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« le: lundi 09 avril 2012, 20:50:14 »
Ce n'est pas courant que je me retrouve en difficulté.
En général, je m'en sors toujours.
Je trouve toujours mes proies.
J'arrive toujours à mes fins, quels que soient les moyens employés.
J'y arrive, plus ou moins indemne.
Mais c'est pas grave, je me remet vite.
Et comme je ne m'attache pas,
que j'ai déjà vécu des choses pires que la mort,
il n'y a pas de séquelles psychologiques ou morales.
Je suis déjà aussi folle que je peux l'être.
Sociopathe ou je n'sais quoi d'autre aussi.
Mais aujourd'hui, j'me retrouve dans une bien mauvaise posture.
Je ne veux pas mourir, je tiens trop à moi,
et il y a encore des tas de gens à arnaquer.
Mais je n'ai pas peur de la mort pour autant.
Sauf que là, j'ai été un peu trop loin dans mon rôle.
Je suis loin de réussir la tâche que je me suis assignée.
Mon personnage va devoir cesser d'exister,
quitter la ville et céder la place à un autre.
Mais c'est risqué.
Après trois mois passés dans le même personnage,
même si je me déguise ou autre,
les gens risquent de remarquer la ressemblance.
Alors, le seul moyen, c'est de le faire mourir.
Et pour ça, j'ai sous-estimer le danger que représentait cet homme,
connu sous le nom du "Boss".
Il est vingt-et-une heure trente.
Je me tiens sur la pointe des pieds.
Le Boss, grâce aux indices que j'ai volontairement laissé derrière moi,
sait que je l'ai escroqué.
Il m'a coincée.
Un peu plus tôt que ce que j'avais prévu.
Je n'ai pas eu le temps de bien préparer ma sortie.
J'ignore si je vais réussir mon coup, mais je n'en laisse rien paraître.
La corde qui enserre mon cou est épaisse et torsadée.
Le chanvre est de bonne qualité.
Le nœud coulant est parfaitement exécuté.
Je ne devrais pas avoir à tester la résistance des fibres toutefois.
Le dispositif que j'ai mis en place devrait mettre ma mort en scène.
Mais le problème, c'est que je n'ai pas eu le temps de vérifier tous les détails.
Le tabouret sur lequel je pose mes pieds menus est branlant
et menace de céder à tout moment sous mon poids pourtant plume.
Je décompte.
50. 49. 48.
Le Boss parle, encore et encore,
se vantant d'avoir découvert ma traîtrise.
43. 42.
Je lève les yeux au ciel, l'air ennuyée.
39. 38.
Il se moque de ma sois-disant indiscrétion.
Il me raille.
Je le toise d'un air plein d'orgueil.
32. 31.
Je ricane, l'air sûre de moi alors que je suis loin de l'être.
25. 24. 23.
Le tabouret manque de tomber.
Je serre les dents alors que le nœud coulant se resserre sur ma peau délicate.
17. 16. 15.
Et l'autre gus qui continue de pérorer,
fier de son soit-disant génie.
9. 8. 7.
Je fixe un point du mur du regard,
espérant que le mécanisme se déclenche.
5. 4.
Mon coeur bat à tout rompre.
Mes mains, liées dans mon dos,
sont hyper pâles car les liens sont trop serrés.
3. 2.
Je ferme les yeux.
1. 0.
Un bruit de détonation se fait entendre.
Le mur que je fixais tremble.
Encore un peu.
Et soudain il explose.
Une fléchette en sort, se dirigeant droit vers mon coeur.
Elle est pleine d'une drogue pour ralentir assez le coeur afin de faire croire à la mort,
qui ressemble fort à un poison mortel.
Les gars du Boss ne sont pas assez futés
ou calés en science pour distinguer les deux molécules.
La fléchette, lancée à pleine vitesse,
heurte ma poitrine et s'enfonce dans mon cœur comme dans du beurre.
Le liquide est éjecté.
Injecté.
Mon coeur s'arrête cinq minutes.
Le temps que les gars du Boss vérifient mon pouls.
Puis il se remet à battre.
Lentement.
Je ne suis plus consciente,
mais j'ai déjà expérimenté ça sur des sujets plus ou moins consentant,
alors je sais, je connais les effets.
J'ignore ce qui se passe durant les trois heures suivantes,
mais lorsque je me réveille,
je suis toujours les mains liées.
A mon cou, il y a toujours la corde qui me compresse la gorge.
Mon jean déchiré est crade,
comme s'il avait traîné dans un égout.
L'odeur en moins.
Mon haut, un top noir sans manche,
est zébré de blanc.
De penser à ce que ça peut être,
j'en grimace.
Le plus chiant quand on perd connaissance,
c'est qu'on ne maîtrise rien.
Ma chevelure, longue encore, mais d'un blond sale,
est pleine de nœuds.
Je soupire.
Je suis allongée en plein milieu d'une petite ruelle dans les bas-fonds.
Pas l'courage de me relever.
Le contrecoups de la drogue,
c'est que ça t'épuise physiquement,
te laissant sans forces,
avec la désagréable impression d'avoir fait du sport extrême non-stop durant plusieurs jours.
Et après quelques heures de repos,
bonjour les courbatures.
Je suis vulnérable, et ça ne me plaît pas.
Mais pas la force de me relever.