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« le: dimanche 28 avril 2013, 19:48:08 »
Ça n'était pas du tout ce à quoi la Sirène s'attendait, ni même ce qu'elle espérait de la part de Telka. Le comportement de la jeune fille dépassait l'entendement.
Laura esquissa le début d'un appel paniqué en voyant la guérisseuse stopper net sa course - "Cours pauvre idiote !", mais le garde qui s'attelait alors à lui lier mains la fit taire d'une taloche dès la première syllabe.
Le spectacle affligeant de ces brutes maltraitant et tournant autour de la jeune fille lui nouait l'estomac. Ceux-ci n'hésitaient pas à poser leurs grosses mains caleuses sur le corps fluet de son amie, l'évaluant comme une prise de pêche.
Lorsque les deux hommes s'en revinrent finalement, ramenant avec eux la nouvelle captive, Laura la fixa d'un air abasourdi. Celle-ci lui répondit simplement d'un regard attristé. Mais pourquoi ? Pourquoi s'être arrêté bon sang ? Alors qu'elle avait le choix ! Est-ce qu'une personne censée pouvait réellement prendre de tels risques pour sauver une inconnue
Les hommes comparaient maintenant leurs deux corps en se bidonnant, et celui de la femme-poisson leur semblait de meilleur qualité, visiblement.
-Bon, allez. Pourquoi l'avoir tué ?
Quelques secondes s'écoulèrent sans que personne n'ouvre la bouche. Pourtant il faudrait bien qu'elle réponde à la question. Et elle n'avait rien de mieux à leur servir qu'une simple version déformée de la réalité : "Je l'ai tué car il voulait me violer".
-C'est moi. Je l'ai tué parce qu'il a violé mon amie.
Laura ouvrit la bouche pour protester ; elle ne voulait surtout pas que cette fille se fasse tuer inutilement ! Telka était bien trop jeune, bien trop belle, bien trop forte pour offrir ainsi sa vie... et pourtant aucun son ne passa les lèvres de la Sirène. Pour sa part elle était un peu lâche, et elle aurait trahis la terre entière pour la moindre chance de prolonger sa vie d'une seule seconde. Elle se contenta de regarder sa sauveuse d'un air ahuri, espérant un signe de sa part ; un haussement de sourcil, un clin d’œil, n'importe quoi ! N'importe quoi qui puisse indiquer que l'aventurière avait une idée en tête.
-Et c'est grave, ça ? T'as vu comment elle est habillée, ta copine ? Elle porte même pas de sous-vêtements.
-Vraiment ? Ça mérite vérification...
On souleva sa robe ; c'était son tour d'être évaluée par les trois rustres. Elle n'aurait pas du être surprise... elle se contenta de serrer les dents, obéissant docilement, se laissant manipuler. Réagir aurait été une erreur, elle le savait d'expérience. Les hommes n'attendent que ça, des réactions, n'importe lesquelles. Pourtant son cœur battait de plus en plus vite. Elle sentait l'étau se resserrer petit à petit, tandis que les gardes louchaient sur ses formes. Si elle se faisait violer par ces trois là, c'était la fin.
-Bordel, quand même.
-Bon, allez. Ça va au trou, ça. On aura tout le temps d'en... profiter, plus tard.
-Faudra partager avec les autres cons. On pourrait plutôt trouver un coin discret et s'amuser un peu... au moins avec celle-là.
-C'est vrai qu'elle risque pas de s'en plaindre... C'est le genre de nana qui résiste pour te tester, mais au fond elle demande que ça. Quel genre de fille se trimbale habillée comme ça en espérant qu'il lui arrive rien ?
-On a pas le droit... savez bien qu'ils ont durci les sanctions pour ce genre de conneries
-Eh ben justement ! Ici on est peinard, on risque rien, une fois au poste y'a plus moyen d'y toucher ! Et moi je commence à en avoir juste que là de l'espèce de pédé qui a remplacé le vieux !
Alors que le ton montait, la Sirène fixait d'un air implorant le seul homme à plaider en sa faveur. Celui-ci, alors qu'il commençait à hésiter, croisa le regard de la captive, détournant immédiatement les yeux.
-J'en ai rien à battre, on y touche pas ! Surtout que à trois dans ces quartiers de merde, moi je baisse pas mon froc, on était déjà censés patrouiller à quatre minimum.
-En même temps on a jamais de quatrième bonhomme...
-C'est pas le problème.
-Ouai...
Un bref silence s'installa, avant que le plus farouche partisan du viol ne se résigne enfin :
-Bon... fait chier...
Les deux femmes furent brutalement redressées sur leurs pieds, et la troupe se mit en marche dans une ambiance maussade. Laura aurait voulu attirer le regard de son alliée, mais elles étaient chacune retenues à une extrémité du groupe, et la poigne de son gardien ne lui permettait pas de se pencher dans quelque direction que ce soit.
-En plus, si t'en gardais un peu pour ta femme, j'aurais pas à m'en occuper, moi...
Les trois camarades se mirent à ricaner à nouveau. Les traits d'humour, du plus fin au plus graveleux ne tardèrent pas à ricocher de l'un à l'autre tandis que leurs rires se faisaient de plus en plus gras. Si Laura ne les avait pas tant haïs, elle aurait été impressionnée par l'art qu'ils déployaient dans leur joute.
Ils marchèrent plusieurs dizaines de minutes avant d'arriver au minuscule poste de garde.
-Bon c'est cool, on a cavalé, mais on a bien un heure d'avance du coup...
Les deux femmes furent amenées à l’intérieur du poste, jusqu'à une petite cellule humide, munie d'un unique banc en bois et d'un tas de paille, ainsi que d'un seau dont la présence étonna la Sirène, sans qu'elle n'ait le temps de s'en formaliser.
-Aller hop les filles ! s'écria l'un de leurs geôliers en poussant les prisonnières sans ménagement, vous avez de la chance, on a sorti le vieux dégueulasse qui squattait là depuis deux semaine. Vous serez tranquilles pour faire... ce que vous voulez, eh eh...
La porte en bois massif se referma, laissant les deux femmes seules dans le noir. Seule une petite ouverture scellée par des barreaux laissait un rayon de lune traverser l'obscurité de la cellule. Laura ne pouvait distinguer clairement le visage de la jeune femme ; craignant une réaction de colère de sa part, elle n'osa pas approcher, se contentant de bafouiller :
"Est-ce que... ça va ? ..."