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« le: jeudi 02 février 2017, 16:19:12 »
La petite barque de pêcheur, aussi insignifiante qu'une brindille au milieu de l'océan , s'est éloignée de l'île-volcan. Si Kaipkyre avait pu ouvrir les yeux pour regarder une dernière fois sa terre natale, elle n'aurait vu qu'un talus sombre et fumant et sans doute le grondement lointain de l'éruption. Rien de plus. Autour, il n'y avait que de l'eau salée. Beaucoup, beaucoup, beaucoup d'eau.
La barque a dérivé un bon moment avant que la belle de se réveille. Le soleil brûlant tapait fort contre sa peau et avait réveillé un violent mal de crâne. Lorsque son esprit s'éveilla à son tour, elle réalisa enfin où elle était. Elle se rappela de son oncle l'emportant loin de son village et de sa famille, courant droit vers un rivage... puis plus rien. Elle s'était endormit, ou évanouit. Elle ne savait plus trop. Elle comprenait simplement l'essentiel : son peuple tout entier affrontait un volcan déchainé et son oncle, pour lui sauver la vie, l'avait fait grimper dans une barque pour lui donner une chance de survivre. Lorsque toute ses informations eurent trouvé leur place dans sa conscience, Kaipkyre éclata en sanglots. Elle pleura longuement, jusqu'à ce que la faim et la soif deviennent trop forte pour les ignorer. Elle trouva un sac avec quelques victuailles et deux gourdes d'eau, une dernière attention de son oncle sans doute. Cela allait-il suffire pour traverser ce monde bleu sans fin ? Y avait-il seulement quelque chose au-delà ? La jeune femme n'avait pas de réponse. En revanche, elle savait qu'il n'y avait aucune rame dans cette barque et donc aucun moyen de contrôler réellement l'embarcation. Elle allait devoir confier sa vie aux courants marins et prier pour qu'une tempête de na la surprenne pas. Ou bien elle serait perdue pour de bon.
De nombreux jours passèrent. Malgré les soins de la belle Komore à économiser ses maigres ressources, il ne lui resta bientôt plus rien. Plus une seule goute d'eau, plus une seule miette. Rien. La nuit, elle avait froid. Souvent, elle pensait que c'était le froid qui la tuerait en premier. Puis le soleil revenait et frappait de toute sa force. Alors elle se disait que ce serait le soleil qui la dessécherait et l'enverrait dans l'au-delà. Puis la faim et la soif revenaient, plus vifs que jamais. Et autour d'elle, toujours rien. Pas la moindre trace d'une île ou d'une terre quelconque pour y trouver refuge.
Au loin, elle apercevait parfois une baleine ou l'aileron d'un requin. Mais aucun d'eux ne s'approchaient vraiment. Elle était seule au monde. Les jours s'écoulèrent encore et encore, laissant Kaipkyre de plus en plus faible, jusqu'au moment tragique où elle fut si déshydratée et affamée qu'elle perdit connaissance. Voilà, elle allait mourir. Mourir seule. Elle aurait préféré mourir aux côtés de ceux qu'elle aimait.
Mais le destin en avait décidé autrement. Enfin, le courant guida la barque jusqu'à un continent. Elle évita de peu le crash irréel d'un vaisseau spatial qui s'écrasa non loin de la plage... pour finalement être repêchée par le pilote de l'enfin. Une drôle de créature pas vraiment humaine. Mais pour l'heure, Kaipkyre était en train de mourir et n'était consciente de rien de tout cela.
Le jeune inconnu fit tout ce qu'il pouvait pour tenter de la sauver. Il humecta ses lèvres d'un peu d'eau, l'installa plus confortablement à l'ombre, vérifia les battements faibles de son cœur. Finalement, comme un miracle, son corps se réveilla un peu, luttant dans un dernier effort pour sa survie. Kaipkyre entendit une voix, une voix qui lui sembla pourtant lointaine. En tous les cas, ses paupières commencèrent à frémir, ses lèvres à tressaillir. Enfin, elle ouvrit les yeux.
L'image qui lui parvint fut trop flou pour qu'elle puisse comprendre où elle était. Mais elle comprit rapidement qu'elle avait survécu que ce n'était pas le bois dur et inconfortable de la barque sous son corps. Sa vue s'éclaircit, jusqu'à ce que son regard rencontre enfin celui de son sauveur. Elle marqua un temps d'arrêt, le fixant sans rien dire, analysant difficilement ce qui se tenait face à elle. Ce qui était certain, c'est qu'elle n'avait jamais rencontré une telle créature sur son île. Mais après tout, elle devait se trouver bien loin. Kaipkyre, même dans cet état, savait se montrer rationnelle. Elle s'était toujours douté que le monde était vaste et ne s'arrêtait pas à sa petite île natale. Elle était aussi consciente que tous les habitants de cette terre ne se ressemblaient pas.
L'individu parlait et elle le comprenait. Ce qui était déjà une chance en soi. Il était donc intelligent, ce n'était pas un animal. De plus, il portait des vêtements. Sans oublier le plus important : il venait de lui sauver la vie. Tous ces paramètres une fois bien nets dans son cerveau l'amenèrent à esquisser un sourire. Un sourire bien mince et fragile. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais sa gorge était trop sèche. Et elle était si fatiguée...
Finalement, elle soupira et ferma les yeux pour s'endormir aussitôt.
Kaipkyre ne se réveilla que plusieurs heures plus tard, alors que la nuit était tombée. Elle le comprit assez vite car il faisait plutôt sombre. En revanche, elle n'arrivait pas encore à déterminer si elle était toujours au même endroit ou non. Lentement, mais prudemment, elle se redressa pour s'asseoir, cherchant son sauveur des yeux.