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« le: mardi 13 mai 2014, 20:53:26 »
Bizarrement, vraiment très bizarrement même, Cadenza, puisque tel était son nom, ne prit pas mal la remarque de Gaëtan. Au contraire, elle sembla s’en amuser. Mais les jumeaux restaient tout de même un peu inquiets, elle allait peut-être le lui faire payer plus tard, quand il aurait oublié… Oui, ils étaient un peu paranoïaques sur les bords, mais qui ne le serait pas dans leur situation ?
Par contre, elle parlait d’eux comme s’ils étaient des objets, et ils n’aimaient pas ça. Certes, ils étaient esclaves, ce qui signifiait qu’ils étaient, d’un point de vue strictement légal, des objets, mais leur amour-propre n’admettait pas cette idée, pas plus que leur besoin de liberté ne tolérait qu’ils soient enchaînés et mis dans une cage. Rien que les colliers, c’était déjà trop. Pour les jumeaux, un être pensant n’avait pas à être traité comme une chose que l’on puisse posséder, d’où l’idée d’abolir l’esclavage.
Ils s’arrêtèrent alors. Avant qu’ils n’aient eu le temps de faire ou dire quoi que ce soit, Cadenza couvrit ses deux esclaves d’épais manteaux, ignorant leurs « Hé ! » de protestation. Elle sortit et eux à sa suite, comprenant rapidement pourquoi elle avait fait ça.
-Eh bien… Il fait plutôt frais dans le coin…
Il s’entendait à peine, et pourtant il avait parlé assez fort. Les deux frères n’étaient pas habitués à des températures aussi basses. Ils étaient donc bien contents d’avoir ces manteaux sur eux, même s’ils avaient quand même froid. Gaël resta en retrait quelques secondes pour observer le paysage, ou plutôt l’absence de paysage comme il n’y avait rien. Puis il suivit les deux autres jusqu’à l’immense bâtisse qui se dressait devant eux. Il faisait bien plus chaud à l’intérieur, c’était très appréciable…
- Bienvenue dans mon humble demeure, mes petits. J'espère que vous y serez confortables.
Les jumeaux eurent un instant de silence stupéfait pendant lequel ils se regardaient mutuellement. Ils n’avaient pas besoin de parler pour communiquer, le message était très clair : si ça c’est humble, on ne veut pas voir le niveau au-dessus… Ce doit être au moins une ville entière.
Nouvelle chose étonnante, ils étaient sur un même pied d’égalité lors du repas. C’était de plus en plus troublant, n’auraient été les colliers à pierres d’obsidienne les jumeaux auraient pu être pris pour de simples invités. Quand les plats arrivèrent ils se rendirent compte qu’ils mouraient de faim, n’ayant pas mangé depuis un temps assez conséquent. Ils eurent tout de même la politesse d’écouter parler leur « maîtresse » avant toute autre chose.
- Je suis une scientifique dans l'âme. Je possède un laboratoire dans les sous-sols de ce château, et j'y pratique régulièrement certaines expériences sur des objets ou... sur des êtres vivants, tels que vous.
À ces mots, Gaëtan se crispa. Son frère mit une main apaisante sur son bras. Mais l’un comme l’autre, ils n’aimaient pas du tout ce qu’ils venaient d’entendre… Et ils ne savaient pas ce qu’ils détestaient le plus entre être esclaves et être cobayes. Ils écoutèrent néanmoins l’explication jusqu’au bout. Cadenza était vraiment passionnée par ce qu’elle racontait, toute son attitude le trahissait. Ce n’est qu’à la fin de son discours qu’ils prirent la parole :
-Honnêtement… C’est un peu vexant de se dire qu’on est là juste pour que vous fassiez des tests sur nous, mais j’imagine que c’est mieux que ce qui nous attendait si on restait sur le marché aux esclaves.
-Et vous savez, des jumeaux c’est juste deux personnes qui se ressemblent beaucoup, y a pas de trucs vraiment extraordinaires…
En réalité, il était très inquiet à l’idée qu’elle puisse découvrir, au gré de ses expériences, leur vraie nature, le secret qu’ils gardaient depuis toujours. Vingt-deux années sans le moindre souci de ce côté, mais bien sûr il avait fallu qu’ils tombent sur une scientifique un peu cinglée…