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Messages - Archie

Pages: [1] 2 3 ... 5
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Ville-Etat de Nexus / Re : Le pire jour depuis hier [Un Chien]
« le: samedi 03 mai 2014, 01:23:03 »
Je lui indique d’un mouvement désinvolte qu’il peut manger s’il veut. Je pensais qu’il se serait jeté dessus sans que je lui dise, mais il a l’air mieux élevé qu’un animal standard. Je ne sais pas si c’est un bien. Les bêtes sont plus faciles à comprendre que les humains, et plus prévisibles, en tout cas pour moi. Enfin, je pense arriver tout-de-même assez bien à le cerner. Il ne pense rien de très compliqué, et paraît n’avoir aucune idée précise de ses origines.

-Et tu ne sais rien de plus ? Tant pis. Je ne suis pas expert en magie de toute façon.

La compréhension des éléments ésotériques est pour moi assez nouvelle. Je n’en avais qu’une conscience très partielle lorsque j’étais sur Terre, et c’est seulement lors de mon arrivée dans cette dimension que j’en ai compris le plein potentiel. Les habitants de ce monde ont une technologie rudimentaire, mais certains savent se servir bien mieux d’énergies latentes, selon des processus qu’il est courant de nommer magie. Il est assez difficile de les calculer, alors je choisis pour me faire comprendre d’utiliser ce même mot.

-Ta vie, c’est juste chercher de la nourriture dans les caniveaux ? Tu es heureux comme ça ? C’est une vie de chien : je veux dire de vrai chien. Je sais que tu es assez intelligent pour faire d’autres choses. Des choses humaines, comme travailler ou avoir une maison et une famille. Mais peut-être tu ne veux pas...

Je suis en train de me demander ce que je peux lui proposer de mieux. Ce que la ville de Nexus peut lui proposer de mieux, en fait. C’est vrai que ce n’est pas ici comme dans mon monde natal. Les inégalités sont bien plus fortes, et le racisme est latent. S’il fait savoir qu’il est doué d’un certain intellect, il risque même de trouver des individus pour le mettre en esclavage. Peut-être une vie de chien n’est-elle pas si mal, en comparaison. Surtout s’il parvient correctement à se nourrir et à trouver des lieux pour dormir... s’il n’a aucun ordre à suivre tous les jours, alors il profite déjà de meilleurs conditions qu’une bonne moitié de la population.

-Tu n’as pas de nom, alors ? Comment dois-je t’appeler ? Moi c’est Archie.

Je peux toujours me conforter à la moindre des politesses. Ces politesses là sont faciles à apprendre, même pour moi. Elles ne sont qu’un registre de choses à demander ou à ne pas demander. Le plus difficile c’est de savoir quand il est nécessaire de les placer. Peut-être aurais-je du le demander plus tôt, je songe. Toutefois, je ne crois pas que cela fasse beaucoup de différence pour un chien, aussi lucide soit-il. Lui-même ne m’a pas salué, après tout. Cela a plutôt tendance à me rassurer.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le pire jour depuis hier [Un Chien]
« le: samedi 03 mai 2014, 00:05:50 »
Je manque de sursauter en entendant le chien parler. Pourtant, je ne suis pas vraiment facile à surprendre, et j’avais des éléments qui auraient pu me prévenir que cela aurait pu être possible... toutefois, il y a une différence assez nette entre un animal d’un niveau de conscience supérieur à la norme, et un animal capable d’exprimer des idées. Heureusement, cela ne me trouble pas encore trop, car ses paroles sont encore très élémentaires : il ne s’agit que d’une envie primale. Rien qu’un vrai chien n’aurait pu formuler, s’il en avait été physiquement capable. C’est là que c’est vraiment étrange.

-Ce n’est pas normal. Les chiens n’ont pas de cordes vocales adaptées à la parole. Tu ne devrais pas être capable d’articuler, je fais remarquer.

Je glisse mes doigts sous la gorge du chien, et palpe un peu dans la fourrure bleue, au-dessus et en-dessous du collier, sans trouver quoi que ce soit de spécial. Je n’ai pas peur qu’il me mordre. Il a faim, et s’il est aussi malin que je le pense, et qu’il est aussi affamé, il n’ira pas me chercher des noises. Je grimace, tout en mangeant.

-Il faudrait ouvrir pour savoir comment c’est possible. Une petite incision horizontale ici, peut-être sur un centimètre. Il serait facile de refermer ensuite.

J’accentue légèrement la pression sur la zone en question, puis je retire ma main. Je n’ai pas l’air de plaisanter... et c’est parce que je ne plaisante pas. Je n’envisage pas réellement l’opération, bien sûr, mais je me contente de la décrire d’une façon rationnelle. Après tout, avec une anesthésie, ce ne serait pas si douloureux, et ça ferait peut-être avancer la science. J’ai subi des opérations bien plus lourdes, et je suis toujours là. Reste la possibilité que le phénomène soit absolument magique, et que la chirurgie ne trouve rien de particulier. Ce serait décevant.

-Je te donne toute la brochette et tu me parles de toi. Je veux savoir pourquoi tu es différent. Cela va m’éviter d’avoir à te faire des entailles, je pense.

Bien sûr, je pourrais directement fouiller dans sa mémoire, il s’agirait d’une expérience relativement intéressante. Je crois que je le ferais, d’ailleurs, s’il refuse de m’en parler... et même s’il ne refuse pas. J’ai toujours besoin de confirmer ce que l’on me dit. C’est plus qu’une habitude, c’est une condition que je pense indispensable à ma survie. Je n’ai jamais vraiment compris les gens qui vivent sans télépathie. Le monde doit leur paraître affreusement obscur et dangereux. Je suppose : je n’ai jamais été très doué non-plus pour me mettre à la place des autres.

Je laisse tomber le bâton plein de viande sur le sol, et j’avale celui qu’il me reste. Je savoure ma distraction du repas, bien plus riche intellectuellement que les télévisions terriennes. Je suis en train de parler avec un chien, et tout va bien.

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Royaume Terranide / Re : Terres d'exil [Clan Haulleuad]
« le: mardi 29 avril 2014, 19:16:18 »
Les paroles de Samya sont agréables et compatissantes, du moins je crois, j'ai du mal à le savoir, je ne suis pas sûr de ce qu'elles veulent véhiculer... je les entends de toute façon à peine. Elles arrivent à mes oreilles, mais j'ai du mal à les considérer comme si elles possédaient un sens. Je suis tenté de ne pas les considérer comme un simple bruit, celui de la mer ou du vent. C'est ce que mon esprit, ayant perdu ses repères, est tenté de faire, et je m'efforce de le détromper. J'ai l'impression d'écouter la radio, mais ça n'a pour moi rien à voir. Je ne perçois aucun signe de conscience. Je remonte mon regard vers elle. Elle est toujours là, mais elle pourrait aussi bien être une pierre. Ce n'est pas un seulement un sens qui me manque : c'est tous mes sens qui perdent une dimension.

Je déglutis, mes poings se serrent, crispés. La seule envie que j'ai, en ce moment, c'est d'arracher la torque et de m'enfuir en courant. Son étau autour de mon cou m'étouffe plus que s'il me serrait la gorge. Je me force à n'afficher aucune émotion particulière. Je ferme les yeux un instant, pensant que cela va m'aider à faire la part des choses. Mais cela ne va pas du tout. Je les ré-ouvre très vite, une expression d'intense malaise au visage.

Je crois que sans ma télépathie, j'ai peur du noir. Sans aucune forme de vie dont les grouillements psychiques, presque imperceptibles, formaient autour de moi comme un tapis sonore, j'ai le sentiment d'être absolument seul. Cela me terrifie. Je frémis un instant, et je me reprends. Je salue les gardes-frontières, je réponds à Samya.

Merci beaucoup. Je crois que l'endurance en elle-même ne devrait pas constituer un problème. Mes muscles ne sont pas habitués à travailler, mais mon corps sait faire des efforts. Manifester mes pouvoirs était très coûteux en énergie, et m’essoufflait facilement, au départ.

Je jette un œil à l'aile qui est encore sur le sol, derrière moi. Elle n'est pas faite pour être transportable ou pliable, et sans mes pouvoirs, je suis tout simplement incapable de la faire fonctionner. Je ne suis même pas certain qu'elle soit assez fiable pour que, même lancé d'une falaise, quelqu'un puisse prendre le risque de l'utiliser sans télékinésie comme filet de secours. Je l'indique du bras.

C'est pour m'économiser sur de longues distances que j'ai construit cette voile. Mais elle n'est plus utile à présent. Nous devrions peut-être la détruire... elle devrait bien brûler, mais je suis dans l'incapacité de faire du feu.

En effet, si je ne transportais aucun briquet, c'était parce que j'étais capable, en agitant rapidement quelques particules de l'air, de les échauffer suffisamment pour faire brûler certains matériaux très inflammables, comme le papier. Sans mes pouvoirs, je manque cruellement des outils les plus élémentaires.

