mais au fond, tout le monde sait ce qui se passe. Nous sommes entrés dans une ère de tyrannie. Non pas une dictature, non. Nous avons choisi notre destin, pas vrai ?


« Il est très malheureux que j'aie à dire cela, mais la fin du monde est aujourd'hui. »

Oh, attends. Pas possible. Vous devez être en train de vous foutre de moi. Il n'a pas dit ce que je pense avoir entendu, pas vrai ? Tout le monde a tourné la tête au même moment. Le premier coup de feu a résonné dans la rue. Les cris, la terreur. Tout s'installe en même temps. Mon premier réflexe a été de courir dans la direction du coup de feu. Si quelqu'un peut faire la différence, c'est moi. Je ne comprends plus ce qui se passe. C'est le chaos total. J'esquive toutes les personnes qui courent dans la direction opposée. Je suis le seul à aller dans cette direction. Tous les autres fuient. Ici et là, je vois des hommes en blouse blanche se frotter les mains.

« Merveilleux » disent-ils en murmurant, un grand sourire sur les lèvres.

Doute.

La musique revient dans mes oreilles. Ce n'était donc pas la batterie, tout a été fait pour qu'on entende très bien ce message. La fin du monde. Je ne sais pas encore comment, ni pourquoi. Mais mes yeux consultent tout. Je vois. Je vois tout. Le choeur des cris et des pleurs, les bâtiments qui semblent trembler. Un prêtre à genoux, en train de prier. Des hommes en uniforme, arme à la main, tirant dans la foule. Dans mes oreilles résonne une musique que je n'ai jamais entendu auparavant. Qui me fait passer un message.


« Tu veux survivre, n'est-ce pas ? »

Encore quelques mètres. Il est là, je le vois. Le premier d'entre eux. Je ne ferai pas usage de mon don tout de suite. Je me contente de courir vers lui. Il m'a vu, il me vise. Trop tard, mon ami. Je l'attrape par la gorge et je le plaque au sol dans le même élan, avant de lui prendre son arme. Ca ne vaut pas mes gantelets, mais on va faire avec. Il est temps de commencer la rébellion. Je tire sur tout ce qui porte un uniforme, j'essaie de gagner du temps pour laisser les civils s'échapper. Ils sont trop nombreux. Je ne vais pas tenir très longtemps...

« Tu veux survivre, n'est-ce pas ? »

Ne me dis pas quoi faire. Je sais très bien que si je continue ainsi, je suis condamné. Il est temps de se replier. Je me cache dans un bâtiment, en attendant que les forces se dispersent. Tout se déroule trop vite pour moi. Je n'arrive plus à suivre. Un de ces hommes en uniforme entre dans le bâtiment. Je le vois, il ne me voit pas. Je lui couvre la bouche, je lui plante le canon sous la gorge et j'appuie sur la gâchette. Je ne pensais pas que je tuerais un jour, ni que cela ne me procurerait aucune émotion forte. Je monte à un étage. Le son se coupe une nouvelle fois dans mes oreilles. Une voix que je connais bien prend la place de ma musique, à mon mécontentement.

- Cender ? Cender. Cender !
- Ca va, je suis encore en vie. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Ah... Rejoins-moi au bureau de la Justice, Cender. Il n'y a pas de temps à perdre. Fais aussi vite que possible.
- Bien, bien... J'arrive.

Le bureau de la Justice, hein... Ce n'est pas loin. A vrai dire, c'est juste à côté. J'ai de la chance. Je sors une petite capsule de ma poche. Elle contient ce qu'il y a de plus précieux à mes yeux. Mes armes. Deux gantelets des plus résistants, auxquels on a incorporé une multitude de fonctions, et deux bottes en métal très léger, elles aussi bourrées de fonctions très pratiques. J'active la capsule, et tout cela tombe devant mes pieds dans un bruit, il faut le dire, assez peu discret. Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, je dois les enfiler tout de suite et filer. J'entends des bruits de pas. On court vers moi. Je serai prêt à temps. Je frappe trois fois mon talon par terre. La première charge de vitesse s'active dans mes bottes. Le type en uniforme ne s'attendait sans doute pas à me voir partir comme une flèche devant lui. Son dernier souvenir sera sans doute la douleur d'un poing d'acier dans son estomac. Il s'écroule à mes pieds, les yeux révulsés. Bien... On peut continuer.

Je profite tant que la charge de vitesse est encore active pour descendre les escaliers en trombe, sortir dehors et affronter la masse d'uniformes devant moi. Qui sont-ils exactement ? Ce n'est pas l'uniforme de la milice, maintenant que je regarde... Je les vois. Ils me voient. Ils ouvrent le feu, alors que je les contourne. Le plus proche d'entre eux se prend mon tibia dans le bassin à pleine vitesse, et vole sur quelques mètres avant de s'enfoncer dans un mur. Ils ont eu la mauvaise idée de se regrouper. Maintenant que je suis en plein milieu, ils ne peuvent pas tirer sans se toucher entre eux. Personne ne m'arrêtera. Garder mes amis près de moi, et mes ennemis encore plus près. La base de ma vie et de mes pensées, en quelque sorte... Un de ces types a sorti un couteau et essaie de me planter avec, mais il est trop lent. Je dévie la lame avec mon gantelet, et je lui donne un bon coup de poing dans les côtes. Il me servira de bouclier humain, et aussi d'arme. Sa jambe est disponible, alors je l'attrape et je le fais décoller pour que son corps frappe tous ses camarades. Ils sont tous à terre : c'est le moment.

J'active une deuxième charge de vitesse. Il est temps de partir d'ici. Le bureau de la Justice se trouve à quelques centaines de mètres : avec une charge de vitesse, il s'agit d'une trentaine de secondes. Tout au plus une minute. Cours, cours. Je ne combattrai pas plus, mon corps commence à atteindre ses limites. Je vois le bureau. Personne devant, personne autour. Je peux entrer sans problèmes.

A l'intérieur m'attend un homme aux cheveux entre le gris et le brun, un type sans âge qui me regarde d'un air dur mais aussi soulagé. Le procureur connu pour avoir maintenu l'accusation face au procès du siècle, celui de Mila Morgana, l'humaine parfaite. Evan Rose, dans toute sa splendeur. Et aussi celui que l'on pourrait appeler mon père spirituel. L'atmosphère s'alourdit d'un coup. Des bruits de pas. Autour de nous. Ce n'est pas vraiment humain. C'est... des chiens ? Aboiements. Des chiens. Pourquoi maintenant ? Ca ne pouvait pas attendre, non, il fallait que ce soit des chiens. Petite explication : les chiens ne sont plus utilisés comme animaux domestiques depuis un décret datant de l'année 2334. Ce sont maintenant presque tous des chiens utilisés par la milice ou les services de dépistage. Et croyez-moi, vous ne voulez pas vous retrouver face à un de ces clébards.


- Bordel Evan, ils ont amené des chiens. On fait quoi, maintenant ?
- On fonce.

Il se dirige vers l'ascenseur, en me faisant signe de le suivre rapidement. Les portes se referment juste à temps, j'entends les chiens entrer dans le bâtiment. Aboiements, toujours. Les étages se succèdent, et je peux enfin reprendre mon souffle. J'en profite pour questionner Evan Rose, qui devrait en savoir plus que moi sur le sujet...

- Tu m'expliques, maintenant ? Pourquoi la ville est dans cet état ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi le vieux Morgana a déclaré la fin du monde ? On va tous mourir, c'est ça ?
- Une chose à la fois, Cender. La fin du monde, c'est quelque chose qui se trame depuis cinq ans. Vois-tu, les Morgana n'ont pas été très heureux de l'exécution de Mila Morgana, le résultat de siècles d'expériences. Ils ont donc passé cinq longues années d'études pour leurs représailles. Tu as dû remarquer les scientifiques qui se réjouissaient. Cette fin du monde est la fin de leur expérience. Nous n'étions qu'une expérience depuis le début, Cender.
- Tu le savais... et tu n'as prévenu personne ?!
- Calme-toi. M'aurais-tu pris au sérieux si je t'avais dit qu'un jour ou l'autre, les Morgana allaient lancer leurs forces spéciales et une myriade de bombes sur nous parce que leur précieux projet a été mis à mal ?

Il marque un point, ici. Jamais je n'aurais pris au sérieux un type qui se serait pris pour un prophète, procureur de génie ou non. La fin du monde, si je ne voyais pas une force armée tirer ouvertement sur des civils, je n'y croirais pas. Mais là...

- Bon, alors. C'est quoi ton plan, maintenant ? Je suppose que tu as quelque chose de prévu, après cinq ans à connaître leur plan oh si machiavélique...
- Bien vu, gamin. Et si je te disais que Mila Morgana n'est pas morte, et qu'elle travaille dur pour servir les intérêts de l'humanité ?
- Vu l'état des choses, je te croirais... Et donc, qu'est-ce que Mila Morgana a à voir avec tout ça ?
- Facile. Tu vas aller la rejoindre et l'aider.

L'aider ? La rejoindre ? Mais où elle est, alors ? Vu l'influence des Morgana, ils l'auraient retrouvée si elle était toujours en vie à notre époque...

Attends...
…. A notre époque ?


- Evan, ne me dis pas que...
- Cender. Ta prochaine destination est l'année 2011. Tu vas être l'élément clé. Tu vas être celui qui va sauver le monde. J'ai toujours su que tu aurais un destin de justicier quelconque, mais je ne pensais pas que je t'enverrai sauver l'humanité un jour.
- Tu es un grand malade.
- Je sais.

Je savais que ce type était louche, mais jamais, au grand jamais, je n'aurais pensé qu'il aurait pu faire ça. Cet homme devant moi a prédit tout ce qui allait se passer. Absolument tout. Il a envoyé Mila Morgana dans le passé, pour une raison qui m'échappe... Soit. Mais comment ? Les machines temporelles se font rares de nos jours, depuis l'abolition du voyage dans le temps. Les seules personnes qui les utilisent encore sont les historiens confirmés... Alors comment ? Pourquoi en a-t-il une ? Et comment a-t-il pu la dissimuler dans son bureau ? Car l'endroit où nous nous rendons, le dix-huitième étage du bureau de la Justice, est bel et bien le bureau du procureur Evan Rose.

Les portes s'ouvrent, et elle se tient devant moi. Je réalise enfin. La machine à remonter le temps n'est pas dans son bureau – son bureau est la machine. J'ai passé quelques temps dedans, et je savais que certaines choses n'étaient pas censées être dans un bureau de fonctionnaire. Et cette salle en était remplie. Il s'assoit à son bureau, tranquillement. Il sait que les chiens ne viendront pas ici. Il tape des choses à son clavier. Des mécanismes se mettent en place. J'entends le bruit de la technologie.


- Bien, c'est prêt. Va t'asseoir sur le siège, là-bas.

Il relève la tête avec un sourire. Je vais donc m'asseoir sur un siège des plus banals, au fond de la pièce. Je ferme les yeux, tandis qu'il me parle. De ce que je dois faire là-bas. Ce que je dois accomplir. Ma mission, là où personne ne pourra m'atteindre. Son sourire ne meurt pas. Et pourtant, lui mourra bientôt. Comme si j'étais la certitude que le monde n'allait pas être détruit, au final. Il finit de me donner ses instructions.

Il baisse un levier.

Le reste n'est que vide dans mon esprit, tandis que je remonte les époques.




22 Novembre 2011 – 15:45

Combien de temps s'était écoulé depuis son internement ? Jours sans fin, nuits si longues. Si pénibles. Cette fatigue, qui la détruisait intérieurement. Pourquoi elle ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Le monde peut bien finir, ce ne sont pas eux qui bougeront. Une illusion. Tout est une illusion. Elle a si peur, si froid. Mais le traitement lui ordonne de rester calme. Alors elle reste calme. La peur de rester ici à tout jamais est devenue une légère inquiétude. Elle est devenue si passive. Comme un jouet que l'on aurait cassé. Et qui ne serait jamais réparé, toujours abandonné. Ses forces l'ont abandonnée. Plus aucun espoir de sortie, ni aucune volonté. Elle n'est plus qu'une poupée de chair, dorénavant. Tout est fantaisie, illusion. Elle ne peut pas être coincée là à jamais, pas vrai ?

La porte s'ouvre. Elle daigne à peine lever les yeux. Un infirmier qui la regarde, prend des notes, et referme la porte. Elle n'a même pas de lit sur lequel s'installer. A même le sol capitonné. Avec en tout et pour tout un oreiller, un matelas, une couverture si mince. Elle est enroulée dans la couverture, assise sur le matelas. Ses yeux contemplent le vide. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Alors elle regarde le ciel. Ce qu'elle reconnaît maintenant comme le seul ciel qu'elle verra dans sa vie. Ce plafond. Capitonné. Elle n'a même plus la rage de se rebeller, plus aucune vie dans ses yeux. Tout est illusion. Tout est fantaisie. Pourquoi fait-il si froid ? Oh, elle a encore dû oublier de payer le chauffage. C'est ça. Elle est chez elle, en train de délirer. Alors Existence et Déchéance ne doivent pas être loin. Et sa guitare non plus. Elle se met à tâtonner, dans la chambre. Elle rampe aux quatre coins, son regard vide parcourant le sol. Pourquoi il n'y a rien ? Pourquoi le sol est-il si mou ?

Si ironique, l'état de Mila Morgana. L'humaine la plus parfaite, en proie à une détresse qui la fait délirer. Qui sait encore ce qui est vrai ou faux pour elle ? Dieu se moque bien de ce qu'il regarde, il n'est que spectateur. Les imperfections, il les a créées de toutes pièces pour son propre divertissement. Petit à petit, elle commence à réaliser. Ce n'est pas un rêve ni une hallucination. Elle a bel et bien tout perdu, jusqu'à sa liberté. La porte s'ouvre de nouveau. Bruits de pas. Elle reconnaît la démarche. Elle ne tente pas de fuir, ni de s'approcher. Elle reste stoïque. On lui parle, à elle. Mais elle n'écoute pas.


- Mademoiselle Morgana. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

Pas de réponse. Un long silence qui s'installe. Elle regarde à peine cet homme en blouse blanche, un carnet à la main. Il est patient, il attend. Elle ne fait que le regarder de biais, sans ouvrir la bouche. Dans ses yeux à lui, on peut voir comme un semblant de compassion. Un médecin tombe toujours sous le charme de son métier d'une façon ou d'une autre. Certains sont fascinés par la maladie. Les autres sont fascinés par leurs patients. Lui faisait partie de la catégorie du milieu. Les maladies mentales étaient la raison pour laquelle il a commencé à étudier. Puis la singularité de chaque patient, dans toute sa généralité, l'avait plus intéressé. Illusion, encore une fois. Il n'y a ni bien, ni mal. Ni blanc, ni noir. Juste une palette de gris plus ou moins clairs, plus ou moins foncés. Et Mila le savait : celui-ci n'était ni clair, ni foncé. Un salaud ordinaire.

Accessoirement psychiatre.

Il ne faisait plus son métier pour soigner, non. Il le faisait pour observer, prendre des notes, découvrir. Quand bien même son patient ne soignerait pas, peu lui importait. Au contraire, s'il pouvait avoir plus de renseignements... Semblant de compassion, donc. Une illusion, encore une fois. Tout est illusion, tout est fantaisie. Tout devrait mourir un jour, et tout s'accroche à la vie comme si elle était éternelle.

Personne n'est exception.


