One Shot / Albion - La justice du démon [ PV Capiméchant]
« le: jeudi 19 octobre 2017, 12:10:00 »Une autre source de lumière est venue baigner la terrasse, Eltaron était sorti de la chambre pour me rejoindre.
- On fait ça ici ?
- Non, on va s'faire gauler. C’est trop gros cette affaire, j’aime pas ça. J'ai une meilleure idée.
J’ai pas daigné le regarder, les yeux toujours rivés vers le ciel.
-1000 pièces Liri.
- Je sais.
Justement, j’ai pensé.
J’ai fouillé dans ma poche et j’en ai extirpé une vieille carte abîmée, mais toujours à jour pour la déplier ensuite. Faut dire que sur l'île les choses ne bougeaient pas vraiment, du moins à ce niveau-là.
- Si toutes les informations qu’on nous a données sont exactes, lui et ses gardes du corps vont faire halte ici sous peu.
- L’auberge relais ? C’est tout près à susurré l’homme à mon oreille tout en posant ses mains sur mes hanches.
- Concentre-toi l’ais je gentiment grondé.
- Se serait plus facile si t’étais habillée.
J’ai ricané et j’ai repris mes explications. Si j’avais pu savoir, si j’avais pu anticiper j’aurais savouré ce qu’il y avait de plus beau, de plus tendre, de plus ordinaire dans ce moment. Mais je ne pouvais pas le savoir, à moi la magie n’envoyait pas de messages.
- Ils sont trois, peut être quatre. Pas plus. Sinon, ce serait trop flagrant, le noble se ferait repérer et les autorités lui tomberaient dessus. Pour avoir usurpé du pouvoir si longtemps, doit être futé. Il fera pas l’erreur d’attirer l’attention si près du but.
J’ai laissé mon doigt glisser sur la carte jusqu’au port qu’il emprunterait vraisemblablement pour quitter Albion et recommencer ses méfaits ailleurs.
Qu’il espère atteindre son but tant qu’il le voulait, il allait s'asseoir sur ses jolis rêves.
- Va prévenir les autres, nous partons.
Il s’est écarté à regret avec cette résignation dans le regard, la même qu’avait mon petit frère quand on lui interdisait une gourmandise.
- Allez.
Je ne sais plus si j’ai embrassé Eltaron ou non. J’espère que je l’ai fait.
Moins de vingt minutes plus tard, on avait fini de seller les chevaux et je glissais une pièce dans la paume d’un garde pour qu’ils nous ouvrent les grandes portes à cette heure.
Il y avait des bêtes mutés et des créatures dangereuses ici et pas assez de courageux pour s’y attaquer. C’était une trop grande ville, il y avait trop d’humains pour que les loups et leurs chamanes daignent apporter assistance à ses habitants. Parfois même c’était le contraire. Entre sélection naturelle et mise à mort, le troupeau était bien régulé.
Eltaron, Tai’, Thalos, Aekir et moi, on n'était pas serein, personne ne l’aurait été à notre place. On coulait des regards vers les arbres depuis la route, on essayait de percer l’obscurité profonde de nos lanternes dans l’espoir de voir ce qui y était tapi. Pour le moment, rien.
- Hey la renarde ! a grogné Tai’. Il passait plus de temps à grogner et à cogner qu’à parler. Çà se ressentait.
- Quoi ?
- On dirait que t’as vu juste. Il y a des empreintes là, toutes récentes.
- Je vous l’avais dit, c'était le plus logique.
- Ce qui m’inquiète, c’est… Il osait pas souvent l'ouvrir le petit Aekir. Etre l'ado du groupe, celui qui remplaçait un ancien mort pendant un contrat, c'était pas la meilleure place.
- Le nombre. On est loin de quelques gardes du corps, l'a aidé Thalos.
- Il a dû voyager avec des marchands. Il fait trop sombre pour distinguer les traces récentes des anciennes.
- Simple spéculation. Tout va bien se passer.
J’avais tort.
J’ai déchanté quand j’ai vu l’apparence des chevaux alignés le long du bâtiment. Y avait autant de marchands que de putes ici, c’est-à-dire aucun. C’était le genre de bête typique qu’on louait nous, racés, fait pour la course. Pour se barrer vite c’était le top, pas pour porter quoique ce soit.
Eltaron m’a lancé un regard. Celui qui disait qu’on voulait l’argent et qu’y avait pas tant de bêtes que ça. Moi, je ne voulais pas laisser filer une ordure pareille. On s’est réunis une dernière fois un peu à l’écart, on a regardé le portrait aux traits noirs et grossiers censé représenter notre proie. On s’est engueulé une dernière fois, comme d’habitude et on est entrée dans l’auberge.
Un bordel, mais un bordel joyeux. C’pas qu’y avait beaucoup de monde, mais ils avaient l’air tous saouls et ça rigolait fort dans la grande salle. Personne ne s’est intéressé à notre entrée, pour ne pas dire que ça a peine fait lever le nez d’un type qui devait avoir la quarantaine dans un coin. Tai' fait peur, d'habitude on le remarque davantage, ça aurait pu m'alerter. Je me suis persuadée qu’ils avaient rien à voir avec notre affaire. Les autres sont arrivés à la même conclusion. On a été soulagé, on a commandé et on a été s’installer à l’une des rares tables vide. On a renversé de l’alcool, on a rigolé trop fort nous aussi et pendant ce temps-là, on faisait le point. On jouait une fausse partie de cartes. Si quelqu’un disait avoir gagné, c’est qu’on avait repéré le noble.
Vu le nombre qu'on était dans la pièce, ça a pas prit beaucoup de temps.
- Je vous ai baisé à lâché Tai en balançant ses cartes. Il avait un jeu vraiment pourri. Il a penché la tête en souriant, on a tous regardé dans cette direction, on a vu le noble. C’est là que j’ai compris.
Tout s’est passé en une dizaine de secondes, peut être même moins. Je n'aurais rien pu faire, je me le répète encore aujourd’hui.
Eltaron s’est levé, j’ai recroisé le regard de l’homme de l’autre côté de la pièce, il avait plus l’air si éteint, j'ai lu "amatrice" dans ses yeux. Le silence s’est fait d’un coup dans toute l’auberge, un truc à vous filer des frissons, surréaliste tant le timing était parfait. Les serveuses et le barman sont restés bêtes, se demandant ce qui se passait. J’ai pas eu le temps de finir de dire “c’est un piège” que mon compagnon est retombé sur sa chaise. Sa tête a cogné contre le bois de la table et du sang à coulé de sa bouche.
J’ai jeté une de mes dagues en direction du noble affolé, je ne voulais pas que ça soit arrivé pour rien. Je sais pas si je l’ai eu. Là encore, je m’en souviens pas. En revanche je me souviens parfaitement de ce que j’ai ressenti en regardant Eltaron sans vie, quand j’ai compris que j’allais mourir.
Et en un sens, je me suis qu’à moitié trompé cette fois.