Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: mardi 06 novembre 2018, 22:46:34 »
– Woah, t'y prends vite goût ! T'es un petit pervers en fait ! s'amusa-t-elle, provocatrice.

Mélodie finit de retirer le bas de Timothée, avant de se relever pour appuyer rapidement sur un des contenus. L'application n'avait pas de secret pour elle.

– C'est la fin du gars que t'as vu tout à l'heure. Dommage pour lui il était bien parti. Mais le public l'aimait pas, et c'est ça le plus important à la fin.

La vidéo commençait par le même titre que pour le jeu – mais on avait ajouté une trace de sang frais sur le fond sombre. Elle masquait légèrement les lettres. L'image fondit au noir, avant qu'un spot blanc ne vienne brusquement former un V de lumière au milieu de l'écran. Elle éclairait le cerf qui avait été le premier à perdre dans l'épreuve précédente. L'hybride était nu, les mains attachées en arrière à un poteau. Puis des diodes plus diffuses constituèrent autour de lui, sur le sol, un cercle plus large. Les autres candidats se tenaient debout à l'extérieur du rond, à demi-éclairés, libres de leurs mouvements.

La caméra filma par terre, sur lequel un texte lumineux apparut dans la police habituelle. Il était visible aussi bien des spectateurs que des prisonniers (même si ceux libres devaient le lire à l'envers).

« Détenu. Vous avez échoué.
Vous êtes le neuvième perdant de la saison 7.
Dans la défaite, vous n'êtes plus qu'un animal.
C'est à vos bienfaiteurs de disposer de vous.
L'abattoir ou la souillure.
L'humiliation ou la mort. »

Dans No Limit, on ne sortait jamais indemne d'une défaite. Les candidats pouvaient revenir dans le jeu s'ils n’écopaient que de l'humiliation. Certains, cependant, ressortaient trop marqués par l'expérience pour avoir une chance de briller par la suite. Ils perdaient alors de nouveau et on leur faisait rarement la faveur de les épargner une seconde fois.

Le jeu laissa un long moment de suspense, filmant le visage des participants en gros plan. Le cerf semblait déjà un peu résigné. Peut-être en avait-il assez de cet enfer. Sourire sur le visage du rat, inconfort sur celui du renard. Enfin, les lumières passèrent en un instant au rouge vif, alors que s'inscrivait sur le sol :

« LA MORT.
Le boucher a été désigné.
Il est le tueur aux mains d'acier.
L'araignée tragique. Le médecin fou.
L'artiste de la douleur. L'ange de l'agonie.
Entre… »

Mélodie avait commencé à masturber Timothée. Le shampoing n'incitant pas à la patience, elle avait entreprit presque immédiatement de prendre son pénis en bouche. Une de ses mains tenait fermement la base de son sexe, pendant que les ongles de son autre main s'enfonçait dans la chair d'une de ses fesses.

« SAMBA. »

Contre-plongée sur le robot dont le souriceau ne pouvait que se souvenir. Mis en scène, il était encore plus effrayant. Ses deux yeux superposés, les détails de la lumière rouge qui se reflétait sur ses articulations de métal étaient macabres. Pour l'occasion, une de ses pinces avait été remplacée par une scie circulaire. Il l'enclencha, juste pour le terrible son qu'elle produisait.

Ce n'était pas la première fois que Samba apparaissait dans le show. Les spectateurs le connaissaient, et les candidats aussi. D'ailleurs, le cerf perdit aussitôt l'indifférence qui ne l'avait pourtant même pas quittée au moment de l'annonce de la sentence. Ses yeux s'emplirent de terreur alors qu'il lâchait « merde, non » paniqué. Le robot n'était en effet pas réputé pour prodiguer les exécutions les plus brèves du jeu… ce qui expliquait son succès. Quand il était proposé par la production (ce qui n'arrivait heureusement que de temps en temps), il était choisi presque systématiquement par les votants.

Timothée allait le voir – il pouvait presque s'estimer heureux du traitement qui lui avait été réservé. Samba prenait soin de découper ses victimes morceau par morceau. Si nécessaire, il posait un garrot pour éviter une perte de sang. Quand le prisonnier menaçait de perdre conscience, il lui injectait une dose d'adrénaline. Pour le cerf, il commença par scier les bois. Puis, avec une précision chirurgicale, il découpa les paupières de l'hybride, lui interdisant à jamais de fermer les yeux. Oreilles, langue, sexe, testicules, membres, et enfin yeux – presque tout serait démonté sur le candidat encore vivant. C'était son numéro classique.

– Tu me baises ? demanda Mélodie, moins captivée que Timothée par une vidéo qu'elle avait déjà vue. Je peux aussi appeler Will s'tuv. Il adore les plans à trois.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: mardi 06 novembre 2018, 17:21:18 »
— C’est sûr que le shampoing c’est pas trop dans l’ambiance enterrement, gloussa la jeune femme. C’est bon, d’ici à ce qu’ils finissent, on sera redescendus.

Confiante, elle n’en était certainement pas à sa première dose. Elle n’avait pas l’habitude de consommer avec des hybrides cependant, et ne s’était pas spécialement posée la question de la dose. Une fois le psychotrope actif, de toute façon, on ne s’inquiétait pas de ce genre de détails.

Le chargement de son téléphone était terminé. Un splash screen se lança. En grosses lettres blanches sur fond noir, stylisées pour ressembler à un matricule de prison, apparaissaient le nom de l’émission : « NO LIMIT ».

— Comme tu vas présenter un jeu, j’me disais que ça pouvait t’intéresser. Y’a des épreuves comme ça, regarde.

Elle sélectionna un des nombreux contenus du replay — dans sa catégorie favoris personnels. C’était une vidéo qui avait plusieurs mois. Il n’y avait pas de voix off, mais des instructions écrites une nouvelles fois blanc sur noir. C’était le choix artistique de la saison. Les écrans se succédaient assez lentement, dans le silence, laissant planer une tension efficace. Ils indiquaient tour à tour :

« NO LIMIT.
Saison 7. Jour 59.
Dernier jeu avant la finale de saison.
Les détenus doivent infiltrer la banque de NO LIMIT, et en ressortir avec le contenu du coffre-fort.
Ils ont eu trois jours pour se préparer à cette épreuve.
Tous ceux qui se feront capturés ou qui échoueront à rapporter leur part du butin seront perdants. »

On voyait les participants s’organiser. En plus du plan de la banque, ils avaient eu accès à une armurerie et étaient tous lourdement équipés. À ce stade du jeu, ils n’étaient plus que quatre participants — l’épreuve était collaborative. Leurs portraits, dos à un mur, tenant entre les mains une plaquette de détenu, défilèrent rapidement. Tous étaient des hybrides : il y avait un cerf, un renard, un rat et un ours.

Mélodie passa un peu brutalement la phase d’introduction pour se retrouver au milieu du jeu. Les candidats rampaient dans un réseau d’aération. Il était plongé dans la pénombre — des caméras qu’ils portaient au front retransmettaient une image désaturée mais assez nette. Le montage passait alternativement de l’une à l’autre. Le cerf, qui était en tête, fit halte pour desceller une grille.

L’ouverture ainsi dégagée était à peine assez grande pour laisser passer ses bois. Il jeta un regard en contrebas, mais la lumière était éteinte.

— T’es sûr que c’est la salle de contrôle ? demanda-t-il au renard derrière lui.
— Ouais. T’as bien compté sept, pas vrai ?
— OK, je descends.

