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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mercredi 06 mars 2013, 22:44:22 »
Je m'éloigne. Je la laisse, seule, je m'éloigne. J'ai presque réussi à tenir une parfaite neutralité jusqu'ici, à cacher mes émotions, mais à présent, chaque pas est un supplice, un déchirement. J'avais presque espéré qu'elle me retienne. J'ai été stupide. Elle ne reviendra probablement jamais, je ne sais même pas si elle a entendu ce que je lui ai dis, si elle sait où me retrouver. Sitôt que je suis sûr d'être assez éloigné d'elle pour ne pas l'alerter, mon indifférence disparaît tout-à-fait, mes larmes coulent. Elles dévalent mon visage, chaudes. Je n'ai pas réellement pleuré depuis dix ans, neuf mois, et trois jours. Ce n'est pas aussi bruyant que je l'aurais cru. Mon chagrin est silencieux. Je suis juste décomposé, adossé au mur en pierre blanche d'une bâtisse, à peine écarté de la route. De temps en temps, un sursaut vient agiter ma poitrine.

Je suis un imbécile. Un imbécile et un lâche. Je n'ai rien trouvé de mieux que de l'abandonner, alors qu'elle avait peut-être besoin de moi. Pourquoi je me sens obligé d'utiliser le mot peut-être ? Elle avait besoin de moi, il n'y a pas à nuancer. J'ai juste eu peur d'échouer encore, et cette crainte stupide m'a coûté l'infime espoir qu'il me restait. Je n'ai aucune excuse qui vaille. Je lui ai fais du mal, j'ai mérité tout ce qui m'arrive. Je mériterais même infiniment plus. Je ferme les yeux. Mes paupières sont brûlantes, comme si j'avais de la fièvre. Je sais que je ne suis pas malade au sens strict du terme. Je tombe en position assise, au bord de ce chemin. Je ne me relève pas. Je prends ma tête dans mes bras, et je reste ainsi. À la vue de tous ces passants, je m'en fiche. Je ne les vois plus. Je ne veux plus les voir.

Enfin, au bout d'une heure et vingt-deux minutes, mon chagrin semble se tarir. Rien ne vient le remplacer, aucune colère, aucune sage résolution. L'impression de vide, l'absence de volonté. La cruelle absence de sens dans ma vie me frappe. Vincente protège sa bande, le commerçant fait marcher ses affaires, l'artiste compose son œuvre. Et moi ? Je n'ai pas d'inspiration, pas d'attrait pour l'argent, et personne à aimer. Je ne fais qu'errer, en causant du mal autour de moi. Malgré les grands pouvoirs dont je suis doté, je ne sers à rien, pour personne. Pire, je suis nocif. Siridov, l'agent qui a essayé de me capturer avant d'être repoussé par Sentinel, avait raison. Je ne suis pas humain. Je ne suis qu'un monstre, socialement inadapté et dangereux. S'il avait été face à moi, je lui aurais demandé de me me ramener en laboratoire, je me serais laissé faire. Au moins, j'y aurais peut-être fait avancer la science.

Mais voilà, il n'y a pas de Siridov, il n'y a personne pour faire attention à moi, pour me trouver le moindre intérêt. Je n'intéresse personne, et personne ne m'intéresse. Sans me soucier des regards, qui, cette fois, se posent bel et bien sur moi, je prends mon envol, d'un air las. Presque absent, je file en ligne droite, au dessus des toits, vers l'auberge des Trois Corbeaux. J'y ai loué une chambre. C'est la seule chose à laquelle je peux encore m'attacher, finalement, dans ce monde. Je n'y réfléchi de toute façon plus. Je n'en ai plus l'énergie. J'ai un objectif, aussi désuet soit-il, c'est le plus puissant : me coucher, dormir.

Je me pose juste devant la porte de l'auberge. Je ne compte pas les gens qui ont du me voir. Je m'en fiche. Je pousse la porte, comme un zombi, décomposé. Je m’apprête à monter les escaliers qui me mènent à mon lit, avec la même indifférence morbide. Toutefois, une voix, semblant venir de très loin, m'interpelle. Pourtant, elle vient du tenancier, qui est juste à côté de moi. Mécaniquement, je tourne mon regard vers lui. Il a un sourire triste et compréhensif.

-Laissez-moi deviner... le jeune monsieur est en plein chagrin d'amour ?

Je ne lui réponds pas. Je m'apprête à repartir, sans aucune forme de politesse. C'est un homme intelligent. En temps normal, j'aurais du être intéressé, mais en l'état, je ne le suis pas un instant. J'ai juste envie qu'on me laisse tranquille. Il insiste cependant :

-Bah, mon gars, ce sont des choses qui arrivent ! Une de perdue... Allez, un verre pour faire passer, c'est la maison qui offre.