Où allons-nous ? Combien de kilomètres cela représente-t-il ? Comptez-vous les distances en kilomètres ? Devons-nous nous tenir prêts à affronter d'éventuelles menaces ? Je crains d'être absolument dépendant de vous pour ce qui est de ma survie.

Si une bête, n'importe quel prédateur, se met en tête de nous assaillir, il n'y a pas grand-chose que je pourrais faire. Je n'ai aucune arme, et même si j'en avais, cela ne m'aiderait sans doute pas beaucoup. Je dois être capable de repousser un petit chien, si celui-ci ne dépasse pas la hauteur de mes genoux, mais ça risque d'être tout.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le pire jour depuis hier [Un Chien]
« le: lundi 28 avril 2014, 00:17:13 »
Il y a des jours où tout semble contre vous. Je ne sais pas pourquoi je pense cela... j'ai des raisons d'être inquiet, cependant, au moment présent, il ne m'est encore rien arrivé de fâcheux. Peut-être est-ce parce qu'il pleut. En fait, je suppose que je suis simplement de mauvaise humeur. C'est étrange, je n'aurais pas pensé il y a peu de temps encore que cela aurait pu m'arriver. Bien sûr, mon cerveau est parcouru de signaux hormonaux qui affectent mon état psychologique, comme n'importe quel humain. Mais j'aurais pensé jusqu'ici que sa partie synthétique était assez prévoyante pour endiguer les variations de tempérament naturel chez les hommes. Il n'en est visiblement rien. Au moins, je suis parfaitement conscient de mon état d'esprit négatif. Cela me permet de faire les ajustements moi-même.

Puis c'est une petite créature qui avance vers moi. Je n'y ai pas alors pris garde, car ses pensées superficielles me paraissaient encore très rudimentaires. Je l'observe d'un œil intrigué, pas forcément très sympathique. Ça ressemble à un petit chien, assez poilu et que, je suppose, la plupart des gens qualifieraient de mignon, même s'il n'est pas vraiment propre et soigné. Moi, il m'évoque plutôt le type de petit chien que les vieilles dames veuves aiment promener pour leur tenir compagnie. C'est du moins le stéréotype que je parviens à extraire de ma base de données. Les signes comportementaux qu'il montre semblent indiquer qu'il est à la recherche de nourriture. Il est bleu.

-Désolé le chien, mais au prorata du QI, tu n'as pas le droit à grand-chose, je lui annonce sur un ton doux.

Est-ce que je viens de parler à un chien ? La question me taraude. Je ne me serais jamais adressé à un simple animal en temps normal. Si j'ai fait ça, c'est que mon instinct m'a trompé, mais avec quoi ? Quelque-chose ne doit pas correspondre aux standards des chiens, pourtant je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

-Tu es étrange, toi, pas vrai ?

Puis une première vérité apparaît à mes yeux. Il est bleu : sa fourrure entière est bleue. Je l'avais noté sans le relever. Les chiens de la Terre sont rarement de cette couleur, et jamais naturellement. C'est, au mieux, le résultat d'une teinture chimique, conséquente souvent à des concours de toilettage. Je n'ai rien vu de tel depuis mon arrivée, ma mémoire est assez précise pour me le confirmer.

Non, il doit y avoir autre chose. Même si son pelage est anormal, cela ne justifie pas que je lui ai parlé. Je fronce les sourcils en face de lui, et le détaille mieux. Il possède encore un beau collier, c'est donc un chien enfui ou perdu, mais pas depuis très longtemps. Ce n'est pas encore ça. Enfin, je capte une pensée particulièrement développée. Mon cerveau s'interroge sur sa provenance. Celle-ci provient du chien. Je cligne des yeux.

-Je suppose que je ne devrais pas être surpris de rencontrer un chien intelligent. Terra est pleine d'êtres étranges.

Je croise les bras, et m'arrête de manger. Je fais glisser un petit morceau de porc à l'extrémité d'une baguette, que je tends à ce qui possède encore l'apparence d'un animal. J'en avais trop, de toute façon.

-Au prorata du QI, tu as le droit à ça, alors, je fais avec le plus grand sérieux.

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Royaume Terranide / Re : Terres d'exil [Clan Haulleuad]
« le: lundi 21 avril 2014, 18:38:15 »
J'attends simplement que les gardes-frontières s'accordent entre-eux, puis j'écoute calmement leur réponse. Ce n'est pas pour moi une chose facile, car je n'ai pas l'habitude de devoir attendre pour posséder une information. L'impatience et la curiosité me tentent plusieurs fois de poser de nouvelles questions, et d'enjoindre mes protecteurs à accélérer leur débit de paroles. Il est très impressionnant pour moi de constater à quel point leur diction peut être plus lente que leur esprit. C'est aussi frustrant de ne pas pouvoir creuser plus profonds les détails qui m'intéressent, et de devoir me contenter de leurs formulations, avec ce qu'elles comportent de double-sens, de non-dit et d'imprécisions. J'essaie de tout comprendre au mieux.

Je ne connais pas encore leur religion, mais celle-ci me paraît être fondée sur un dualisme que l'on trouve dans quelques cultes terriens, principalement païens, mais également dans quelques doctrines chrétiennes antiques. Je suppose que celle-ci est donc en premier lieu constituée de l'opposition mâle/femelle, et qu'elle est sans doute agrémentée de tropismes mineurs supplémentaires. J'ignore comment les mâles sont considérés par le dogme, mais je jette un regard à Samya. Elle est physiquement puissante –bien plus que moi– pourtant, elle ne paraît en aucun cas être autre-chose qu'une femelle. Son génotype doit être particulièrement intéressant. Cela m'interroge, toutefois je n'insiste pas.

Vous pouvez vérifier mes affaires. Je ne transporte aucune arme, car je suis incapable d'en faire un usage adéquat. Il me semble qu'aucun morceau d'acier tranchant ne suffirait à me rendrait plus dangereux pour n'importe lequel d'entre-vous. En revanche, je crois honnête de vous signaler que je suis également en capacité de réaliser ce type de manipulation à distance.

Très lentement, sans aucun mouvement brusque, mon sac décolle sans que personne ne l'ait touché. Il flotte dans les airs un moment, puis se met à avancer doucement vers les gardes-frontières, avant de se poser au sol devant eux. Il ne contient que des provisions en grande partie consommées et des objets absolument inoffensifs : sous-vêtements de rechange, stylo-bille et papier blanc terriens, un peu de cordage et de toile destinés à réparer un éventuel dommage de mon aile.

Enfin, je prends en main le collier de métal doré et sombre que l'on me propose. Je l'examine un moment, avec une certaine appréhension. Je leur en fais part aussitôt.

J'accepte de renoncer à mes capacités extrasensorielles et à toutes celles dont vous jugerez utile de me priver temporairement. Cependant, il me faut vous dire que je ne possède aucune qualité physique pouvant vous satisfaire. Mon corps est faible. L'essentiel de mon énergie est utilisée pour alimenter mon cerveau et les composants qui y ont été greffés.

Peut-être ne l'ont-ils pas encore remarqué, je songe. Je me retourne alors, et me trouve dos à eux. Dans cette position, ce que j'ai de singulier est particulièrement visible. En effet, le long de ma colonne vertébrale sont disposées régulièrement des plaques rectangulaires, faites d'un alliage gris clair. La dernière, au niveau de ma nuque, paraît plonger sous ma peau puis sous l'os de mon crâne.

J'assume cependant cette faiblesse. S'il me faut chasser, je chasserais. Je crains seulement de ne pas disposer de plus de facilités qu'un jeune enfant dans ce domaine.

Me repositionnant face à eux, je les regarde. Puis je reporte mon attention sur le bijou inhibiteur. J'inspire et le fait glisser autour de mon cou. Il est un peu trop grand pour moi, évidemment, et repose davantage sur mes épaules. Je ne fais aucun commentaire, mais mon visage est à la fois hébété et sinistre. Je me baisse, et ramasse ma tunique encore au sol. Je l'enfile et la referme, dissimulant le torque aux vues extérieures.

Je suis prêt à vous suivre, je dis seulement d'un ton absolument neutre.

Je me sens lourd et vide, extrêmement nerveux. Je me retiens de pleurer.

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Ville-Etat de Nexus / Le pire jour depuis hier [Un Chien]
« le: lundi 21 avril 2014, 13:22:27 »
Les artères de Nexus sont toujours aussi bondées. La foule s'amasse autour des étals, des maisons de commerce et des échoppes d'artisans. Les vies humaines grouillent consciencieusement. Il y a peu de temps encore, la cohue me dégoûtait presque. Il y a quelques mois encore, j'avais peur des fortes densités de personnes. Il y avait trop de cerveaux en action en même temps, trop de machines biologiques qui calculaient sans cesse les meilleures trajectoires de slalom, s'évitant entre-elles tout en cherchant à rallier un objectif plus lointain. Puis il y avait les préoccupations de chacun, qui étaient autant de toiles complexes où venaient se mêler leurs sentiments, leurs appréhensions, et les projections à long terme. Enfin, les pensées immédiates, les plus prenantes, celles qui faisaient remarquer à chacun une tâche sur les pavés, une tête connue dans la masse, un pigeon s'envolant après avoir gobé une miette de pain tombée d'une escarcelle.