Il fit tomber une corde car le plafond était haut et glissa le long de celle-ci. À la seconde où son pied toucha le sol, une lumière vive emplit toute la salle, et une alarme stridente retentit. Le renard, qui avait commencé à descendre lui aussi, força sur ses muscles pour remonter précipitamment. Le cerf paniqué tenta de le suivre, mais deux tourelles sortirent du sol et commencèrent à le mitrailler de dards électriques.

Touché, il chuta de presque deux mètres, sur le dos. Gros plan, vu d’une caméra du plafond, sur son corps qui convulsait, le couple de canons ne s’arrêtant de tirer qu’après une dizaine de douloureuses secondes. Il resta recroquevillé, inconscient, sur le sol, alors qu’une flaque d’urine s’étendait autour de lui. Puis les lumières tombèrent de nouveau, et on entendit les tourelles se replier. L’épreuve continuait. On avait informé les prisonniers que ce n’était pas une infiltration réaliste : la défense était entièrement automatisée.

— Je vous l’avait dit. Ce symbole là signifiait capteur de pression au sol, fit le rat, pas sentimental. On va devoir se balancer. Filez-moi la corde.

Le rat était un prisonnier bien connu du public. Il avait remporté la saison précédente. Mélodie passa encore des morceaux de la vidéo pour arriver à un moment qui l’intéressait davantage.

Depuis la salle de contrôle, ils avaient réussi à ouvrir la porte du coffre fort. Dans celui-ci, il y avait un lingo par personne. Après un moment d’hésitation, les prisonniers (il en restait toujours trois) s’en saisirent. De nouveau, il y eut alors l’alarme.

Mais cette fois, une sortie à l’arrière de la pièce se débloqua, leur laissant l’accès à un long couloir. Au-dessus, un compteur s’illumina : ils avaient trois minutes. Il leur fallut alors courir, leur lingo dans les mains, vers une zone délimitée de l’autre côté. Sur leur chemin, des obstacles variés et brutaux. Cette partie n’était pas cartographiée : il fallait y aller à l’instinct. Le renard fut surpris par un jet d’eau brûlant qui surgit comme un geyser, mais se releva et recommença à foncer.

Mélodie avait arrêté de regarder depuis un moment. La suite, elle la connaissait. Le rat, qui était un méga doué de télékinésie, se servait de l’ours comme bouclier humain. Ils ne seraient que deux à atteindre la sortie lingo en main. L’actrice était redescendue de l’évier où Timothée s’était hissé. À genoux, sans faire de manière, elle avait commencé à déboutonner le pantalon de l’hybride.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: lundi 05 novembre 2018, 14:33:05 »
Les toilettes étaient une pièce étonnamment large, et dans un style complètement différent du reste du bâtiment. L’émail blanc des éviers et les murs parcourus d’impeccables lignes bleues témoignaient d’une construction toute récente. La lumière était neutre et vive, légèrement aveuglante quand on avait passé plusieurs minutes dans le noir. Personne n’avait suivi Timothée, et Mélodie était seule dans la salle. Assise, jambes sur le côté, sur une plate-forme qui devait servir à changer les enfants, elle adressa un petit signe de main au souriceau pour l’inviter à s’approcher.

— Cool, t’es venu.

En avait-elle douté ? En tout cas, elle en paraissait contente. Elle portait un tailleur bien décolleté et une jupe, gris sombre, avec une large ceinture noire. Sa tenue la mettait en valeur, comme son maquillage léger qui rougissait ses joues.

— J’te préviens, c’est un peu chaud ce que je vais te montrer. J’espère que t’as pas froid aux yeux.

Elle avait au visage le même air de défi dont elle avait usé et abusé dans ses films. Même si son charisme provenait surtout, disait-on, de ses attributs féminins, ce demi-sourire et ce sourcil relevé faisaient toujours leur effet. L’actrice fouilla dans son sac à main.

— J’ai amené du shampoing, t’en veux ? Il est pur.

Elle ouvrit le creux de sa main, dans lequel il y avait une petite pastille rouge. Il ne s’agissait pas, bien sûr, de lotion capillaire, mais bien d’une drogue populaire tout milieu confondu. Si les variétés les plus populaires étaient coupées avec des substances encore moins recommandables, il s’agissait ici de la version la plus pure et de la plus onéreuse qui soit… même si ça n’avait rien d’évident au premier abord.

Le stupéfiant tenait son nom de la façon la plus commune de le consommer. Mélodie en fit aussitôt une démonstration. Elle ouvrit un robinet — les mains jointes en cuvette, pastille au milieu, elle recueillit le jet d’eau entre ses paumes, puis les retira dès qu’il y eut un petit centimètre d’eau. La pastille, effervescente, commença alors à mousser entre ses doigts. Les bulles formées étaient grosses et denses, blanches comme celles d’un shampoing. Enfin, elle aspira toute l’eau d’une gorgée, qu’elle laissa pétiller quelques instants dans sa bouche avant d’avaler.

Le shampoing, du moins dans sa forme raffinée, assurait des trips sûrs et bien définis dans le temps. Très vite assimilé par l’organisme, il n’avait aucune propriété hallucinogène, mais c’était en revanche un puissant euphorisant. L’espace de quelques minutes — le pic était atteint après environ dix minutes, après quoi les effets s’estompaient sur l’heure qui suivait — on se sentait à la fois heureux et tout puissant. Les zones du cerveau liées à l’angoisse et à l’inhibition s’éteignaient. Passé, présent et avenir paraissaient soudain radieux, et les pires ennemis devenaient presque des frères.

Les effets, bien sûr, différaient d’une personne à l’autre. Mais une des variantes les plus notoires se manifestait chez les mégas. De façon toujours très temporaire, le shampoing altérait l’expression de leurs pouvoirs. Souvent, il en résultait une faculté plus brutale, plus difficile à contrôler (voire même incontrôlable). Mais parfois, c’était plus subtil, ou c’était même un pouvoir complètement différent qui était découvert. Les mégas étaient assez rares pour que la chose ne soit pas forcément connue de tous, le dernier fait divers lié au shampoing remontant à déjà loin.

Déjà, de petits points rouges éclataient dans les iris de Mélodie, signe que le shampoing commençait à faire effet. On se référait généralement au phénomène comme étant des « étoiles filantes ». Selon la dose ingérée, une part significative de l’iris pouvait tourner au cramoisi — ce qui n’arrivait que pendant les premières minutes, après quoi il était plus facile de dissimuler une consommation.

— Par contre n’en parle pas à n’importe qui, hein. C’est un peu les jeux pour l’élite de l’élite. Toutes les rétines ne méritent pas.

Elle éclata de rire sans trop de raison et sortit son téléphone portable. C’était un grand modèle, avec un excellent écran. Elle tapota sur une application, et entra un code. Pendant qu’un écran de annonçait un chargement, elle posa l’appareil sur l’évier, entre le souriceau et elle. Puis elle tira sur son décolleté, qui visiblement commençait à la gêner un peu.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: dimanche 04 novembre 2018, 10:31:15 »
Ici, tout le monde semblait avoir une bonne opinion de Dany Fortune. Quel que soit le groupe auquel il se joignait, il était systématiquement accueilli par des sourires qui paraissaient toujours sincères. Bien sûr, dans un milieu aussi mondain, où les relations étaient primordiales, tout le monde savait un minimum feindre l'amitié… sans compter qu'en tant qu'organisateur, il avait choisi lui-même une grande partie des invités. Mais tout de même, il semblait jouir d'une grande popularité, dont il sut faire bénéficier Timothée. Le souriceau se faisait remarquer en bien. C'est qu'ils étaient, ici aussi, finalement très peu d'hybrides.