- Mademoiselle Morgana ? Toujours votre traitement qui vous affecte, n'est-ce pas ?

Étancher sa curiosité, encore et toujours. Sous son air concerné se cache la délectation d'un patient unique en son genre. Et pourtant si commun. On n'imagine pas le nombre de personnes ayant des difficultés à se faire soigner dans ces cas-là. Elle se disait, au fond ils n'ont peut-être pas tort. Peut-être que j'ai été affectée, peut-être que je ne suis pas là par hasard. Mais là n'est pas sa place. On la suspecte de plus en plus d'avoir tué Seiker. De ses propres mains. Tout ce qui manque, ce sont des preuves. Elle n'est pas là pour une quelconque dépression ou autre irrégularité mentale. Non. Elle est maintenue hors du reste du monde. Amèrement, elle pense. C'est comme à son époque, lorsqu'elle n'était pas Mila, mais la dernière des Morgana. Elle avait perdu toute individualité. Elle était devenue un suspect instable, pas Mila Morgana.

- Bon. Si vous ne voulez pas parler, je vais vous laisser. Bonne journée, mademoiselle Morgana.

Alors il se retourne et ferme la porte derrière lui. Illusions, fantaisies, tout devrait avoir un début et une fin. Elle avait l'impression de n'être qu'une fin, sans avoir eu de commencement. Un monde qui n'a jamais existé. Un point vide de couleur dans une phrase qui ne fait aucun sens. Pourquoi ? Comment ? Pourquoi elle ? Le soleil se couchera de nouveau, et se relèvera demain matin. Et elle ne le verra toujours pas. Elle est bloquée ici, à jamais. Une nuit de plus à ne pas pouvoir lutter.

Raconte-moi ce conte de la princesse qui passa cent ans à dormir, avant de se réveiller. D'un baiser du prince charmant, l'homme de tous les rêves. La dernière illusion. Raconte-moi la suite de ce conte. Ils vécurent heureux, eurent beaucoup d'enfants. Baignés dans la dernière illusion au monde, la plus tenace de toutes. Attendre, attendre, attendre. Pourquoi devoir attendre le bonheur, quand on peut aller le chercher soi-même ? Voilà cette dernière illusion. Le destin, l'amour, tout ce que l'on croit acquis depuis tant de temps. Rien ni personne n'est parfait. Vivre heureux jusqu'à la fin de ses jours ? Voici bien la dernière illusion. L'illusion que le monde est un endroit où nous avons un rôle, que nous avons une place prédéfinie. Un monde où si on fait ce que l'on veut, on sera heureux. Illusion, fantaisies. Attends donc de voir la fin de l'acte avant de juger la fin d'une pièce. La vie n'est ni comédie, ni tragédie.


Non, la vie n'est pas plus qu'une pièce monotone et répétitive. Alors elle commence à chanter, Mila Morgana. Seule dans sa chambre, le dernier endroit où elle peut encore exister désormais.



C'est toi qui pleures,
C'est toi qui te sens seul,
Tu as raison ;
Tu ne fais qu'être humain...


On frappe à la porte. Elle arrête de chanter, elle se lève doucement. Ses jambes tremblent. Qui pourrait bien vouloir la voir, elle ? A part tous ces gens en blouse blanche. Qui ne frappent pas, eux. Ils entrent. Ses yeux se tournent vers la porte, porte qui s'ouvre doucement. Elle entend des voix assez jeunes derrière la porte. La porte s'ouvre. Devant elle se trouve un groupe de quatre enfants, entre dix et quinze ans environ. Tous vêtus d'une veste, une capuche sur la tête. Et tous ayant un léger sourire sur les lèvres. Tout autour d'elle. Attendant, attendant.

Attendant.

L'un d'entre eux, le plus vieux, tend la main vers elle, la paume vers le ciel. Son sourire ne dépérit pas.


- Mila Morgana ?
- Qui êtes-vous ?

Au fond, elle savait qu'ils ne lui voulaient pas de mal. Ils étaient là pour elle, pas pour quelqu'un d'autre. Elle et personne d'autre. Elle prit le temps de les regarder, les uns après les autres. Ils avaient tous déjà des cernes, et leurs yeux reflétaient une certaine maturité qu'elle n'attendait pas de la part d'une bande d'enfants comme eux. Elle n'aurait jamais rêvé de sortir d'ici un jour, mais quelque chose lui disait que ces jeunes étaient là pour la délivrer de son donjon si solitaire. Et l'emmener dans la ville où son existence perpétuait malgré elle.

Le jeune qui s'était adressé à elle avait baissé le bras, et souriait encore. Une main sur la hanche, l'autre faisant un grand mouvement enveloppant le reste de ces jeunes. Comme pour les présenter.


- Je suis Kido. Nous sommes les Enfants des Rues. Nous sommes cinq en tout : la cinquième monte la garde en ce moment.

Puis, relevant sa main vers elle :

- Tu veux t'enfuir ? Nous sommes là pour te libérer de tes chaînes.

Sans hésiter, elle donna sa main à Kido et sortit de la chambre, sans même se demander pourquoi ou comment ils étaient venus la chercher. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'ils allaient lui permettre de sortir d'ici.



Spoiler: INTERLUDE  #1 (cliquer pour montrer/cacher)



« A picture says with sight what we can't say with words. But you've been walking eyes-to-feet and blindfolded. A picture will survive, so smile and look alive. The camera's lens is opening, the wider angle is yours. »

"Une image dit avec la vue ce qu'on ne peut dire avec des mots. Mais tu marches les yeux rivés au sol et les yeux bandés. Une image survivra, alors souris et aies l'air vivant. L'objectif de l'appareil s'ouvre, l'angle le plus vaste est le tien."



Partie 2 : Heat-Haze Daze


23 Novembre 2011 – 13:43

Ah, où te trouver maintenant ? J'étais enfin arrivé à ton époque. Là où on voyait encore le ciel. Cette époque où le grand Dôme n'existait pas encore. Les lumières artificielles, la lumière des lampadaires la nuit. Un monde où la nuit est encore noire. Je ne m'y attendais pas vraiment. Alors j'ai glané quelques informations sur l'époque quand je suis arrivé. Sur ton époque. L'année 2011. La Néo-Brittanie n'existait évidemment pas encore. Les Nations d'Outremer se nommaient encore les Etats-Unis d'Amérique, et n'étaient pas aussi étendus qu'à mon époque. La langue la plus parlée en terme de langue natale était encore le chinois mandarin, et la langue internationale n'était pas encore l’espéranto mais l'anglais. Quelle époque.

Je suis tombé en pleine Révolution Technologique. Encore quelques dizaines d'années et la téléportation serait aboutie. Les premiers androïdes aussi. Bah, le début de la robotisation des humains se faisait déjà : les prothèses mécaniques se font de plus en plus abouties. Encore trois ans, et une main capable de recréer le sens du toucher serait finalement faite. Sept ans pour qu'elle ressemble à une main humaine. Dix ans pour le premier cœur artificiel opérationnel. Ah, le monde de la médecine avait bien évolué. Je hais ce monde autant que je l'aime. L'armement avancé n'existait pas encore, et encore heureux ! Nous serions en pleine guerre sinon. J'ai aussi compris pourquoi Evan m'a envoyé en 2011. Le projet Morgana allait commencer un an plus tard.


« Ton but est d'empêcher toute cette calamité d'exister. Pour cela, il faut empêcher tout ce qui a inspiré le projet Morgana d'exister. Détruire la toile de cette araignée. C'est une tâche dangereuse, mais je suis sûr qu'avec l'aide de Mila Morgana tu peux y arriver. »

Encore fallait-il te trouver, avant de commencer à travailler avec toi, pas vrai ? Alors je me suis renseigné partout où je pouvais. A ton époque, la milice... enfin, la police, était encore assez coopérative sur ce point de vue. Je me suis adressé à eux. Ils n'avaient jamais entendu parler de toi. Le nom « Morgana » leur était totalement étranger. Te voilà dotée d'un an pour détruire tous tes liens et être enfin libre. Mais pour cela, il va falloir passer par certaines étapes... Oh, comme tu vas sans doute me haïr pour cela. Tu es l'humaine la plus humaine. Sans aucun doute, tu vas me haïr de tout ton cœur. Mais il est nécessaire que l'on passe par là. Pour ton bien, pour le mien, pour le bien du monde entier.

J'ai enfin trouvé une piste au hasard. Tu étais une artiste de rue qui se produisait dans un grand boulevard. Nombre de boites ont tenté de t'acheter, tout autant ont vu leurs espoirs de nouvel espoir réduits à néant. Ainsi j'ai pu remonter parmi tes fans, ceux qui venaient te voir chaque soir. Tous disaient la même chose : après le 13 Novembre, plus jamais tu n'es apparue devant ton public. Je savais en quelque sorte que tu fais quelque chose de dangereux, sans que l'on m'ait expliqué ce que c'était exactement. On m'a parlé de ces Venari strigas. Tu aurais très bien pu périr dans l'un d'entre eux que je ne le saurais pas.

C'est ainsi que j'ai commencé à arrêter de te chercher. En me disant que si le Destin nous voulait réunis, on se retrouverait. Connerie de ma part, non ? Croire au Destin, le grand Destin, quand j'ai failli crever dans la fin du monde. La manière du Ô si valeureux Destin de me chier sur les pompes, non ? Nous vivons tous les deux une double vie. Si je voulais te retrouver, il allait falloir assurer les deux au maximum. Je n'allais pas me risquer à recréer l'effet papillon en remontant encore le temps. Je pourrais ceci dit. En cas de nécessité, il me restait un moyen de changer d'époque encore une fois. Une seule fois, je ne pouvais pas me permettre de gâcher cette chance.

Certes, j'aurais pu remonter au 12 Novembre, pour être sûr de te voir, te parler de ce que nous avons à faire. Mais m'aurais-tu écouté ? Donc je vais commencer le travail tout seul. Puis je te retrouverai, et on en finira ensemble. Et si je ne te retrouve pas, alors peu importe. Je finirai le travail tout seul.

C'est comme ça que je me suis dirigé vers le premier objectif. Une bande de gosses. J'avais abandonné mon armement habituel là où tu habites. J'avais retrouvé l'adresse, et pour être honnête, il était assez simple de rentrer à l'intérieur. J'avais donc déposé mes gantelets dans un coin, près de mes bottes. La présence de cette faux rouge m'avait confirmé que tu étais encore en vie, ou du moins que tu n'étais pas morte dans un Venari strigas. Quel genre d'idiot va sur le champ de bataille sans arme ? A la place, j'avais pris deux couteaux, et un pistolet à silencieux. On n'est jamais trop prudent. Mon état du monde.

Jusqu'au bout du monde je chercherai, s'il le faut. Combats, si le cœur t'en dit ! Combats ton destin, comme je suis en train de me battre contre le mien. Écoute moi bien, je te trouverai quoi qu'il m'en coûte. Même si je dois modifier l'Histoire pour toujours, j'empêcherai mon monde de se finir. Qui sait, je pourrais peut-être même empêcher la mort de plus de gens que ce que je pensais...

… Même si je dois tuer pour sauver.

Alors à ce moment, alors à ce moment, on me verra comme la figure du Mal. Tu me verras comme le Diable en personne. Mais au fond, je serai un Sauveur que personne n'aura remercié. Mais tu sais, je m'en fous. L'important est de sauver ce monde, même si je ne vis pas pour le voir de mes propres yeux. Je dois te retrouver pour que toi seule soit juge de mes actions. Je suis prêt à tuer pour te sauver, toi, et sauver le monde entier. Et toi, es-tu prête à tuer pour changer la face du monde ?

Suis-je bête. Tu tues déjà. Ce n'est pas humain, mais tu tues déjà.

Tu n'es pas différente de moi.

Je te retrouverai, Mila Morgana. Parce que c'est ma mission, parce que je le veux, parce que je veux te connaître, parce qu'il faut que nous nous retrouvions pour sauver ce monde.

Mais pour le moment, je n'ai pas besoin de toi.

Alors ma marche vers mon objectif reprend. Le chemin ne se montre qu'à ceux qui regardent devant eux, pas à ceux qui regardent le sol. Nous avons un an. Un an pour changer la face du monde, empêcher le projet Morgana. Un monde pour leur montrer ce que nous sommes vraiment. Alors, chasseuse de sorcières ? Seras-tu alors prête à prendre un dernier risque pour sauver des gens que tu ne connaîtras jamais ? Seras-tu prête à tout faire pour sauver ceux qui t'ont forcée à vivre ici, en cette époque ?

Ah, je suis bien aimé de l'irréalité. Me voilà en mission pour empêcher quelque chose que nombre de gens considèrent irréel, en utilisant un moyen qu'autant d'entre eux penseraient irréalisable, en quête de choses impensables. Tout en étant une personne que peu de gens trouveraient réelle.

Ce serait presque un problème, si l'irréel n'était que mensonge.

Ce n'est pas la meilleure manière de procéder, tu ne penses pas ? On finira par se lasser un jour d'être des héros, et on regrettera d'avoir sauvé un monde qui ne sera même pas reconnaissant pour tous nos efforts. On se dira un jour, « Pourquoi avoir usé de tant d'énergie pour que le monde ne se rende pas compte de ce que l'on a fait ? »

Mais on ne cherchera pas à détruire le monde. On s'est donné tant de mal pour le sauver, après tout. Nous ne serons que des acteurs silencieux dans un monde si passif. Peut-être un auteur un jour pensera que nos aventures ne sont que fictions, produites par son imaginaire si fertile. Et il nous prendra pour des produits de son esprit. Il nous donnera des noms, un corps, une personnalité. Et nommera son grand projet comme l'ironique que j'ai en tête. Silent Actor. L'acteur silencieux. Ah, ce serait le comble, tu ne crois pas ?

Peu importe... je dois me rendre là-bas, pour achever la première partie du travail. Mais tu t'en fous, pas vrai ? Tu es retenue autre part. Dieu sait où. Tuer, tuer, et encore tuer. Un jour, ma sœur de destin, je te rencontrerai.



Elle était assise sur un banc, les mains entre les cuisses. Son expression, si interrogative. Elle essayait de comprendre qui ils étaient, eux. Ce jeune homme, aux yeux si fatigués. Cette jeune femme, aux regard si sérieux. Et les trois autres, plus enfantins. Mais aux expressions si matures, si adultes. Elle se sentait comme une gamine par rapport à eux, et pourtant elle semblait plus âgée. Seule l'expression de sagesse du jeune homme le faisait paraître plus que les quinze ou seize ans qu'elle lui donnait autrement. Elle répétait après eux, petit à petit.

- Kido... et Tsubaki ?
- C'est ça. Je suis Kido, et elle Tsubaki. Bienvenue chez les Enfants des Rues, Mila.

Il esquissait un sourire, aussi fatigué que ses yeux. La jeune fille à côté de lui restait impassible, silencieuse. Comme si tout cela ne la concernait pas. Mais au fond, Mila pouvait sentir quelque chose, une lueur d'intérêt chez elle. Elle était juste d'un naturel sérieux. Mila, elle, ne savait plus trop où regarder. On lui avait donné une veste à elle aussi, veste dont elle avait bien besoin. Novembre était là. Le froid aussi. Une veste blanche, dont elle avait rabattu la capuche sur sa tête. Elle se sentait le besoin de mettre cette capuche : tous les autres l'avaient.