Aujourd'hui, j'y suis plutôt indifférent. J'ai appris à me fermer presque complètement à ce type de manifestation. Je sais à présent la considérer comme un conglomérat compact, où je peine même à distinguer un esprit de l'autre. Les messages ne me parviennent plus dans leur individualité, comme une multitude de signaux désordonnées et sans cohérence, mais comme une seule émission, moyenne, lissée, des impressions partagées de tous ces humains temporairement rassemblés. Je croyais que cela me demanderait beaucoup de temps et d'effort. Cependant, cela s'est fait plutôt naturellement. Je suppose qu'une fois l'habitude prise, on devient vite indifférent, surtout si c'est par nécessité.

Il pleut, ce jour là, sur Nexus. Les cordes tombent, et le ciel est gris. Il faisait beau il y a une demi-heure encore : c'est une averse qui s'est soudain mise à tomber. Je n'ai toujours pas trouvé le temps de faire un modèle météo. Il me manque encore quelques données pour prédire le temps qu'il va faire. Alors je me suis laissé surprendre comme tout le monde. J'étais sorti de l'auberge où je logeais depuis maintenant quelques temps. Je l'ai prise plutôt éloignée de la dernière que j'ai fréquenté, et qui a brûlé. Personne ne m'a associé au drame, néanmoins, je préfère prendre des précautions.

En revanche, je ne peux plus fréquenter les beaux quartiers comme autrefois. Les lieux que j'arpente sont plus anciens, plus historiques. Ils remontent peut-être à la fondation de la ville elle-même. Les bâtisses sont anciennes, certaines tiennent à peine debout, et d'autres, plus trapues, avec leurs murs de bauge et de torchis ont une solidité très paysanne. Quelques autres sont juste des vestiges. Moi, j'allais simplement chercher de quoi manger.

Les fruits et les légumes ne me faisaient pas envie. L'hiver n'a pas laissé d'excellentes récoltes, et les denrées végétales de bonne qualité sont rares ; la plupart sont fades, conservées depuis le début d'année. Tout en sachant qu'une telle nourriture est délétère pour ma santé, j'ai donc choisi de m'arrêter à l'étal d'un boucher, et de payer pour quelques morceaux de bois sur lesquels sont enfilés des morceaux de porc. Ce n'est pas de la très bonne viande : rien qu'on accepterait de manger sur Terre. Mais à cela aussi, on s'habitue. Mon palet n'a jamais été très sensible.

Je suis abrité du crachin sous la charpente extérieure d'une boutique, qui permet au bâtiment de prendre un certain appuis sur son voisin. Les lourdes poutres en bois, se croisant au-dessus de ma tête, arrêtent l'eau, la laissant dégringoler de chaque côté. Le tout donne sur une ruelle périphérique, un cul de sac où il ne passe presque personne. Je trouve le calme de l'endroit agréable, même si la propreté laisse à désirer. Le sol est formé de pavés irréguliers et grossiers, dont certains se sont déchaussés, laissant apparaître une terre noire.

Heureusement, je n'ai pas besoin de poser quoi que ce soit pour me nourrir. Je ne suis pas très chaudement vêtu : je n'ai qu'un habit de cuir noir sur lequel l'eau a glissé.  Mes cheveux, toutefois, sont trempés. Adossé contre la paroi de pisé, le regard dans le vide, je laisse le goût de la chair chaude arriver jusqu'à ma langue. Cela me réchauffe un peu.

7
Royaume Terranide / Re : Terres d'exil [Clan Haulleuad]
« le: lundi 07 avril 2014, 20:30:49 »
Je me contente d'acquiescer d'un signe de tête. Les instructions de Samya ont le mérite d'être claires et sans appel possible. Nous n'avons de toute façon pas le temps de discuter outre mesure. Déjà, les sauvages nous entourent.

Par le prisme de leur esprit, je suis presque en mesure de dire à quoi ils ressemblent. La description que j’en ai fait à Samya est plutôt juste. Alors que cette dernière, malgré ses armes blanches, est sans conteste civilisée, eux paraissent sortis d’une autre époque, beaucoup plus ancienne. Je ne peux que constater encore que sur Terra, au contraire de la Terre, les peuples n’ont pas évolué ensemble à un rythme technologique proche. Les différences d’avancement paraissent considérables. Je me demande ce qui maintient un tel écart ? Ce mode de vie est-il un choix pour eux, ou s'agit-il d'une manœuvre politique pour garder une certaine population sous contrôle ?

Quoiqu'il en soit, leur apparence primitive ne les rend que plus impressionnants. De part leur statut d’hybride, j’ai réellement l’impression qu’ils constituent une véritable passerelle entre l’humain et l’animal. Si bien qu’il est difficile de savoir à laquelle de ces deux entités ils se rapprochent le plus. En eux, je sens la férocité des bêtes, imprévisibles comme elles, dont la dangerosité des actions est démultipliée par l’intelligence bien supérieure à celle de leurs lointains cousins. Les silhouettes massives et velues nous entourent. Je sens mon rythme cardiaque un peu augmenter, la testostérone s’infiltrer dans mon sang. Heureusement, la panique n’a pas beaucoup d’emprise sur moi.

Samya elle aussi a l’air d’être soumise à une certaine pression. C’est plus que compréhensible. Notre infériorité numérique flagrante et la rage des terranides, qui ne nécessite aucune télépathie pour être perçue tant elle est manifeste, est assez effrayante. Suivant ses recommandations, je reste d’un mutisme total, la laissant tenter de négocier. Je pourrais influencer doucement sur la psyché des chefs des clans, pour les rendre plus calmes, plus coopératifs, mais je choisi de faire confiance à la garde-frontière. C’est ce que je serais amené à faire, de toute façon : autant que je commence de suite à m’habituer de remettre ma vie entre ses mains.

Après quelques dizaines de secondes de négociation, la hargne d’une partie des membres des deux clans semble être légèrement retombée, alors qu’ils considèrent le discours de Samya. Quelques individus cependant continuent de bouillir intérieurement ; si quelque-chose tourne mal, cela viendra à coup sûr de l’un d’entre-eux. Cela ne manque pas. Un jeune loup ne peut s’empêcher de clamer sa rage. Je me rends compte que, comme c’est souvent le cas, cela relève d’un malentendu. Les terranides ne sont pas beaucoup plus doués que les humains pour ce qui est de communiquer pacifiquement. Je reste impassible, mais n’en pense pas moins, lorsque le duel éclate. Au moins, les choses ont le mérite d'être claires.

Les autres gardes-frontières arrivent finalement. Je suppose n'avoir à présent, à titre personnel, plus aucune raison d'être nerveux. Ma protectrice paraît, elle, confiante et attentive : extérieurement presque immobile, je perçois que son cerveau est pourtant en pleine activité, décryptant la posture de son adversaire. Je songe qu'ici aussi, je pourrais faire un usage discret de mes pouvoirs, en forçant peut-être le provocateur a trébucher. L'assaut est extrêmement rapide. Les mouvements s'inscrivent à peine dans mon œil que déjà, Samya maintient le loup en position de soumission. Le souffle un peu court, j'attends la fin de la résolution, et que les tribus signalent leur accord. Cela fait, je m'adresse à la combattante.

Je vous remercie d'avoir risqué votre vie pour me protéger. Je vous suis reconnaissant, Samya, et je saurai me souvenir de vos exploits martiaux. Peu d'hommes de mon monde auraient été capables de la même chose.

Je me souviens alors de son commentaire concernant la lecture de son esprit que j'ai opéré quelques minutes plus tôt, et qui m'a été reproché. C'est à vrai dire la première fois que l'on me fait une remarque du genre, et j'en étais plutôt surpris. Il faut dire que peu de personnes, jusqu'ici, se sont portées au courant de la capacité que j'ai. Sur Terre, diffuser une telle information était tabou, et sur Terra, je n'ai jamais eu que peu de connaissances... trop intimes ou trop libres, sans doute, pour se formaliser que l'on examine leur pensées. Mais j'ai choisi d'être d'une honnêteté parfaite, et je suis déterminé à m'y tenir.

Je m'excuse s'il vous déplaît que je vous appelle par votre prénom, compte-tenu de la manière dont je l'ai obtenu. Si vous souhaitez un autre titre... Malheureusement, je ne puis être totalement imperméable à votre esprit. Il est pour moi aussi réel que votre visage, et il m'est difficile de ne pas l'entrevoir par période. Cependant, rassurez-vous, il me faut faire un effort conscient pour remonter une mémoire. Je ne sais donc de vous que peu de choses.