Peu avant le début formel de la cérémonie, Dany revint vers Timothée, qu'il trouva de nouveau en compagnie de Mélodie. La jeune femme – qui paradoxalement était un peu réservée au premier abord – se détendait vite et pouvait parler de ses rôles avec passion. Elle dégageait beaucoup plus d'intelligence que son emploi n'aurait pu le laisser penser, même si visiblement charmée par le souriceau, elle pouffait un peu automatiquement à chacune de ses plaisanteries.

– Bon, alors, je vais me préparer pour la crémation… fit le lémurien avec son sourire habituel. Ce n'est pas la partie la plus amusante, bien sûr, mais, je compte sur vous pour rester sages. Après la cérémonie, il y aura une veillée, mais vous n'êtes pas obligés de rester tout du long.

On le sentait un peu gêné d'avoir à imposer un moment qui s'annonçait assez ennuyeux – lui qui était tellement habitué au distrayant. Il repartit vers le fond de la salle, mais s'abstint cette fois d'engager la conversation avec qui que ce soit.

Quelques minutes plus tard, tous les invités étaient assis sur des bancs en bois blanc qu'on avait disposés dans l'avant de la pièce, face à l'autel. Timothée était au troisième rang, à gauche – soit tout derrière – Mélodie s'étaient assise juste à côté de lui. Devant lui, il y avait un gros homme qui nuisait considérablement à son champ de vision.

Les lumières s'éteignirent et un silence pesant s'installa. Puis, suivie par un spot de lumière chaude, le cortège mortuaire entra par la porte principale. En tête, une petite vieillarde enveloppée dans une tenue orange, la maîtresse de cérémonie. À sa suite, un cercueil tubulaire en verre, abritant le défunt. Ce fut la première – et assurément la dernière – fois qu'en tournant la tête, Timothée put voir Pierre Sagal. C'était un homme qui ne paraissait pas spécialement vieux, la cinquantaine peut-être, mais au visage très émacié. Il avait encore des cheveux blonds mi-longs, et sa barbe avait été rasée. Il reposait, en costume blanc, sur un flocage également immaculé.

Le sarcophage transparent était porté par quatre personnes, au moyen de très longs brancards qui dépassaient devant et derrière. Il y avait parmi ceux-là Dany lui-même (qui portait la barre sur l'épaule) et le réalisateur Ray (qui, comme les autres humains, tenait la barre le coude légèrement plié). Les haut-parleurs du temple entamèrent une musique de circonstance.

Enfin, la suite de la cérémonie, Timothée la connaissait car elle était assez commune. C'était une métaphore du soleil couchant. Au moment exact où l'astre solaire atteindrait la ligne d'horizon (même si personne, avec la densité de la ville, ne s'en rendrait compte) on mettrait feu au revêtement intérieur du cercueil. La lumière projetée serait assez belle, surtout dans le noir. De manière générale, on sentait une mise en scène pensée. Il y avait une ouverture à la fois dans le sarcophage et dans le temple pour évacuer la fumée. Pendant que la dépouille brûlerait, il y aurait des prières et des mots des proches. À la fin, il ne resterait plus que de très fines cendres blanches, qu'on transférerait dans un vase également en verre.

– Ça va être interminable, chuchota Mélodie à Timothée. Perso j'vais pas me taper ça. Hey, j'ai un truc extra à te montrer si tu veux. Rejoins-moi dans les toilettes dans deux minutes.

Dans la pénombre, le souriceau vit le visage parfait de l'actrice lui sourire. Discrètement, elle se leva (c'était facile, car l'espacement était plutôt important et qu'elle avait pris soin de se placer en bout de rangée) et se dirigea vers le panneau faiblement lumineux qui indiquait les toilettes. Personne, à part l'hybride, ne semblait avoir remarqué son départ.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: mardi 30 octobre 2018, 20:36:25 »
Le lieu de recueillement n'était pas très excentré ; seule la circulation – encore intense à cette heure – justifiait les vingt minutes d’avance. Le chauffeur connaissait bien la route, et ils ne furent pas bloqués longtemps. En temps et en heure, la voiture s'arrêta devant un édifice en pierre très blanche. C'était un des rares bâtiments à ne pas être un immeuble, et dans un quartier aussi dense, l'exception était riche de sens. Des donateurs aisés avaient fait survivre ce lieu à la pourtant terrible pression immobilière. Même s'il n'était pas très grand, avec son toit en dôme et ses deux colonnes symétriques qui encadraient sa large porte, le temple se détachait à la fois de l'espace et du temps.

Le chauffeur descendit pour ouvrir la portière de Timothée et le salua poliment alors qu'il sortait. L'entrée était gardée par pas moins de quatre vigiles qui se décalèrent pour laisser entrer le souriceau aussitôt qu'ils le virent. Son arrivée était manifestement notée quelque-part. Après le passage par un petit vestibule décoré, l'hybride comprit pourquoi : dans l'immense salle centrale, il n'y avait que quelques dizaines d'invités… et visiblement, ils n'en attendaient pas beaucoup d'autres. Dany n'avait pas menti lorsqu'il avait annoncé qu'il s'agissait d'une cérémonie privée.

En réalité, la scène ressemblait étrangement à une banale réception. La plupart les visiteurs tenaient des verres d'alcool à la main, et on avait disposé des petites tables rondes couvertes de toasts divers. Entre-elles slalomaient, plateaux à la main, des serveurs – tous très élégants quoique vêtus de noir.  

Le lémurien était en train de discuter avec un petit groupe. Il repéra aussitôt Timothée et prit congé pour s'avancer vers lui et lui serrer la main.

– Bonsoir Tim. Je suis touché que tu aies pu venir. J'en profite tant que tu n'es pas encore trop demandé.

Il sourit et reprit, balayant d'un geste l'ensemble de la salle :

– C'est moi qui ai organisé. Pierre était un bon vivant, il n'aurait pas aimé que son enterrement ressemble… eh bien, à un enterrement. À vrai dire, la plupart des personnes que tu vois ne seraient pas venues, si la soirée n'avait pas eu un minimum d'attrait. Pendant ces prochaines heures, tu auras l'occasion de parler à plus de célébrités que 99 % des gens durant toute leur vie.

Dany n'exagérait rien. Il y avait bien sûr dans la salle des visages inconnus, mais au moins une personne sur trois était connue – ne serait-ce que de vaguement – du souriceau. Il y avait là des réalisateurs et des acteurs de cinéma, des présentateurs de télévision, et même quelques participants de télé-réalité à la gloire moins éphémère que les autres. Ceux que Timothée ne connaissaient pas n'étaient généralement pas moins importants : producteurs, auteurs à succès, patrons de presse, décideurs. Le lémurien n'avait invité que la crème de la crème.

– Oh, je suis sûr que tu n'as pas besoin de moi pour les charmer, mais enfin, laisse moi le plaisir de te présenter à quelques uns ! On a trente minutes avant que la cérémonie commence vraiment. Prends une coupe et suis-moi !

Il conduit le petit mage vers le groupe qu'il avait quitté une minute avant. Il y avait deux hommes et une femme.

– Michael ! Je te présente mon nouveau protégé, Timothée. Il pourrait mettre ton département effets spéciaux au chômage à lui tout seul ! Timothée, tu connais sûrement déjà Michael Ray !