Je m'arrête. C'est une perspective qui me semble en valoir une autre. Je n'ai jamais bu d'alcool de ma vie. Je trouvais ça trop dangereux, j'ignore quel effet cela peut avoir sur mes implants, et surtout, cela me semblait inutile. Je le laissais avec un certain dédain aux pauvres hères qui n'avaient que ça. Mais en matière de dénuement, je n'ai à présent plus rien à leur envier. Je m'arrête, je m'assois sur un tabouret. Je cède.

Je bois une première gorgée bière, mousseuse. Je manque de la recracher. Le goût est affreux, et je n'y suis pas habitué. Tous les ingrédients de la mixture, tous plus délétères pour la santé les uns que les autres, me reviennent en mémoire. Je termine cependant la choppe. Je suis déçu, pas un seul souvenir n'a quitté mon esprit, tout est encore vif, la douleur, le désespoir. Cela n'ira pas assez vite, avec une concentration si faible, même avec ma carrure. Je pose quelques pièces sur le comptoir.

-Ce que vous avez de plus fort, je demande, d'une voix cassée.

L'aubergiste lève un sourcil, mais ramasse volontiers le pécule et apporte une bouteille d'un liquide jaune, translucide. On pourrait presque le prendre pour de l'eau croupie.

-Une liqueur d'Ashnard : ça fait pas du bien au gosier, mais si c'est ce que vous voulez... fait-il, avant de sortir un verre.

Je lui fais signe de verser directement dans la choppe que je tiens à la main. Je ne veux pas utiliser de récipient plus délicat, je ne veux plus rien risquer de briser. Il hausse les épaules, et s’exécute. Je bois presque cul sec. Je convulse un instant. J'ai l'impression d'avoir avalé une braise. Tout mon corps ayant été traversé par l'alcool, de ma gorge à mon estomac, me brûle affreusement. J'ouvre la bouche, cherchant un peu d'air. Je refoule l'envie de vomir qui me vient. Puis la chaleur devient peu à peu agréable. Le sang revient dans mon visage, mes yeux se rallument. Je donne encore de l'argent. Ce sont mes dernières économies. Je reprends une pleine choppe de l'élixir incolore. Je la bois, aussi soudainement que la première. Les effets sont proches, mais plus intenses, la phase douloureuse est plus courte. Je n'ai qu'une envie, boire encore.

C'est à cet instant que je remarque la présence à côté de moi d'un autre client. Je ne vois pas son visage. Je tente de lire son esprit : c'est difficile, mais ça n'a rien à voir avec lui. J'entraperçois quelques bribes de son métier. Étrange, cela ne fait pas partie de ses pensées immédiates. Peut-être l'alcool débride-t-il certaines de mes capacités. Il est chasseur d'esclaves occasionnel, il s'occupe principalement de remettre sur le marché les terranides qui traînent dans la ville basse, quand il arrive à en attraper. Cela m'indiffère, même si la veille cela m'aurait peut-être scandalisé. Je le trouve même plutôt sympathique. Il s'adresse à moi. Je n'ai plus trop les capacités de saisir chacun de ses mots. Il me propose de me payer un autre verre, puisque j'ai l'air d'aimer ça. Mon corps frêle supportera-t-il une autre dose ? Quelle marge me reste-t-il avant le coma éthylique ? Je me rends compte que je ne suis plus capable de répondre à cette question. Je m’esclaffe, et accepte. Je trempe les lèvres dans le breuvage, je le trouve d'un goût un peu différent, pas désagréable. Mes papilles ne sont de toute façon plus très exigeantes.

Puis je sens l'inconscience arriver. J'ai sans doute un peu trop abusé. Ils n'ont pas les mêmes moyens médicaux, dans ce monde. Je vais sans doute mourir dans mon propre vomi. C'est arrivé à des plus grands que moi. Mourir comme ça, ça n'est pas vraiment mourir. On sent à peine partir. Je ne suis pas en état de combattre les ténèbres qui s'emparent de moi. C'est trop tard.