Comme pour illustrer mon propos, alors que j'avais jusqu'ici contemplé le haut de son être, je me mets à fixer le sol, l'air absent.

Je me refuse à acquérir les informations que je souhaite autrement qu'en vous les demandant. Cela n'est pas un exercice aisé pour moi. Pardonnez-moi si je suis maladroit, j'articule. Je vous prie également de me pardonner vous jugez mes interrogations sont indiscrètes, ou trop nombreuses. Ce n'est pas une question que je me pose, en temps normal.

En effet, la chose ne va pas être simple pour moi. Il est tellement plus rapide et plus efficace d'aller chercher des réponses directement dans les pensées d'un individu. Au contraire, communiquer avec lui est si compliqué, laborieux, et, comme je viens d'en avoir encore la preuve, prompte à créer des malentendus. Je suis toutefois prêt à me conformer à leur coutume.

Je suis heureux de savoir qu'un processus d'intégration existe pour ceux qui comme moi ont demandé l'exil. Je me demande en quoi il consiste, et j'espère en être digne. Je me demande si les attaques d'esclavagistes sont fréquentes. Je me demande également si le fait d'être un représentant du couple divin vous accorde un statut particulier, et à quoi cela tient. Je me demande si les duels d'honneurs sont une pratique courante en dehors des tribus. Je me demande si le moment est bien choisi pour vous interroger. Je me demande si je peux reprendre mes affaires.

Je n'ai après tout pour tout bagage que mes ailes, un habit par terre, et un sac à provision dont il ne reste plus grand-chose.

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Royaume Terranide / Re : Terres d'exil [Clan Haulleuad]
« le: dimanche 23 février 2014, 02:18:28 »
Je me mors la lèvre inférieure. Je sens l'agitation dans le crâne de la garde-frontière. Elle gagne en stress. J'avais pensé que son expérience manifeste l'aurait amené à considérer les êtres aux pouvoirs surnaturels, comme moi, avec une certaine distance, voire une certaine détente. Cependant, j'ai eu tort : elle n'en est que plus prudente. Même si je ne perçois rien de très agressif, je sens sa méfiance grimper. Sans même avoir besoin d'utiliser mon esprit, je la vois se mettre sur ses gardes. J'ai beau lire dans les esprits, je n'en suis pas moins très peu doué pour prévoir les comportements, et je le démontre encore une fois. Mais si j'ai une capacité d'anticipation très réduite en ce qui concerne les humains de la Terre, je crois qu'elle est encore mille fois pire pour ce qui est des terranides d'une contrée lointaine.

Mes excuses. Mon objectif n'était pas de vous effrayer. Je ne vous espionne pas. Je tire ces informations de votre cerveau.

L'évidence même est que je ne suis pas armé : c'est d'autant plus facile à voir que je ne porte qu'un pantalon en toile brune, et que je suis torse nu. Ma carrure, en elle-même, n'est pas en mesure d'effrayer un enfant de dix ans. Je ne possède pas non-plus les attributs généralement associés aux magiciens... Cependant, je n'avais pas songé, comme je le lis dans les pensées immédiates de mon interlocutrice, qu'elle aurait pu m'identifier ainsi. Peut-être ma peau très blanche, et mon calme semblent-ils un peu surnaturels, à la lumière des étoiles.

Je suis prêt à me soumettre à vos consignes, je réponds, en hochant la tête, et en mettant mes mains en évidence.

Par soucis d’exhaustivité, j'aurais bien ajouté que, dans tous les cas, mes bras auraient été parfaitement inutiles si j'avais voulu lui faire du mal... mais même moi comprend que cela n'est pas une excellente idée. Je n'arrive pas à identifier la fonction exacte de la pierre sur laquelle Samya appuie ; elle le fait trop vite et de façon trop automatique. Je comprends juste qu'elle se sent un peu plus en sécurité après l'avoir fait, et en déduit qu'il s'agit peut-être d'un signal, ou d'une vérification.

Lorsqu'elle m'annonce que ses collègues arrivent, j'ai envie de la croire, et je n'ai pas trop d'appréhension. Je n'ai aucune assurance qu'ils m'acceptent, mais ce sont vraisemblablement des gens civilisés, et je ne sais pas vraiment ce que je pourrais craindre. Toutefois, un simple tour des esprits qui convergent vers nous m'alerte. Je détecte rapidement que s'ils sont d'une race proche à celle de mon interlocutrice, leur mode de pensée, leur manière de formuler les idées, est complètement différent. Ils viennent probablement d'une autre culture, ont été éduqués et ont vécu dans un environnement très différemment.

Je regrette, il ne s'agit pas de ceux que vous attendez.

Je me concentre sur l'un d'entre-eux, pour tenter d'être un peu plus en phase avec son ressenti. Je perçois de la colère, de l'agressivité, très peu de calme ou de préparation. J'identifie l'individu comme étant immédiatement hostile. Je creuse davantage, et repère dans le flux de sa psyché son objectif. Ils prennent celui qui est arrivé par les airs, c'est-à-dire moi, pour un de leur ennemis mortel. Leur rage est grande, pour une raison que j'ignore. Ils sont assez primitifs.

Les individus qui approchent constituent une troupe d'une vingtaine de chasseurs. Ils sont furieux et armés. Ils sont probablement décidés à se battre. Leur matériel est très archaïque, mais leurs techniques d'attaque peuvent être relativement élaborées. Leur entendement est assez limité. Je doute qu'il soit possible de les raisonner. Connaissez-vous la cause de leur animosité ? La probabilité que je sois blessé si je les affronte seul est élevée en raison d'un éventuel encerclement, toutefois, je devrais être capable de les neutraliser. Souhaitez-vous les affronter avec moi ? Je peux vous protéger de leurs projectiles.

Pendant tout mon monologue, je suis resté parfaitement immobile, ainsi qu'elle me l'a ordonné. J'ai décidé de m'y soumettre jusqu'ici. Évidemment, si nos futurs adversaires donnent l'assaut, je devrais faire une entorse à cette règle et me dérober à son contrôle. J'espère disposer de l'autorisation nécessaire avant d'arriver à cette extrémité.

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Royaume Terranide / Re : Terres d'exil [Clan Haulleuad]
« le: lundi 23 décembre 2013, 21:50:32 »
Mon esprit a un certain contrôle sur les rêves qu'il fait. Cela s'explique car seule la partie biologique de mon cerveau se trouve, lorsque je dors, dans un état de veille. Hors, de nombreux centres nerveux ont été, chez-moi, déportés dans mes implants cybernétiques. Aussi, il n'y a que quelques minutes, quand ceux-ci trient numériquement les informations de la journée et effectuent quelques opérations de maintenance, pendant lesquelles je suis totalement déconnecté de la réalité. Le reste du temps, mes perceptions sont fortement altérées, mais les songes dans lesquels je me plonge sont lucides. Le monde que je perçois est hypnagogique, constitué pour partie de réel, pour partie d'onirique, et j'en suis parfaitement conscient.

Aussi, lorsqu'une présence psychique s'approche de mon campement, mon esprit encore éveillé envoie un signal d'alerte à la partie en sommeil. Je ne suis pas vraiment surpris. Mes paupières s'ouvrent, et mon regard se lève vers la position approximative que je détecte. Nous sommes en plein milieu de la nuit. Il n'y a que la lueur des flammes et des étoiles pour m'éclairer. Je ne vois d'abord qu'une silhouette évoluer prudemment vers moi. De loin, j'ai l'impression que c'est celle d'une femme. Une sauvage sans doute, je pense, quand je constate qu'elle est armée d'une lance. Son attitude n'est pas agressive. Je ne me sens pas particulièrement menacé. Cependant, il faut que je sache s'il ne s'agit pas de l'éclaireur d'une force plus nombreuse. Je scanne les environs. Elle paraît seule. Je reste calme.

Elle me salue. À peine a-t-elle prononcé ces quelques mots d'amitié que j'ai déjà commencé à explorer une petite partie de sa psyché. Juste une analyse très superficielle, dans la partie de son cerveau qui stocke les informations les plus profondément inscrites en elles. Ce ne me permet que de trouver des informations très basiques sur elle, en fait, surtout son nom. Pour aller plus loin, il me faudrait plus de temps, et du reste, ce serait indiscret. Dans ses pensées superficielles, je ne détecte aucune intention belliqueuse immédiate, seulement un peu de tension. Ces quelques éléments me suffisent amplement. Je me hisse en position assise, sans brusquerie, avant de lui répondre d'une voix très paisible.

Bonsoir Samya. Vous avez tous mes respects. Je me nomme Archie, et je suis un humain.

