Selene n’eut aucune réaction notable lorsque Mach lui révéla qu’il avait eu une avance. C’était tout à fait normal pour des chasseurs de prime expérimentés. C’était une garantie que si l’employeur leur faisait faux bond, ils n’avaient pas tout perdu dans l’affaire. Mais pour avoir ce genre d’avantage, il fallait être un mercenaire illustre, une bon négociant ou une personne de confiance, et à Nexus, une personne de confiance signifie : « quelqu’un qu’on peut retrouver facilement pour lui faire la peau en cas de coup bas ». C’était le cas de Selene qui possédait un manoir et un titre de noblesse acheté à grand frais, ce qui lui retirait tout son prestige.
A mesure que l’immortelle jetait des regards discrets derrière, elle voyait l’amusement du mercenaire grandir, ce qui eut pour vertu de l’exaspérer considérablement. Lorsqu’il la taquina légèrement, elle se braqua et lui fit face de manière à ce qu’il s’arrête.
Je regarde ce que je veux, et dites-toi bien que je connais cette région puante comme ma poche, fit-elle en le menaçant de son doigt tendu vers lui.
Et puis, si tu ne veux pas que je te regarde tu n’as qu’à passer devant. Après tout, je ne vois pas pourquoi une dame devrait se donner la peine d’ouvrir la marche. Oui, en effet. Ce que disait Selene n’avait aucun sens. Elle se contredisait, était de mauvaise foi et mentait de manière éhontée. Avec obstination, elle se plaça derrière le mercenaire et commença à le suivre à la trace. Elle comptait bien garder le silence maintenant, quoiqu’il dise. Ses yeux fixaient obstinément ses chaussures avec une concentration sans doute destinée à s’empêcher de bavasser.
* * *
Au bout de deux heures de marche, le crépuscule commençait à s’installer sur les terres sauvages. Le soleil déclinant zébrait les collines basses d'ombres obliques. Selene marchait toujours en silence derrière Mach, lui infligeant son silence en guise de punition arbitraire et sans fondement, et ce, même si elle ne se rendait pas compte qu’un tel comportement était une réelle bénédiction pour lui. Cependant, Selene commençait à fatiguer. Ca faisait quatre ou cinq jours qu’elle n’avait pas mangée et la sensation de faim commençait à amenuiser sa volonté - Non pas ses forces qui ne pouvait décliner en raison de son étrange pouvoir qui lui prodiguait les nutriments nécessaires à sa plénitude physique -. En mission, Selene mangeait rarement par souci de rapidité et d’économie. Pourquoi se trimballer avec un sac lorsque manger est un luxe et non un besoin ? Toutefois, ça ne l’empêchait pas d’avoir du mal à suivre le rythme.
Nous devrions nous arrêtez pour la nuit, fit-elle d’une voix assurée.
Cette région n’est pas sûre après la nuit tombée. Ca, Selene n’en savait absolument rien, mais c’était une bonne excuse pour ne pas lui dire qu’elle était fatiguée et que marcher sur un terrain accidenté ne l’amusait plus du tout. Elle chercha rapidement des yeux un endroit où s’abriter et en trouva un. Sur cette étendu d’herbe jaune, il y avait un amas de rochers plantés dans le sol, comme si quelques dieux capricieux les avaient jeté négligemment de leur royaume céleste. Même si, ils ne protégeaient pas vraiment de la pluie, ils avaient le mérite de couper le vent froid qui soufflait entre les collines.
On s’arrête ? Geignit-elle à l’adresse de l’homme qui marchait devant elle.
On peut monter un camp là-bas. En quelques enjambés, elle le rattrapa et montra du doigt sa trouvaille. Selene lui décocha un regard plein d’espoir qui semblait vouloir transmettre le « s’il te plait » qu’il était hors de question qu’elle prononce à haute voix. La vérité c’est que s’il voulait continuer jusqu’à ce qu’il fasse vraiment nuit, elle n’aurait d’autre choix que de le suivre puisqu’elle ne savait toujours pas où elle était – il faut dire que marcher en regardant ses pieds n’aidait pas à se repérer non plus -