Elle finit par porter son attention sur Kido. Il y avait quelque chose qu'elle ne comprenait pas. Elle avait beau chercher des raisons, elle n'en trouvait pas. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Comment savaient-ils où elle se trouvait ? N'allait-elle pas avoir quelques problèmes dorénavant ?


- Mila ?

Elle sursauta. Tsubaki avait cessé de la dévisager, mais elle était la seule personne de sexe féminin. Et la voix, bien que grave, était la voix d'une femme. Elle entreprit donc de répondre.

- Oui... Tsubaki ?
- Seiker n'était pas avec toi... pourquoi ?

Une nouvelle fois, elle sursauta au nom de Seiker. Comment connaissaient-ils Seiker ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe avec ces enfants ? Qui sont-ils au juste ? Toute une foule de questions qui entraient dans son esprit et forçaient à travers son cerveau, comme un millier d'aiguilles tentant de percer à travers sa matière grise. Tout ce qu'elle put répondre, fut d'une voix désolée.

- Seiker n'est... plus de ce monde.
- Mort ? Comment ça ? Il est...

Tsubaki ne put finir. Kido avait placé sa main devant sa bouche avec un air réprobateur. Mila commençait à trouver ces enfants louches. Elle ne savait dire s'ils en savaient trop, ou pas assez. Non. Ils en savaient définitivement trop. Son existence était inconnue de tous, celle de Seiker d'autant plus. Elle se demandait combien ils savaient exactement de Seiker et d'elle, sans pour autant oser demander. Elle avait peur de poser une mauvaise question. Et aussi, elle avait peur de la réponse. S'il s'avérait qu'ils savaient tout d'eux deux ? Leur passé, leur double vie, leurs motivations... tout ? Alors quoi ? Elle décida de poser une question qui pourrait répondre à quelques unes de ses interrogations à la fois.

- Pourquoi vous m'avez faite sortir de cet hôpital ?

Ce fut Kido qui répondit, avec un petit sourire. Mila pouvait sentir qu'il était heureux qu'elle change de sujet.

- Tu es notre seul espoir de délivrance. Alors nous t'avons délivrée pour que tu nous délivres.
- Délivrance... ?

Kido ferma les yeux, et inspira longuement. Son sourire ne dépérissait pas, mais Mila sentait une légère pointe d'amertume dans celui-ci désormais. Il ouvrit grand les bras, et posa une question qui eut pour effet de retourner tous les Enfants des Rues à la fois.

- Dis-moi, Mila. Que sais-tu des points Akashiques ?

Tsubaki se retourna vivement, en même temps que les trois autres enfants. Ses yeux étaient grands ouverts, et elle était désormais sur ses gardes. Elle ne put se retenir de crier, avec une pointe de surprise dans la voix.

- Kido !
- Calme-toi, Tsubaki. Alors, Mila ?

Mila secoua la tête. Points Akashiques ? Elle n'en savait pas plus que lorsque Seiker lui avait parlé des Venari strigas. Elle se sentait tout aussi perdue, mais elle avait envie de savoir. Quelque chose se tramait, et elle ne savait pas quoi. Quelque chose qui semblait la concerner, puisqu'elle avait été libérée à propos de ces points Akashiques. Elle mit donc ses coudes sur ses genoux, entrelaça ses doigts et posa son menton sur ce repose-tête de fortune.

- Je ne sais rien, Kido. Explique-moi.

Il sortit alors un livre de sa poche, et entreprit de l'ouvrir à une page vers le milieu du livre. Le vent faisait bouger les feuilles, mais Kido ne regardait pas le livre. Il la regardait, elle.

- Bien... Comment expliquer le principe des points Akashiques clairement ? Je vais commencer par la définition de Pierre Riffard sur les annales Akashiques, d'où découlent les points. Il s'agirait donc de ceci : un espace symbolique d'éther, situé macroscopiquement dans les hautes sphères et microcosmiquement dans le ventricule gauche du cœur, espace où s'inscrivent toutes les paroles, actions, pensées de l'homme, tous les êtres et événements du monde. Cet espace, ce miroir magique est lu des initiés.

Mila secoua la tête. Elle était déjà perdue. Kido en prit conscience, et eut un petit sourire précédé d'un rire compatissant.

- Oui, c'est assez confus. Pour faire clair, les annales Akashiques sont en quelque sorte un énorme bouquin sur lequel est écrit le passé, le présent et l'avenir de toute personne et du monde lui-même. Il se trouve en chaque être humain, et certaines personnes sont capables de le décoder. Prophètes, médiums, oracles... autant de personnes qui seraient capables de lire les annales Akashiques. C'est assez clair ?

C'était désormais plus clair pour Mila, qui hocha la tête. Kido reprit donc sa petite leçon, toujours sans regarder son livre.

- Bien. Venons-en donc aux points Akashiques. Mettons que les annales Akashiques soient une rivière ou autre flux continu : un point Akashique est exactement ce qu'il laisse paraître. Un point infime. C'est comme si tu lançais un caillou dans une rivière. Les ondes qui en émergent sont une sorte de point Akashique. Un point Akashique, c'est quelque chose d'anormal créé par une source extérieure à l'Akasha. Il peut s'agir d'un lieu, d'une personne, d'un groupe de personnes... ou même d'une période temporelle. Les points Akashiques sont souvent liés au surnaturel, non sans raison. Ce qui fait qu'un point Akashique est forcément surnaturel mais que le surnaturel n'est pas forcément un point Akashique, c'est que le point Akashique est forcément quelque chose qui ne devrait pas exister.

Mila commençait petit à petit à comprendre. Elle voulait comprendre plus en détail cependant : en quoi les Enfants des Rues étaient liés à ces points Akashiques ? En quoi elle-même était liée à ces points Akashiques ? Pourquoi avaient-ils besoin d'elle pour leur délivrance ?

- Tu dois te poser plusieurs questions, maintenant. Pourquoi ai-je évoqué les points Akashiques, par exemple ? Je vais te répondre. Les Enfants des Rues en eux-mêmes constituent un point Akashique.

Kido prit longuement son souffle, ferma les yeux, et les rouvrit. C'est comme si un autre homme se tenait devant Mila dorénavant. Des cernes encore plus grandes s'étaient formées sous ses yeux, et son sourire avait disparu. Il lui semblait même avoir quelques rides d'expression sur le visage. Il semblait si grave... Mila avait peine à comprendre ce qui se passait.


- Mila Morgana. Les Enfants des Rues sont des enfants de moins de dix-huit ans physiquement seulement. Nous avons tous ici vécu plus de vingt ans dans ce monde. Nous sommes tous ici censés être morts. Nous ne sommes vivants que parce que le monde lui-même a décidé de nous maintenir en vie éternellement. Par exemple, j'aurais dû mourir il y a six ans dans un accident de voiture. Depuis, j'erre dans cette ville. Sans but.

Mila mit un certain temps avant de comprendre ce que Kido disait. Elle resta un certain temps à regarder dans le vide, comme dépassée par la situation. Elle n'était qu'une chasseuse de sorcières, rien de plus... peut-être une artiste de rue, aussi... mais qu'est-ce qui se passait désormais dans sa vie ? Tout lui semblait si irréel. Des enfants, supposés être morts... et encore en vie ? Mais alors, que voulaient-ils que Mila y fasse ? Il lui fallut un temps ici aussi pour réaliser.

- Non, vous ne voulez quand même pas...
- Mila Morgana. Abrège nos souffrances, maintenant. Nous avons vécu trop longtemps ici, nous sommes fatigués de vivre.

Kido attrapa la main de Mila et la posa sur son torse. Son expression n'avait jamais été aussi grave. Son ton sonnait comme un grondement de tonnerre désormais.

- Mila. Tue-nous.
- Je ne peux pas... Pourquoi moi ?


Oh, il n'aura pas eu le temps de répondre. Un homme habillé en rouge surgit de derrière Kido. Ses yeux dorés perçaient à travers l'âme de Mila, tandis que ses cheveux noirs virevoltaient dans le vent. Seuls deux étranges tubes dorés pendaient à ses tempes, laissant une partie de cheveux s'échapper de ces tubes. Mila reconnaissait cette coiffure. C'était la coiffure typique de la milice à son époque d'origine. Ils l'avaient retrouvée ? C'était la fin, maintenant ? Tout était fini ?

L'homme articula quelques mots, sans sourire. Sans aucune expression, si ce n'est qu'une sorte de solennité alors qu'il abattait son bras dans le dos de Kido, dans un éclair argenté.


- Si elle ne le fera pas, alors j'exaucerai ton vœu.

La pointe du couteau ressortit par le torse de Kido, à quelques centimètres de la main de Mila. Il ne saignait pas. Alors, était-il réellement un mort vivant ? Un simple sourire enveloppa la face du jeune homme, alors qu'il s'écroulait à terre. Il semblait enfin réellement heureux, comparé à ce sourire forcé qu'il avait durant tout ce temps. Alors était-ce réellement son vœu ? Celui de mourir ? Sans regarder autre part, l'homme en rouge sortit un pistolet  de sa veste et entreprit de tirer dans le corps des autres Enfants des Rues. Le temps que Mila tombe à genoux, tous les autres s'étaient écroulés à terre, tous un sourire sur les lèvres. Comme si ils n'avaient ressenti aucune douleur. Comme si seule la joie de partir de ce monde importait.

L'homme en rouge s'approcha d'elle. Elle ne fit rien pour reculer. Elle se contenta de le fixer, en tentant de se redresser. L'homme lui tendit une main, qu'elle prit pour se relever. Ses jambes tremblaient. Elle ne put que regarder et écouter l'homme qui se présentait devant elle.


- Mila Morgana... je ne pensais pas te retrouver aussi tôt. Mon nom est Cender Velvet Aries vel Veridi.

Silence de Mila. Silence général. Un pas de recul de Mila. Un petit sourire de Cender, qui avait retrouvé celle qu'il cherchait tout en accomplissant son objectif. Enfin, il reprit la parole.

- Evan Rose m'envoie pour te prêter main forte. A nous deux, nous pouvons en finir avec la tâche que tu es venue accomplir.

Un pas en avant de Mila. Cender eut un petit sourire, en voyant celle-ci avancer. Il tendit la main, comme pour signer un accord, et attendit. Mila fit un deuxième pas en avant. Le sourire du jeune homme en rouge se figea le temps de quelques instants. Juste le temps de prendre le poing de Mila en plein estomac, avant qu'elle tourne les talons. Seule une voix froide répondit à son geste.

- Écoute, Red... la seule raison pour laquelle je vais bosser avec toi est parce que M. Rose t'envoie. Je n'ai vraiment pas envie de bosser avec un type qui peut tuer les autres aussi froidement.


( Fin de partie. Interlude 2 dans le post suivant, faute de place.)

3
Les contrées du Chaos / Chemin vers la gloire [Andrea Leevi]
« le: mardi 08 avril 2014, 14:17:14 »
- Terra ? Qu'est-ce que tu irais faire là-bas ?

Tu en avais parlé à ton assistante favorite, cette chère Purity qui s'inquiète en ce moment pour toi. Ta volonté de retourner sur Terra. Non pas par envie de revoir ta famille, qui était sans doute dispersée partout à Nexus. Ni même par nostalgie. Tu avais passé trois ans enfermé dans une maison, il t'en coûtait de retourner sur cette terre maudite à tes yeux. Mais il le fallait à tout prix, pour ton bien et celui de tes proches. Tu le savais, quelque chose approchait. Quelque chose allait venir menacer vous menacer, tes proches et toi. Ton instinct ne t'avait jamais menti. Tu devais être prêt à tout, et ça commençait par une étape inévitable.

- Je vais aller me chercher une arme.

Une arme qui te permettrait de les protéger. Qu'il s'agisse d'un artefact magique, une véritable arme, un charme ou quoi que ce soit d'autre. Il te fallait cette arme à tout prix. Tu avais donc quitté ton bureau en laissant une note sur la table, disant que tu es en congé pour une semaine. La raison officielle étant que tu as contracté une mauvaise maladie et qu'il te fallait rester chez toi pour te reposer. Ce qui en soi est une raison assez banale, une excuse bateau pour quiconque veut perdre quelques jours chez soi. Mais elle était ridicule chez toi. Tu ne pouvais pas tomber malade. La nanomachine en toi s'occupait aussi des virus et autres choses qui pourraient t'affaiblir. Tu étais toujours au meilleur de ta forme grâce à cette petite machine.

Ton départ n'avait pas pris beaucoup de temps. Tu avais pris des vêtements de rechange, tu avais rempli le fond de ton sac de munitions, tu t'étais préparé à faire un choix que tu allais regretter. Grâce à Razel, tu savais qu'un portail avait été découvert près d'un cimetière. C'était ta destination, et l'endroit où tu allais atterrir serait totalement aléatoire. Tu priais pour arriver à Nexus ou à Tekhos, mais ce que tu redoutais le plus était d'arriver à des endroits comme Ashnard ou les terres sauvages. Tes options étaient limitées. Et tout, à partir de maintenant, reposerait sur ta chance.

Tes deux armes se trouvaient aux côtés de tes côtes, et toi-même tu te trouvais en face du portail. Tu hésitais à y entrer. Il n'y avait pas de retour à ta vie habituelle pendant un certain temps si jamais tu entrais dans cette distorsion étrange. Tu le pressentais, ce portail était un portail à sens unique. Tu ne pourras pas faire demi-tour. Tu avales ta salive, tu te masses les tempes et tu entres. D'un coup, sans préparation.

La première chose que tu vois est une patte griffue s'approcher de ton bras droit. Tu n'as pas le temps d'esquiver. La douleur est intense, et tu portes ta main à ton bras. Avant de remarquer qu'il n'est plus là. Il a disparu loin derrière toi, emporté par les griffes puissantes de ce monstre en face de toi. Tu ne saurais pas dire à quoi il ressemble exactement... Un croisement entre un loup et un rhinocéros, tout ça monté sur ses deux pattes arrière, peut-être ? Une deuxième attaque arrive pour attaquer ton flanc. Cette fois tu es préparé, et tu sautes en arrière. Emporté dans son élan, la créature te montre son dos. Tu regardes ton bras droit au loin, et ton plan se met en place.

Il était temps pour toi de faire marcher ta nanomachine. Tu cours vers ton bras, et tu appliques les deux parties sectionnées l'une sur l'autre. Comme toujours, la douleur s'installe le temps que le bras se ressoude. Le monstre charge vers toi, mais tu es prêt. Tu glisses entre ses pattes arrière, et tu dégaines tes deux flingues. La première étape est de tirer dans ses tendons, afin de l'empêcher de rester debout. Tu vises donc rapidement, et tu tires deux balles qui viennent se ficher dans ses pattes. Une d'entre elles s'affaisse, et il se retourne comme il peut vers toi. C'est à ton tour d'entamer l'offensive.

D'un coup de pied, tu renverses la créature en arrière, qui tombe lourdement sur le sol. Avant de lui laisser le temps de réagir, tu grimpes sur son ventre et tu lui décoches un magistral coup de pied dans la mâchoire. Il hurle, il tente de te griffer mais ses pattes ne t'atteignent pas. Toi, tu es occupé à lui ouvrir la gueule avec un bras. Après deux bonnes minutes de lutte, tu finis par réussir à lui ouvrir légèrement la gueule, laissant un petit espace entre ses dents où tu glisses ton bras droit. Dans une explosion sanglante et une demi-douzaine de détonations, le monstre arrête de se débattre. Tu viens de lui vider un chargeur dans la gueule.