Je me relève tout-à-fait. Debout, je ne suis pas impressionnant : même si j'ai un peu grandi, je ne dépasse pas le mètre cinquante-cinq. Je n'ai pas eu le temps de m'habiller, encore torse-nu, on constate aussi que mon corps blanc n'est pas habitué aux entraînements physiques. Je ne peux pas lui faire peur sur ce plan. Elle doit savoir que je ne pourrais pas être une menace sérieuse même s'il me passait pas la tête de me jeter sur elle. Qu'elle ne craigne ainsi pas trop que je bouge. En revanche, j'espère avoir attisé sa curiosité, et conquis une forme de respect en lui démontrant que j'étais capable de connaître son nom.

Je suis venu sans arme. Je suis loin de chez-moi, plus loin que vous ne pouvez l'imaginer, et sans compagnon. Je viens chercher en vos terres un refuge. Savez-vous si l'on m'accordera l'exil ? Je crois pouvoir être utile à votre communauté, quelle qu'elle soit.

J'essaie de mettre un peu de chaleur et d'émotion dans ma voix. Ce n'est pas un exercice très aisé. J'esquisse même une sorte de sourire. Rien de trop hypocrite. Ça n'est vraiment pas facile de paraître naturel.

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Royaume Terranide / Terres d'exil [Clan Haulleuad]
« le: dimanche 15 décembre 2013, 14:00:49 »
Cela ne pouvait pas continuer ainsi. Il y avait une semaine de cela, j'avais été prévenu : des hommes me cherchaient activement à travers Nexus. Je n'étais pas dupe, et il ne m'était pas difficile de déterminer de qui il s'agissait. Les seules personnes susceptibles d'avoir une description précise de moi, et avec la volonté de me rencontrer n'étaient pas nombreuses, ou du moins, étaient toutes liées à mes créateurs. Des agents comme Stanislav Siridov, ou peut-être d'autres, mieux adaptés au terrain... J'avais cru que changeant de dimension, ils se désintéresseraient de moi. Mais même ici, ils avaient fini par retrouver ma trace. Un temps, je m'étais senti piégé ; j'avais presque résolu à me rendre, pour que cette traque se termine. Où que j'aille, il me semblait que l'on me poursuivrait toujours.

Mais la télépathie est un don singulier. Lorsqu'on lit les pensées d'un individu, et même si l'on tente aussi rigoureusement que possible de se détacher de sa psyché, il faut avouer que parfois, ses émotions nous traversent. Surtout que depuis mes aventures avec Vincente, je crois que je m'étais fait, d'une certaine manière, plus sensible, plus réceptif aux émotions des autres. Le hasard avait fait que passant dans une auberge, j'avais pénétré l'esprit d'un esclave, un grand terranide au pelage roux. Cela n'avait été qu'une introduction furtive, mais entre toutes les choses que j'avais perçues, il y avait un souvenir plus fort que les autres, vers lequel convergeaient tous les espoirs de l'hybride. Cette simple évocation m'avait redonné, moi-même, un peu d'espoir.

Je m'étais mis à rechercher, en scrutant tous les terranides que je croisais, la moindre information concernant ce pays lointain, dont j'appris qu'il était dominé par un clan : le clan Haulleuad, qui m'intéressait en particulier. Mon enthousiasme grandissait à mesure que je collectais des éléments, et que ceux-ci s'assemblaient, me donnant une vue imprécise mais terriblement idyllique de ce qu'était ces lieux. Finalement, je parvins à en avoir une localisation assez précise. Je savais assez bien quelle direction il fallait prendre, et disposait d'une estimation de la distance qu'il me faudrait parcourir. A pied, il me faudrait plusieurs mois pour l'atteindre. Il ne me restait plus qu'à trouver un moyen de la franchir plus rapidement, car je ne disposais pas d'autant de temps...

J'aurais pu faire le voyage en m'élançant télékinétiquement dans les airs. Toutefois, si j'aurais été suffisamment véloce, je me serais vite épuisé, et je n'aurais jamais pu terminer le voyage ; du moins pas sans plusieurs jours de repos entre chaque vol. Je disposais de moyens limités, cependant, l'idée ne mit pas longtemps à germer dans mon esprit. Il y a quelques fois où être un génie s'avère utile, en réalité. Quelques perches de bois constituaient une armature solide. Je trouvais également une grande toile de jute, et de la corde. C'est tout ce dont j'avais besoin. J'assemblais le tout en une grande aile en V, qui rappelait ce que, sur Terre, on appelle deltaplane. Plus que quelques tests, quelques calculs complémentaires, et j'étais prêt à partir.

Je n'avais même pas besoin d'une colline ou d'une falaise pour m'élancer. Mon outil de vol ne me servait en fait qu'à ménager mes efforts, et le faisait avec élégance. Il m'était nécessairement seulement d'avoir à fournir, de temps en temps, un effort psychique pour me maintenir en l'air, lorsque mon altitude faiblissait trop. Ainsi, je parvenais sans aucun mal à garder une vitesse de croisière d'un un peu plus d'une centaine de kilomètres/heure, et cela ne me demandait presque pas d'énergie. Les désagréments vinrent d'ailleurs. J'avais en effet prévu de m'habiller chaudement, mais la température, à la hauteur où j'étais, était réellement glaciale, et les coups de vent me gelaient quelque-fois jusqu'aux os. Je prenais du reste soin de ne pas voler trop haut, car l'oxygène se faisait rare.

Cela ne fut donc pas, sur le long terme, un voyage très agréable. J'étais déterminé néanmoins, et la  vision de tous les paysages qui défilaient successivement sous moi avait quelque-chose d'incroyablement grisant. Après trois jours de vol, mes provisions commencèrent à se raréfier, et malgré les siestes de quelques dizaines de minutes que je prenais, à la manière des skippers, le sommeil me gagnait inexorablement. Cela n'était pas grave : j'étais presque arrivé.

Nous sommes en fin de journée. Je repère un vaste terrain plat ; une plaine, comme je les ai vues. Elles me paraissent infinies ; je sais que ce n'est pas le cas, que derrière, il y a les villes du clan, et que des tribus nomades la traversent sans cesse. J'amorce la descente. Retrouver un peu de chaleur me fait du bien. Retrouver la terre ferme, aussi. Je détache mon aile, et je fais quelques pas un peu maladroits, comme si j'étais devenu gauche, inadapté à la vie terrestre. Un arbuste aux branchages secs, une fois arraché, me sert de combustible pour mon feu. Les flammes devraient repousser les éventuels prédateurs, et si ça c'est pas le cas, je compte sur les capacités télépathiques pour me réveiller en cas de danger. Il n'y a pas grand-chose que je puisse craindre des bêtes sauvages, en somme, même si je sais qu'il y a quelques prédateurs.

Blotti contre mon sac de provisions presque vide, au coin du feu, dans la poussière, je m'endors avec les dernières lueurs du jour.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: vendredi 10 mai 2013, 01:12:12 »
Je ne prête même pas attention au repas que je suis en train d'engloutir. Pour l'appétit, c'est très mauvais, peut-être aurais-je encore faim bientôt. Mais cette perspective, je ne la crains pas trop. Je regarde vaguement Vincente se nourrir de même. Les rations sont de toute façon roboratives, à défaut d'être réellement savoureuses, elles me maintiendront en forme. Il faudrait, un jour, que je lui montre la Terre. Que je l’emmène dans un restaurant gastronomique, que je lui fasse profiter d'une séance de cinéma. Elle n'y sera sans doute pas très à l'aise... ces derniers temps, je me suis demandé si elle n'est pas réellement dans son élément que lorsqu'elle est seule. C'est ce qu'elle pense plus ou moins, je crois ; j'essaie de me persuader du contraire. Que je peux lui offrir plus de bonheur que de gêne.

Je songe que nous avons quand même fait un grand pas l'un vers l'autre. Elle devrait avoir un peu moins de difficultés à me parler, à présent, maintenant qu'elle a pu ressentir mon esprit, qu'elle a vu que, si l'ont excepte peut-être la question de la sexualité qui la dégoûte, je n'étais pas dans une disposition tellement différente de la sienne. Elle a eu la confirmation de mes sentiments, aussi. Je suppose que peu de personnes ont pu en avoir dans leur vie une preuve aussi nette, aussi matérielle, du moins... pour peu qu'elle fasse confiance au processus, évidemment. Sans doute a-t-elle aussi fait le point sur ce qu'elle ressentait, elle, et finalement, c'était peut-être le principal, ce qui bloquait le plus.

Lorsqu'elle se remet à me parler, je suis un peu vaporeux. Mon cerveau, d'habitude hyperactif, est, passé la phase d'excitation, relativement calme. Il se repose des efforts intenses qu'il a eu à fournir, ce qui impacte légèrement sur ses performances, quand bien même elles restent largement supérieures à la moyenne. Je sursaute presque, et je dois me plonger dans ses pensées pour comprendre ce qu'elle cherche à me transmettre. Il faut dire que son message est un peu confus, cependant, j'en capte l'essentiel.

-Pour moi, c'est pas vraiment un problème. J'ai passé les deux dernières nuits dans la rue... enfin, je suppose.