En effet, Michael Ray était un réalisateur qui n'était plus à présenter – son nom était connu aussi bien dans les milieux populaires que plus aisés. Le quarantenaire était une étoile montante, il avait réalisé parmi les block-busters d'action les plus rentables de la décennie passée.

– Et son couple d'acteurs stars à l'écran, Mélodie et William.

Deux jeunes gens – le garçon, genre sportif un peu plus vieux que la fille, très belle blonde. Ils étaient à eux-deux un cliché de ce type de cinéma. Ils commençaient à être connus, eux-aussi. Mélodie offrit un sourire particulièrement large à Timothée, un sourire d'une blancheur surnaturelle.

– Tim' va présenter un jeu sur TVH dès le mois prochain. Mais franchement, tu ne devrais pas t'interdire de le caster pour ton prochain film.

Le réalisateur s'en amusa :

– C'est vrai, j'adore les acteurs hybrides, ils sont si… instinctifs.
– Ils ont quelque-chose de sauvage, ajouta l'acteur d'un ton sûr. Concurrence déloyale !

Dany hocha la tête et sourit poliment. Il y avait tant de personnes à présenter, et si peu de temps ! Timothée se rendrait vite compte que le regretté Pierre Sagal n'était pas du tout le centre des conversations. L'ambiance n'était pas au regret, et personne ne pleurait. Il ne semblait, d'ailleurs, pas avoir de famille.

6
One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: dimanche 28 octobre 2018, 13:15:17 »
Dany leva la tâche blanche qui lui servait de sourcil gauche au moment où Timothée évoqua la résistance. Pensif, il porta son propre café à ses lèvres, mais il n'en dit finalement rien.

– Je te pensais plus entouré. C'est pas grave, on va se débrouiller comme tu as dit.

La réunion ne dura pas beaucoup plus longtemps. Le lémurien passa quelques minutes à lui expliquer le programme de la journée qui allait suivre : une réunion de production à laquelle il était convié, une séance d'écriture, des essais maquillage et caméra. Puis tout se déroula presque exactement selon ses prédictions, à une vitesse déstabilisante pour un novice.

Timothée croisa trop de personnes pour qu'il lui soit possible de retenir tous les noms. Il put constater que, même à TVH, la plupart des postes réellement importants étaient tenus par des humains – mais on sentait quand même qu'un effort avait été fait. Le régisseur du plateau de Système D était un lama jovial nommé Jean-Jacques qui prit manifestement beaucoup de plaisir à expliquer au souriceau les coulisses d'un tournage télévisé. Ensemble ils préparèrent également le spectacle qui aurait lieu une semaine plus tard. Contrairement à l'ambiance de la soirée d'ouverture du Magic Kingdom où il avait été très contrôlé, on lui faisait ici confiance, et on lui laissait une liberté à peu près totale.

Du côté des rencontres moins plaisantes, le directeur créatif de la chaîne, qu'il vit brièvement lors de la première réunion, était un quarantenaire au teint gris que tout le monde appelait Monsieur Charlie. Bien loin de ce que son titre de « créatif » pouvait laisser penser, il ne participait pas à la réalisation du projet. Son travail à lui, c'était s'assurer que celui-ci ne brouille pas l'image de TVH et se conforte à sa charte. Il lui sembla sec voire méprisant, exprimant des réserves sur à peu près chaque point où Timothée était directement impliqué. Dany prétendit qu'il était comme ça avec tous les nouveaux et qu'il ne fallait pas s'en soucier. Au final, il ne posait presque jamais son veto.

Le lémurien était quant à lui d'une amabilité constante, et ce avec tout le monde ; toujours poli, jamais cynique ou excessivement autoritaire. Il ne levait le ton que pour s'essayer, de temps à temps, à des plaisanteries plus ou moins réussies. Il cherchait à ne vexer personne, et n'avait en apparence aucun ennemi. Il était, en somme, assez en accord avec l'image que la plupart des téléspectateurs avaient de lui : celle d'un homme à la fois consensuel et sémillant.

S'il veillait à se faire apprécier de tous, il était tout particulièrement agréable avec Timothée. Attentionné, pédagogue, il prévenait les coups dont le milieu pouvait menacer avant même qu'ils ne soient portés. Entre deux séances de travail, il l'accompagna plusieurs fois déjeuner dans le centre-ville, à des restaurants dont il n'aurait pu que rêver jadis. Il voulait bien faire, quoique l'on sentait qu'il tâtonnait parfois, n'étant pas du tout issu du même monde que le souriceau.

Enfin, la veille de l'émission, Timothée reçu un message sur le téléphone dernier cri qui lui avait été fourni par la chaîne. Dany Fortune lui écrivait :

« Cher Tim,

J'espère que tu n'es pas trop stressé pour demain. Tu as encore des répétitions le matin, ça va le faire. Tu as été exceptionnel pendant toute cette semaine, bien meilleur encore que je ne m'y étais attendu. Je crois en toi.

Je sais que ce n'est pas la meilleure façon de décompresser, mais j'aurais voulu t'inviter aux obsèques de mon ami Pierre Sagal. C'est lui qui le premier m'a fait confiance, et qui m'a lancé dans le métier. Il n'était pas très connu du grand public, mais c'était un homme qui, je pense, devrait inspirer les nouvelles générations. Ce sont des producteurs comme lui dont il te faudra, un jour peut-être, prendre la relève.

Elles se déroulent ce soir même à partir de 19H. Si tu le veux bien, j'envoie un chauffeur te chercher vingt minutes avant. C'est une cérémonie privée, j'aimerais que tu viennes seul.

J'aurais une surprise pour toi en fin de soirée.

Bien amicalement, »

7
One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: jeudi 25 octobre 2018, 19:43:35 »
Le présentateur ne percevait rien de la colère refoulée du méga. Il le trouva même plus sympathique qu'il ne l'avait espéré.

– Bah ! Je t'en prie, appelle moi Dany ! Dans deux ans, tu es plus connu que moi… et c'est moi qui viendrai te demander des services.

Nouveau clin d’œil. Pendant qu'il parlait, le lémurien avait attrapé le cigare laissé par Timothée. Ses doigts fins et agiles firent tourner le bâtonnet, alors qu'il le faisait passer par un petit trou de la boîte, prévu à cet effet. Une petite lame tomba, emportant un morceau.

– C'est mieux de couper la tête, expliqua-t-il. Ça évite qu'il se déforme. Ne cherche pas à aspirer la fumée, ce n'est pas une simple cigarette. Garde la dans la bouche, savoure.

Il tendit le cigare au souriceau avec un sourire. Il se doutait que c'était la première fois qu'il en fumait – dans son ancienne vie, l'argent d'un seul de ces cigares lui aurait peut-être donné à vivre pour un mois.

– On commence simple : aujourd'hui je t'emmène avec moi préparer le prochain Système D. Le sujet, c'est principalement toi, mais on va essayer d'y caser une réflexion plus poussée sur les mégas en général. Ce n'est pas à toi que je l'apprendrais, les mégas ça fait peur à certains. Parfois, il y a de bonnes raisons à ça, car certains sont dangereux, mais souvent ce n'est pas justifié. On pense que si on participe à donner une bonne image des mégas, ils s'intégreront mieux à la société – il faut qu'ils trouvent leur place, tu vois – ça les incitera eux-mêmes à mieux se tenir. En tout cas c'est ce que j'ai réussi à faire passer dans le dernier meeting, ahah.

