Thème.Premier étirement.
Humph. Second étirement.
Putain, mon dos. Dernier étirement.
Aah ... Il faut vraiment que je cesse de rester un serpent si longtemps. Nouant maladroitement ses cheveux avec un élastique, Eleonore entra dans l'eau du bain. Sous forme d'une discrète couleuvre, elle s'était introduite dans une chambre d'hôtel vide, afin de s'y baigner. L'eau brûlante l'aidait à ré-apprécier sa forme humaine, qu'elle rechignait à porter ces derniers temps. Les écailles lui allait si bien. Un lent soupir. L'élastique se brisa aussitôt, flottant à la surface de l'eau comme un reptile mort. La jeune blonde grogna. Un mouvement de la nuque, juste assez puissant pour rejeter sa tignasse en arrière, et elle ouvrit ses paupières, lestées de fatigue. Un vague d'eau savonneuse mourut contre sa poitrine. Elle se pencha. Afin que son dos ne soit plus qu'un pont de peau. Yeux grands ouverts. L'eau, laiteuse, onctueuse, avala son visage.
- Ah ! Merde !Vivement, elle se frotta les yeux, extirpant son visage de l'eau. Elle avait pris cette foutue habitude d'ouvrir les yeux sous l'eau, pour analyser les environs. Sous forme humaine, et dans une eau savonneuse, l'exercice était aussi inutile que douloureux.
- Bon, reprends tes esprits, reprends-toi, allez. Respire. Comme ça. Inspiration ... Expiration.Elle plaqua ses cheveux en arrière. Eleonore avait l'habitude de se parler seule, quand il s'agissait d’échafauder un plan. Tout était prêt, réglé, sans aucun hic. Tout en s'enfonçant dans l'eau, sa peau crissant au contact de la baignoire, elle récita doucement ce qu'elle allait faire.
-
J'entrerais, comme une cliente lambda. On aura à peine le temps de me remarquer, que je distillerais dans l'air mon venin ... Hop, comme ça ! Les gens auront la sensation qu'une armada de serpent débarquent dans leur banque, et cela me laissera largement le temps de prendre quelques billets. Mh, mh, tout est parfait.Eleonore attrapa prestement le savon, et prit le temps de se laver, savourant cet instant si précieux. Celui qui précédait un mauvais coup. Il s'agissait de se détendre, pour être complètement prête à s'abattre sur ses proies, comme la prédatrice qu'elle était. Une heure après, la jolie blonde quitta la salle de bain, vêtue de son habituelle tenue blanche écarlate. Se baladant dans les rues avec tout ce qu'il faut de normalité, elle prit à peine le temps d'analyser les environs. Et puis, elle avait encore mal aux yeux. Ils la piquaient un peu. Ses cheveux, d'un blond pâle et doux, étaient encore légèrement humides, quand elle entra dans la banque. Trois personnes la remarquèrent en pouffant. Un sourire, et elle ouvrit la bouche. Ses yeux devinrent deux perles noires. Les deux crocs à venins qui lui servaient de canines supérieures brillèrent, et elle siffla. Aussitôt, son venin entra dans l’atmosphère, lourdement, étouffant la vingtaine de personne qui se trouvait ici. Les hurlements ne tardèrent pas à se faire entendre, giflant l'air. Le spectacle que lui offrait ces gens, aux visages déformés par la peur, victimes d'hallucinations, la fit doucement rire, et elle s'offrit même le luxe de les regarder un moment. Oh, ils devaient être en train de voir une foule grouillante de serpents entrer dans les lieux, par tous les endroits possibles et imaginables ... La peur ferait le reste. Les humains paniquaient vite, en imaginant le pire. Ainsi, les hallucinations enflaient, enflaient, à cause de leurs peurs paniques.
D'un pas lent, la blondinette se dirigea alors vers les coffres, chantonnant. Quand tout s'inversa. Elle entendit un bruit, derrière elle, et bien d'autres encore. A peine eut-elle le temps de se retourner, qu'un coup de crosse dans la nuque propulsait son corps au sol, et son esprit dans les airs.
Ce fut le réveil qui l'acheva. Les poignets et les chevilles attachées, un bâillon sur la bouche, maintenue par ces liens comme une vulgaire humaine, qu'elle recouvra ses esprits.
Une vulgaire humaine. Cette pensée ne put que la remplir de rage.
- Eh, elle s'est réveillée, la p'tite blonde !Connard d'enfoiré de fils de pute.- Tu nous a facilités le travail, princesse, tu sais ... Ils sont combien ?- Tu seras récompensée, ne t’inquiètes pas ! Haha ! Au boulot, les gars !Pourquoi j'arrive pas à me transformer ?- T-t-t, ne remue pas comme ça. Vérifie l’artefact, toi.Un gringalet, au visage masqué, vint tripoter maladroitement un collier qu'on lui avait enfilé. Un artefact. Ses pouvoirs étaient immobilisés. Elle ne pouvait pas se transformer en serpent et prendre la fuite.
Je vais leur faire la peau. Putain, je vais les saigner. Remuant comme elle le pouvait, elle n'écopa que d'une gifle de la part du type qui lui parlait depuis tout à l'heure.
- J't'ai dis de pas bouger, il me semble.Immobile, elle analysa un moment leurs armes. Ils ne venait pas de la Terre, ces types.
De Terra ? Mais y'a des banques, là-bas ! Secouant la tête, elle se laissa traîner sans bouger vers un coin où se trouvaient quelques autres personnes, pour la plupart immobilisées. Sa terre heurta lourdement le sol, la mettant dans un état proche de l'évanouissement. Le coup de crosse l'avait salement amochée. Vite, elle prit appui sur un mur, histoire de ne pas perdre ses esprits, tout en regardant faire ces nouveaux arrivants. Il fallait qu'elle trouve quelque chose.