***

Un cri. J'ai mal à la tête, terriblement mal à la tête, et au ventre. Je n'ai pas envie d'ouvrir les yeux, et pourtant, mon instinct de survie m'y oblige. Car c'est un cri d'agonie que j'ai entendu. Un voile blanc apparaît devant moi, je distingue quelques couleurs. J’aperçois Vincente. Elle est tellement belle, pure, au milieu de tous ces cadavres. Une ange immaculée au milieu d'une marre de sang. Une image biblique. J'ai un grand sourire béas, je me dresse en position assise. Moi qui ne suis pas très croyant, je dois me faire une raison : le paradis existe peut-être, et si c'est le cas, j'y suis sûrement. Je n'ai plus trop la notion du temps, du mouvement. Je sens ses bras m'enserrer. C'est agréable, tellement agréable. Dommage qu'elle sente aussi fort le mauvais alcool. J'ai un vertige, je serai retombé sur le dos si elle ne m'avait pas encore tenu. J’enfouis ma tête dans son cou, répond à son étreinte par la mienne, plus fébrile mais déterminée. Je ne sais pas si c'est un dernier plaisir hallucinatoire que mon cerveau m'offre, ou la récompense d'une quelconque divinité. Je veux profiter de cet instant, quel qu'il soit. M'approcher d'elle, le plus possible, et y rester. Je suis serein, je me sens flotter, je ne sens plus de douleur. Je n'ai pas de mots à apporter. Je ne veux rien ajouter.

Ce n'est pas l'avis de cette silhouette, qui s'avance, dans l'encadrement de la porte. Il est un peu trop loin pour que je le vois distinctement, ma vision est de toute façon brouillée, floue. Je distingue qu'il tient dans sa main un objet lumineux, une lanterne sûrement. Dans son autre main, il tient une arme, une petite arbalète, sans doute. Il est assez ventru. J'ai beau ne pas très bien pouvoir l'observer, il m'est familier. Je ne me souviens plus exactement, ça m'agace. Je n'ai pas l'habitude de ne pas me souvenir. Ce dont je ne me souviens pas n'existe pas. Il s'exclame quelque-chose. Qu'est-ce qu'il dit ? Je ne sais pas. Il semble nous en vouloir, il nous menace et il beugle. Je n'aime pas l'entendre beugler, il me donne la migraine. Il me dérange. Je n'ai pas besoin d'une telle indélicatesse dans mon rêve. Il doit disparaître. Je le regarde et fronce les sourcils, perdant mon sourire.

Il éclate. Le gros homme éclate, soudainement, presque en silence. Des morceaux de chair sanguinolents sont projetés dans tous les sens, sans qu'on puisse vraiment identifier à quelle partie de son défunt corps ils appartenaient. À l'endroit où il se tenait, il n'y a plus qu'une trace rouge sur le sol, une lanterne et une arbalète tombent. Je suis soulagé. Je me sens de nouveau bien. Cela me revient maintenant : il s'agissait de l'aubergiste. Je ne sais pas s'il a eu le temps d'alerter la garde. Je m'en fiche. Je les ferais tous exploser s'ils viennent me troubler. Je trouve cette perspective amusante. 'essaie de rire, mais ma bouche est engourdie, comme le reste de mes muscles, d'ailleurs. Ce que je produis ressemble plus à des toussotements qu'à de vrais éclats de rire. Tout est si simple, finalement.

Pourquoi est-ce que je cherchais des solutions compliquées ? Je fais ce que je veux, car je peux tout. Les substances qui empêchent mes pouvoirs de fonctionner se comptent sur les doigts de la main, et il ne doit pas y en avoir une seule sur Terra. Et je ne veux rien d'autre que rester avec Vincente. Je la regarde, je la sens. C'est la plus belle chose que j'ai jamais vu de toute ma vie. Je la serre encore, je caresse ses cheveux. Elle s'exclame qu'elle m'aime... je crois. Je lui réponds, amoureusement. Hélas, assez faiblement, incapable d'articuler.

-M'aosi, gueteme...

Je pense que je n'ai jamais été aussi heureux. Seul une infime partie de mon esprit fait vaguement dissidence, ayant l'impression d'avoir manqué quelque-chose d'important. Je balais ce doute sans difficulté. Tout est bien.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mercredi 06 mars 2013, 02:33:56 »
Je crois qu'en réalité, je préfère quand elle me pose des questions, même difficiles, même insolubles. J'ai beau ne pas être très doué pour répondre lorsqu'il s'agit de choses abstraites, ou de mes propres sentiments, je peux quand même me reposer un peu sur des raisonnements. Ce que je lui ai répondu ne l'a pas touchée autant que j'avais espéré, à moins que ce ne soit le contraire. Je voulais éclaircir un peu son esprit, mais je n'ai réussi qu'à le rendre plus confus et plus chancelant encore. Je suis à la fois déçu, et furieux contre moi-même. J'aurais peut-être du être plus explicite, ou plus technique. Il n'y aurait pas eu de magie, de poésie, beaucoup moins d'émotion, néanmoins, elle aurait probablement vue la situation sous un angle plus rationnel.