Malgré son détachement, on le sentait intéressé par le sujet, et probablement sincère. Il se baissa et sortit de sous son bureau une petite tablette numérique, attachée à un clavier.

– Ça va être une édition spéciale. J'ai fait en sorte de boucler mes autres tournages, donc on a pas mal de temps. Ce que j'aimerais, c'est qu'on établisse ensemble une liste de personnes à interroger. Des personnes de ton entourage, qui pourront témoigner de ce que tu apportes à la vie de ton quartier. On évite celles avec une opinion politique trop marquée, OK ? Ensuite on ira sur place, toi et moi, pour les interviewer, comme ça, en mode on se balade – enfin avec une équipe de tournage quand même, évidemment. On verra pour la mise en scène, on arrangera ce qui rend pas bien. Si c'est un peu léger, on prendra quelques comédiens. Mais on va essayer de faire authentique.

Il joignit les mains et embraya sur un autre sujet, sans laisser à Timothée le temps de répondre. Son regard orange se perdit un peu.

– Si tout se passe bien, j'aurais autre chose pour toi. Je travaille depuis un moment sur la production d'une quotidienne. Un jeu où les candidats devront passer une série d'épreuves amusantes, dans une tour. À chaque épreuve remportée, ils montent d'un étage. À chaque étage, un méga différent. Le temps à chaque étage est limité, ils doivent retourner dans l'ascenseur avant qu'il se referme. Je vais être honnête, je pense que tu aurais le potentiel pour présenter ça, et aussi être l'épreuve finale. Qu'est-ce que tu en penses mh ? Mais enfin, on verra plus tard.

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One Shot / Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: mardi 23 octobre 2018, 20:25:30 »
– Je peux gérer ça. Est-ce que je t'ai déjà déçue ?… Non, cette fois là, ça compte pas. Professionnellement, je veux dire ! Ça m'affecte pas. Sérieusement. Je suis une machine, tu le sais. Zéro sentiment. Voilà. On fait ça. Salut.

Dany éloigna le téléphone de son oreille pour raccrocher. Mais ce fut inutile, car Diane Valentine l'avait fait avant lui. Depuis le temps qu'ils travaillaient ensemble, et malgré les agissements de sa fille, il bénéficiait encore d'une marge de manœuvre importante. Sans faire preuve de trop de naïveté, telle était sa certitude. Même si le show-biz était un monde de requins, et que l'administratrice avait les dents particulièrement longues, elle avait besoin d'hommes de confiance ; une nécessité renforcée par une certaine affinité personnelle. Bref, pour l'instant, le présentateur s'estimait couvert.

Le lémurien rangea son téléphone dans la poche de son veston. Puis il appuya sur le bouton d'un petit dispositif placé sur son bureau. Il y eut un petit clic d'interphone.

– C'est bon, tu me fais entrer le raton prodige. Oui, son assistant aussi, pourquoi pas.

Il relâcha la pression sur l'interrupteur, tapota vigoureusement le rebord de la table. C'était le matin, tôt – mais Dany était déjà levé depuis un bon moment, et ne paraissait pas du tout engourdi par l'heure. Son lieu de travail seulement deux étages en dessous de celui de sa patronne, mais y ressemblait peu. Le revêtement bois des murs et la moquette rouge donnaient une ambiance cabaret, à la fois chaleureuse et ancienne, pour ne pas dire démodée. Les larges vitres teintées ne laissaient passer qu'une lumière tamisée, chaude. Tout était néanmoins impeccable.

Une humaine ouvrit la porte, et laissa pénétrer dans la pièce le chat et le souriceau. Aussitôt, Dany se leva, et contourna son bureau pour les accueillir. Un costume pourpre simple sur les épaules, il avait un grand sourire aux lèvres.

– Bonjour ! Bonjour ! Timothée, quel plaisir de vous rencontrer ! Oh je sais, on s'est déjà vus, à la réception pour l'ouverture du Magic Kingdom. Mais c'était de loin ! Maintenant, on peut passer aux choses sérieuses.

Le lémurien serra la main de l'hybride – ou plutôt l'attrapa avant même que celui-ci puisse la tendre. On vit qu'il eut un instant d'hésitation pour Marty, et puis il le salua de la même manière, avec un regard vaguement interrogateur. Il n'était pas au courant de tout.

– Asseyez-vous, mettez-vous à l'aise.

Il leur montra les deux confortables petits fauteuil en forme d’œuf devant le bureau, et s'installa derrière. Par rapport aux autres son siège était très surélevé, et le faisait paraître plus grand qu'il ne l'était. Il sortit d'un tiroir un boîtier noir qui, une fois ouvert, révéla quelques très beaux cigares à la bague dorée. Lui-même ne consommait pas régulièrement, ce n'était que pour les invités.

– Vous fumez ? Vous devriez essayez ceux-là, ce sont les meilleurs. Un café ? Autre chose ?

Il claqua des doigts pour commander un café pour lui-même, et éventuellement pour ses invités ; son assistante sortit.

– Ah, on ne va pas faire semblant, cher Timothée ! Pas de ça avec moi. Je sais que la Tech-13, et Canal H… t'inspirent des sentiments partagés. Allez, pas d'euphémisme, même : tu ne travailles pas ici de gaîté de cœur. Je le sais, on m'a dit.

Son ton était sérieux, mais il gardait un aspect démonstratif – assez théâtral – qui le rendait un peu curieux. Il parlait quand même très bien. Il hocha la tête d'un air grave et écarta les bras. Il évitait soigneusement de braquer son regard orange sur Marty.

– Hey, sache que je n'ai pas décidé de te forcer la main. Si ça n'avait tenu qu'à moi, on t'aurait laissé faire ce que tu voulais. Mais maintenant qu'on en est là, mon job c'est que tout se passe bien entre Canal H et toi. Si tu as besoin de quoi que ce soit pour te sentir à l'aise, tu m'en parles, compris ? Ah, tu verras, y'a quelques avantages à être une super star.

Dany décocha un clin d’œil, et se remit à sourire. L'assistante revint pour servir le café.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: lundi 22 octobre 2018, 21:56:50 »
L'endurance, c'était pas son truc, à Fantin. Surtout qu'après avoir été électrisé une poignée de fois, il demeurait quelques courbatures. Alors il s'économisait un peu. Mais bon, c'était un dur, et puis ce n'était même pas le plus lent du groupe des prisonniers – tous, même parmi ceux qui avaient participé à la rixe, n'étaient pas sportifs, loin de là. S'il n'avait pas eu un cœur hors du commun, il ne serait probablement déjà plus là, de toute façon.

La tête légèrement levée vers le ciel, son esprit vagabondait, laissant aux autres prisonniers la tâche de l'éviter (en cas de choc, il ne serait pas celui le plus à plaindre). Bien protégé par son pelage rêche, il ne trouvait ni l'humidité ni la température désagréables. Elles étaient parfaites pour ne pas trop s'échauffer, et puis elles lui rappelaient sa forêt. Il regretta qu'il n'y ait plus d'arbre dans la cour. Jadis il y en eut un, en plein milieu – maintenant le tout avait été bétonné.

Sa rêverie fut interrompu par l'apparition d'un humain dans le patio. Distrait, il ne l'avait pas remarqué tout de suite. Le sanglier le regarda avec suspicion. Ce type, il en parlait avec Nitro il y a peu, c'était un de ceux qu'on ne voyait presque jamais. Pourtant, il était facile a repérer, avec son catogan blond, et la manie qu'il avait parfois de claquer des doigts en marchant. Peut-être avait-il un rôle qui le confinait le plus souvent dans les bureaux… ou peut-être n'était-ce pas un garde du tout. Ce qui était certain, c'est que quand il parlait, les autres surveillants l'écoutaient.