Je lui adresse un sourire distrait, toutefois, cela me rappelle que cela doit maintenant faire quatre jours que ma seule toilette se résume à une plongée dans une fontaine. L'hygiène est loin d'être parfaite, sur Terra, encore qu'elle soit un peu meilleure que celle qu'engendrait la peur de l'eau du moyen-âge. Heureusement, je n'ai pratiquement pas bougé. Le soleil de Nexus aidant, je sens quand même un peu la sueur, c'est la seule odeur qui ressort réellement, le reste étant couvert par un parfum de brûlé. J'hésite à l'évoquer, puis je m'abstiens... Je ne vois aucune solution à ce problème de toute façon, je ne vais pas aller prendre une chambre dans une auberge, et les bains publics sont tous fermés à cette heure.

-Tant que ça te dérange pas. Je pense même que ce sera l'une des plus belles nuits de ma vie. Ça pourrait être n'importe où, tant que c'est avec toi.

Je détourne vivement le regard. Je maudits mon esprit qui multiplie les sous-entendus douteux. Autant mettre les choses au clair, je ne peux maintenant plus être sûr que l'un d'entre-eux ne l'ait pas traversée. Pour le coup, c'est moi qui devient un peu confus, et désordonné.

-'fin, je parle juste de dormir. Pas d'aller plus loin. Sauf, fin, sauf si tu veux, quoi...

''À l'étroit, collés'', ses paroles me reviennent, et il me semble que sa façon de l'évoquer n'est pas parfaitement chaste, elle même. Ou alors c'est moi qui délire, je ne sais plus quoi penser. Mais j'ai bien compris la leçon, et je crois que j'ai réussi partiellement à me résoudre. Je ne sais même pas pourquoi j'ai ajouté la dernière partie. Heureusement, elle était assez neutre sur le ton, elle ne devrait rien changer, rien briser de ce qui reste de la magie du moment. Je l'espère.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: dimanche 28 avril 2013, 01:22:37 »
Je doute un instant qu'elle accepte. Je comprendrais qu'elle ait peur de ce qu'elle pourrait trouver dans ma tête... moi-même, il y a certaines choses que je crains un peu, mais porté par mon enthousiasme, je n'y pense pas. Puis, lorsque je lis dans son esprit l'acceptation, mon visage s'illumine. L'instant qui précède, je la regarde fixement dans les yeux. Je n'ai plus vraiment de difficulté à le faire. Ça ne sert strictement à rien, sur un plan purement technique, cependant, j'essaie de soigner un peu la mise en scène. De toute façon, bientôt, ça n'aura plus d'importance. Elle verra indirectement ce que je vois, et plus encore.

Je suis déjà en communication avec son cerveau, il ne me reste plus qu'à abaisser le seuil. Je prends une grande inspiration, puis je m’exécute. Un moment, je ressens comme un blanc dans ma tête, comme si je retenais de formuler la moindre idée originale, par pudeur. Enfin, je ne peux me retenir plus longtemps, et les pensées fusent de nouveau, avec la vitesse qui les caractérise. J'espère, qu'elle sera capable de suivre, malgré tout. Mon rythme est plus élevé que la plupart des humains, même si une grande partie, traitée par la partie artificielle de mon encéphale, doit tout juste apparaître ; et qu'elle même, véloce et imprévisible dans ses raisonnements, n'est pas en reste. Je lui souris, avant d'ajouter une sorte de préface, qui se détache nettement de mes autres songes, sans être aussi nette qu'il y a quelques secondes.

C'est un peu étrange. Je sais continue à penser normalement, avec la même facilité. Beaucoup plus grande que celle que j'ai à parler. Pourtant, je sais que tu es avec moi, que tu m'écoutes. Je ne peux plus rien penser qui ne te sois pas immédiatement retransmis. C'est assez stressant. Même moi, je ne peux pas juguler parfaitement mon esprit... du moins pas sans une concentration intense. Et même si je le pouvais facilement, ça ne serait ni honnête, ni vraiment intéressant. Si... si tu pouvais donc me pardonner... si, par hasard, tu tombes sur des choses un peu... troublantes.

Je la sens qui explore mon esprit, ma propre mémoire, à mesure qu'elle me revient à moi-même. Son regard vert, me rappelle d'autres regards. Ceux, inquiets, des enfants qu'elle protège et qu'elle nourrit, lorsqu'elle est revenue, blessée par un carreau, à demi-inconsciente. Je me sentais alors tellement coupable. Tout me semblait être de ma faute. J'avais été stupide, de vouloir la poursuivre, sans la connaître, sans connaître les motivations de ses agissements. J'ai failli, ce jour là, faire la plus grosse erreur de toute ma vie : j'ai failli condamner à mort la plus formidable personne qu'il ne m'ait jamais été donné de rencontrer. Elle est sceptique sur ce dernier point. Elle semble assez surprise d'avoir, à mes yeux, ce statut. Sa propre opinion d'elle n'est pas aussi reluisante, pourtant, je sais qu'elle doit bien se rendre compte que je suis sincère.

C'est sur une affiche, que la première fois, j'ai fait sa connaissance, ou plus exactement celle de double V. Rien ne me préparait à la confronter, en chair et en os. La grâce de son déplacement m'a presque tout de suite fasciné, mais dans un premier temps, mon émoi s'est arrêté là. La course-poursuite accaparait la plupart de mes pensées. Était-ce parce que je ne l'avais pas encore rencontrée ? Parce que je n'étais pas encore tombé amoureux d'elle ? Mes raisonnements, alors, étaient d'une froideur qui me surprend moi-même. Étais-je vraiment aussi sec et distant ? Comme une machine ?

Je crois que j'ai pas mal évolué, en très peu de temps. Je me suis ouvert, je suis devenu beaucoup plus humain... plus sentimental, aussi. C'est entièrement grâce à elle, voire à cause d'elle. Mon moi d'avant, c'est certain, n'aurait pas approuvé. Paradoxalement, alors que je campais un mental glacial, et extrêmement calculateur, c'est elle, qui, à présent, à le plus de mal à accepter les sentiments que je lui porte, et qui sont, je le constate enfin, réciproques. Malheureusement, ils semblent retenus par son professionnalisme. Elle me l'a expliqué clairement, l'amour, ça n'est pas pour les voleurs. Elle a apprise à se fermer à ce genre d'émotion, à être rationnelle. Ainsi, c'est le robot qui tombe ouvertement amoureux, et l'humaine qui n'appréhende pas avec sérénité le concept. Drôle d'histoire...

Notre premier moment de proximité physique -lorsqu'elle me domine, de sa nudité presque complète, furieuse, bestiale- resurgit, avec un luxe de détails, jusqu'au son de sa voix, jusqu'aux lumières sur son corps, jusqu'à son odeur. Cette scène, je la connais parfaitement. C'est sur elle que j'ai... des images nocturnes, de plaisir, traversent mon esprit. J'essaie de les balayer, mais elles apparaissent assez nettement.

Ça n'est, enfin... Désolé.

Nous y sommes, après tout. Même si j'en ai un peu honte, c'est un élément comme un autre. Alors oui, je me suis masturbé, me servant du souvenir que j'avais d'elle. Elle ne réalise pas à quel point elle est désirable. L'a-t-elle seulement envisagé ? L'envie que j'ai, à cet instant, où nous sommes physiquement si proches, de la prendre dans mes bras, de ressentir sa peau sur la mienne ? Elle est si pure, je n'ai jamais surpris, dans sa tête, la moindre pensée qui aurait pu trahir la moindre libido. Le désir charnel lui est étranger, peut-être même n'en a-t-elle jamais ressenti. Pire, je sens que le sujet la dégoutte, la répugne, l'origine en est profonde. Une blessure d'enfance, sa mère, elle m'en a déjà parlé.

Je crois que tu en as assez vu. Je commence à fatiguer. Je vais arrêter là, d'accord ?

Le flux de pensées arrête de lui parvenir, la laissant un peu confuse. J'avoue que pour ma part, retrouver un peu d'intimité me rassure. Je n'ai pas été trop libidineux, ni trop obscène, tout en restant fidèle à moi-même et ne lui cachant pas les choses. L'expérience m'a laissé fatigué sur le plan de mes pouvoirs : transmettre autant de matière est épuisant, mais extatique sur un plan physique. Mon cerveau, après cette communion, cette fusion partielle, après avoir communiqué si étroitement avec un autre esprit, est surexcité... comme le reste de ma personne. Heureusement, elle ne peut plus se rendre compte directement en lisant mes pensées, et je suis suffisamment habillé pour que ça ne se voit pas trop. Je remarque sur le coup que j'ai choisi un pantalon peut-être un peu trop serré.