Tu constates donc, après sa mort, que tu as dû arriver dans l'un des pires endroits possibles pour un grand retour sans être armé de manière adéquate. Les contrées du Chaos. Tu es arrivé depuis à peine dix minutes, mais tu es déjà dans un état pitoyable. Ton costume est déjà déchiré et il lui manque une manche, ton bras droit est couvert de sang, ton visage est parsemé de plusieurs gouttes du sang de la bête et clairement, la chemise blanche de ton costard ne passera plus jamais au lavage. C'est le début d'une journée de merde pour toi, tu le sens bien.


- Au moins, je n'ai pas à me soucier du repas de ce soir. J'espère que c'est comestible, cette merde...

C'est ta façon de relativiser. Tu as perdu un bras dès ton arrivée sur Terra, tu as dû t'occuper d'une grosse bestiole pendant une bonne dizaine de minutes, et ton costard est foutu. Ce dernier point te met bizarrement plus en colère que la perte temporaire de ton bras. Tu avais payé ce costume-là assez cher, et il était maintenant déchiré de partout. Tu regardes à ta droite, et tu vois de la fumée ainsi que quelques bâtisses. Un village est donc à quelques kilomètres de ta position. C'est bon à savoir. La mission est de survivre plus que de trouver une arme, désormais. Si tu pouvais combiner les deux, tu serais aux anges. Mais là, il s'agit plutôt de vivre avant de penser à devenir plus fort.

Tu entends un craquement derrière-toi. Instinctivement, tu braques ton flingue derrière toi avant de te souvenir qu'il est vide. Tu le baisses donc, et tu te retournes doucement. Seuls trois mots sortent de ta bouche.


- Qui est là ?

4
L'Art / Galerie de Sprites de Lyan !
« le: jeudi 03 avril 2014, 16:58:44 »
Sprite ! Qu'évoque ce mot pour vous ?

VOUS : Boisson !


Oui, mais encore ?

VOUS : Euh...


Eh ben voilà, bande d'incultes. Vous ne savez rien à rien, vous êtes désespérants d'inculture. Bande de primates incapables de reconnaitre de l'ART, du VRAI DE VRAI.

... Je déconne, en fait l'art du spriting n'est pas très connu.

Alors pour la petite explication, le spriting est une branche du pixel art, c'est à dire l'art de tout faire pixel par pixel. C'est un art que JAMAIS je n'aurais pratiqué tellement il est long et contraignant, du moins je ne l'aurais jamais pratiqué s'il n'était pas applicable sur de minuscules images !

Car oui, le spriting est la branche du pixel art où il s'agit de faire de petites images que l'on peut insérer dans un jeu ou autre chose. Souvent présentées sur un tableau de plusieurs sprites nommé spritesheet (comme ceci), ce sont de minuscules images représentant un objet, un personnage ou rien du tout.

Bref, je ne vais pas m'attarder plus longtemps et je vais lâchement vous donner un lien pour vous montrer le genre de spriting que je pratique.

Voilà pour mes oeuvres à moi !

Je ne me fais pas chier, je vous donne un lien. De toute manière, même si j'avais regroupé toutes mes oeuvres sur ce topic à la suite, ça n'aurait pas ressemblé à quelque chose de différent.

Pourquoi REFAIRE un topic ? Parce que l'ancien est empli de trucs moches, et surtout parce que je ne reprends le spriting que depuis très récemment et je suis totalement rouillé. C'est à dire ce soir, là, et je ne suis qu'à moitié fier de moi.

Voilà. Dernière chose, je peux parfois prendre des commandes. Vous pouvez me demander de faire un sprite, mais j'y appose trois conditions :

1 - Pas de trucs trop compliqués. Je reprends à peine le spriting, c'est pas pour faire des trucs techniques dès le début.
2 - Pas de persos de LGJ. Si je veux spriter un personnage de LGJ, je le fais. Mais je sais que 90% des demandes seraient des "Tu peux faire mon perso STP ?" si j'acceptais de faire des persos sur commande et j'aime pas trop ça.
3 - Je me réserve le droit de refuser des commandes. D'ailleurs, je risque de refuser au moins la moitié des commandes. C'est pourquoi vous recevrez un MP si je choisis de TRAITER votre demande. Vous ne recevrez rien si je décide de ne pas la faire.

Voilà voilà !

5
L'Art / Overcaffeinated Drawing Gallery
« le: lundi 03 mars 2014, 15:53:22 »
[REDACTED]

En fait, j'ai édité le premier post parce qu'il y avait que des trucs pourris dedans.

A la place, je vais en faire un petit sommaire.

Bienvenue sur mon topic à dessins foireux ! Pour vous guider, voici une petite explication.

Alors tout d'abord, permettez-moi de vous dire, NE VOUS FIEZ PAS AUX PREMIERES PAGES DE CE TOPIC POUR EVALUER MON NIVEAU ACTUEL, AU MOMENT OU VOUS LISEZ CES LIGNES.

J'ai commencé par créer mon propre style un peu cartoonesque et tout, qui m'a duré quelques mois. Il s'agit d'un style qui, malgré son air un peu facile et enfantin, m'a demandé pas mal de boulot à développer. Avec le recul que j'ai maintenant (14 Janvier 2016), je trouve que c'était quand même un peu pourri, mais ça s'explique par le fait que je faisais tout à la souris à l'époque. Et c'est pas très très pratique.

Jusqu'au 7 juillet j'utilise ce style, en fait. Puis, profitant que maintenant j'ai une tablette qui fonctionne correctement ET avec de la pression, je me décide à revenir sur un style plus réaliste. Ce qui était au départ un style alternatif, pour me changer la tête de mon style un peu cartoon, est rapidement devenu mon style principal en dehors des webcomics où j'utilise toujours le style cartoonesque, plus approprié.

MAIS ! C'est pas fini. Le 27 Août 2015, soit deux mois plus tard environ, je me décide à ajouter un tweak à ce style qui va, en fait, tout changer à ma perception du dessin. Là où je pissais sur le réalisme avec mon style cartoonesque, ironiquement je passe d'un style toujours très inspiré webcomic malgré les proportions plus normales à un style un peu qualifiable de semi-réaliste à sa façon. Enfin, entre le semi-réalisme et le style de départ.  C'est un nouveau style qui s'impose, ainsi qu'une multitude de tweaks au cours des six derniers mois qui fait ce nouveau style, que j'aime bien appeler en rigolant "quart de réaliste".

Enfin c'est bien beau tout ça, mais obsédé par le progrès comme je le suis, il aura suffi d'une critique à un moment pour que je décide de laisser tomber le quart de réaliste. Du moins, tel qu'il existait. Le 26 Avril 2016 marque la date d'un changement assez important, puisque je me débarrasse du lineart dans mon quart de réaliste. Alors le lineart, c koi ? Ben c'est toutes les lignes noires qui permettent de comprendre la structure du dessin, d'en limiter les bords, etc. Ben tout ça, fini. On passe donc à un style "lineless", donc sans lineart.

Voilà. Maintenant, place au sommaire !

Sur le post juste après, vous commencez par ma période en style SD. Je vais pas mettre de lien vers le premier post, vous avez juste à scroll un peu. Flemmards.

7 Juillet 2015 : Style "Alternatif" (Proportions plus réalistes, yeux colorés, trop de différences avec l'ancien pour comparer.)

27 Août 2015 : "Quart de réaliste", start ! Ou plutôt, v1.0. Modification totale de la manière de dessiner le visage, et de la manière de colorer.
21 Novembre 2015 : "Quart de réaliste" v1.1. Modification de la manière de dessiner les cheveux, léger tweak sur la manière de colorer.
4 Janvier 2016 : "Quart de réaliste" v1.2. Quelques tweaks, toujours sur le coloring. La v1.3 arrive 10 jours plus tard, un peu plus bas dans le topic mais je vais pas vous envoyer un lien, me faites pas chier. En gros, c'est un changement qui s'est avéré assez temporaire, d'une parce que ça me faisait chier de le faire et de deux parce que ça rendait pas top. C'était le principe de rendre le lineart de différentes couleurs. Et pas seulement noir.
17 Mars 2016 : "Quart de réaliste" v1.4, version finale. Un dernier tweak sur la façon de colorer et d'ombrer. Le style n'est pas abouti ni parfait, et ne le sera jamais. Puisqu'on passe par la suite à...

26 Avril 2016 : Lineless, v1.0. Le quart de réaliste, sans lineart. Ce qui implique de multiples changements dans le style, un peu partout.


Dernier dessin en date :

26/04/16 - Lineless, premier essai.


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Les alentours de la ville / Credens justitiam [Thibault]
« le: mercredi 15 janvier 2014, 17:35:32 »
C'était le matin, voici l'après-midi. Une ambiance joyeuse règne au bureau, on fête les cinquante ans du grand patron. Et toi, tu es dans ton coin avec Purity, un verre à la main. Rien ne te fait penser que cette petite fête va durer éternellement, tu n'as pas envie de te bourrer la gueule avec tes collègues. Du coup, tu es collé au mur, près de la porte, un punch préparé à la va-vite dans ton gobelet. Purity, elle, avait plutôt opté pour le whisky. Cela ne t'avait pas étonné plus que ça, venant de l'irlandaise du service. Rien ne durera éternellement. C'est pourquoi tu ne bois pas beaucoup. Tu bois à la jeunesse, et tu te cramponnes à la vérité.

Car si la justice n'existe pas, la vérité, elle, peut-être bien qu'elle existe, en fait. Tu ne t'es jamais vraiment senti chez toi dans ces bureaux. Et pourtant, tu es là au lieu de bosser. Sacrée fête. Tout le cimetière en parle. Le commissariat entier s'est joint à vous pour cette superbe occasion pour picoler un grand coup. En toute illégalité, soit. Mais ils s'en foutent eux, c'est eux la Loi. Ton portable vibre dans ta poche. Tu écoutes le vacarme, pensif. Non, tu ne pourras décidément pas suivre une conversation téléphonique avec un boucan pareil en fond. Tu sors donc discrètement, le verre dans une main, le portable dans l'autre. Tu réponds, donc.


- Lyan Rose, j'écoute.
- Monsieur Rose ! J'ai essayé de joindre mes collègues et d'autres procureurs, mais pas moyen. Vous savez ce qui se passe ?
- Oui, je le sais. Bien malgré moi. Qu'il y a-t-il ?

Moment de silence. Tu entends, en fond, un "Non, madame. Non, vous ne pouvez pas passer. Oui, je sais. Oui. Je suis désolé, madame." Puis tu sens qu'on reprend la conversation avec toi.

- C'est terrible, monsieur Rose. Un meurtre a été perpétué en pleine rue.
- Où êtes-vous, en ce moment même ?
- Rue Miyazaki, au croisement. Faute de personnel, je me suis occupé moi-même des opérations préliminaires...
- Très bien, j'arrive.

Tu raccroches, tu ouvres de nouveau la porte. Purity te regarde, tu la regardes. Le silence veut tout dire. "Si on te demande où je suis, je suis déjà parti." Voilà ce que tu lui dis silencieusement, avec ton regard équivoque. Tu descends les escaliers deux à deux, en fulminant contre les forces de l'Ordre. Même pas foutus de laisser du personnel, au cas où quelque chose arriverait. Mais non ! Enfin, Seikusu n'est pas la capitale du crime au Japon, le Royaume du Viol, le Paradis du Meurtre ! Ca se saurait, enfin ! La preuve, encore un type est mort en pleine rue, alors qu'il y avait encore du monde aux alentours ! Ca te rend malade. Tu n'en peux déjà plus, rien que d'y penser.

Tu démarres ta voiture comme tu peux, et tu t'offres le luxe de conduire comme un gros enfoiré. Tu grilles les feux rouges, tu ne laisses aucune priorité, tout ce qui t'importe est d'arriver là-bas à temps. Et quand tu y arrives, tu n'as aucun problème à repérer les lieux. Tu te gares dans un crissement de pneus à ras d'une foule en délire, tu fermes ta bagnole et tu te frayes un chemin dans la foule. Une fois arrivé à la bande, tu passes et un autre tente de te suivre en-dessous. D'un petit coup de pied dans le tibia, tu l'en empêches. Il faudrait pas que quelqu'un vienne saloper le boulot.

Même si un peu d'aide serait bienvenue, d'après ce que tu en vois.

Ce que tu en vois, c'est le corps sans vie d'un type blond, aux cheveux décolorés d'après ses racines noires. Le stéréotype t'oriente directement vers le casseur du dimanche, tué en pleine rue pour un règlement de comptes. Tu t'accroupis, tu mets tes gants, et c'est parti. Tu commences par l'identité de la victime. Oshino Tomoya de son nom, nationalité japonaise, dix-neuf ans. Mort d'une hémorragie au niveau du poumon droit. Les traces de brûlure autour du trou sur son tee-shirt t'indique qu'il s'est fait tirer dessus à bout portant.

Tu te tournes vers l'officier de police, d'un air intéressé.


- Des témoins ?
- Deux.
- Deux ?! Sur une foule entière ?

En fait ça ne t'étonne pas plus que ça. Le reste des témoins a dû fuir le plus vite possible et oublier la fusillade. Bien possible même qu'ils n'aient même pas entendu "Pan !" Tu regardes les témoins, d'un air mauvais. Crispés dans un coin, détruits par la terreur. Et il faut encore croire en la justice après un spectacle pareil... Une justice qui ne protège même pas ses gardiens, qui enfonce la veuve et tue l'orphelin. Une justice si injuste que tu ne veux pas en entendre parler.

Credens justitiam, Lyan Rose. Croire en la justice.

Crois en la justice, tant qu'elle peut encore être crédible.

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L'Art / Les fanarts de LGJ !
« le: samedi 11 janvier 2014, 19:29:27 »
Je l'avais promis à Noël, et puisque je ne suis pas un politicien, je tiens mes promesses !

Voici le commencement de mon cadeau de Noël vachement en retard, le grand démarrage, tout ça, tout ça...

Bref, je commence enfin les fanarts des membres de LGJ. Qui ne sont pas des fanarts à proprement parler, vu que je ne fanboyise sur personne. A part Frig.

De nombreuses personnes sont prévues au programme ; Law, SP, Anéa, Shad, Kyô, Stephen Connor, Enora, moi-même car je suis un gros égocentrique et pleeein d'autres gens. Ainsi qu'une petite surprise une fois que j'en aurai fini avec tout ce monde !

Enfin bref, voici voilà venir le premier d'entre eux. Je l'ai jugé le plus chiant à faire, donc autant commencer par le plus compliqué, n'y voyez pas une marque d'appréciation plus qu'une autre personne. Je hais tout le monde de manière égale, sachez-le.

Voici donc venir le premier invité du topic à fanarts de LGJ : Sentinel Prime !



Je me tiens au rythme de 1 fanart par jour.

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L'Art / Devant ces mains.
« le: mardi 03 décembre 2013, 23:23:15 »
"Tu n'es pas un immortel, tu es une immortalité."

L'immortelle est étendue sous terre, et lui n'est que les restes de cette immortelle. Son immortalité à elle. Lui ne fait que se souvenir de ces journées passées, ces nuits à se tourmenter, il regarde ce qui lui reste en tout et pour tout. Un bracelet, qu'il garde sur lui jour et nuit. Devant ces mains se trouvent autre chose. Des souvenirs, surtout. Une promesse, avant toute chose. Une autre promesse, ensuite. Une dernière promesse, enfin. Tout est une promesse. Il avait fini par en briser une, n'avait pas réussi à en tenir une autre mais n'oubliera jamais et respectera toujours la dernière.

