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« le: jeudi 14 mai 2015, 02:50:54 »
Son oeil unique rivé sur la jeune succube qui était arrivée dans l'entremise de son explication avec son ancienne sœur, Ailizen avait patiemment écouté les mots que la démone avait prononcé à sa demande. Elle n'avait pas réagit, ni même cherché à l'interrompre mais sa vigilance ne s'était pas relâchée une seule seconde. De fait, son pouce caressait doucement la garde de son katana, prêt à le faire jaillir du fourreau au premier signe de fourberie de Lirates'Siaranna. De la rancœur contre celle qu'elle avait toujours considéré comme sa sœur, la sabreuse en avait et l'avait entretenue pendant presque un millénaire. Elle qu'elle considérait alors comme sa moitié n'avait pas cherché à seulement hausser le ton pendant qu'on la torturait, qu'on la soumettait à l’infamie et à la honte. Et voilà qu'elle se décidait maintenant à s'excuser, à faire amende honorable ? Pourquoi faire ? Se donner bonne conscience, se prémunir de sa lame ? Lirates'Siaranna pensait encore une fois à sauver sa peau, comme elle avouait l'avoir fait lors de la purge qui avait fait de Vash'raka la tristement célèbre Mutilée. Au moins assumait-elle sa lâcheté... Restait pour la guerrière à savoir si elle désirait que cela ait de l'importance où que ça reste anecdotique et risible.
Ainsi, elle prétendait avoir enfanté par amour ? Ailizen avait su sa soeur capable d'un tel sentiment, à une époque. Qu'en était-il aujourd'hui ? Se voilait-elle la face en cherchant à ce que son bourreau épargne sa misérable vie ou se montrait-elle sincère. La borgne toisa la petit succube, qui s'était poliment inclinée face à elle. Son oeil était acéré, aussi redoutable que sa lame était meurtrière. Il serait si facile d'en finir avec cette jeunette inutile ici-même, d'un battement de cils... Une volée de pétales, un mouvement, un éclat de lame et du sang sur le sol. Une mort rapide et propre, par égard pour l'effort de celle qui se faisait maintenant appeler Tessia. Et l'instant d'après, sa "petite soeur" irait rejoindre son engeance, l'acier mordoré du sang de sa fille séparant efficacement sa tête du reste de son corps. Elle serait de retour en Enfer avant même que son visage de tombe sur le sol. Cela serait sa punition pour l'avoir abandonnée aux mâchoires de l'Enfer pour revenir 700 ans plus tard afin de quémander son pardon. Comment osait-elle, cette magnifique putain, réclamer la pitié de la chasseuse ? Comment osait-elle la supplier, même à genoux, de la guider ? Après tout ce temps, après cette trahison qui l'avait meurtrie au fond de l'âme même, lui laissant la plus cuisante et la plus béante des plaies ?
Un cliquetis métallique se fit entendre quand le pouce d'Ailizen dégaina le sabre et que le fil de celui-çi se mit à lui sous un rayon de soleil. Dans moins de dix secondes, il y aurait deux cadavres gisant sur le sol. Ses dents se ressérèrent sur la pipe longue et son visage se déforma d'une grimace... Et finalement, le sabre retomba dans son fourreau.
- Aide ta mère à se relever, dit-elle à Syria en grognant à moitié. Tu videras le poisson, aussi.
Sans plus accorder un regard à Tessia où à son enfant, la sabreuse s'éloigna des deux d'un pas lent, la manche vide et déchirée de son kimono flottant mollement dans le vent pendant qu'elle tirait de l'autre main sur sa kiseru, expulsant la fumée par les narines. Elle s'arrêta au pied d'un cerisier où reposaient canne à pêche et poissons liés entre eux par les hameçons et un morceau de corde, parvenant à jeter le tout sur son épaule d'un mouvement expert. Son fardeau chargé, Ailizen attendit Syria et sa mère avant de les inviter à lui emboîter le pas d'un mouvement sec de menton. Les trois femmes se retrouvèrent à déambuler entre les arbres lourdement fleuris dans une direction que la sabreuse connaissait apparemment sur le bout des doigts. Le bruit de l'eau se faisant de plus en plus fort à mesure qu'elles approchaient de la rivière qui coulait là, Tessia et sa jeune purent découvrir une modeste petite cabane adossée à ce qui était à n'en point douter le plus beau des cerisiers de la forêt. Toujours sans rien dire, la borgne fit entrer ses deux invitées dans la petite demeure au mobilier spartiate mais fonctionnel après qu'elles se soient déchaussées. Posant les poissons à côté du feu mourant qui se trouvait dans la pièce centrale de la cabane dans un endroit prévu à cet effet, Ailizen disparu dans une pièce adjacente et en revint avec tout le nécessaire pour vider les poissons, tendant le tout à Syria.
- Ne gâche pas ma pêche, fais ça correctement. Ou tu ne mangeras pas.
Sèche, mal aimable mais pas spécialement mauvaise. Du moins, ça ne transparaissait pas dans ses propos. Laissant la jeune à son oeuvre, elle fit coulisser les plaques qui servaient de facade et ouvrit totalement cette dernière sur l'extérieur et le cours de la rivière. Elle récupéra une gourde de saké et s'en octroya une large rasade avant de se laisser tomber assise, faisant signe à Tessia de faire de même; l'instant d'après, elle lui collait l'alcool de riz sous le nez.
- Vash'raka est morte sur son chevalet de torture. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'Ailizen. Tu sais ce qu'il y a à savoir : je traque et j'extermine les engeances de votre espèce. Ne t'avise plus JAMAIS de prétendre qu'ils sont mes semblables, tu entends ? Elle darda sur elle un regard meurtrier, avant de lui reprendre brutalement le saké pour en boire à nouveau. Ta fille n'est pas épargnée; elle n'est qu'en sursis. Tout comme toi. Gardez bien ça dans le crâne.
Elle n'était pas bien sûre de savoir pourquoi elle les avaient épargnées. Toujours était-il que Tessia et sa fille étaient à présent dans son antre et, dans les faits, sur le point de partager son repas. Des vomissures infernales, à sa table ? Ailizen estimait que cela justifiait bien qu'on lui scie son dernier bras. Pour elle-même et d'agacement, elle fit claquer sa langue contre son palais. Installée comme elle l'était, les bords de son kimono faisaient jour sur le volume toujours beau et ferme de ses seins lourds mais elle ne semblait nullement s'en soucier. La pudeur n'avait jamais été une de ses considérations.
- Crache le morceau, maintenant. De quoi as tu besoin, imōto ? Que viens tu chercher ici ?
Le terme de "petite soeur" lui avait échappé, mais elle affecta soigneusement de ne pas y avoir fait attention. Et à vrai dire, c'était sorti tout seul, comme une vieille habitude. Tirant sur sa pipe, elle attendait de savoir ce que Tessia espérait d'elle tout en veillant à ce que Syria n'abîme pas la chair de ses précieux poissons. Savait-elle seulement se servir d'un couteau, cette putain de gamine ?