Fantin avait même interrogé Bonpoints sur le sujet : le rat avait affirmé ne pas le connaître. C'était très étrange, car le parrain était certainement le détenu le mieux informé de la prison, et il avait toutes les raisons d'entretenir cette réputation. Depuis la première fois que le garde était apparu dans la prison – s'il avait été malhonnête, il l'aurait su, et s'il l'avait été incorruptible (ce qui n'était pas commun), il l'aurait appris encore plus vite.

Cessant de réfléchir, le sanglier fit, en passant, un doigt d'honneur à l'écureuil qui se moquait de lui. Puis il accéléra le rythme car un des surveillants lui brailla dessus. Le geste avait suffi à faire repérer Nitro, cependant. Rancuniers, les gardes ne manquaient jamais une occasion de lui coller une punition. Deux minutes après, il courrait à côté de Fantin.

*
*         *

Marion renoua ses cheveux en un catogan blond. On venait de lui passer un savon – il n'avait pas l'habitude, et ça le mettait hors de lui. Sur son visage dur et élégant à la fois, l'énervement s'exprimait par un magnétisme froid. Impérieux, il traversa la cour d'un pas qui ne cachait rien de l'autorité qu'il estimait avoir. Après tout, il était mandaté par le directeur en personne, et les autres le savaient bien. Ils savaient aussi qu'il ne venait généralement que pour une seule chose, aussi n'eut-il pas besoin de préciser :

– Il me faut six remplaçants, pour ce soir. Pas de retard. Trois couples, trois méga. Débrouillez-vous.

À peine arrivé, il repartit. La demande, soudaine, n'avait rien d'habituelle et laissa ses collègues dans l'embarras, voire un peu paniqués. Des méga, parmi les coureurs, il n'y en avait que deux… reconnaissables à leur collier rouge. Nitro vint leur sauver la mise, quand ils l'aperçurent ricaner derrière une vitre. De toute façon, ils n'avaient même pas besoin d'excuse pour lui coller une sanction. Restait à former des « couples » : trouver un ami de chaque méga, dans le groupe. D'habitude, il y avait une phase de renseignements pour sélectionner les meilleurs candidats – même si ce n'était jamais eux qui y participaient. Mais dans cette situation, ils n'avaient pas le temps de profiler, et allèrent au plus simple. Nitro fut choisi avec Fantin, Leny avec Rodrigue.

Une heure de course plus tard – soit à peine la moitié de la sanction prévue – les surveillants sonnèrent la fin de la promenade forcée.

– Bon, ça suffit. Tout le monde à l'intérieur, ordonna un garde.

Il y eut de timides soupirs de soulagement parmi les détenus, qui se rangèrent sagement pour rentrer. Personne ne comprenait ce que signifiait cette clémence inespérée, mais ils ne comptaient pas laisser passer leur chance. Surtout qu'ils avaient encore une chance d'avoir un repas du soir.

– Sauf toi, tu continues à courir. Toi aussi. Toi.

Les sélectionnés furent mis à l'écart, alors que les autres disparurent dans le bâtiment. Aux fenêtres, tout le monde s'était lassé du spectacle, et personne ne voulait manquer le souper. Bientôt ils furent seuls dans la cour.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: dimanche 21 octobre 2018, 16:12:26 »
Fantin ne passait pas souvent dans l'aire de détente. Lorsqu'il ne traînait pas avec Nitro, il passait le plus clair de son temps à lire et relire les mêmes vieux livres – ceux qu'il avait en cellule, et qui dataient de l'AFF. Mais quand c'était nécessaire, il avait toujours ses accès. Il était entré un ouvrage à la main, avec dans la tête la perspective de s'installer confortablement dans un fauteuil tout en surveillant Leny de loin. Encore fallait-il la repérer.

Les bruits de lutte qui parvinrent à son oreille le mirent sur une piste. S'il y avait danger, c'est de là qu'il venait. Ça ne manqua pas – il vit la face antipathique d'un alligator (et pas n'importe lequel) qui lui cherchait des noises.

– Yandal, espèce de crétin, regarde donc par ici ! beugla-t-il en lâchant son livre et en se ruant sur le reptile.

Son cri laissa au prisonnier le temps de se retourner, mais pas celui de mettre en place une tactique de défense efficace. Même si son adversaire était loin d'être frêle, le sanglier était quand même plus grand, et plus gros. La charge s'acheva par un plaquage bas, peu académique, mais qui emporta les deux belligérants sur plusieurs mètres. S'en suivit un âpre pugilat.

Ce n'était toutefois pas la première fois que Fantin luttait au sol contre l'alligator, et dans cette position il avait l'avantage. Alors qu'il coinçait de tout son poids le corps de l'écailleux, il attrapa la mâchoire entre ses deux mains, et la maintint fermement vers le bas. Même s'il se débattait, les mandibules de son adversaire n'étaient pas aussi fortes pour s'ouvrir que pour mordre.

– Dégage, fit-il en tournant brièvement la tête vers Leny. Pas deux fois le même jour !

Il grogna, car Yandal venait de lui enfoncer ses griffes quelque-part dans le ventre – heureusement beaucoup trop gras pour que la blessure soit sérieuse. Le sanglier repéra une ouverture, et en profita pour lui asséner un formidable coup de tête en représailles. Ils roulèrent, alors que Fantin, du sang plein le museau, éclatait d'un rire grave et joyeux.


*
*         *

La méga n'avait pas eu le temps de goûter au combat – surprise qu'elle était par la vitesse à laquelle la situation s'était envenimée. Même à l'intérieur de la prison, la résistance était une question polémique. Sur le plateau de son père, c'est sûr, les conflits ne se réglaient jamais ainsi. Une chose était certaine : sans l'intervention de Fantin, elle n'aurait sûrement pas été de taille à affronter l'alligator. Elle était sportive et pleine de ressource, mais il y avait des différences de carrure qui rendaient le duel inégal.

Elle ne comprit pas non-plus, sur le moment, pourquoi le sanglier se portait à son secours. Elle le reconnut comme une des deux personnes qui l'avaient longtemps regardée du coin de l’œil, pendant sa punition, mais elle en déduit juste qu'il devait également être un résistant. Son opinion, à son égard, changea aussitôt.

Profitant du moment de répit, elle chercha Rodrigue des yeux. Même pour elle, qui venait d'arriver, la prédiction de Fantin était une évidence : dans un lieu aussi exposé, les gardes n'allaient pas tarder à intervenir pour calmer le jeu et distribuer les corrections. Mieux valait ne pas faire de vieux os, mais encore fallait-il pouvoir.

– Rodrigue ! appela-t-elle.

Solidaire, aucune chance que l'hybride ne parte pas sans son nouvel ami, quitte à donner de sa personne pour le dégager. Elle sauta sur les épaules d'un humain qui menaçait le castor. Solidement cramponnée dans son dos, elle lui mordit la nuque à pleines dents. Il n'y avait pas besoin d'être un crocodile pour avoir une mâchoire dangereuse. Le cri de douleur qu'il poussa fut particulièrement réjouissant à ses oreilles. Ce type payait pour les autres.