On va faire une promesse, avait-elle dit d'une voix calme mais tremblante. Elle forçait un sourire devant un homme réputé pour être un monstre. Il l'avait écoutée, couvert du sang de ses ennemis. Elle n'avait pas essuyé le sang sur ses mains lorsqu'elle l'a pris par la manche. On va faire une promesse, avait-elle dit. Il avait répondu, comme un écho. Une promesse ? Oui, une promesse, avait-elle répondu. Tu continues à te battre sans raison, et je sais que ça te blesse. Alors promets que tu vas me protéger. Tu auras une raison pour te battre.

Il n'avait pas réfléchi lorsqu'il avait répondu. Il avait donné son accord, en signifiant bien la galère dans laquelle il s'embarquait. Il avait alors demandé jusqu'où cette promesse tiendrait. Elle avait alors répondu, jusqu'à notre mort. Devant sa demeure de grès, il s'en souvient encore. Il a failli à cette promesse. Devant ces mains se tiennent un regret éternel. Elle serait encore ici s'il avait tenu sa promesse. Il se fait renvoyer dans le passé brutalement, encore une fois. Un soir d'été, lui et elle dans sa chambre à elle. Tous deux affairés sur une guitare. Il la regardait faire, mouvement par mouvement.

A ton avis, c'est quoi la paix ? Elle avait demandé. Il avait réfléchi, avant de répondre par réciprocité. Et pour toi, c'est quoi la paix ? Elle avait répondu, doucement : la paix, c'est toi et moi maintenant, tranquilles et assis ici. Ces moments où tu n'es pas dehors à te battre. Alors là, enfin oui, nous sommes en paix. Il riait de bon coeur, mais se souvenait gravement. Le premier combat qu'il avait livré pour elle. Il avait débarqué dans une salle de classe et avait tabassé deux types.

Elle était du genre à se faire emmerder par les petits caïds. Et tout le monde le savait. C'est en partie pour ça qu'il avait accepté. L'assurer sous sa protection, c'était comme si s'en prendre à elle revenait à s'en prendre au cauchemar de ces jeunes cons. Il avait donc fait irruption dans la classe, arraché la règle pour tableau du prof et tabassé ces deux garçons de tout son coeur. Il avait brisé la règle sur leurs bras, sur leurs jambes, piétiné leurs côtes et tant d'autres choses. Et il s'était arrêté que lorsqu'elle l'avait pris dans ses bras en pleurant, lui suppliant d'arrêter. Alors, il s'était arrêté.

Il avait quitté la salle de cours en laissant les débris de la règle sur le bureau.

"Son immortalité est celle des plus forts. Être un souvenir tellement marquant et puissant que tu vis à travers."

Il l'a aimée. Plus que tout être au monde, il l'a aimée, chérie, protégée, sans rien attendre en retour. C'est pour ça qu'il a été si fou de rage lorsqu'il l'a découverte au sol, sans blessures. Derrière deux types qu'il reconnaissait très bien. Il ne sait pas ce qui s'est passé après. En revenant à lui, il se tenait dans une flaque de sang près de deux gamins au visage recouvert du même liquide rouge. Ses mains étaient à lui aussi couvertes de sang. Son premier réflexe a été de la porter sur un banc, et d'attendre qu'elle se réveille.

Elle était fatiguée à son réveil, mais elle a quand même articulé quelque mots. La deuxième promesse, celle qu'il a brisé. D'un murmure, elle lui avait ordonné : C'est fini, n'en faisons pas un mélodrame, n'en parlons plus. Elle lui avait donné ce bracelet alors, dont elle disait qu'elle l'avait toujours apaisé. Elle était malade et avait parfois des angoisses que seules les personnes malades connaissent. Et ce bracelet, disait-elle, l'avait toujours calmée. Il l'avait pris doucement, comme on prend fébrilement ce qui reste d'un rêve. Devant ces mains se tenaient d'autres mains, les siennes et celles de cette fille.

Son lit, enfin. Elle avait fait la troisième promesse à ce moment-là. Elle regrettait de ne pas avoir la force de se lever, pouvoir le voir dessiner. Alors pour ça, elle avait demandé à ce qu'il continue à dessiner toute sa vie. Pour elle, pour lui, pour le monde entier. Qu'il continue à dessiner afin qu'elle regarde encore ses mains courir sur le papier. Il avait brisé la deuxième promesse, il en avait fait un sujet de discussion avec elle. Elle en avait parlé, lui avait expliqué. Endormie au chloroforme, sans doute tiré à l'infirmerie. Elle était de plus en plus faible.

Un an passa alors, un an où elle fut la belle au bois dormant. Puis une deuxième année, où son chemin se sépara de sa chère amie. Lui avait repris une vie calme, avait croisé des gens, avait même rencontré quelqu'un comme lui en tout point. Une troisième année passa. Et la quatrième année, enfin, se déroula toujours dans cette même chambre blanche, ses yeux clos. Ses magnifiques yeux verts, qui ne se rouvrirent jamais. C'est en début de cette année qu'elle a fermé les yeux à jamais.

Et je suis toujours là pour me souvenir. Moi qui l'ai tant aimée, chérie, protégée. Moi qui tiens tant que je peux cette dernière promesse, faute d'avoir réussi à la protéger ou à ne pas reparler de l'incident. Je veille sur la dernière promesse, moi, l'immortalité de cette immortelle.

Anna.

9
L'Art / Cardia's comics
« le: dimanche 01 décembre 2013, 00:14:23 »
Depuis le temps que je devais le faire, je fais enfin mon petit topic dédié à mes comics !

Vous attendez pas à "comics" dans le sens de Marvel ou DC comics, non, rien de ce genre. Ce sont de petites bandes dessinées à but humoristique.

*tousse*

Oui bon, voilà. Si vous êtes anglophobes ou si vous ne vous démerdez pas en anglais, le visionnage de ces chefs-d’œuvre peut être déconseillée.

Je ferai un update à chaque nouvelle comic, double post ou non.

Voilà voilà ! J'vous laisse avec mon boulot, maintenant.






















10
Les alentours de la ville / When the moon shines red [Lollipop]
« le: vendredi 22 novembre 2013, 14:05:19 »
L'après-midi laissait place à la nuit, après une journée entière à bosser. Toi, bosser. Cela avait surpris tout le monde au bureau, sauf Purity. Il s'agissait de ton dossier du mois, et quel dossier ! Meurtres en série à divers endroits dans la ville de Seikusu. Des modus operandi similaires dans le sens où ils sont tous cernés comme improbables aux yeux des humains "normaux", comme tu te complais à les appeler. Tu pourrais mieux comprendre toi-même, ayant déjà entendu parler de meurtres surnaturels. Jets d'acide et combustions humaines spontanées criminelles, c'était souvent ton petit-déjeuner, là où les nouveaux parmi les forces de police recrachaient le leur.

Les cadavres n'étaient pas beaux à voir, toi-même en convenais. Mais cela n'allait pas t'arrêter pour autant. Les scènes de crime étant pour la plupart toutes les mêmes, une qui sortait du lot limitait le nombre de suspects. Le meurtrier banal se veut toujours original. C'est pour ça qu'il est si facile à rattraper. Ils sont tous pareils dans leur manière d'être originaux. Tu dissertais de tout cela ce matin-même, intérieurement, entre deux nuages de fumée dans le froid matinal. Tu t'étais même penché vers un nouvel inspecteur, qui avait fait honneur à la règle en allant dégobiller son petit-déj' derrière les bandes jaunes.

- Dis, le nouveau, tu sais pourquoi il fait aussi froid le matin ?
- Non, monsieur...
- Parce qu'il faut bien qu'il fasse froid le matin pour qu'on se rende compte qu'il fait bon l'après-midi.

Puis tu étais revenu sur l'affaire en cours. Cinquième victime identifiable, un gros bonnet du nom de Hiko Takahiko. Trempait dans des affaires louches, bourrés d'ennemis de partout. La liste des suspects atteignait un nombre presque record tant cet homme était peu aimé. Tu prenais des notes dans un petit calepin. Tu aimais prendre ces notes dans ce bloc-notes, même quand les notes en question étaient de simples schémas de la scène du crime. Ca donnait un petit effet sérieux, ou quelque chose du genre. Un truc qui te convenait bien, quoi. Une impression de sérieux sur un flemmard engagé. Un pied-de-nez discret à l'institution, en sorte.

Ton regard se portait sur un paquet de plumes près du corps. De tes doigts gantés, tu avais pris l'une des plumes et l'avais enfermée dans un petit sachet plastifié, avant de la tendre à l'inspecteur. Tu avais déjà collé une étiquette sur le sachet, à l'intention des amis du laboratoire. C'est là que l'inspecteur t'avait posé la première colle de la journée.

- M. Rose, pourquoi celle-ci et pas les autres ?
D'un ton égal, tu avais répondu sans conviction.

- C'est exactement le genre de questions que Dieu ne se pose pas.

Ce petit tas de plumes n'était pas le premier que tu voyais dans cette affaire. Toutes les scènes de crime concernées possédaient une ou plusieurs plumes éparpillées autour de la victime. Peut-être pour l'ironie, la deuxième victime avait une plume enfoncée dans l'une des nombreuses plaies qui tachetaient le corps. Tu t'étais levé, tu avais mis les mains dans les poches, et tu t'étais tiré. Cette plume t'en avait déjà bien assez appris sur ce meurtre.

On passera sous silence la pause déjeuner et le temps de glandouille qui avaient suivi ce petit bout d'enquête, où tu étais juste assis dans ton bureau, faisant mine de travailler. Tout cela n'est pas important, revenons-en au présent. C'est ennuyeux de parler au passé d’événements récents, tu sais. Te voici donc dans une autre rue, écharpe autour du cou, les mains dans les poches d'un manteau long qui servait surtout à dissimuler tes deux armes. Tu dois retrouver Razel à minuit pour ta remise en forme hebdomadaire.

Ton travail de voleur nocturne devait reprendre, un de ces quatre. Ce que tu te demandes en ce moment, c'est si tu dois reprendre le blason de Looter Phazer et redorer le tout ou bien prendre une nouvelle identité de voleur et un nouveau modus operandi. Envoyer une carte de visite au lieu que tu allais cambrioler te semble une idée intéressante, tant pour le challenge que pour l'adrénaline que cela allait te donner. A chaque pas, un petit bruit de ferraille trahit les deux Beretta 92 accrochés à tes cuisses.

Tir sur cibles mouvantes, tir d'instinct, manœuvres d'esquive et surtout maniement de tes nouvelles capacités d'auto-dissimulation sont au programme. Tu maîtrisais encore très mal ton invisibilité, même si la diminution de résolution de ta personne n'avait déjà plus aucun secret pour toi. De même, l'effacement de ta présence te donnait encore énormément de fil à retordre. Faire en sorte que les gens t'ignorent inconsciemment était plus difficile que prévu. Ton regard se porte sur la lune, dotée ce soir d'une lumière un peu rougeâtre. Influence de Mars, ou quelque chose du genre ? Tu n'en sais rien, et tu t'en fous.

C'est juste que c'est joli, la lune rouge. Ce sera classe pour s'entraîner ce soir. Mais quelque chose te dit que la rééducation de ce soir sera à abandonner.

Une intuition, comme ça, qui te fait serrer tes deux armes dans tes poings.

11
Prélude / Troisième Impact. [ Vanéalidé ! ]
« le: vendredi 15 novembre 2013, 11:48:40 »
Il sonne. Qu'attends-tu ? Ta main va-t-elle se lever et enfin atteindre ce réveil qui ose t'extirper de tes rêves et cauchemars ? Tâtonne, tâtonne donc. Tu sens ce contact familier d'un bouton en fort piteux état. Tu appuies, rien ne se passe. Ta main se ferme, ton poing s'abat sur le bouton en question. Fin d'une gracieuse mélopée emplie de poésie et d'amour envers l'utilisateur. Allez, debout. Sans doute tu aurais préféré le réveil à la lumière de l'aube, accompagné du chant des oiseaux, dans un petit lit douillet et bordé par un majordome ? Conneries. On sait que tu n'es pas de ce genre-là. Toi, le procureur trop con et trop têtu pour obtenir la moindre promotion, et pourtant assez intelligent et efficace pour être reconnu comme parmi les meilleurs dans cette profession au Japon.

Fauché, donc, comme tous les matins. Ce qui explique l'appartement dont tu as du mal à payer le loyer, le maigre canapé qui te sert de lit et le vide dans la gamelle de ton chat, qui dort paisiblement. Quand arrive le prochain jour de paie ? D'ici quelques jours, sans doute. Ton estomac grogne, mais tu sais que tu n'as pas grand chose à bouffer dans ton frigo. Tu te marres comme un con. Tu ris de ta propre misère. Toi qui avais tant il y a encore quatre ans, te voilà sans rien de nos jours. Combien de dossiers as-tu refusé cette année ? Beaucoup trop. Tu n'as pas atteint ton quota. Tu vas encore entendre parler des gens du Bureau d'Investigation. Allez, bouge ton gros cul. Ouvre-moi ces putain de rideaux, et va te doucher.

L'eau est froide, comme tous les jours. Tu n'as pas payé la facture, encore une fois. L'eau et la mousse qui s'échappent de tes cheveux sont noires. La teinture n'a pas encore totalement dégorgé. Tu trembles et tu grognes. Tu n'as jamais vraiment été matinal, n'est-ce pas, procureur Lyan Rose. C'est pour ça que tes griffes ont entamé ton cuir chevelu. Maladresse matinale. Ton pied vire le rideau de douche d'un trait, pendant que tu sors. La première serviette qui vient va couvrir ton entrejambes comme un pagne, la deuxième finit sur tes épaules. Ton reflet t'accueille, comme tous les matins. Ce reflet que tu hais, mais que tu aimes tout de même.

Oui, ce reflet est le tien. Ces cheveux d'un noir légèrement bleuté, mi-longs et raides, ce sont bien les tiens. Ces yeux d'un vert émeraude, ce sont les tiens. Oui, même cette pâleur fantomatique, ce teint de neige, tout cela te représente. Dans un réflexe, tes doigts griffus passent sur ton cou et s'arrêtent sur un petit bout de métal incrusté à la base, juste au-dessus de ton épaule gauche. Ils continuent doucement et tracent lentement la cicatrice sur ton torse, cette croix inversée qui sépare tes deux pectoraux. Au final, ton corps n'est pas en si piteux état que ça. Malgré une maigreur que tu ne pourrais jamais cacher, tu gardes une musculature assez fine mais présente. Tourne-toi donc et admire les rayures blanches dans ton dos. Celles-ci, avec tes griffes et tes canines, prouvent ton appartenance à une race qui ne vient pas de cette terre. Car tu ne viens pas d'ici, quart de tigre.

Ah, reliques du passé. Ces rayures qui étaient noires auparavant. Ces cheveux qui étaient blancs il y a encore quelques semaines. Ce bras gauche, qui ne devait jamais pouvoir bouger de nouveau il y a encore deux mois. Cette jambe droite, réputée paralysée depuis un an. Et surtout toute la partie gauche de ton visage, déformée, qui est revenue à la normale. Le progrès de la science ne s'arrête jamais, surtout pas chez les tekhans. Te voilà ressuscité, tel le Messie. Et pourtant, tu ne t'es jamais senti aussi mort.


