Ville-Etat de Nexus / L. 20 ans. Née à Nexus. Vierge. Calme et docile. (PV)
« le: dimanche 10 juin 2012, 12:35:18 »C'est un cri qui la réveilla. Un cri suraigue, qui eut le mérite de la faire grimacer comme une enfant contrariée. Le corps dissous de Ludmilla redevint celui d'une jeune femme, et elle atterit à nouveau sur ce matelas aussi froid et dur que le marbre, quittant à regret son statut d'étoile perchée hors de la réalité, au creux du cosmos. Son regard bondit vers la lucarne, là, à côté d'elle. Dehors, il faisait encore noir. La lune, dorée, dodelinait dans le ciel, et les étoiles semblaient s'entrechoquer silencieusement. La jeune fille remonta sa couette sur ses jambes, et se surprit à trembler. De froid. De peur. Elle n'en savait foutrement rien. Un battement de cils, et ses paupières se couchérent sur ses orbites. Puis ce cri résonna à nouveau dans cette immense salle, où dormaient tous les esclaves à vendre. Elle put sentir que certains remuaient sur leurs couches, intrigués et effrayés. Cette fois, elle se redressa carrément, cherchant à se diriger vers ce son inquiétant ... Mais elle tomba. Les liens à ses pieds, l'empêchait de remuer comme bon lui semblait. Elle serra les dents, s'emmitoufflant dans cette couette dont l'odeur la répugnait, lui rappelant celle de caves dans lesquelles elle avait pu se cacher, un jour, pour éviter des coups trop violents. Ludmilla secoua la tête. Cesse de penser. Il fallait qu'elle dorme. Cette nuit serait son dernier répit avant la vente.
Et bien, évidemment, elle ne parvint pas à se rendormir. Si bien que, le lendemain, lorsqu'à 7 heures, on installa les esclaves, enchainés dans des cages, sur le marché de Nexus, Ludmilla avait ce regard fuyant et épuisé propre aux insomniaques. Les mains et les pieds libérés de leur carcan, la petite s'agita dans cette cage bien trop grande pour elle. On aurait pu y faire tenir quatre comme elle en largeur, mais elle ne pouvait même pas tenir debout tant la cage était basse. Elle avait la sensation d'être un animal de foire, que l'on regarde en ricanant, à qui l'on jette des piècettes ou de la nourriture. Oubliant sa situation dégradante, la jeune fille prit la peine de bailler, quand son propriétaire s'approcha d'elle. Pour venir clouer, sur le devant de la cage, une pancarte. Les coups de marteau la firent couiner, tant la cage remuait, tant elle en était assourdie. Son unique réflexe fut de se replier sur elle-même, au centre de la cage, en espérant que cela cesse vite. Et cela se conclua sur un coup de pied rageur de son propriétaire, qui fit remuer violemment le carcan tout entier, et Ludmilla par la même occasion.
- Tu as intêrét à ne pas trop remuer, petite conne !
C'était son surnom, ça. Petite conne. Depuis un an, on la nommait ainsi, au point qu'elle en oublie son véritable patronyme. La jeune esclave se faufila vers un des coins de sa cage, pour espérer y lire ce qu'il y avait d'inscrit sur cette foutue pancarte.
"L. 20 ans. Née à Nexus. Vierge. Calme et docile."
Elle poussa un long soupir. C'était donc à cela qu'on la reconnaissait, maintenant ? C'était ces 10 mots-là qui décrivaient sa vie et ce qu'elle était ? Elle n'avait même plus de prénom, juste une lettre ... Elle envoya un coup rageur contre un des barreaux de la cage ... Mais cela lui fit plus de mal que de bien. A nouveau, elle couina, venant embrasser cette plaie comme l'aurait fait une mère qu'elle aurait pu avoir. Dans une autre vie. Je suis perle tombée d'un collier, au mauvais endroit, au mauvais moment, songea t'elle en baissant les yeux sur sa peau rougie. Je suis tombée sur du velours. Personne ne m'a entendue. Personne ne s'est baissé pour me ramasser. Puis elle se cala dans un des coins de la cage, proche du mur, en éprouvant la fraicheur un moment. Un vent frais, de ceux que l'on ne croise que le matin, vint la faire frissonner, tandis qu'elle remettait correctement son sari.
Une tenue rouge, orange, dorée, gravée de milles motifs exotiques. C'était là sa seule toilette. Le plus amusant, sur elle, ce n'était pas ce vêtement atypique, mais bien la quantité de bijoux qu'elle pouvait porter, pour une esclave. Des bracelets aux chevilles, dont l'un était couvert de clochettes qui tintaient quand elle dansait. Et puis, d'autres bracelets, en cascade, sur ses poignets fins. Une ribambelle de boucles d'oreilles. Et une myriade de colliers, comme des amulettes. Elle ressemblait à une princesse déchue. C'était aussi triste que beau.
Calée contre ce mur, elle ferma un moment les yeux, pour éviter les regards de ces gens qui la dévisagerait sans peine. Autour d'elle, tous les esclaves s'agitaient, hurlant, proférant des insultes dont elle ne soupçonnait même pas l'existence, cherchant à mordre ceux qui s'approchaient de trop près. Bandes de sots, vous vous ferez battre, pensa t'elle, sans le dire. Car, oui, Ludmilla ne parlait plus. Depuis presque un an. Elle couinait, parfois, pour exprimer sa douleur. Elle murmurait, souvent, des comptines pour rassurer ses comparses. Mais cela faisait un an qu'elle avait oubliée le son de sa propre voix. Cela n'embêtait pas plus que ça ses propriétaires, qui préféraient une esclave muette plutôt qu'une hystérique. On n'exige pas d'une esclave qu'elle ouvre sa gueule, juste qu'elle la ferme et qu'elle encaisse.Ce qu'elle faisait depuis sa naissance, en somme. Alors, elle resta là, immobile, les jambes repliées contre sa poitrine, maintenues par ses bras nus, le visage et les yeux fermés. Il était agaçant de deviner, tout de même, malgré ces barreaux et ce lieu insalubre - une sorte de préau immense suitant l'alcool et la sueur - qu'elle restait délicate, et presque noble.