Elle accompagna la chute de l'humain lorsqu'un résistant, profitant de la distraction, lui faucha les jambes, mais elle ramassa alors un coup de pied qui l'envoya voler. Elle se rattrapa, retombant sur ses pieds – un sourire nouveau sur son visage, qui en devenait inquiétant. Elle ne put retenir un grognement de jubilation en bondissant, bas du corps en avant, sur un hybride poulet qui se tenait cette fois derrière Rodrigue… et qui, peut-être, ne l'aurait même pas menacé. Son cœur battait à toute vitesse, et sa tête se vida un peu. Si personne ne l'arrêtait, il y avait le risque d'elle prenne goût à ce défouloir…

– P'tite conne, marmonna Fantin, en devinant que malgré ses avertissements, elle s'était jetée dans la mêlée.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: vendredi 19 octobre 2018, 10:32:24 »
Les quartiers détente donnaient à Leny une toute autre image de la prison. Animés, joyeux même selon les groupes de détenus, ils ressemblaient, au contraire du reste de l'établissement, à de véritables lieux de vie. De toute façon, que ça lui plaise ou non, ce serait sa vie. Elle ne se posait toujours pas trop de question. Pour l'instant, elle profitait juste, avec Rodrigue, de son premier moment pas absolument déplaisant depuis sa capture.

En revanche, la diffusion de TVH sur la plupart des écrans… c'était sans doute la chose à laquelle elle aurait le plus de mal à s'habituer. L'hybride avait tout fait depuis des mois pour échapper précisément à cet univers – et voilà qu'il la narguait en la retrouvant ici. Concentrée sur le visage abîmé du renard, elle tenta d'ignorer ces jingles et ces voix qu'elle connaissait par cœur. Jusqu'à ce que le résistant lui-même s'y intéresse.

– Jimmy pensait qu'il était mort, commenta-t-elle, en remarquant elle aussi la présence du petit mage. Franchement, TVH… peut-être il aurait mieux fallu qu'il le soit.

Sans surprise, après l'interview du souriceau, ce fut au tour d'un lémurien d'apparaître. Il se tenait bien droit, derrière un pupitre aux couleurs de son émission. Il avait une mise soignée, chemise blanche cintrée et costume noir ouvert sur un petit nœud papillon. Son œil orange avait quelque-chose de mystérieux, comme celui de sa fille, mais on y lisait aussi la malice, voire l'impertinence. Tout était calculé, bien sûr. D'ailleurs, quand Leny pensait à l'état de pression dans lequel il devait se trouver au moment d'enregistrer la séquence… il n'en laissait absolument rien paraître.

– Ouais, il est de ma famille, glissa-t-elle à Rodrigue avec un geste évasif de la main. C'est mon père.

Autant évacuer le sujet tout de suite. Pour peu qu'on les ait sous les yeux en même temps, comme c'était le cas, la ressemblance était frappante, jusqu'aux motifs de fourrure. En fait, si ce n'était ses vêtements et son ton de voix, son père semblait même à peine plus âgé qu'elle. Il fallait croire que les lémuriens vieillissait bien. Sur TVH, il n'était pas besoin de le présenter. C'était Dany Fortune, que tout le monde connaissait bien.

– …Comment cet hybride partit de tout en bas, est devenu l'étoile montante du quartier sud ? C'est le sujet du Système D de la semaine prochaine. Un sujet que, comme toujours, j'ai préparé personnellement. L'occasion de revenir sur un parcours de réussite inspirant… J'ai le plaisir de vous annoncer que l'émission sera exceptionnellement entrecoupée d’une représentation retransmise en direct…

Système D était un talk-show populaire qui passait en fin de semaine. Il mêlait humour, reportage, et parfois débats en seconde partie de soirée. Une dose de critique modérée y était régulièrement tolérée, mais elle portait souvent sur des oppositions assez artificielles, ou sur des sujets qui relevaient davantage de la philosophie que de la politique. Il était conçu pour qu'une bonne partie de la population, y compris la plus critique, puisse s'y sentir présentée. Bien sûr, la résistance et la contestation violente en général y étaient marginalisées.

– Ils l'obligent à faire ça, le petit mage. Si Dany veut quelque-chose, il l’obtient, toujours…

Pour Leny, qui connaissait aussi bien les méthodes de la chaîne que la situation, c’était évident, et ça devait l’être pour Rodrigue aussi — mais la présentation était assez bonne pour que ça ne le soit pas pour tout le monde. Elle croisa les bras, mal à l’aise.

— Quand j’ai intégré la résistance, on m’a proposé de rester près de lui, servir d’informatrice. C’était presque plus intéressant que mes pouvoirs de méga, il paraît. Mais je pouvais pas. Je pouvais juste pas, expliqua-t-elle avec dégoût.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: jeudi 18 octobre 2018, 20:42:28 »
Leny adressa au renard un signe de tête préliminaire. Avant d'avoir l'information, elle n'avait aucune idée de ce à quoi Rodrigue ressemblait, ni même de sa race. Maintenant qu'elle l'avait devant les yeux, elle trouvait qu'il était parfait dans son rôle. Elle fut en confiance, encore une fois, mais peut-être cela relevait-il davantage du besoin que de la certitude. Les visages amicaux n'avaient pas été nombreux ces derniers jours.

– Pas trop. Je suis Leny, et aussi je suis Ghost. Je travaillais avec Mr. Bug.

Elle montra piteusement du doigt son collier rouge vif, qui non-seulement l'empêchait de faire usage de son pouvoir, mais qui en plus jurait avec sa tenue jaune.

– On a été pris, y'a de ça, quelques jours, je sais pas trop ? Une opération qui a planté, complètement. Je pense que tout le monde est – elle soupira – mort, enfin sauf Jimmy et moi.

C'était si banal raconté ainsi. Mais en même temps, donner des détails l'obligerait à aller chercher des souvenirs qu'elle n'avait pas envie de voir revenir. Rien que la brève évocation fit un instant resurgir la sensation glaçante qu'elle avait eu, lorsque, dans ce qui lui semblait être une pénombre totale, un peu du sang de Randal l'avait couverte. Les quelques gouttes lui paraissaient avoir été un torrent. Elle balaya la vision.

– Enfin, je sais pas s'il… bref, il était en vie, quand je l'ai vu, la dernière fois. Mais il est pas rentré ici avec moi.

Sa queue s'agitait de nouveau avec un peu d'ardeur. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlé, vraiment parlé, à quelqu'un en mesure de comprendre. Elle exorcisait ses angoisses. Ça devait se voir.

– Pardon, j'apporte aucune solution. Jimmy m'a parlé de toi, juste je suis là, quoi. Si tu as besoin de moi. Tu vois.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: jeudi 18 octobre 2018, 14:23:37 »
Leny enfila les vêtements sans faire de commentaire. Sitôt la compagnie des gardes quittée, elle poussa un soupir de soulagement. Enfin, le calvaire était terminé. L’absence d’instruction supplémentaire la laissait libre — façon de parler — au milieu de la prison. Elle ne connaissait encore rien de l’endroit, alors elle était encore en phase de découverte. Bientôt, sans doute, il y aurait davantage de routine, et bien sûr d’ennui. La détention, ça n’avait rien de très amusant.

Sans trop réfléchir, elle prit le couloir le plus proche. Elle avait besoin de s’éloigner au moins un moment du hall.

— Salut, fit-elle à un raton laveur.

L’hybride était en train de passer la serpillière. À côté de lui, un sceau en plastique rempli de liquide savonneux. Les robots de nettoyage n’étaient pas arrivés jusqu’au milieu carcéral — à quoi auraient-ils servi lorsqu’on disposait d’une main d’oeuvre corvéable. Il était seul, alors l’aborder était moins intimidant. Il l’avait vu arriver avec son carton dans les mains, et affichait un air amusé, sans méchanceté ou moquerie perceptible, ce qui mit le lémurien plutôt en confiance.