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Il s'y trouvait. Au Palais de Justice. Il tâtonnait, il s'agrippait au murs, toussait et vomissait du sang. Il tombe inconscient, une jeune femme aux cheveux violets et au teint très sombre le ramasse. Il se réveille et la voit. Ils discutent, en apprennent sur l'un et l'autre. Non, dit sa raison. C'est une criminelle. Oui, dit son coeur. C'est une femme. Au final rien ne se passe. Il est parti, comme un autre. Il attendait dans la rue, assis, et il chantait en attendant son retour. Le porteur attend ici, seul sur la colline de ses regrets. Jamais il n'a fui, jamais il n'a été compris.

Il s'y trouvait. Dans ce vieux parking miteux. Il attendait, il fumait sa clope, patientait et ruminait le passé. Il la voit enfin arriver, une jeune femme au teint pâle et à la beauté non dissimulable. Il est là pour couvrir leur dossier. Non, dit sa raison. Ce sont des yakuza. Oui, dit son coeur. Tu n'es plus à ça près, tu as laissé une criminelle s'échapper. Au final il accepte. Il s'est engagé, comme un autre. Il a brûlé les preuves. Il attendait dans son bureau, assis, et se tenait la tête en se maudissant pour ce qu'il avait fait. Le porteur attend ici, seul sur la colline des remords. Jamais il n'a fui, jamais il n'a été victorieux.

Sa démission se trouve dans le casier de son supérieur. Il ne peut plus continuer à servir la Justice après avoir assuré une couverture pour des criminels.


Bad Ending.

J'ai toujours la sensation d'émerger la tête de l'eau après ces moments. Je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression d'y étouffer. Des rêves éveillés... oui, je pense que "rêve éveillé" fait un peu plus sérieux que mon hypothèse sur la question. Me revoir ainsi, dans une telle situation, dans un corps qui était mien il y a encore trois mois ? Conneries. Je sais ce que c'est. Mais bon, dire que je fais des rêves éveillés reste quand même plus crédible à expliquer aux collègues de travail que "Excusez-moi les gars, je revoyais le moi d'une réalité alternative en train de ruiner sa vie au lieu de se faire refaire à neuf par une Tekhanne rebelle !"

...Non, décidément, je ne me vois pas dire ça aux assistants.

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Continue donc ton chemin, ressasse les vieux souvenirs. Crois-tu vraiment que ça va te redonner goût à ton travail ? Non, tu ne le crois pas et tu t'en fous. Pas vrai ? Petit con, va. Fils d'une terranide et d'un humain. Un bâtard comme on n'en fait plus. Un pur, un vrai, au sens littéral du terme. Tu ne peux pas répondre de manière agressive quand on t'insulte ainsi. Sale bâtard. C'est tout ce que tu es. Un hybride qui ne pourra jamais se prétendre fièrement comme un humain, ni comme un terranide. Et pourtant, tu te voulais considéré comme un terranide. Pourquoi choisir la race la moins avantageuse là où tu habitais ? Un complexe d'Œdipe qui a mal tourné. Juste parce que tu as choisi de rejeter ton père, tout ce qui a pu t'arriver par la suite est arrivé. Juste pour une simple raison de gamin.

Alors, fier de toi ?

Allez, arrête de faire cette tête accablée. Evidemment que tu es fier de toi. Tu es si facile à comprendre ! C'est si facile de savoir qu'au fond de toi, tu ne regrettes rien car c'est grâce à tes erreurs que tu es devenu ce que tu es. Regarde-toi, un pauvre crétin qui a mis trente ans de sa vie à comprendre que les chats ne parlaient pas, trente ans que tu as mis avant de comprendre que tu pouvais parfaitement comprendre et parler avec les chats, tigres et autres félidés. Un couillon qui découvre ses capacités comme un pré-pubère qui découvre les joies de l'érection. Et procureur assigné à Seikusu, par la même occasion. Ta chère maman serait fière de toi, si tu n'avais pas fui le domicile familial.

Oh, tu peux toujours plaider non-coupable. Personne ne t'écoutera, toi seul peux te faire croire que tu étais sorti de chez toi torse-nu juste pour faire quelques courses pour papa et maman. Non, la vérité c'est que tu as fui. Comme un lâche.

Et que tu ne peux pas te le pardonner.

Allez, ressaisis-toi, Ducon. T'es devant ton bureau et ta chère assistante est déjà en train de bosser pour toi.





- Ah, Lyan... euh, je veux dire, procureur Rose...
- Laisse tomber les formalités, Purity.

Cette fille, je vais l'expliquer pour ton public, est celle qui t'a sauvé la vie. Purity An'Stream, une jolie irlandaise venue tout droit de son pays d'origine pour finir ses études de japonais ici. Une jolie irlandaise qui a fini par se retrouver assistante rémunérée du procureur Rose après quelques petites péripéties telles qu'un quart de tigre en train de crever dans une ruelle sombre du quartier de la Toussaint, plusieurs procès où son intervention fut bien plus qu'utile et bien d'autres. Et pourtant, elle a cet air morose. Non, pas vraiment morose. Déprimé, au bord de la folie. Et toi, tu sais pourquoi et tu partages cette souffrance. Tu n'as pas aussi mal qu'elle, mais tu en es touché également.

Tu ne voudrais pas en parler, on le sait. Cependant, les lecteurs ont le droit de savoir. Ce qui a plombé l'ambiance de ce qui aurait pu être un couple. La fausse couche de Purity. Elle qui portait tes enfants, elle a perdu les deux à la fois. Et c'est de ta faute. Et il s'agit encore une fois d'un cas de conscience qui te pèse lourd.

Et tu ne peux pas te le pardonner, encore une fois.

Tu esquisses un petit sourire gêné. Elle est la seule à savoir d'où tu viens, qui tu es réellement, et ce qui s'est passé pour que tu retrouves le corps que tu avais avant. Elle seule sait tout cela. C'est pour cela que tu ne veux pas la perdre. Bien plus que celle qui t'a sauvé la vie, bien plus encore que celle qui a réussi à te rattacher à l'espoir de vivre un jour... c'est celle qui peut comprendre tes problèmes d'identité et tes tourmentes les plus surnaturelles.

- Alors, de nouveaux dossiers ?
- Cinq plaintes pour harcèlement sexuel, deux pour coups et blessures et une plainte pour vol à main armée.
- Laisse tomber ça, renvoie ces dossiers à un autre procureur.

Elle baisse la tête et se mord la lèvre. Elle se doutait bien de cette réponse, venant de toi. Allez, essaie de rattraper le coup. Change le sujet comme tu peux, avant que les larmes ne lui montent aux yeux. Avant qu'elle oublie qu'elle t'a pardonné. Rappelle-lui le coté heureux de cette fausse couche, d'une manière ou d'une autre. Un long silence qui pèse lourd. Un très long silence. Un silence qui en devient extrêmement gênant, autant pour toi que pour elle. Un silence brisé enfin par ta voix rocailleuse :

- Des nouvelles de Razel ?

Un petit sourire nait sur ses lèvres. Razel est ce jeune gosse de onze ans qui s'est retrouvé par hasard dans le bureau du procureur Rose, en attente de jugement. Un petit virtuose du vol à la tire, pris la main dans le sac par un marchand lors d'un marché. Un gosse que Lyan le grand procureur avait innocenté sans remords, puis considéré comme une sorte de fils adoptif. Lorsque Purity t'a demandé pourquoi tu avais assuré un alibi au gamin, te souviens-tu de ce que tu avais dit ? Ce que tu avais dit, très clairement, était qu'il te rappelait toi, il y a encore trois ou quatre ans. La légende du voleur au modus operandi parfait, Looter Phazer.

Un boulot que tu t'apprêtes à reprendre, d'ailleurs. Maintenant que tu es en état de recommencer à piller des banques et des musées, tu peux de nouveau contacter tes revendeurs et te fournir de nouveaux indics. Tu avais d'ailleurs promis à Razel de l'embaucher comme indicateur, moyennant finances. Trop jeune pour passer sur des erreurs de jeunesse ? Petit con, va.

Le silence s'était de nouveau installé, mais le sourire n'avait pas quitté les lèvres de ton assistante. Au bout d'un certain temps, elle répondit avec un ton maternel.

- Il a appelé il y a environ une heure. Il passera sans doute au bureau pendant la journée.

Tu t'étais assis à ton bureau, les yeux fermés. Tu te balancais doucement, les pieds sur le bureau. Personne ne serait là pour t'emmerder à propos de ça. L'avantage d'être en haut dans la hiérarchie : personne pour t'engueuler, mais tout un tas de monde à faire chier. Réparer les conneries des autres, ça commence à te connaitre. Si rien n'était arrivé, tu serais encore là à brailler des directives sans la jeune femme pour te supporter tel que tu es. Un petit con, c'est tout ce que tu es. Le con de service, qui s'en va regarder chez les autres où se trouve le bonheur pour pas grand chose. Tu n'es pas capable d'appliquer ce que tu apprends sur ces gens, de toute manière. Donc tu restes là, à faire un boulot dont tu n'as plus rien à foutre et à faire acte de présence. C'est comme tout boulot, te disais-tu avec justesse.

Trop payé pour ce que tu y branles, pas assez pour ce que tu t'y emmerdes.

Essaie de regarder ailleurs, un peu. Sur ce parterre de fleurs, six étages plus bas. Ou encore à travers la vitre, où une jeune femme travaille dur. Sa chevelure argentée, tu la connais bien. La procureur albinos, Kallen Evans. Celle qui s'est présentée comme ta rivale en arrivant dans la profession. Elle qui te prenait comme un modèle à dépasser, comme elle a été déçue en voyant que tu passes le clair de tes journées à ne rien foutre. Elle, elle bosse d'arrache-pied pour rétablir la justice. Et toi, tu ne crois plus en cette justice dont on te fait un tel étalage au boulot. Un procureur désabusé ? Oui, un peu. Mais avant tout quelqu'un qui a pris la vie comme une perte de temps. San pour autant vouloir la perdre dans un accident con et autres meurtres ou suicides. Que sais-tu vraiment de la vie, Lyan Rose ? Qu'as-tu vécu, toi ? Qu'est-ce qui t'a fait prendre la vie comme quelque chose qui n'est pas nécessaire pour vivre, petit con ?

La réponse se trouve dans ton passé, sans doute. On en vient à ton passé, et tu t'enfuis. Les deux pieds avant de ta chaise retombent lourdement sur le sol, et tu prends un dossier dans la pile de la corbeille. A la grande surprise de Purity et de Kallen Evans, tu commences à le lire sérieusement. Une affaire banale à Seikusu, harcèlement et violation de la vie privée. En d'autres termes, un stalker. Ta main se balade sur l'échiquier et positionne les pièces comme il le faut. La victime, la Reine blanche. Le stalker, le Roi noir. Toi, le Roi blanc, et tous les autres auxilliaires avec le reste des pièces. Au final, tu te retrouves avec les cinq témoins comme pions blancs, l'avocat de la Défense en Cavalier noir, Purity en Tour blanche et Kallen Evans en Tour noire. Il ne faisait aucun doute qu'elle tenterait d'intervenir dans l'enquête pour te retirer de ta position. Il te reste deux pièces en main : le Fou noir et le Fou blanc. Tu ne sais pas où se positionnerait Razel sur cette affaire. Il est temps pour toi de commencer l'investigation virtuelle avec le plan.

Le temps de monter ton plan en tête, la procureur albinos se trouvait dans ton bureau, un grand sourire sur les lèvres. Tu ne saurais dire sur ces lèvres si ce sourire est sarcastique ou simplement un signe de joie. Il te faudra attendre qu'elle prenne la parole, de sa voix calme et un peu irréelle, comme masquée par la fumée. Tu ne saurais quoi dire, donc tu attends qu'elle parle d'elle-même. Elle finit par s'adresser à toi, toujours avec ce sourire :

- Monsieur Rose, vous travaillez ? Que nous vaut ce miracle ?

Tu sens dans sa voix non pas du sarcasme ni de la joie authentique. Juste un soupçon de taquinerie, avec un peu d'intérêt envers le fait que le procureur le plus feignant du Japon se mette au boulot.

- Rien de spécial, je suppose. Une envie, comme ça. Et que nous vaut le miracle de voir mademoiselle Evans autre part qu'au milieu de ses dossiers ?
- Pause clope. Il faut bien savoir sortir le nez du travail, de temps en temps.
- Je vous accompagne. Je n'ai pas une telle faim pour le boulot non plus.

Elle appuie sur le bouton de l'ascenseur, et tu remets ton veston négligemment. Tu fouilles dans tes poches pendant un peu de temps, puis tu retrouves ton paquet de clopes et ton feu. Pourri, silencieux et brisé. Ces trois termes te viennent en tête automatiquement. Tu n'en as pas fini avec ton passé. Pas encore. Dans un petit bruit de sonnette, les portes s'ouvrent sur la cage d'ascenseur. Dans un élan de galanterie, tu lui fais signe d'entrer en première. Avec un petit signe de tête, elle entre et tu la suis. La descente se fait avec toi, les mains dans les poches et adossé à la paroi, et elle, les mains dans le dos dans une posture un peu plus décontractée que d'habitude. Avec un sourire, tu analyses sa position : la jambe droite raide et la jambe gauche légèrement pliée. Tu avais également ce genre de position il y a trois ans de cela, quand tu n'avais pas encore rencontré Hiro Atayoshi.

Si tant est qu'elle ne rencontre pas d'avocat prêt à se venger en la torturant et manquant de la tuer, elle finirait comme ce que tu aurais pu devenir si rien ne s'était passé.

La porte s'ouvre sur le froid de l'extérieur. Tu allumes ta clope, et tu tends ton briquet à la procureur qui s'asseoit sur un banc. Silence pendant quelques secondes, avant que la jeune femme s'intéresse à ton cas en particulier. Oui, elle s'intéresse à toi. Ou plutôt, à un seul aspect de ta personne.

- Lyan Rose, 31 ans... Reconnu comme le procureur qui aurait pu devenir le plus talentueux du Japon s'il était intéressé un minimum à son travail. On note une perte d'intérêt au bout de deux ans de travail, suite à une longue période d'arrêt dont il revint métamorphosé physiquement et mentalement. Qu'est-ce qui vous a changé comme ça ? Pourquoi ?

Tu tires une longue bouffée sur ta cigarette, avant de l'expirer tout en tapotant le bout de ta clope pour en faire tomber la cendre. La question te semble claire, et pourtant il t'est difficile d'y répondre. Tu laisses la fumée s'éparpiller avant de répondre par une autre question, d'un tout autre genre.

- Connaissez-vous l'affaire RM-2 ou l'affaire Koga ?

Elle hoche la tête de manière affirmative et se met à en parler comme si elle y avait été elle-même. L'affaire pour meurtre dont la fin de procès demeure mystérieuse, impliquant le tueur en série "J", un tueur à gages de l'époque. Le procès est connu comme le premier procès perdu par le procureur Lyan Rose, et l'affaire qui a fait disparaitre l'avocat Hiro Atayoshi durant six mois. Personne n'avait été vainqueur dans cette histoire. Et toi, tu hoches la tête d'un air entendu. Oui, aucun vainqueur. C'est comme ça que tu ressens les procès maintenant. Personne ne pourrait décrire l'affaire mieux que toi ou Hiro, c'est pourquoi tu te permets de rajouter une question à la première question.

- Vous croyez au surnaturel, mademoiselle Evans ?

Avec un rire, elle répond de manière un peu gênée.