Puis, soudain, je sens son corps contre le mien. Je ne sais plus à quoi je pensais, pourquoi j'ai raté le cheminement qui l'a mené à prendre une telle initiative, mais sur l'instant, je m'en fiche. Le mouvement vient d'elle, de sa propre volonté, je n'ai rien eu à faire. Elle a enfin fait un pas vers moi, d'elle-même ! Il me semble que c'est la première fois que cela arrive. Je tremble d'émotion. Je laisse échapper un petit son, entre le gémissement et le glapissement, entre la surprise et le ravissement. Je l'étreins à mon tour. Ma bouche hésite, timide, frôle son menton. Je me relève légèrement de ma position assise, pour être à sa hauteur. Son corps est si proche, presque aussi proche que m'a paru son esprit un peu plus tôt... sans doute pas tout-à-fait. Je n'en ai rien à faire. Ma bouche remonte vers ses lèvres. Je ne veux pas la dénaturer, aller contre sa volonté. Tant pis, si elle n'en a aucune envie, je m'y ferais. J'espère juste que mon érection, qu'elle peut peut-être sentir, dans cette position, ne gâchera pas tout. Si je suis capable de contrôler mes actes, je ne peux pas maîtriser parfaitement mon organisme. Ma bouche trouve la sienne. Je ferme les yeux.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: vendredi 26 avril 2013, 03:21:54 »
Sa remarque, enfin, sa pensée, me fait tiquer. C'est le désavantage de lire les esprits : on perçoit tous  les commentaires de chacun sur sa personne. Mais finalement, passé la vexation, ou la perte d'assurance, que cela peut causer, c'est plutôt une bonne chose. Je peux ainsi prendre en considération ces remarques pour tenter de corriger mes défauts, et ainsi améliorer mon attitude par rapport à cette personne. Certains spécialistes de la communication, sans aucun pouvoir, beaucoup plus entraînées que moi, parviennent, simplement en observant la posture et le regard de leur interlocuteur, à déduire des choses assez poussées quant à la meilleur manière de paraître devant elle. Je n'ai jamais eu ce talent, bien au contraire. Même en percevant précisément les idées qui traversent le cerveau des gens, en société, je fais bien souvent des erreurs.

-Ah ? Tu préférerais que je sois plus musclé ? Ben... je vais y réfléchir, alors.

Je reste un peu songeur. C'est vrai que je ne suis pas épais, c'est un euphémisme de le dire. Je n'ai jamais vraiment pensé à ma musculature, assez ridicule, comme à un élément esthétique, et encore moins de séduction. Il faut dire que ce ne sont des sujets qui m'intéressent que depuis extrêmement peu de temps. Je ne suis jamais entré dans une salle de culturisme de toute ma vie. Si je sais à quoi cela ressemble, c'est uniquement par l'intermédiaire des pensées d'autres personnes, ou des médias. Je vois nettement ces sortes de bancs où l'on soulève de la fonte à longueur de journée, ou ces machines compliquées destinées à travailler d'autres parties du corps.

Pas certain, cependant, que même si je m'entraînais intensément, mon organisme me permette de prendre beaucoup de masse musculaire : je mange déjà beaucoup sans grossir pour autant. Toutefois, si Vincente y tient, je devrais pouvoir faire un effort. Lui montrer que ce n'est pas si difficile, en tout cas, pas la lune, comme elle l'a pensé. Sur le chemin, je capte encore certaines de ses interrogations. Je ne peux faire autrement que d'y répondre, même brièvement.

-Je suis peut-être pas Schwarzenegger, mais je sais quand même me défendre ! Si c'est ma sécurité qui te préoccupe, ça devrait aller. Je n'ai jamais été autant en sécurité que sur Terra !

Je lui souris, tout en pensant qu'elle ne doit avoir aucune idée de qui est, ni à quel attribut se rapporte, Schwarzenegger. Je lui envoie une discrète association d'idées, entre le nom de l'acteur de Terminator et une grosse masse musculeuse. Cela devrait suffire à ce qu'elle considère le concept comme vaguement familier...

Puis nous arrivons dans une de ses nombreuses caches. Je ne sais même pas pourquoi nous sommes ici. Elle ne l'a pas pensé une seconde, et trop accaparé par la lecture de son esprit, je n'y ai moi-même pas vraiment fait attention. Je me suis laissé guider. À mon grand désarroi, je constate qu'elle est de nouveau bloquée par son mutisme. Retour à la case départ ? Je pensais que le baiser que nous avions échangé la détendrait un peu, mettrait au moins les choses au clair. Je dois m'être de nouveau trompé. Je comprends, à présent, les hommes qui lancent sur un ton à la fois fataliste et gaillard, au coin d'un bar : « putain, ce qu'elles sont compliquées, les gonzesses ! ».

La bonne nouvelle, c'est que j'ai quand même un objectif à peu près précis. Et une fois cet objectif identifié, mon cerveau est capable de penser suffisamment vite pour m'offrir de nombreuses solutions. Aussi, très vite, un procédé inédit me vient. Il est assez aléatoire, vraiment risqué, mais il a ses chances, après tout. En tout cas, j'en ai moi-même assez envie, il me plaît bien. C'est quelque-chose que je n'ai jamais pu tenter avec personne. Je m'assois tranquillement sur le rebord de la petite couchette, dans un coin de la pièce. Enfin, je m'adresse d'une voix posée à Vincente.

-Pas mal de gens se disent que les choses seraient plus faciles s'ils pouvaient lire dans les pensées des autres. S'ils en avaient la possibilité, comme moi, ils seraient sans doute moins catégoriques. Peut-être que si c'est si... difficile, c'est parce qu'on est pas sur un pied d'égalité. Je sais tout ce que tu penses, mais moi, tu sais que ce que je veux bien te dire. C'est un peu injuste, dans le fond.

Je suis content de mon idée, comme un gamin excité par la perspective d'un jouet nouvelle génération. Je sais que les conséquences pourraient être désagréables, sur l'instant, ça ne me préoccupe pas trop. Plutôt que d'ouvrir de nouveau la bouche, je lui envoie un message télépathique, qui résonne calmement dans son esprit.

Un peu de technique, si ça te dérange pas trop ! Pour communiquer comme ça, sans parler, il y a deux étapes principales. D'abord, je fixe un seuil, au-delà duquel mon interlocuteur pourra percevoir mes pensées. Il y a plusieurs niveaux de pensées, en fait : la pensée verbalisée, tout en haut, les pensées de surface, et le travail de l'inconscient plus en bas. Il y a aussi certains signaux nerveux qui ne passent pas nécessairement par le cerveau, comme les réflexes. Ils sortent de mon champ de pouvoir. Généralement, je fixe donc le seuil au niveau de la pensée verbalisée. Puis, il me suffit d'articuler nettement dans ma tête ce que je souhaite envoyer. Avec un peu d'entraînement, j'ai réussi aussi à envoyer des images, des idées, plutôt que simplement des phrases. C'est souvent plus simple que d'aller créer la même chose directement dans l'esprit de l'interlocuteur, ce qui est possible, mais plus contraignant, et ça me donne moins l'impression d'aller altérer sa façon de penser.

Je la regarde, mon visage reflète un grand enthousiasme. J'espère qu'elle a réussi à tout suivre, j'ai essayé d'aller vite, alors que le sujet est infiniment plus vaste. Voit-elle où je veux en venir ?

Je te propose donc de t'envoyer mes pensées avec un seuil beaucoup plus bas qu'actuellement. Jusqu'à un niveau où je suis un peu moins maître de moi-même que lorsque je parle simplement. En fait, à peu près celui auquel j'ai accès, chez-toi. Nos deux esprits rentreront ainsi en contact plus étroit, ils s'influenceront l'un l'autre dans leur propre raisonnement. En fait, c'est assez intime, pour moi, mais de ton côté, ça ne change pas grand-chose. Avec la concentration, j'aurais une perception plus attentive de tes idées, mais pas plus profonde. Qu'est-ce que tu en dis ?

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: dimanche 07 avril 2013, 02:39:41 »
Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'elle s'engage plus que cela, quoiqu'il en soit. Ou peut-être un peu, mais je parviens sans grand mal à masquer ma déception. C'est elle qui a raison, il faut que je me calme un peu. Il n'y a pas d'urgence autre que celle de mon désir, qui, quelques-fois, passe outre ma raison. Surtout qu'au final, même si je sais que c'est une façon de me repousser, elle ne condamne pas totalement la perspective. Patient, je ne suis pas sûr de pouvoir l'être sur l'instant, lorsque les esprits sont échauffés, mais assez paradoxalement, je pense l'être plus que personne sur le long terme. Et si la frustration est un peu trop forte, j'ai toujours dans ma mémoire quelques souvenirs capables de la calmer. Enfin, ça, elle n'est pas vraiment obligée d'être au courant. Je hoche la tête.

-C'est toi qui vois.

