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« le: jeudi 26 novembre 2015, 20:35:14 »
Jim avait rencontré assez peu de résistance, malgré quelques tentatives d’attaques qu’il avait plutôt bien éludées, mais il n’allait pas se plaindre de n’avoir écopé que d’une unique blessure lors de son passage en force parmi ses adversaires. Pendant que William lui répondait, déclinant son invitation, il regarda la fine déchirure à la manche gauche de son vêtement, entourée d’une tache sombre qui témoignait d’une perte de sang assez conséquente pour traverser chemise et manteau. Il planta négligemment son épée dans un bras qui avait eu le malheur d’entrer dans son champ de vision en portant une arme. Quelle idée aussi, de l’attaquer par le côté... Il avait une très bonne vision périphérique.
Il reporta son attention sur les soldats qui essayaient encore de se battre, puisque son ami n’avait pas l’intention de le rejoindre il s’en occuperait lui-même, tant pis. L’épéiste reprit donc le combat, qui était de plus en plus à sens unique à mesure que les ennemis choisissaient de se retirer pour ne pas subir de blessure trop grave. Jim ne faisait pas vraiment attention à leur état, dans le fond, ils avaient beau ne pas être là de leur plein gré il leur avait laissé le choix de l’affronter ou non, ils savaient très bien quels risques ils encouraient en restant dans son chemin.
Un rire retentit alors dans la caverne. Un rire qui n’avait rien de joyeux. Un rire effrayant, malsain, celui d’une personne qui avait perdu la raison. Jim se retourna vivement, pour constater avec inquiétude la disparition de William. Il remarqua aussi très rapidement qu’Ophidia avait repris forme humaine et martelait le sol du pied. Elle criait entre deux éclats de rire, et ses paroles firent un choc au jeune prince. Elle avait transformé William en serpent, s’il avait bien compris. Ce qui voulait dire...
*Quelques mois plus tôt, dans une grotte derrière une cascade quelque part à Melinka...*
200... Ils étaient 200... Comment cet étranger avait-il pu rassembler autant d’hommes ? Certes, les bandits qui en voulaient à l’épéiste masqué étaient légion, mais tout de même, il ne pouvait pas y en avoir autant en état de se battre convenablement... Et en effet, en les observant depuis le renfoncement où il était caché avec William, Jim se rendit bien vite compte qu’ils n’étaient clairement pas tous en état de tenir une arme. C’en était pitoyable.
“Will, tu me couvres ? Je ne crois pas que ça serve à grand-chose de se répartir les adversaires, estropiés comme ils sont.” murmura-t-il à l’intention de son frère d’armes.
Puis, avant de recevoir la réponse de celui-ci, il se leva et s’avança. L’étranger, en hauteur pour tout voir, l’apostropha et se moqua de lui. Jim ne prit pas la peine de répondre. Il dégaina simplement ses épées, et quand les bandits l’attaquèrent il riposta. Tout aurait pu bien se passer, il prenait l’avantage, mais il y avait des trappes dans le sol, et à plusieurs reprises il perdit l’équilibre et dut parer précipitamment un coup. Et pendant ce temps, il perdait de vue et William, et le meneur ennemi. Très mauvais, tout ça, très mauvais...
Soudain il les vit. Tous les deux au même endroit, et pour cause : William avait été capturé, ligoté, et l’autre le menaçait d’une lame sous sa gorge. Le message était clair : il fallait se rendre. Ce qu’il fit. L’épéiste, fou de rage, laissa tomber ses armes et se laissa emmener.
On le tortura, longtemps, par désir de vengeance et un peu par simple cruauté, mais il s’en moquait. Il avait déjà subi ça, enfant, ça ne lui faisait plus si mal que ça en réalité. En revanche, quand on lui amena William, quand on lui montra dans quel horrible état était son ami... Il flancha. Il utilisa son pouvoir, qui n’était pas encore entièrement “rechargé”, pour éloigner brutalement tous ceux qui les entouraient (pur réflexe instinctif, s’il avait réfléchi ne serait-ce qu’une seconde il aurait fait mieux) puis perdit connaissance. A son réveil, la garde royale les avait enfin trouvés et s’était occupée des bandits, ainsi que de leur meneur. Évidemment, Jim demanda à voir William, mais les réticences du capitaine de la garde parlaient d’elles-mêmes...
Ce traumatisme était encore bien présent dans l’esprit du jeune prince. Alors voir William pris au piège et en danger, encore une fois, pendant que lui-même se battait, d’autant plus qu’il était censé rejouer cette fameuse scène... Tout lui revint d’un bloc à l’esprit, alors qu’il avait tout fait pour oublier. Ses armes lui tombèrent des mains. Les yeux écarquillés d’horreur, la bouche entr’ouverte sur un cri muet, il revivait ce cauchemar. Le décor se brouilla autour de lui, les sons se mélangèrent. Tout ce qu’il restait, c’était ce rire dément, presque le même que celui de l’étranger quand il lui avait amené William presque mort pour l’achever psychologiquement puisque la torture physique ne suffisait pas. Les deux rires finirent d’ailleurs par se mélanger aussi l’un à l’autre.
“Will...”
Il reprit ses esprits quand une lame lui perça l’épaule droite. Par réflexe, il décocha un violent coup de poing au coupable, retira l’arme, qu’il garda à la main, et sauta de la scène. Il n’allait pas laisser tomber son ami. Pas cette fois ! Il se précipita, par le chemin le plus rapide à savoir l’escalade, vers la loge d’Ophidia et se jeta sur l’Anima. Sa lame rencontra la chair, puis le coeur de la magicienne.
“On ne touche pas...à mon ami...” siffla-t-il en tournant la lame dans la plaie.