Les contrées du Chaos / Re : Empereur et Ouvrière {Mon Empereur}
« le: dimanche 04 mai 2014, 17:29:36 »Néanmoins, la fin du second jour arrivait et confortait le souverain blond dans son sentiment de frustration. Cela faisait déjà plusieurs mois que les Jours de Charbon n'apportaient rien de probant ni de réellement noveateur et cette ultime journée avait été le clou de toutes les autres. Quel ennui ! Les vaporéens manquaient ils donc d'esprit d'innovation, ces dernires mois ? Rien d'excitant ou d'un tant soit peu intéressant ne lui avait été proposé, à part un obscur projet mal défini d'amélioration des armes au Solsticium. Son ingénieur avait été invité à se représenter le mois suivant et Szaalion s'était montré déçu de ce qui était ressorti de ces derniers jours.
Quand on frappa à la porte close de son office, l'empereur fit signe à son secrétaire, Albus Roulepierre, de faire ouvrir. Albus invita donc la personne derrière les battants à entrer et regarda la bicolore passer la porte pour s'avancer vers les deux hommes. Szaalion était derrière un superbe bureau de bois richement orné, droit dans le grand fauteuil dans lequel il gisait fièrement. Sa main alerte faisait courir la pointe d'une élégante plume sur le velin d'un parchemin -celui d'un quelconque décret à valider- et le souverain ne releva pas les yeux pour la personne qui venait d'entrer. Ainsi, la femme fut accueillie davantage par Albus qui inclina légèrement la tête dans un salut poli avant de lui faire signe de s'adresser à l'Empereur de Vapeur.
Quand le "Majesté" passa les lèvres de la jolie ingénieure, Szaalion daigna enfin lui accorder son attention. Ses yeux irisés d'éclats d'or en fusion détaillèrent la nouvelle venue en silence et sa plume alla reposer dans l'encrier tandis que son silence invitait la vaporéenne à continuer. Finalement, Albus prit la parole.
- Adressez vous à l'empereur en l’appelant Votre Excellence, mademoiselle. Le ton était poli, aimable. Roulepierre, assurément, ne cherchait pas à la rabaisser. Et présentez vous à l'empereur.
Elle obtempéra, expliqua les raisons de sa venue avant même de donner son nom. Szaalion, qui n'en montra absolument rien, s'en amusé. Un véritable ingénieur de l'Empire défendait davantage sa mécanique que son nom et ses éventuels titres, car seules comptaient les créations qu'on pouvait établir et faire fonctionner durablement. Beaucoup d'inventeurs et de penseurs de la Vapeur oubliaient cela, leur esprit d'innovation et de mécanicien souvent empêtrés dans la facilité d'une place dont ils se contentaient. Comme partout, la suffisance et l'égo étaient un cancer qui gangrenait silencieusement l'Empire.
Les yeux de Szaalion se rivèrent sur ceux de Sue tandis qu'Albus susurrait quelques mots à l'oreille du souverain, lui rappelant qui était cette demoiselle. Une de ses machines avait mal fonctionné et entraîné des dégâts assez conséquents dans un des niveaux de la Mecanicae Imperium. Pourtant, Sue n'avait pas réellement été inquiétée par les autorités... Parce que, comme elle allait le découvrir, son empereur voyait son échec d'une bien singulière façon.
- Je sais qui vous êtes, mademoiselle Stuart. Vos exploits se sont chiffrés à... il consulta rapidement un feuillet sorti d'un tas bien empilé... Environ quatre-mille pièces d'or pour le simple aspect matériel. Vous avez causé des dommages à quelques points d'acheminement de la vapeur vers les niveaux inférieurs de la cité. Ainsi, près de vingt-sept ouvriers et ingénieurs ont porté plainte contre vous parce que la vapeur leur faisait défaut pour leurs propres travaux. Certains n'ont pas demandé moins que votre tête, d'autres ont réclamé que votre personne devienne leur propriété afin que vos performances sexuelles stimulent leurs intellects et les aident à rattraper le retard engendré par vos désastreux essais. Vous le savez, ils étaient dans leur droit.
Szaalion la regarda, toisant sa personne de son regard inquisiteur. Sue n'ignorait bien sûr par que l'Empire prônait une sexualité très libertine, considérant que l'acte sexuel stimulait efficacement l'esprit des ingénieurs. Certaines lois autorisaient même des ingénieurs bafoués par d'autres à réclamer justice en demandant une littérale mise à disposition du corps du fautif afin qu'il servât de dédommagement quant à l'entrave faite à leur ingéniosité. Cependant, l'empereur avait lui-même écarté les détracteurs de Sue. Hormis un joli faciès et un corps qu'on devinait tout à fait désirable, Szaalion estimait qu'elle possédait quelque chose que ses ennemis n'avait pas. Quelque chose d'infiniment plus utile à l'Empire que sa seule paire de seins ou la seule chaleur de son entre-cuisses.
- Ces gens se sont présentés à moi à la faveur des Jours de Charbon pour faire état de leurs plaintes à votre encontre entre deux présentations mécaniques des plus insipides. Je vous ai soustraite à la punition parce que j'ai du respect pour les gens comme vous : vous avez encore l'esprit d'innovation des pères de nos pères, qui ont propulsés notre cité parmi les nuages. Vous n'avez pas peur d'entreprendre et à fortiori de vous lancer. Voilà ce que j'attends des fils et des filles de l'Empire, mademoiselle Stuart !
Pour la première fois, le souverain afficha un léger sourire. Presque complice, pour tout dire. Le bel empereur retrouva néanmoins sa réserve habituelle, reprenant le fil de ses mots en fixant toujours l'ouvrière. Délicieuse, tout de même. La belle Sue serait du plus bel effet au milieu des draps de son lit, mais l'heure n'était pas à la bagatelle et Szaalion chassa ses pensées déviantes.
- Je me doutais que vous vous présenteriez à moi à la faveur des Jours de Charbon, un mois ou l'autre. Ainsi, je vous ai laissée tranquille jusque là malgré les dégâts que vous avez causés. A présent, il est temps de régler votre note. Il laissa planer un léger temps avant de continuer. Vous allez me présenter votre projet, quel qu'il soit. Si il est convaincant, je vous mettrais au régime qui conviendra selon la qualité de vos travaux, ainsi que le veulent la nature des Jours de Charbon. Si vous échouez à me convaincre, vous serez donnée en pâture à vos détracteurs jusqu'à, disons... Jusqu'à ce que j'estime que vous ayez suffisamment payé. Ce qui pourrait tout à fait durer de très longues années si vous me décevez.
Pour tout dire, Szaalion souhaitait qu'elle réussisse à le convaincre. Il se refusait à perdre un esprit comme le sien mais ne pouvait pas la laisser impunie après avoir contribué à l'inactivité de plusieurs ouvriers et autres inventeurs, il en allait de son image auprès d'une partie majoritairement nombreuse de son peuple et Szaalion ne pouvait laisser un contentement public gronder trop ouvertement.
D'un geste de la main, l'Empereur invita Sue à faire son exposé. Albus la regardait également, la plaignant silencieusement. Le secrétaire savait que ces deux derniers jours et leur relative inutilité avaient grandement entamé la patience de Szaalion, qui serait certainement prompt à rendre la justice. La jeune demoiselle Stuart jouait -littéralement- la direction prochaine de son destin à un embranchement des plus crucial.