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« le: jeudi 25 juin 2009, 02:17:49 »
Le combat atteignait son paroxysme, mais semblait ne jamais terminer. Encore et toujours, les fines bottes succédaient aux sauvages frappes dans un tourbillon de coups incessant, une tempête emportant tout sur son passage, sentiments et éléments, hormis les deux combattants qui envers et contre tout ne perdaient pas pied, tels deux derviches pris de folie. Pas un ne paraissait reculer devant l’autre ou céder un pouce de terrain, les deux se mouvant constamment l’un autour de l’autre, resserrant et intensifiant leurs frappes à chaque échange. Dépassants leurs limites atteintes depuis longtemps déjà, ils se lançaient corps et âme dans leur lutte de longue haleine, donnant tout pour pourfendre l’autre. Chacun formait l’anathème de l’autre, force brute démoniaque et sauvage contre précision fulgurante esthète et surhumaine. Baignés par la lueur des flammes, ils rejouaient l’énième scène qui avait parcourut toute l’histoire des hommes et du monde, intrépides et exaltés acteurs d’une scène immuable et éternelle. Le destin retrouvait une fois de plus sa marque.
Et Belial, au milieu de tout cela, se contentait d’éclater de rire ! D’un intense et puissant rire nerveux, porté par une sombre voix terrifiante et sauvage, en un véritable accès d’humeur démoniaque. Il avait beau échanger les coups de taille et de pointe avec le sorcelier, il ne pouvait s’empêcher de manifester de façon grandiloquente sa joie. La joie sadique de souffrir et de faire souffrir, d’être plongé sans retenues dans un pur combat ivre de violence et d’intensité. Chaque coup d’épée qui l’entaillait était une délicieuse souffrance exaltante, chaque blessure infligée au corps de Geralt une ode à la puissance sadique. Son enveloppe charnelle avait beau partir en lambeaux, ne plus tenir que par miracle grâce à l’appui massif de sa magie et lui causer des flots infinis de souffrance, il exaltait d’un véritable plaisir malsain enivrant. Le corps dévasté pendait telle une macabre marionnette à ses fils embrasés, continuant à sa mouvoir comme par miracle sous une volonté supérieure. Chaque geste faisait craquer son ossature d’un bout à l’autre, dégageant des éruptions enflammées depuis sa chair même. Chaque sursaut menaçait de le voir s’effondrer. Mais, envers et contre tout, défit vivant à la logique et la nature, il continuait son œuvre, son plaisir.
Ce fut lui qui rompit le combat sans fin pour porter l’ultime coup. Après qu’il eut porté une énième frappe, qui à défaut de toucher le sorcelier pulvérisa le sol où il se trouvait un instant auparavant, un changement survint. Dans une autre déflagration enflammée en provenance du sol, un amoncèlement de pierres et pavés fut propulsé droit sur les deux combattants. Mais ce n’était pas pour servir de projectiles, loin de là. Comme attiré par magnétisme, les monceaux de roche virèrent alors de bord pour fondre sur le bras de Belial tenant encore son épée. En un instant, en une fusion improbable de chair cadavérique et de pierre embrassée, un second bras monstrueux de roche vit le jour, parfait pendant de sn prédécesseur à l’autre bras du démon. Arborant son plus grand sourire carnassier, aussi bien sur sa forme charnelle ravagée que sur sa forme ardente draconique, le prince infernal se rua une ultime fois sur son adversaire d’un jour. Ses bras furent alors couverts de flammes voraces, prêtes à tout dévorer sur les environs des terribles griffes qui les entrainaient. Pour un ultime assaut, Belial condensa en sa marionnette symbiotique un dernier zeste de puissance explosive. Fonçant droit devant lui, il alla porter deux terribles coups, ascendant et descendant, de ses deux bras monstrueux, dans le but avoué de réduire l’humain à l’état de crêpe écrasée.
Mais Belial ne pouvait décidément pas se résoudre à faire aussi simple pour son ultime assaut. Aussi au dernier instant le large cercle de feu qui entourait les deux combattants explosa littéralement, propulsant partout sur sa surface, et notamment subitement entre les deux adversaires, un rideau de feu opaque. Ils se perdirent ainsi de vue l’espace d’un instant. Le moment suivant, le draco-hôte surgissait à l’endroit qui aurait dû être le dos du sorcelier. Il lui décocha ainsi sans vérifier un terrible double coup horizontal de ses deux bras monstrueux, chacun depuis un flanc, en une prise en tenaille mortelle. Et quand bien même l’assaut n’aurait pas le succès escompté, une terrible explosion, emmagasinée auparavant dans les appendices de pierre du monstre, aurait lieu, ravageant les environs et tout ce qui était proche de sa source. Belial y perdrait ses bras et une grande partie du peu de présence tangible qu’il avait encore, mais il s’ne moquait, il lui suffirait alors de tenir juste assez pour voir le résultat final de ce combat. Il pourrait ensuite s’évanouir de ce plan sans regrets. Pour l’instant présent, la vue encore gênée par sa déflagration embrassée, il ne put qu’attendre.