- Le bureau reçoit assez de plaintes étranges pour que je n'y croie pas. Vous savez aussi bien que moi ce dont je parle. Incendies aux endroits les plus improbables, rapports concernant des faits étranges... la ville de Seikusu a son propre bureau de procureurs à cause de tout ce qui s'y trame depuis quatorze ans.

Alors tu te sens prêt à lui raconter ton histoire. Ta vie en quelques mots, en sorte. Du moins, c'est ce que tu aurais aimé faire. Ta tête te tourne, tu t'asseois en hâte à côté d'elle en tentant de cacher ce qui te préoccupe. Tu feras tout ce que tu peux pour lui cacher ce qui va arriver d'ici peu. Tout ce que tu pourras faire sera fait pour ne pas lui montrer ce que tu t'apprêtes à voir.

__________________________________

Il le retrouvait enfin, l'avocat à la chevelure blonde. Après tant de traque, il retrouvait son antagoniste, son Nemesis. Il allait s'y confronter lui-même. Il ne veut pas rater cette occasion de le finir, finir ce qu'il avait commencé il y a deux ans. La cause de sa chevelure blanche, la cause de tous ses problèmes. Il allait enfin pouvoir en finir. Le tuer. De ses propres mains, le tuer. Il avait trouvé le timing parfait. Les deux hommes se confrontent de nouveau, sous les mêmes conditions.

L'un sera vainqueur et l'autre perdant. Ou bien il n'y aura pas de vainqueur en apparence. Gagner en apparence d'abord, en profondeur ensuite. Il se débat encore une fois, sort ses griffes et les plante sur le bureau. Il hurle ses objections. Il vit, de nouveau. Il perd, cette fois. Le véritable meurtrier est celui qui a failli le tuer. Il le retrouve à la fin, pour un face à face final. Son index gratte la gâchette. Une détonation. Il s'écroule par terre, devant son ennemi juré. Il est mort de la main d'un autre. Celui-ci devant lui n'était pas son ennemi, mais son complice depuis deux ans. Il l'avait sauvé en tentant de le tuer. Et voilà qu'il mourait comme sont abattus les traitres. Par derrière, juste devant son allié caché et la femme portant sa progéniture.

Les deux enfants finiront par venger leur père, sur la mauvaise personne. Tous deux ont perdu, il n'y a encore une fois aucun vainqueur.

Depuis le début, il traquait la mauvaise cible.


Bad Ending.

Il est rare que je fasse deux réminiscences en une seule journée. Celle-ci me montre que j'ai bien fait d'abandonner la chasse à l'homme avec Hiro Atayoshi. Celui qui m'a tué ici n'était pas l'avocat que j'ai traqué durant deux ans. Je déteste qu'on me tue dans mon dos. C'est ce genre de choses qui me donne envie de pouvoir revenir en arrière, arrêter ce conflit stupide. Arrêter le procès à temps pour la première fois, et ne pas faire de cet allié un ennemi. Oh, disgrace céleste ! Finir cloué à un mur, devant Purity et les deux enfants que j'aurais du avoir. Conneries... Tout ça à cause d'une chasse à l'homme. Tout ça à cause de mon instinct animal, recherchant la vengeance avant tout. Ah, si seulement je pouvais revenir en arrière. Comme j'aimerais pouvoir faire un retour dans le passé.

Ouais, remonter le temps. Comme Superman.

__________________________________


Tu n'arrivais pas à comprendre pourquoi ça t'arrivait à toi. Pourquoi revoir des alternatives à ta vie, sans arrêt ? Au fond, tu le savais, mais tu ne voulais pas le savoir. Rattraper tout ce temps passé à ruminer, tout cela, tu en avais assez. Il était temps d'en finir avec tout cela. Fermer ton esprit à ces réminiscences. Mais comment ? Comment abandonner cet état d'esprit ? Comment en finir avec quelque chose que tu ne contrôles pas ? Plus tu y réfléchis, et plus la sensation d'avoir la tête dans un étau s'intensifie. Tu trouveras un moyen, d'une manière ou d'une autre. Mais comment ?

- Monsieur Rose ?

Ta tête se redresse. Tu étais en train de parler avec Kallen Evans, jusqu'à ce que la réminiscence arrive. Les mots te manquent, tu essaies de reprendre le contrôle sur tes pensées. Tu n'arrivais pas à te souvenir de quoi vous étiez en train de parler. De quoi était-il question, déjà ? Pourquoi tu n'arrivais pas à t'en souvenir ? Il te semblait normal de te rappeler de quelque chose d'aussi proche, et pourtant. Et pourtant, tu ne peux pas. Ouvre donc ces lèvres, tu inquiètes une jeune femme. Elle te regarde comme si tu étais un revenant. Rien d'étonnant à cela : tu as pâli, encore plus que d'habitude. Ta peau est quasiment blanche comme neige. Tu réussis tout de même à te relever sans vomir et à t'appuyer à l'une des colonnes de l'entrée, en fabriquant un sourire fatigué.

- Ce n'est rien, un peu de fatigue. De quoi parlions-nous, déjà ?
- Rien de bien important... et si on remontait ?

Elle désignait son mégot consumé en disant cela. Tu tires une dernière bouffée sur ta clope avant de la jeter négligemment dans le cendrier et tu tires la porte, invitant Kallen Evans à rentrer. Elle entre avec un petit hochement de tête, puis tu la suis tranquillement. Il est temps pour toi de bosser, après quelques mois de négligence. Comme ce terme te semble étranger, désormais. Une troisième personne monte en même temps que vous, et manque d'appuyer sur le bouton du neuvième étage. Là où tu crèches, en fait. Il a un petit sourire à ta vue et à celle de ta collègue et patiente comme vous deux, le temps que l'engin remonte jusqu'au dernier étage. Il remonte avec vous, donc. Tu regardes Kallen Evans, qui te rend un regard qui signifie en clair que tu vas passer un sale quart d'heure si c'est pour toi. L'ascenseur arrive à bon poste, et vous descendez tous les trois. La jeune femme retourne à son bureau, et tu as la sale impression de suivre l'homme monté avec vous. Lorsqu'il s'arrête enfin dans l'encadrement de ta porte, tu entends une voix tonitruante brailler, ou plutôt demander, un renseignement un peu incongru :

- C'est bien le bureau de Lyan Rose ? Où est ce fieffé connard ?
- Le fieffé connard est derrière vous, monsieur... monsieur comment, déjà ?

Il se retourne d'un bloc, et le sourire qu'il t'envoie n'est clairement pas du même genre que celui qu'il t'avait donné dans l'ascenseur.

- Excusez-moi, je m'y connais mieux en connerie qu'en physiologie. Je n'avais pas reconnu la carcasse... Il faut dire que vous avez changé, depuis quelques temps. Je suis Ivan Hankerk, responsable du Comité d'Investigation. Vous vous souvenez sans doute de mon service.
- Oh que oui, je me souviens de ce service. Merci encore pour le blâme. Quel dossier vous venez saloper, cette fois-ci ?

Un sourire qui s'étend, toujours aussi malveillant.

- Votre dossier à vous, M. Rose, votre incompétence est enfin jugée par nos agents. Dites-moi, Lyan Rose, combien de dossiers avez-vous traité le mois dernier ?
- Un, le minimum réglementaire.
- Et ce mois-ci ?
- Deux.
- Deux ?
- Deux. J'ai entamé le deuxième ce matin. Une affaire de harcèlement. Autre chose, M. Hankerk ?

Il se retourne en grognant et repart vers l'ascenseur, clairement emmerdé, sans même chercher à vérifier si oui ou non tu as commencé à traiter une nouvelle affaire. Sans te retourner, ton poing se lève en sa direction et laisse sortir un médius moqueur. Tu rentres enfin dans ton bureau et tu t'asseois tranquillement. Purity te lance un regard lourd de sens, auquel tu ne peux répondre que par un haussement d'épaules. Tes doigts parcourent la liasse de papiers devant toi et tu te décides à l'attraper après un temps de réflexion. Tout ceci contient les dépositions des témoins et la liste des preuves, que tu vas devoir relire en détail pour préparer le procès. Procès étant gagné d'avance, d'ailleurs. L'une des pièces à conviction s'avère être l'appareil photo du stalker, une autre étant ses aveux signés. Il n'avait pas été difficile de manipuler le stalker, par ailleurs. Promettre de lui rendre son appareil photo en l'échange de sa déposition était un coup bas, mais efficace. Tu relis donc le dossier en te fendant la gueule de manière, il faut le dire, assez malveillante.

Ah, ce rire que tu as maintenant en plus de ton rire "franc". Ce petit rire étouffé dans un souffle, pareil à celui d'une hyène. Ce que tu compares, avec ce même rire, aux bruits d'un asthmatique qui s'étouffe. En fait, pour faire dans le plus exact et le moins descriptible pour les enfants, on pourrait parler d'un rire semblable au bruit d'un aspirateur, suivi d'un hamster muet aspiré par ce même aspirateur qui tente de galoper pour remonter le tuyau.

Même si "aspiré par ce même aspirateur" est assez moche à dire, c'est vrai.

Tu relèves la tête, lentement. Et ce que tu vois te brise net. Purity continue de te regarder, mais dans ses yeux baignent deux larmes prêtes à tomber. Tu connais ces larmes mieux que quiconque, puisque tu en es la cause principale. Toil, Lyan Rose, procureur, crétin de première qui n'a jamais su regarder ses propres problèmes en face. Toi qui as toujours fui tout ton tas d'emmerdes. Fier ? Tu peux vivre une vie tranquille, toi. Même si cela signifie détruire la vie des autres au passage. L'existence. Voilà ce qui te pose le plus de problèmes : l'existence en particulier. Et c'est l'existence de deux enfants qui te pose ton problème actuel. Tu poses le stylo que tu avais pris, et tu commences à te lever. Tu n'as plus rien à faire ici, penses-tu à ce moment. Un homme n'a pas le droit de pleurer, mais une femme peut se l'autoriser. Si elle est seule. C'est ce que tu penses.

... Tu fuis ?

Tu penses que c'est une solution ?

Allez, suffit. Arrête tes conneries, et fais face à ces larmes pour une fois. Sans même être un humain, sois un homme, une fois dans ta vie. Même si ça nécessite de se forcer un peu, de remonter une pente très longue, de s'arracher le corps et ne finir qu'en lambeaux... comment savoir que tu es heureux sans avoir un peu de douleur de temps en temps pour te rappeler ce que c'est de ne pas l'être ?

- Purity...

Tu reprends ta place sur ton siège et tu essaies de chasser tes propres larmes. Un homme n'a pas le droit de pleurer. C'est à toi d'être fort ici. Et être fort, tu l'as enfin compris, c'est surtout ne pas être un lâche. Ne pas fuir. Ne jamais oublier, ou faire semblant d'oublier. Réfugie-toi dans ton passé si tu préfères. Repense à ce qui s'est passé, il y a trois mois. Ce qui a fait que tu as de nouveau changé. Ce qui a changé pour que tu deviennes plus fort, pour toi. Et pour elle. Pouvoir de nouveau manier deux flingues à la fois, pour pouvoir les traquer et effacer toute menace qui planait autour de vous. Tu ne veux pas, n'est-ce pas. Tu lâches donc quelques mots, le minimum vital. Ce qui aurait dû se passer, si rien n'était arrivé.

- Je sais à quoi tu penses. Mais même si on avait pu les faire naïtre, ils auraient grandi dans un orphelinat. Tu le sais aussi bien que moi.

Ta main glisse sur une pile de dossiers et dévoile celui que tu ne voulais pas voir maintenant. Ton propre dossier, celui qui a suivi le rapport du comité d'investigation après tout le raffût d'il y a deux ans, où tu avais révélé ton vrai passé en espérant silencieusement qu'on te croirait. Crétin. Quel terrien croirait à une histoire de monde parallèle empli de créatures en tout genre ? Tu avais rattrapé les choses en remettant une "véritable" version de ton passé, en insinuant que tu t'étais foutu de leur gueule la première fois. Ton deuxième blâme : au troisième, ta carrière s'arrêtera. Une version officielle bien utile, dans ce monde. Lyan Rose, procureur français venu au Japon grâce à une spécialité dans le droit international, mention spéciale pour le droit japonais. Enfant sans histoire, père mort à tes neuf ans, études difficiles pour cause de financement.

La vraie version est plus sombre, plus étrange et plus surnaturelle.

La vérité, tu te la repasses en tête, séquence par séquence. Un enfant de Nexus, fils d'un père humain et d'une mère terranide. L'enfant dont le père voulait cacher l'existence et dont la mère rejetait la responsabilité. Un enfant adultère, en sorte. C'est ainsi que tu as fini par atterrir dans une famille d'humains normale, avec quelques demi-frères et demi-soeurs. Un passé qui s'est bien terminé, ta mère adoptive t'ayant accueilli comme l'un de ses propres enfants. Tu avais grandi heureux, mais tu avais fui. Pourquoi ? Toi-même, tu ne t'en souviens plus. C'est à quinze ans que tu as fui, déchiré tes vêtements dans la fuite et t'es donc baladé dans la rue torse-nu. Sans savoir que tu avais de belles rayures dans le dos, montrant ton appartenance à la race des terranides, ne serait-ce qu'à moitié. C'est pourquoi tu ne t'es pas méfié quand on t'a proposé un boulot de libraire, payé deux pièces d'or par heure. Tu as accepté derechef, sans te douter que les chaînes et les menottes t'attendaient.

Toi, le quart de tigre, en esclavage. Ton sang n'a fait qu'un tour : tu avais étranglé ton esclavagiste bibliothécaire, avant de le dévorer vivant. Puis tu avais libéré les autres esclaves, et t'étais enfermé chez cet homme. Pendant trois ans, tu n'as pas bougé. Un criminel qui reste sur la scène du crime n'y revient pas. Cependant, aussi riche qu'il était, cet homme n'avait pas de provisions illimitées. Les réserves que tu avais trouvé dans la villa t'ont duré trois ans. Trois ans de solitude, trois ans à ne plus avoir un seul contact avec qui que ce soit. Il y a une différence entre la solitude choisie et la solitude forcée. Tu as du mal toi-même à réaliser comme tu avais souffert ainsi, durant trois ans. Tu espérais juste pouvoir sortir un jour. Et ne pas rendre le moindre soupçon, une fois qu'il ne resterait que les os du vieil homme.

Tu avais entendu trois coups secs à la porte, trois ans plus tard. La milice était là. Une affaire formelle, soit : mais tu as paniqué, et tenté de fuir une nouvelle fois. Tu avais entendu leurs cris lorsqu'ils avaient découvert un corps décomposé. Et tu étais déjà parti loin lorsqu'ils cherchèrent à retrouver le coupable. Tu n'étais déjà plus à Nexus, à vrai dire. Tu étais arrivé là où tu allais vivre : Seikusu. Tu tentais de fuir, tu étais totalement incapable de t'orienter dans cet endroit. Bon point pour toi, tes vêtements débraillés passaient inaperçus. Les gens te prenaient pour l'un des rares survivants du style grunge ou pour un SDF, selon les personnes et leur idéalisme. Tu vis enfin quelque chose de vaguement familier, en la présence d'un paquebot qui te rappelait très vaguement les bateaux du port de Nexus. Après une semaine à errer sur le pont et dans une cabine inutilisée, tu arrivas enfin à ta destination. Tu parlais avec les chats, ça t'évitait de t'ennuyer trop fermement. Arrivé sur les lieux, tu avais cherché un lieu où te poser. Un squat se présenta à toi.

