One Shot / Re : Let me stand next to your fire !
« le: dimanche 12 février 2012, 12:25:22 »Est-ce une volonté simpliste, bornée dans une interprétation manichéenne et subjective du monde, que de ramener chaque élément de la Création comme moitié immuable d'une paire, dont le jumeau lui est absolument égal et opposé ? En vérité, non, bien au contraire. Cela révèle une compréhension métempirique du monde, à la fois profondément mystique et subtilement terre-à-terre. C'est bien éloigné d'une compréhension rudimentaire des choses... De Rabbi Shimon bar Yohai à Sir Isaac Newton, nombreux sont ceux qui ont théorisé la dualité du monde comme condition essentielle à sa bonne marche.
Tout Éclairé qu'il est, Malakh voit alors en celle qui vient de le paralyser contre une paroi inoccupée de cette salle de luxure son reflet dans la glace : Un monstre violent, joueur, pernicieux vicieux sinueux, chantre d'une barbarie délicate, artiste des mélodieuses hécatombes et des holocaustes majestueux. Pourtant, il trouve en elle autant de points communs que de différences, et chaque ressemblance qui se révèle s'accompagne d'une nouvelle divergence ; car quand la lumière vient illuminer une chose, il en apparaît son ombre, et l’œil entraîné aux thaumaturgies nébuleuses de l'existence voit systématiquement le couple qu'il considère indissociable : La Chose Révélée, et son Ombre.
Elle peut le menacer tant qu'elle veut, lui murmurer ses comminations sournoises, jouer l'audacieuse, qui vient de vaincre héroïquement... Vaincre ? Cela voudrait dire qu'il a perdu ? Oh, non. La Loi de la Dualité, par Dieu ! Elle a perdu, elle a gagné. Il a gagné, il a perdu. Les deux en même temps. Chacun a essuyé un revers avant ou après s'être coiffé de lauriers. La balance n'a cessé de pencher depuis leur rencontre, de toute façon... Une victoire trop tranchée aurait été surprenante et décevante. Elle aurait laissé un parfum amer à cette entrevue si délicieuse. Aussi, le fait qu'elle reprenne le dessus, et qu'elle se montre implacable, cruelle mante prêtre à dévorer son amant après l'avoir purgé de ses passions, est un retournement qui lui plaît.
L'air lui manque. On garde son calme olympien. Il cesse volontairement de respirer, pour ne pas avoir à lutter, et fait un tour d'horizon de la pièce.
Successivement, il parcourait tout le produit et l’aboutissement de centaines d'années de progrès artisanaux et industriels dans les Arts et Métiers. Tout le spectre des génies du travail des matières étaient présents, dans le seul but de satisfaire la curiosité et l'envie d'Aphrodite.
Turgescences d’ébénisterie, plus ou moins longues et plus ou moins grosses, lingams de chêne ou de sapin polis et laqués avec un soin infini pour en garantir une intégrité maximale, dans des formes parfois originales, parfois très classiques et épurées. Le cuir, ensuite, avec les lanières fines, courtes et compactes, comme des cheveux coiffés sur un petit sceptre, pour les châtiments corporels légers, tandis que, juste à côté, pour les plus aventureux, se trouvaient leurs homologues en métal, avec une griffe au bout de chaque chaîne pour garantir l'arrachage de peau à chaque coup porté. Supersoniques, serpentaient sur la façade adjacente des fouets de tailles variantes, défi au dominateur d'affirmer son despotisme, et à sa sujette de signifier sa soumission. Ascète et arrogant, une clairière était réservée à un petit cône irrégulier dont la base était un disque large. Il était isolé, par rapport aux autres objets entassés entre semblables, et se démarquait par cette unicité et ce caractère esseulé. L'objet était, Malakh le connaissait un peu, destiné à être inséré dans le sombre zénith, pour s'y installer plus ou moins longtemps, que ce soit le temps d'un accouplement pour quelques simples allers-retours pervers lors d'une hussarde audacieuse ou toute une journée pour un amusement sodomite débauché entre amants, l'un, souvent mâle, s'amusant que l'autre, du sexe opposé, puisse passer un jour « normal » de travail et de loisirs avec cette pyramide arrondie fichée dans le nadir, histoire qu'elle garde à l'esprit toute la dépravation qui animait leur vie commune, et qu'elle soit déchaînée – espérons-le! – le soir venu.
L’œil droit se couvrait frénétiquement, la paupière se plissant pour invoquer une larme et presser les molécules de se réunir en une goutte à la forme peu affirmée qui résiste pour ne pas tomber sur sa joue. Le manque d'air se fait sentir.
Continuons, sans faiblir. Les chaînes. Nombreuses ! Fluctuant dans le gabarit des maillons, il y en avait pour tout les goûts : Des petites pour les jeux sensuels entre amants délicats, aux grosses pour les entravements durs et violents, ceux qui laissent des énormes marques sur les articulations, qui font mal à chaque mouvement, qui laissent bien trop peu de liberté – c'est le but recherché.
La langue vient humidifier les lèvres, dans un mouvement qu'il n'espère pas vain pour garder sa dignité, comme si il se fichait d'être étranglé.
Ne pas s'arrêter, garder l'attention pleine. Reprenons !
Des sphères en mousse épaisse, avec les attaches en cuir, pour bâillonner. Des rouleaux de tissu léger, bandeaux fins mais solides, pour s'attacher dans la délicatesse et le raffinement. Des menottes, quand les envies de contraintes sont précises et rapides. Des ceintures, masculines comme pour retenir un pantalon à la taille, ou un peu plus « féminines », avec un ersatz d'attribut masculin à l'avant pour simuler la pénétration masculine. Deux petites boules attachés entre elle par une cordelette, cette même cordelette ressortant de l'autre côté de l'une d'elles pour se finir sur un anneau. Les fameux attributs de Geisha, si célèbres pour la diversité avec laquelle on peut les utiliser.
Un sursaut, involontaire. Il en oublie le reste, il en revient à elle. Un sourire qui lui est offert.
Corps et âme.
C'était quasiment inaudible, il a utilisé les dernières ressources qu'il lui restait. Qu'elle fasse ce qu'elle veut : Il estime qu'il y a des défaites pires que celles-ci, bien pire... Et ce n'est pas comme si il avait été surpris.
C'est un bel endroit pour mourir, disait-il.