De toute façon, si la moindre once d'envie la traversait, je crois bien que j'en serai le premier au courant, peut-être avant même qu'elle ne s'en rende compte elle-même. Enfin, elle évoque encore une fois la nécessité de m'habiller, et l'aspect de mon dos. Autant que je lui en dise un peu plus, histoire qu'au cas où elle aurait à parler de son... ami, copain, petit ami, amoureux, compagnon, amant ? Quel terme utiliserait-elle ? Ça me fait un peu bizarre : sans doute quelque-chose de plus neutre... elle n'ait pas à nommer ce qu'il avait le long de la colonne vertébrale ''trucs''.

-Ce sont des implants, en fait, ils ne sont pas qu'extérieurs. Ils plongent jusqu'à ma moelle épinière, à l'intérieur de ma colonne vertébrale, tu vois le genre ? Je ne connais pas son niveau en anatomie. Au moyen-âge, sur Terre, celui de la population était ridiculement bas, mais les connaissances semblent quand même un peu plus poussées sur Terra. Ils me servent à faire un tas de choses, en autre, à penser. Il n'y avait pas assez de place, dans ma tête, pour mettre l'intégralité de mon cerveau artificiel... Et comme c'est la deuxième zone la plus connectée à mon cerveau biologique, ben, ça c'est retrouvé là. Pas très esthétique, hein ? Elles servent aussi à réguler ma chaleur interne. J'en aurais besoin d'un peu plus, quand t'es là, faut croire !

Surtout qu'elle a retiré son manteau pour me le donner, et qu'elle n'est pour sa part pas très densément vêtue dessous non-plus. Je ne peux pas m'empêcher -enfin, il faut dire que je n'essaie pas, pourquoi aurais-je honte ?- de jeter quelques coups d’œil à son allure sans l'ample vêtement. Je m'attarde particulièrement sur ses membres fins et taillés par l'effort à la fois. Ce ne sont pas vraiment des traits que l'on retrouve chez beaucoup de filles, sur Terre, plus occupées par des activités d'un niveau intellectuel variable que par les épreuves physiques. Je ne peux pas nier que la simple beauté de ses gestes, même lorsqu'elle ne fait que marcher, me la rend désirable. Ce n'est pas rationnel, mais c'est ainsi. Néanmoins, si intérieurement, j'assume cette attirance, l'image qu'elle donne de moi dans sa plaisanterie me décontenance un peu.

-Yebat ! Je fais pas ce genre de... truc... ou alors, seulement quand t'es pas là...

Je souris, à moitié-honteux. Bon, elle a peut-être une meilleure idée des désirs qui me traversent que je ne le croyais. Quand même, aller jusqu'à chercher l'envie dans l'odeur de son manteau... Je me remémore alors son parfum, lorsque nous étions plus proches. D'accord, j'avoue. Ça peut être tentant. En parallèle, je suis assez stupidement fier qu'elle me trouve fringant, avec son propre habit. C'est vrai qu'il ne me va pas si mal, même s'il est un peu grand. Je prends en note ses conseils sur les couleurs qui m'iraient le mieux, avant qu'elle ne se sépare de moi pour me laisser discuter avec le tailleur.

Finalement, je ressors avec, en plus d'un pantalon en toile sombre et de sandales, une tunique noire à capuche, moins ample que son manteau, mais tout-de-même assez couvrante. Je n'ai rien trouvé de mieux à un prix raisonnable. Je suis plutôt sensible à la chaleur, et le temps n'est pas mauvais, alors ça n'aurait servi à rien de prendre des vêtements plus épais. J'espère que ça lui plaira... après tout, c'est son argent. Sauf si elle compte le voler. Elle ne compte quand même pas le voler ? À ce propos, je surprends certaines de ses pensées, et engage la discussion à ce propos.

-Tu sais, mon univers, dans mon monde, c'était l'université. Je n'en suis presque jamais sorti avant d'arriver ici. C'est un lieu avec beaucoup de jeunes et de livres, où des professeurs viennent dispenser du savoir dans de nombreux domaines. Je ne pense pas que vous ayez quelque-chose d'équivalent sur Nexus, et même là-bas, j'avais un peu atteint les limites. Bref, mon univers, je peux plus y aller, alors c'est comme s'il n'existait plus : ici, je n'en ai pas. J'ai essayé de pénétrer un peu celui des chasseurs de primes, mais ça ne m'a pas bien réussi...  enfin, tu vois. Je ne serais jamais un grand voleur comme toi, je crois. Mais je pourrais sans doute trouver autre-chose à faire ici, j'ignore encore quoi, mais je ne suis pas totalement incapable non plus. T'inquiète, j'essayerai de faire en sorte que tu n'ai pas à avoir honte de moi...

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mercredi 03 avril 2013, 03:12:55 »
Ouf. Enfin, elle se évacue un peu son angoisse, et la mienne avec. Elle parvient même a avoir un mot amusant. Je souffle discrètement. J'ai rarement eu autant de mal à débloquer une personne... mais il faut dire que je n'ai pas souvent eu l'occasion de le faire. Maintenant que c'est passé, j'espère qu'elle ne régressera plus au stade inférieur. La faire évoluer jusqu'ici était trop difficile, trop épuisant, je ne sais pas si je pourrais produire de nouveau un tel effort émotionnel, du moins aujourd'hui. Je garde mon air enjoué, jusqu'à ce qu'une pensée gênante traverse son esprit. Je baisse les yeux, fais le même constat qu'elle, et grimace, gêné. Mes joues blanches prennent une teinte rosée, avant que je décide tout simplement de me retourner. Je bégaie un peu, en tentant de m'expliquer.

-Ça... c'est... enfin...

Je ne lis cependant pas de dégoût dans le fil de ses idées, elle semble plutôt intriguée par ce qui en est la cause. Moi-même, je n'en suis pas vraiment certain de la cause exacte. Je suppose que c'est un tout, quoique les deux éléments séparés pourraient sans doute me faire parvenir peu ou prou au même état. Je ne l'ai pas vu venir, et dans l'enthousiasme du baiser, ne m'en suis même pas rendu compte. Je suis furieux contre moi-même. J'ai l'habitude de contrôler mon corps de façon beaucoup plus rigoureuse.

-Excuse, je me suis laissé emporté, et puis...

Mais n'est-ce pas ça justement, au fond, l'amour ? Un phénomène irrationnel, se laisser emporter, faire une croix, ne serait-ce qu'un instant, sur son cerveau puissant comme cent ordinateurs ? Je ne sais pas si je confonds le désir physique et l'amour en lui-même, mais d'un autre côté, les deux vont assez souvent ensemble. Toujours est-il que, je le sais bien, et malgré que ce soit quelque-chose de naturel, ce n'est pas le genre de chose qu'on est supposé montrer. Surtout lorsque la relation est naissante. Enfin, je crois. Du moins, pas quand l'une des deux parties, voire les deux, sont aussi peu à l'aise sur le sujet.

-Hm, tu sais, tu n'as pas vraiment besoin de poser les questions que tu as en tête... Je peux les lire tout seul...

Elle s'interroge, de fait. Je suppose que ça embêterait pas mal de monde d'être ainsi lu en permanence par quelqu'un qui analyse et classe leurs moindres idées. Que ça donnerait à beaucoup l'impression de ne plus avoir d'intimité. Peut-être n'en a-t-elle pas totalement pris conscience ? L'esprit paraît souvent être aux gens leur seul jardin secret absolument inviolable, consultables d'eux-seuls. S'ils savaient. S'il y a un monde à la fois terriblement pire et infiniment meilleur que le monde réel, c'est bien celui des pensées. Ou alors, elle est d'une sincérité tellement absolue qu'elle considère ne rien avoir à cacher. C'est peut-être aussi pour cela que je l'aime, après tout. C'est la première fille qui n'ait jamais pris conscience de ma différence, et qui m'ait accepté en l'état, sans protester.

-Tu sais, je suis un garçon... Allez, je suis sûr que tu peux faire plus évident encore comme déclaration, Archie. Juste un être humain... Super, une fausse évidence, maintenant. Donc, enfin, c'est au niveau hormonal, tu vois, naturel j'y peux rien... Mais je ne ferai rien dont tu n'aurais pas envie...

Va lui expliquer que ma libido est le fruit de millions d'années d'évolution. Qu'elle est la clef d'un système qui incite les représentants d'une même espèce à s'accoupler, pour la perpétuer. Génial. Je ne me suis jamais senti illégitime en lisant les pensées des gens. Cependant, ne pas être honnête avec elle serait profondément injuste.

-Si y'a d'autres choses que tu veux savoir, tu n'as qu'à les penser, si tu veux. C'est plus facile, comme ça.

Reste le problème de ma tenue. C'est bien le cadet de mes soucis, mais il faut quand même le régler, elle a raison.

-Je n'ai plus d'argent sur moi... tu penses que je peux rentrer au terrain vague juste avec ça ? Je ne sais pas ce qu'irait s'imaginer Lena ou les garçons...

En même temps, ils n'auraient pas nécessairement tord de s'imaginer des choses, je songe, à moitié amusé.

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