Un squat, et un bâtiment qui t'appelait d'une certaine manière. Le bâtiment doté de plusieurs pancartes : "Université de Droit de Bordeaux". Tu n'eus aucun mal à apprendre la langue française, à la grande différence de la plupart des étrangers. Les chats t'aidaient, toi. Ainsi, tu pus suivre les cours, te faire des faux papiers, t'inscrire pour de bon et suivre le long cursus qui t'emménerait à ton objectif. Devenir procureur. Tu ne savais pas trop en quoi ça consistait, mais le droit international te fit comprendre que le procureur travaillait également sur le terrain à certains endroits. Notamment à un endroit dont le nom t'était familier : Seikusu. Tu avais fini tes études, gagné un peu d'argent... et tu t'étais payé le voyage aller pour le Japon. Tu avais fait ton année d'études, tu avais passé le concours, tu l'avais obtenu haut la main. Tout allait bien. Tu avais un peu de personnel sous tes ordres...

Et surtout, tu croyais encore en la justice. Aux coupables et aux innocents. Ce genre de choses qui te font marrer, maintenant. Tu avais essuyé la triste vérité le jour de ta première défaite face à l'avocat du diable, Hiro Atayoshi. Personne n'est innocent. L'innocence n'existe pas. Le monde n'est pas quelque chose où les choses sont soit noires, soit blanches. Et tu en avais payé le prix, six mois plus tard. La moitié gauche de ton visage, ton bras gauche, ta jambe droite, ton meilleur ami. Le prix que tu avais payé pour une victoire d'un procès et le triomphe de la sacro-sainte vérité était trop cher pour toi. Ton motif avait changé. De la justice, tu étais passé à la vengeance. Tu avais disparu des salles de procès en tant que procureur. Cependant, tu y étais resté en tant que spectateur. En espérant guetter Hiro Atayoshi à la barre, en bon avocat de la défense. Des mois passèrent, tu ne le revis jamais. Tu avais abandonné.

Celle qui t'avait sauvé, le soir où tu avais été laissé par ce même Hiro Atayoshi à moitié mort, dans une décombre en proie aux flammes, c'était Purity. Elle t'avait soigné comme alle avait pu, et pris soin de toi. Toi, tu étais devenu une autre personne. Un homme qui aurait dû mourir ce soir-là, mais qui continuait à survivre, animé par la haine à l'état pur. Personne n'est innocent, tu y croyais dur comme fer. Et pourtant, tu la trouvais innocente, elle. Tu avais voulu souiller cette innocence, et tu avais échoué. La nuit que tu avais passé en voulant la souiller n'avait que confirmé son innocence à jamais, et avait mené à ta paternité. Tu étais de nouveau heureux. Mal en point, mais heureux. Heureux, jusqu'à ce que tu finisses par tomber en embuscade. Un ancien détenu qui s'était évadé juste pour ta petite tête, un détenu qui voulait faire de cette tête une purée rougeâtre. Vous étiez tous les deux. Tu l'avais poussée, et encaissé toi-même la balle qui aurait dû t'être fatale. Tu avais descendu le détenu toi-même. Puis tu t'étais écroulé.

En te réveillant, ce n'était pas Purity mais une Tekhanne à ton chevet. Tu arrivais à bouger ton bras gauche et ta jambe droite parfaitement, et tout te semblait plus léger, plus facile. Tu étais de retour à tes trente ans. Elle t'avait opéré avec les moyens tekhans : une puce à la base de ton cou pour te maintenir en vie, et une cicatrice en croix sur ton torse pour les engins qui avaient ressoudé les os de ton bras, extrait les balles dans ta jambe droite et ton coeur et remis les nerfs de ton visage en place. Tes yeux, inexplicablement, étaient devenus verts dans la manoeuvre. Puis elle s'était enfuie en rechargeant la puce pour soixante ans, avant de placer un bouclier à résistance maximale autour. Même un dieu n'aurait pu détruire ce bouclier, disait-elle. Ta vie était donc assurée pour soixante balais de plus. Elle s'était enfuie, donc : elle ne supportait plus Tekhos. La tekhanne misogyne, qui ne supportait pas le régime gynocrate. Et qui t'avait sauvé la vie.

Venu avec une bonne nouvelle, tu te fis toucher de plein fouet par la pire des nouvelles à ton retour chez Purity : la chute lui avait fait perdre les jumeaux qu'elle attendait. Tu avais sauvé sa vie, mais pas celle des enfants. C'est là que ton nouveau credo fit émergence. Tes lèvres s'ouvrirent doucement, avant de prononcer quelques mots que tu allais répéter des centaines de fois.

- Ca suffit... pourquoi vouloir s'accrocher à tout prix ?

Et tu avais fui.

Et tu continues à fuir. Mets donc le nez dans tes dossiers, tant que tu peux encore. Distrais-toi encore avec Razel et Kallen Evans. Rien ne changera ton passé, mais tu peux encore changer ton futur. Profite donc de la mutation de toute ta magie, qui te permet d'effacer ta présence. Tu peux devenir invisible mais continuer à émettre des sons, soit... Tu peux faire en sorte que les gens sentent ta présence, mais ne peuvent savoir ce que tu fais ni ce que tu dis, soit. Tu peux effacer ta présence mais rester visible, comme si les gens t'ignoraient inconsciemment, soit. Mais tu n'as pas le don de changer le futur. Mais ça ne fait rien. Après tout...

C'est le but de cet écrit, non ? Changer le futur auquel tu ne vois qu'une condamnation par le destin.

Le temps passe, donc, parce que le temps doit passer. L'horloge tourne, lentement. Tout te parait long, et pourtant si rapide à la fois. Tu ne sais même pas ce que tu ressens, plongé dans tes pensées et ton passé. De la mélancolie ? Non, et pas de la tristesse non plus. Un peu une sorte d'amertume tranchante, si on peut dire. Tu rêves de pouvoir remonter le temps, alors que ta conclusion s'approche à grands pas. Mais ça ne fait rien, pas vrai ? Tu peux te jeter dans le vide, te faire truffer de balles, te faire découper en pièces... tu te relèveras, de toute manière. Parce que les milliers de petites machines dans ton organisme t'ont déjà sauvé plusieurs fois de morts certaines, et que la tekhanne avait été formelle.

« Lyan Rose, tu mourras dans ton lit le jour de ton quatre-vingt-onzième anniversaire. »

Et ta conclusion, elle se trouve dans le triple de ton existence actuelle. Tu as encore soixante piges à tirer, profite donc de ton immortalité. Ton futur, à partir de maintenant, c'est à toi de le changer par toi-même. Avec mon aide et mon talent de conteur, bien évidemment.

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Vous nous quittez déjà ? / Absences d'un procureur désabusé et autres.
« le: mercredi 30 octobre 2013, 17:05:08 »
Je refais un topic parce que j'ai eu la flemme de chercher j'ai pas retrouvé mon ancien topic d'absences, et aussi parce que c'est swag d'apparaître plein de fois dans une section. Brref, à partir de demain, 14h30, je serai hospitalisé pour une durée assez longue (minimum deux semaines si j'ai bien compris), et donc bah je serai pas là.

Ca changera pas grand chose à mon activité RPistique, soit, mais ça va me permettre d'avancer la nouvelle fiche de Lyan.

- C'est pas trop tôt ! Et sinon, vu que tu fais que flooder, tout le monde s'en carre, non ?

Ouais. Mais j'aime faire perdre du temps.

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Archives / La vérité sur LGJ...
« le: mardi 24 septembre 2013, 01:54:42 »
Je sais tout maintenant, j'ai découvert l'odieux processus qui se trouve derrière tout ce maelström de validations, de fiches, de RP, de mots, de lettres. De caractères !

C'est dingue en y pensant. Pensez-y ! Pourquoi sommes-nous là, vils pervers que nous sommes ! Non, pourquoi sommes-nous prisonniers ici, condamnés à jouer et à doubletter jusqu'à ce que mort s'ensuive !

La réponse est simple... ILS VEULENT NOTRE ÂME.

Pensez-y. Faire une fiche ? Ce n'est qu'un moyen de scanner notre âme, savoir si oui ou non elle sera utilisable dans leur machination diabolique. Faire du RP ? Enfin voyons ! Soyons réalistes !

ILS ONT AUTORISES NOS PARTENAIRES A EXISTER. Nous ne sommes que les pantins des admins, qui ne veulent qu'une chose. Engraisser nos âmes, les faire travailler comme des damnés.

Et enfin conquérir le monde avec une armée de zombies... et surtout des pages et des pages de RP, armes diverses et variées toutes aussi dangereuses les unes que les autres face à ces sales illettrés d'humains !

Nous ne sommes que les pions d'un admin machiavélique qui ne veut qu'une chose : la domination du monde.

Et sinon, ben c'est mon millième post. Champagne ?

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Le coin du chalant / Venez visiter, c'est ouvert...
« le: lundi 23 septembre 2013, 02:01:45 »
... non, ce n'est pas un topic de trames pour le procureur à la gueule d'emo. A vrai dire, il s'agit d'une proposition de One Shot. Voilà l'idée :

Vous (ou votre personnage que vous voulez tenter en OS) débarquez dans une sorte de vieux bâtiment japonais, entre le château féodal et la résidence de geisha. Il y fait froid, très froid. Et la porte s'est refermée derrière vous, en refusant de s'ouvrir peu importe ce que vous essayez. Vous allez devoir explorer la bâtisse et trouver le maître ou la maîtresse des lieux pour pouvoir sortir de cette Sibérie de poche truffée de pièges en tous genres.

Voilà voilà. Je ne donne aucun détail sur mon personnage dans ce topic, ce sera la grande surprise. Je demande juste, si vous devez créer un personnage pour ce OS, de ne pas en faire un sale grosbill qui sortirait par la porte en la défonçant.

Oh, et je préfère qu'on me demande par MP plutôt que sur le topic, c'est plus cool parce que c'est mieux pour discuter détails.

Venez nombreux ! Il n'y a qu'une seule place disponible...

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L'Art / Ruines.
« le: samedi 04 mai 2013, 14:26:50 »
Encore un nouveau projet. Celui-ci n'a pas grand chose de précis et sert plutôt de recueil de nouvelles diverses, plus qu'autre chose. Faut que j'écrive sinon je vais rouiller, dooonc...

J'vais faire un petit sommaire qui va s'update au fur et à mesure, avec les liens des posts où figure la nouvelle.

Sommaire :

Coeur léthargique.


Allez hop.
Coeur léthargique

Il crie à l'intérieur de sa cage. Il tente de sortir à tout prix, il se débat. Une plainte s'échappe tant il frappe contre les parois de la cage. Puis il se calme et s'endort. Ce coeur léthargique que personne ne voudrait réveiller. Trop dangereux. Bien trop dangereux, même. Il s'agit de ne pas laisser ce coeur sortir de sa cage. Il s'agit de calmer les assauts de cet organe qui bat de toute sa fureur dans un maelström de veines et d'artères. Il s'agit surtout et avant tout de calmer son porteur, celui qui se tient au sol en ce moment même.

Les yeux révulsés, les dents serrées, le visage crispé dans une expression de haine profonde. Il hurle intérieurement, seule une plainte étouffée sort de sa gorge. Son flux vital coule à grands flots depuis son avant-bras droit. Ce même bras droit qui serre le pauvre tissu qui sépare la peau de son torse de ses doigts. Il voudrait s'arracher le coeur. Il espèrerait pouvoir s'ouvrir le sternum, pouvoir prendre son coeur dans la main et tirer, l'écraser. C'est la douleur qu'il ressent, à genoux sur le sol, une main crispée sur le coeur et un poing serré sur le sol. Tout se tient dans ses mains. Son futur, son passé, son présent également, mais surtout son choix.

Ses yeux exorbités se relèvent lentement, prenant une dangereuse teinte de vengeance. Son coeur s'est arrêté, il peut continuer. Ses tempes continuent à battre la mesure tandis qu'il se relève, chancelant. Il voit trouble. Sait-il réellement ce qu'il voit ? Il ne saurait le dire. Son coeur a cessé de penser. Une bête emplie de haine s'est soulevée, et le moindre battement pourrait la calmer. Est-ce ce que veut ce coeur ? Il ne veut rien dans sa léthargie profonde. Tout tient dans sa main, pourtant ses mains ne tiendront jamais rien. Il s'élance, dans un hurlement bestial. D'où a-t-il sorti ce couteau ? Qui sait. La personne en face ne le saura qu'au moment du coup, lorsqu'elle verra que son arme a disparu de sa main.

Un bruit fort plaisant et sauvage. Celui d'une lame s'enfonçant avec difficulté entre deux côtes. Bruit du sang qui s'éclate contre le sol. Remontées volcaniques, vision sanglante d'une bouche qui se vide de son essence écarlate. Quelque chose s'est brisé, quelque part. Dans un esprit et dans un corps.

Quelqu'un a été brisé. Et quelqu'un d'autre en a fait les frais. Le coeur léthargique ne bat pas. Il n'a pas utilisé l'arrêt d'un autre coeur pour se relancer. La bête sauvage se tient debout, les yeux fixes. Les bras de cet animal pendent tout contre son corps, et la vision du sang ne le calme pas. La chaîne du destin s'est brisée, et personne n'a tenté de la réparer. Pas même ce coeur léthargique, qui consent à émettre un léger battement. Choeurs apocalyptiques, mille voix résonnent dans un esprit qui revient peu à peu à lui. Comme Il le proclama, le monde sera détruit par le son de sept cors. Son monde avait été détruit par la sensation d'une lame dans sa chair. Un long soupir exalté par la bouche, comme le réveil d'une âme perdue. Le soulagement de s'être retrouvé, en sorte.

Il regarde en bas. Ne jamais regarder en bas. Il voit ce visage couvert de sang, cette bouche et ce menton couleur carmin. Ces yeux sans vie, révulsés pour l'éternité. La lame dépasse. Il prend peur. Sueurs froides. C'est tout un autre monde qui s'ouvre à lui : sens la nourriture, car tu ne pourras pas même toucher le plateau. Il recule d'un pas. Puis d'un deuxième. Sa respiration se fait plus rapide, elle se bloque. Elle reprend rapidement. Il commence à trembler, ses mains se placent devant sa bouche. Encore un pas en arrière, suivi d'une longue plainte venant directement de la gorge. Il régurgite dans un concert de bruits de gorge étouffés, de râles de désespoir et du bruit de la bile s'écrasant sur le pavé.

Son coeur était si bien en léthargie. Avait-il réellement à se réveiller ? Avait-il réellement à voir qu'il avait tué ? Ce coeur comptait-il réellement s'infliger une telle peine accompagnée d'une telle douleur ? Il reprit le couteau de sur le corps et traça une légère entaille sur son torse. Plutôt profonde, assez pour y rentrer le bout des doigts. Il força, dans un cri de douleur abominable. Il souffrait le martyr, mais il tenait à le faire. Le sang giclait. Sa main s'enfonçait parmi ses organes, avant de trouver ce qui l'intéressait. Il crie à l'intérieur de sa cage. Il tente de sortir à tout prix, il se débat. Une plainte s'échappe tant il frappe contre les parois de la cage.

Soit, se dit cet homme. Sors donc.

Une main attrape ce coeur léthargique et le broie. Quelques secondes plus tard, un spasme nerveux arrachera ce coeur léthargique de sa cage.

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