Elle hésite à me frapper, me repousse. Sitôt à ma place, je ne cherche pas à avancer de nouveau. Je cherche à maintenir une distance de sécurité, non pour moi, mais pour elle, pour ne pas la troubler encore plus : comme l'espace qui sépare un électron d'un noyau atomique, soumis à plusieurs forces, suit une complexe équation, je cherche une position d'équilibre. Je secoue la tête. Une goutte de sueur coule sur mon front.

-Je suis vraiment désolé, Vincente. Je ne voulais pas que ça se passe comme ça.

Mon visage est neutre, mes lèvres sont serrées, mes yeux rougis. Je la regarde, elle est à genoux. Ses pensées deviennent de plus en plus lapidaires, courtes, fortes. Son poing s'écrase contre la cloison. Lorsque j'ai préparé cet entretient, j'ai prévu beaucoup de choses, le refus net et froid, l'incertitude qui m'aurait laisser prendre des initiatives... il y avait aussi cette possibilité que nous nous tombions dans les bras. Comment ma simple présence peut-elle causer chez-elle un tel traumatisme ? Elle semble en lutte avec elle-même, je suis conscient d'avoir provoqué ce duel à mort, alors que j'aurais pu l'éviter. J'ai l'impression d'avoir gâché quelque-chose. J'ai été trop rapide, trop prétentieux. Le bilan de ma pitoyable opération se résume à un seul mot qui me glace : l'échec.

-J'aurais vraiment voulu que ça se passe bien...

Je ne suis plus en mesure de l'aider, mon expérience personne ne me sert plus à rien : je ne me suis jamais interdit d'aimer quelqu'un, cela n'arrivait juste pas. Le superordinateur qui me sert de cerveau se chargeait simplement de mettre une distance entre moi et les autres. C'est la première fois où j'arrive à la réduire, à la franchir, et cela cause tant de douleur à l'autre. Ce n'est peut-être pas la bonne manière de faire, ou ce n'est peut-être tout bonnement pas une chose à faire. Son état, ses interrogations, sont contagieux. La question me revient à l'esprit. Pourquoi est-ce si difficile ? Elle veut que cette situation cesse. Ma bouche se déforme sur le côté, est prise d'un petit spasme, un semi-sanglot. Une larme coule sur ma joue.

-Je te laisse réfléchir, si tu veux, je propose en me retournant, pour ne pas exposer mon propre chagrin. J'ai une chambre aux Trois Corbeaux, dans les quartiers ouest.

Le sentiment de l'abandonner à son sort me déchire, mais je ne vois plus comment faire autrement. En partant, je risque de faire plus de dégâts encore, je n'ai pas beaucoup d'autres choix. Ma présence la bloque, l'embrouille. Elle a peut-être besoin de temps, c'est la seule chose que je peux raisonnablement espérer.

-Tu sais où me trouver. Fais attention à toi, je murmure, en me hissant au dehors.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mardi 05 mars 2013, 00:54:09 »
Après avoir posé sa question, elle se retourne, assez vite. Un instant, je crois qu'elle va me frapper : je suis suffisamment concentré pour ne pas esquisser le moindre geste de défense. Elle m'agrippe. D'un point de vue extérieur, le geste aurait pu paraître assez violent, mais la violence ne traverse pas son esprit, et son geste n'en contient pas plus, quand bien même il ne me met pas en très bonne posture. Ses yeux verts me fixent, essaient de saisir les miens. Je dois faire un gros effort pour soutenir son regard absinthe, alors que mon instinct me pousse seulement à baisser le mien, et à filer sans demander mon reste. Pus grande, plus forte que moi, en me tenant ainsi, elle m'agresse presque... et ça ne me dérange pas le moins du monde. J'affiche néanmoins un air mi-abattu, mi-amusé. Ce qu'elle me demande, je le sais, je n'y trouverai pas de réponse satisfaisante. Je soupire, et lance d'une petite voix.

-Je dois vraiment répondre à ça... ? Yebat', dans les histoires, quand le prince dit à la princesse qu'il l'aime, elle ne cherche pas à comprendre : ils s'embrassent et c'est terminé... Je ne dois pas ressembler assez à un prince, c'est pour ça.

