Les contrées du Chaos / Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]
« le: mardi 18 février 2025, 18:48:27 »Mais celle qui, en cette nuitée, avait glissé au corps l'aiguillon le plus acéré de cette contrée, trouvait dans ces figures pathétiques le lot de tout ceux qui ne savaient guère faire plus que découvrir impuissant la fatalité de ce monde. Le meurtre n'est rien de plus que l'acte le plus humain qui existe : Il ne s'agit pas de posséder des richesses en trompant la confiance, il ne s'agit pas non plus de gagner faveur par quelques alambiquées tournures de langues. Il est de cette pulsion naturelle qui traverse les âges sous sa forme la plus pure et méritoire, le droit de tout à chacun de priver autrui de ce qu'il a de plus précieux, de plus important, de plus évident et pourtant si facilement ignorable et ignoré, la vie. Ainsi, tandis que se pavanent en émois les gentes dames et damoiseaux de bonnes familles en contant combien le sort de Yomar est malheureux, tandis que les vicomtes et les duchesses s'enhardissent qu'un tel acte serait condamnable de la plus atroce des manières dans leurs terres, la violoncelliste elle entend par échos une autre pièce, moins flatteuse, lui tinter aux oreilles. "Les glas monocordes" de Guerd Bremen Huistyss, une pièce inégalable qu'elle découvrit il y a bien des années, mais qui offre une scène poignante où Jachir, simple serviteur, révèle sa nature profonde alors qu'on le prive de ses bêtes : "Je ne connais pas de pourceaux plus alléchants que ceux de vos altesses. Je ne connais pas de chair plus tendre que celle de vos oies. Mais de leurs hures ou de leurs becs, je ne puis plus souffrir les respirations railleuses et amusées. Comprenez que comme tout homme est vêtu de la laine des brebis, tous se parent aussi des griffes des prédateurs. Car si serviles sont les honnêtes gens, ce n'est jamais sans qu'au cœur l'on puisse trouver la plus inexpugnable des sauvageries."
Battu pour son insolence, Jachir tuera toutefois l'intégralité des puissants et nobles de la pièce en représailles. Alors seulement retrouve-t'il ses bêtes, menant dès lors son troupeau en de plus verdoyants pâturages. Le meurtre n'est rien de plus qu'un outil pour retrouver la paix, une paix qui, d'ailleurs, a depuis peu envahi le cœur de Tojeï tant et si pleinement qu'elle ne saurait même pas se rappeler de qui elle avait percée le flanc, n'ouïssant au loin qu'un cri déchirant alors même qu'elle se trouve, un brin confuse, à contempler les mirettes aux profondeurs presque stellaires de la danseuse qui l'avait bousculée. Trouble faisant, béatitude intérieure aussi, la violoncelliste ne semble même pas considérer se redresser, comme stupéfaite de cette curieuse situation, se contentant de se perdre en curieuse contemplation, du moins jusqu'à ce que sa garde du corps ne paraissent à nouveau dans on environnement, lui ordonnant par la présente à revenir sur Terra. Pleurs angoissées et brin de panique devenant enfin signes alarmants du devoir de quitter les lieux, l'échange qui s'ensuivit entre les deux dames de cultures musicales et plastiques fut l'occasion d'avérer leur désir de poursuivre un bien honnête échange en plus calme décor. Un appel à la bonne compagnie qui sembla, un court instant, donner à leur guide une bien désagréable impression de situation houleuse, sans qu'il ne semblât en faire la mention, se contenant poliment au lieu d'en faire la remarque à celle qui venait d'offrir la possibilité à la talentueuse représentante rurale.
Et non, son petit air de chien battu rencontra la coeur glaciale d'une Tojeï en parfaite capacité de décapiter un chaton qui lui ronronnerait au pied. C'est donc avec une assurance pleine et sincère qu'elle vint prendre la main de cette nouvelle rencontre, dans un geste calme et de bonne grâce, pour alors entamer de faire un pas, puis un autre, tout en lui offrant une sincère déclaration.
