Les terres sauvages / Re : L'Apogée des Sens-Chapitre I
« le: vendredi 29 janvier 2016, 15:26:55 »Le mensonge. Les apparences. Trompeuses souvent. Le poids des mots et leur impact. Voilà le jeu auquel ils jouaient. Placer un pion sur une tour, regarder quand elle tomber. La laissée tomber, si tel est le perdant. Elemiah était de celle qui croyait ce qu’on lui disait. Une pointe d’ignorance en somme. L’ignorance était l’arme des justes, de ceux qui font confiance. Pouvait-elle lui faire confiance ? Une seconde. Une minute. Une vie. L’ignorance que l’on prône pour ne plus voir la réalité. C’était cette carte qu’elle venait de tirer. Paraitre naïve. Etre naïve. Croire en ces illusions. Croire en un Dieu qui pourrait lui souffler dessus par simple colère. C’était la peur de l’inconnu. Tomber dans les griffes du mal, s’embourber jusqu’à la nuque. Ne plus respirer alors qu’il vous regarde. C’était touchant. Touché. Coulé. Son palpitant semblait faire encore des siennes. Elle était sur un morceau de glace au beau milieu des flammes. Son piège se refermait sur elle. Il pouvait faire la pluie et le beau temps. Ne pas oublier qu’il l’avait sauvé. Ne pas oublier qu’il était encore là. Etre la source de questions, pour remettre encore une fois les dés sur la table.
L’As de cœur derrière le Joker. Il souriait. Elle ne souriait pas. Toujours le corps à moitié amorphe. Sa voix plus calme n’était pas une bonne chose, pour elle. Pour ce qu’elle pourrait devenir. Comment détruire une âme sans la briser totalement ? Sauter de sentiments en sentiments. Elle était passée par la méfiance, la colère, la haine, le désir, la peur, la solitude, l’agonie, la douleur, l’envie… L’envie de se soumettre une nouvelle fois. C’est ce qu’elle faisait de mieux. Ecarter les cuisses et offrir son intimité. Mais était-ce le but de la partie ? Non, elle n’avait pas cherché à comprendre le sens du terme ‘Insignifiant’. Elle avait été aveuglé par les annonces de ce Dieu. La métamorphose. Le pouvoir. Elle ne s’était pas poser la question au bon moment. C’était comme si l’univers tout entier venait pour lui raconter la création du monde et qu’elle n’avait pas pu réagir. Les gens avaient bel et bien peur des mensonges. Elle la première. Peur des personnes portants différents masques. Pourtant, Rahemar l’envoutait. Il ne lui laissait pas le temps de réagir. Pas le temps de souffler et de prendre du recul. Comme le commun des mortels, elle ne voyait que ce qu’il lui avait exposé. Elle ne s’était pas méfiée, elle n’avait pas pris les bonnes armes. Elle comprennait maintenant, combien chacun de ses actes allaient être important pour la suite. Il n’avait pas besoin de souligné qu’il allait la briser. Il le faisait déjà. Il n’avait pas besoin de prendre le temps de lui expliquer qu’elle serait son Insignifiante, elle l’était certainement déjà. Pas la meilleure des disciple, têtue, insolente, dérangée… Elemiah se redressa un peu pour se dégager de la massue qui lui écrasait les cotes.
Il souriait encore. Pourtant la situation était loin d’être comique, du moins pour la louve. Cette nuit avait été emplit de souffrance. Elle s’était alors battue contre ses démons. Contre le néant. Elle avait perdu. A cette simple pensée sa gorge se noua. Rendre les armes ? Obéir ? Maintenant ? Tel était la question pour les années à venir. Le pantin est-il aussi appétissant que lorsqu’il se rend, ou l’est-il lorsqu’il résiste ? Le Dieu ne la touchait pas. Il se contentait de planter son regard froid dans le siens. Voulait-il qu’elle le supplie d’être sien ? Qu’il la prenne sauvagement ici, maintenant. Il tenait la distance, nouant avec virtuosité l’envie et le dégout de la louve. Un équilibre parfait de tout ce qu’elle ressentait au plus profond d’elle. Le bien, le mal. L’harmonie, le chao. C’était donc la dernière fois qu’il l’aidait. Elemiah ne savait pas s’il disait vrai, mais à l’avenir elle ne garantissait pas de prendre la fuite. Elle pouvait en profiter en effet, elle prit une longue inspiration pour laisser l’air pénétrer dans ses poumons.