— Tu connais un Rodrigue ? Arrivé il y a pas très longtemps, une semaine max.
— Ah, t’es de la résistance ?
— Je…

Elle ne sut pas quoi répondre. Elle se dit qu’il serait peut-être aussi avisé de ne rien dire, mais le raton avait déjà son avis sur la question.

— T’inquiète mec. C’est cool. Rodrigue il doit bosser à l’atelier, là, c’est l’heure.
— Il y fait quoi ?
— Euh, aux dernières nouvelles, il enroulait des mandrins de bobinage en carton.

Le raton sourit et s’expliqua :

— Il fait des rouleaux de PQ, quoi. Parfois pour l’essuie-tout, et pour le film étirable aussi… ça change…
— Ah…
— Tu vois, au moins, le ménage, on se balade. Si tu te tiens bien, dans quelques mois, on te laissera peut-être le faire, fit-il, d’un ton docte.
— Génial. L’atelier, c’est par où ?
— L’aile ouest. Il va sortir dans une heure, ou quelque-chose comme ça, t’as qu’à l’attendre. T’as le temps d’aller poser tes affaires aussi. Les cellules, c’est par là.

Il tendit le bras pour indiquer la direction. Dans le couloir, une mouche approchait. L’hybride se détourna et reprit sa serpillière.

— Bon, faut que je bosse moi. Allez allez, bon courage mec.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: mercredi 17 octobre 2018, 21:08:49 »
Leny n'était pas assez en colère pour prendre les menaces du surveillant à la légère. L'esprit des punition n'était pas difficile à saisir. Elle avait fait une erreur terrible en faisant la forte tête. Maintenant, il n'y avait que deux postures possibles : ou elle se soumettait tout de suite, ou elle tenait, jusqu'au bout de ce à quoi ils étaient prêts pour l'humilier. Elle observa brièvement, sans empathie, l'humain qui gisait sur le sol. Avait-il, lui, seulement eu le choix ?

– Ouh-ouh.

Une heure à faire le singe, c'était interminable. Il y eu, inévitablement, des flottements. L'hybride était un primate furieux. De plus en plus furieux avec les minutes qui passaient, d'ailleurs. Elle montrait, volontiers, les dents, elle ne lésinait pas sur les raclements de gorge simiesques. La honte ne passait pas si facilement – mais en même temps, elle commençait à trouver quelque-chose d’exutoire dans ce jeu de rôle. Elle était dans une scène, imposée, personne ne pouvait l'ignorer, et finalement, personne ne pouvait la confondre avec ce qu'elle était réellement. C'est du moins ce qu'elle se dit pour tenir.

Heureusement, les regards n'étaient pour la plupart pas trop pesants, et elle n'eut pas à les soutenir. Elle repéra cependant assez vite, à un bout de la pièce, un duo de prisonniers qui semblaient la regarder avec une attention particulière. L'hybride eut envie de gronder à leur encontre, quitte à être un singe. Mais elle choisit pragmatiquement de les ignorer, car elle n'avait réellement aucun besoin d'ennui supplémentaire.


*
*         *

Son gros corps appuyé contre un mur du hall, Fantin tentait de ne pas se faire repérer. Hélas, il n'avait clairement aucun talent pour ça. Même s'il faisait semblant, prétextant discuter avec Nitro, et que de temps en temps, il regardait ailleurs, il ne trompait personne.

– Quand j'suis arrivé, ils faisaient pas ce genre de conneries, commenta-t-il, sans toutefois d'émotion particulière. Ils étaient plus directs et dignes à la fois.

Il mima un geste violent mais impossible à définir.

– Mh, Greyman, marmonna-t-il avec animosité. Bon. On devrait bouger. C'est pas comme si elle risquait grand-chose d'autre cette heure-ci. J'vais aller me renseigner sur la cellule où on l'a placée.

Le sanglier n'était pas surpris par la punition, et il n'en faisait pas grand cas. C'était un coup à la fierté pour quelqu'un qui venait de l'extérieur, mais il ne considérait pas ça comme très sérieux. En trente ans de prison, il avait vu bien pire.

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One Shot / Re : Les Chroniques de Mobius, acte 4
« le: mardi 16 octobre 2018, 23:04:36 »
Leny ne s'était pas attendue au choc électrique… en tout cas, pas venant de derrière elle. Ses muscles se contractèrent péniblement, alors qu'elle tombait au sol et lâchait un cri de surprise autant que de douleur. Elle souffla par la bouche, une seconde, le temps que les courbatures se dissipent. Puis elle obéit, se remit debout, dans l'exacte même position : droite, digne.

Cette posture de défi, presque, on ne la lui laissa pas garder très longtemps. De mauvaise grâce, l'hybride s'y plia. Elle montra son anus, elle montra son sexe. Ses chairs étaient brunes, et ne rosissaient qu'en leur partie la plus intérieure. Elle ne put retenir un raclement de gorge gêné quand un doigt pénétra difficilement son vagin, à cause de la membrane qui en limitait l'entrée. Son malaise était évident – et le personnel de la prison faisait tout pour l'entretenir. La résistante était nerveuse. En plus des poses humiliantes qu'on lui faisait prendre, elle redoutait un abus plus catégorique.

Mais elle ne se permit pas de montrer le moindre signe de faiblesse. Elle se dit que dans d'autres circonstances, elle aurait pu tout aussi bien ouvrir la gorge du garde qui la manipulait ; le cribler de balles, faire exploser son corps en minuscules morceaux. Elle se dit qu'elle en aurait peut-être l'occasion. Leny serra les dents, se focalisa sur sa colère, pour dissiper toute envie de pleurer qui aurait pu poindre.

Elle tint ainsi le coup pendant les examens qui suivirent, ressassant des pensées noires mais qui avaient l'avantage de ne pas la laisser s’apitoyer, de ne pas la laisser trop réfléchir à ce qu'elle allait devenir pendant sa perpétuité en prison. Les contrôles étaient précis, médicaux – dans d'autres circonstances, elle s'en serait étonnée – mais en l'état, ils lui paraissaient juste interminables et dénués de sens.

Enfin, la liste des analyses qu'il pouvait pratiquer sur elle ne pouvaient pas s'étendre à l'infini. Bientôt, sûrement, ce serait terminé. Elle serait au moins tranquille un moment.

– Non, allez vous faire foutre, lâcha-t-elle, à mi-voix.

Sa réponse à la requête du surveillant la surprit elle-même. Accepter, ça avait été au-dessus de ses forces. Le singe, c'était le rappel douloureux d'insultes qu'elle avait essuyées en grandissant, même aussi protégée qu'elle l'avait été. Pour certains humains, surtout, c'était une insulte facile, quand ils ne faisaient pas simplement la confusion entre lémuriens et autres primates.

Au moins, à cette décharge, elle s'y attendrait. Elle rentra légèrement les épaules, dans l'attente du choc. Elle ne comptait pas céder, elle n'était pas masochiste, mais sa fierté était ce qui la caractérisait, et pas loin de tout ce qui lui restait. Son regard orange était aussi noir que pouvait l'être un regard orange, son visage crispé. Quand elle n'en pourrait plus, alors peut-être elle en ferait le minimum. Elle n'aurait rien à regretter, elle aurait résisté, symboliquement, un instant.

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