" Suivez-moi donc. J'espère ma nature peu altière, je ne suis pas encore au fait des us et coutumes de vos contrées. Ce jeune homme m'offrait le bienheureux plaisir de découvrir les merveilleux atours de la cité, et je puis dire découvrir en votre présence et rencontre un véritable bonheur de providence. J'imagine que vous l'avez entendue plus tôt des lèvres de ma garde du corps, mais je me présente, Tojeï d'Anthilie. Et comment vous prénommez-vous ? "
L'artiste emportait la jeune femme au loin de la foule, l'obligeant par le lien de leurs main à suivre sa cadence somme toute modeste, sa robe de soirée l'incitant à des déplacements mesurés pour ne pas faire voleter les pans eux-aussi modeste de sa tenue. Fuka se contenta d'observer les événements d'un air calme, peu inquiétée par la tournure des événements, non sans pour autant constater le désarroi de celui qui se trouvait désormais derrière la violoncelliste. Se libérant une main en croquant un fruit qu'elle gardait auparavant entre ses doigts, elle offrit quelques tapes délicates sur l'épaule de ce garçon avant de récupérer la denrée qu'elle s'était calé entre les dents. Simple moyen de lui témoigner qu'il n'avait plus vraiment à craindre grand-chose, si la visite était jusqu'ici son propre devoir, il était désormais évident que les lubies de la dame monochrome sauront guider leurs épopées nocturnes. Du moins jusqu'à ce qu'il ne soit trop tard et qu'ils soient l'heure de trouver plein repos en un lieu plus cossu. La démone se pencha un peu en avant pour se mettre à l'oreille d'Ythaci, puis se permit quelques explications pour que ce dernier ne se retrouve pas trop surpris par ce qui pouvait survenir désormais. Simple délicatesse de sa part envers quelqu'un qui, jusqu'ici, avait accompli un sans-faute absolument irréprochable, donc qui ne méritait pas de voir l'ensemble de ses plans se briser en mille morceaux par l'inconstance de Tojeï :
" N'ayez crainte, ça lui arrive. Maintenant elle va soit échanger deux minutes, soit se perdre des heures en longues paraboles sur l'art et l'importance de toutes les formes de représentations musicales et théâtrales. Si vous avez de la chance, p't'être même qu'elle vous invitera à rentrer chez vous en vous remerciant du plus profond de son cœur pour l'excellente soirée que vous lui avez offerte par cette balade. Moi par contre, dans tout les cas, j'vais devoir patienter le temps qu'il faudra. "
Elle se redressa, attrapa le fruit qu'elle avait déjà croqué et en engloutit le reste d'une bouchée. Mâchonnant bruyamment, elle observe les environs avec une certaine vigilance, surtout après avoir perçu le drame de plus tôt, et donc la potentielle présence d'êtres malicieux dans la foule, mais leur approche des abords de la grande avenue rendait les environs bien plus clairsemées, donc la rassurait quant à sa capacité à réagir si quelque chose s'approchait soudainement. Elle déglutit donc l'ensemble de la chair juteuse qu'elle venait de se farcir dans le gosier pour reprendre nonchalamment, à haute voix ce coup-ci, comme pour lui faire comprendre que quoi qu'ils pourront exprimer désormais, la femme aux longs cheveux d'ébènes étaient désormais sourde à la moindre plainte, à la moindre réflexion, sûrement même au plus petit bout de bon sens qui incomberait à ce genre de situation.
" Elle a toujours été comme ça. Ayatvili dit qu'elle est passionnée, parfois je me demande juste si autre chose existe pour elle que son art. Alors pour l'instant... Bah, je vous propose de partager ce que j'ai acheté le temps que ses passions retombent ? "
Elle lui tendit un des petits pains salés qu'elle avait commandé plus tôt, un léger sourire résolu aux lèvres. Elle ne le plaignait pas vraiment, mais elle imaginait bien que cette situation pouvait être contraignante.
Pendant ce temps-là, Tojeï venait enfin de quitter les foules avec sa nouvelle compagnie, observait les environs avec calme, cherchant un lieu où il serait possible de boire quelque-chose tout en poursuivant de sains échanges. Ses observations ne menaient guère à de grands résultats, mais elle entama alors de se retourner en direction de son excellente rencontre du soir pour l'informer de son désir de trouver quelques lieux servant un juste rafraîchissement, meilleur endroit pour se satisfaire d'une discussion en profondeur des arts qui parcourent les rues, la cité, peut-être même la contrée. Décidément, dès lors que ses pulsions étaient derrière elle, la femme n'avait plus de raisons de se limiter, tout devenait si agréable, si intensément satisfaisant. Quelques pas de plus à la recherche donc d'un milieu convenable pour leurs futurs échanges, elle se permit de poursuivre son verbe dans un ton des plus respectueux, témoignant de son égard envers quelqu'un baignant dans le même domaine professionnel qu'elle :
" J'espère que je ne me montre pas trop engageante, je peux imaginer qu'un manque de souplesse ou de mesure de ma part puisse trouver une certaine surprise de votre part. mais outre notre importune rencontre, que je ne saurais laisser sans compensation, votre présence m'est un délice. Voyez-vous, je me questionnais sur la nature des Arts de Meïsa, aussi de pouvoir en discuter avec un membre de ce milieu m'exalte au plus haut point. "