La poussière dans la caverne volait autour d’eux. Les os autour d’eux créés une ambiance des plus morbide. Le visage de la Belle semblait plus calme. Ses yeux ambres scrutés les lieux une nouvelle fois alors que les faibles rayons du soleil éclairés son visage. Ses joues creusent et sa peau blanche contrastées avec ses cheveux noirs ébènes. C’était une belle créature. Frêle certes, mais les expressions de son visage lui donnaient un air animal assez troublants. Cet air toujours sérieux qu’elle prenait, comme si elle ne riait jamais. Comme si elle n’avait pas de sentiments. Alors qu’en intérieur c’était une explosion de contradictions. Elle était belle. Juste belle. Minuscule en taille, mais souples et cruelle. Ses regards reflétaient son âme. Fusillant et expressifs. Ses lèvres pulpeuse et rouges. Ses seins, trop petits pour une femme. Sa musculature fine et harmonieuse, et ses fesses pourtant rebondies et fermes. Les hommes ne se retournaient pas à son passage. Elle se fondait dans la masse. Une petite chose sans importance. Une.. Insignifiante. Le mot prenait alors tout son sens.
Le Dieu l’attrapa de nouveau par les cheveux. Elemiah poussa un râle pour exprimer son mécontentement. Il n’allait pas arrêter de la malmener ? Il tenait vraiment à ce qu’elle se nourrisse. La louve sentit alors la main de ce dernier lui agripper fermement son fessier. La massue s’écrasa sur le sol. La voix de Rahemar était de nouveau redevenue sec et cassant. Un endroit pout dormir ? La louve fut projetée sur la carcasse de la femelle. Le feu était éteint mais la chaleur des braises se faisait sentir. Il allait donc la laisser là ? L’odeur de la chair carbonisée lui fit plisser les narines. Manger du Troll. Jamais. Elle observa la plaie béante de la créature. Ses boyaux encore sanglants. Elle observa alors la bête. Elle avait faim, pour sûr. Mais lui obéir pour la première fois était une étape difficile. Sa voix encore tremblante, un murmure pour elle-même.
-Je ne me rabaisserai pas…
*Tu as faim. Mange !*
La voix du loup claqua dans sa tête. Son ventre produisit un étrange bruit. Elle souleva alors sa main avec fébrilité et planta ses doigts dans la chair de la femelle. La chair visqueuse lui donna alors la nausée. Elle prit un bout de chair et le porta jusqu’à ses lèvres. Lorsqu’elle l’introduit dans sa bouche, elle croqua. Le sang gicla entre ses dents. Le gout était des plus infâme, mais elle avala. Elemiah eut envie de vomir dès la première seconde. Elle tourna son visage vers le Dieu. Il devait être satisfait qu’elle l’écoute.
-Satisfait ?
Ses mains étaient à présent couvertes de sang. Elle voulait vomir. Pourtant elle ne fit rien. Son regard toujours planté dans ceux du Dieu. Elle était à quatre patte, comme un animal. Insignifiante.
-Je ne mangerai pas plus. Je ne resterai pas ici. A moins que vous me clouiez contre une paroi…
Sa voix claqua encore une fois, comme si elle ne pouvait pas se retenir de le provoquer. La chaleur des braises la réchauffait. Elle aurait voulu qu’il brule avec elle. Qu’il se soumette lui aussi à cette situation. Elemiah lui montrait alors de nouveau les crocs, plissant ses narines dans un dernier effort. Encore une menace qu’elle ne pouvait pas tenir. Qu’il ne l’oblige pas à manger encore un bout de cette chair putride. Un grognement en direction du Dieu. Elle ne se soumettait pas. Son visage couvert de sang. Elle le menaçait pitoyablement. Fallait-il qu’elle fuit encore ? Son corps trop faible pour qu’elle puisse envisager quoique ce soit. Elemiah enfonça sa main dans le corps de la femelle. Elle arriva au niveau du cœur et arracha ce dernier. Elle tenait à présent dans la paume de sa main un organe vitale, pour le moins dégoutant. Elle le jeta au pied du Dieu, le cœur de la Troll roula jusqu’à lui.
-Vous ne mangez pas ?
Le fait qu’elle lui jette cet organe était assez parlant. Voulait-elle sa pitié ? Voulait-elle qu’il lui mange le cœur ? Voulait-elle lui offrir son cœur ? Elemiah continuait à le regarder. Sa voix toujours aussi claire et sèche.