Pourquoi je l'aime ? Un texte de Pascal, un philosophe français, me revient. Il prétendait que l'on ne pouvait aimer une personne qu'à travers ses qualités, son physique, son intelligence, son talent, des traits de son caractère... et pas pour une éventuelle chose immatérielle, une quelconque âme, qu'il était de toute façon impossible d’appréhender. Pascal est sans doute mon auteur préféré, et malgré qu'il n'ait pas disposé d'un centième de mes capacités de calcul, il était un plus grand génie que je ne le serais jamais. Et pourtant, il lui manquait une chose qui aurait peut-être fait changer son appréciation : il était incapable de sonder les esprits comme je le fais, donnant alors corps à cette âme qu'il ne pouvait voir.

-Tu le sais déjà sans doute, je ne connais pas beaucoup de personnes de qui je me sens aussi proche. Mais je ne sais pas trop si c'est le passé qui est important...

Je pourrais lui parler des nombreux éléments qui nous rapprochent. Je pourrais lui parler de son corps, diaboliquement gracieux et sensuel, qui exerce sur moi une attraction charnelle sans précédant. Je pourrais lui parler de son esprit, d'une rare vivacité, que j'ai tant de plaisir à suivre par télépathie. Je pourrais même lui parler des zones de mon cerveau qui sont impliquées dans ce processus d'attachement, je les connais, pour la plupart. Toutefois, ce serait briser toute la magie du phénomène. Je pourrais essayer quelque-chose de poétique, mais j'ai beau avoir en mémoire des milliers de poèmes dans toutes les langues, cela ne fait pas de moi un poète. Alors j'essaie, pour une fois, de mettre des mots sur des choses presque impossibles à mettre en mots. Tant pis, si ce sont des banalités.

-C'est vrai, il y a plein de filles dans les rues... je ne les connais pas, et je n'ai pas plus envie que ça de les connaître. C'est peut-être de la bêtise, de l'obstination, mais pourquoi j'irai à leur rencontre ? J'ai déjà trouvé la personne... enfin...

Une faille dans mon discours, une rupture au milieu d'une phrase. Ça ne m'arrive pas souvent. Je reprends une inspiration, je ne dois pas céder à la panique. Les battements de mon cœur vont jusqu'à frapper mes tempes, la sueur commence à perler de mon front.

-Je n'ai jamais été aussi bien en compagnie de quelqu'un jusqu'ici. Il n'y a personne d'autre avec qui je veux plus être que Vincente Valentyne. Que toi. Je n'ai pas de meilleure explication, désolé...

Ses yeux sont humides. Elle tremble. Je n'ai pas besoin d'une quelconque faculté de lecture mentale pour voir qu'elle est sur le point de basculer d'un côté ou de l'autre. Ce n'est pas facile d'être celui qui doit rester à peu près maître de lui-même, pour soutenir l'autre. Moi aussi, j'ai envie de m’effondrer, de céder à l'émotion. Mais il faut que j'y résiste, encore au moins quelques secondes.

-Tu sais, ce n'est pas quelque-chose de très triste... je suis même sûr que ça peut être assez agréable, peut-être avec un peu de recul...

J'hésite à attraper ses mains pour les serrer dans les miennes. Je crois que j'en ai déjà suffisamment fait en ce sens, je ne veux pas avoir l'impression de la forcer. Si elle veut aller plus loin, elle devra elle-même faire la route. Un vieux titre de Billy Paul, The Times Of Our Lives passe dans ma tête, je ne sais pourquoi : comme s'il sortait d'un Jukebox, le moindre accord de clavier résonne à mes oreilles.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: lundi 04 mars 2013, 14:15:32 »
À défaut de pouvoir anticiper les actions du vieillard, je ne rate aucun de ses mouvements. Je connais plus d'une centaine de signes corporels annonciateurs d'agressivité : j'ai toujours pensé jusqu'ici qu'ils ne me serviraient jamais à rien, comme quoi j'avais tord. Cependant, je dois bien avouer que son visage n'offre pas beaucoup plus de prise que son esprit, je peine à distinguer la moindre expression involontaire. Cet Asul m'inquiète de plus en plus, je n'ai pas l'habitude d'être face à un interlocuteur dont je ne peux rien déduire sur les intentions. Si Vincente n'avait pas eu une telle confiance en cet homme, j'aurais probablement déjà pris mes jambes à mon cou, ou plus probablement je me serai éloigné très prudemment. Bon, elle semble trouver mon angoisse assez ridicule, alors j'évite de trop l'alerter. Si sa relation avec lui marche depuis aussi longtemps, je ne devrais pas la troubler, qui qu'il soit. Je surmonte mon stress en tentant de n'entendre ses paroles par l'intermédiaire des pensées de double V, un exercice difficile mais qui réduit un peu la menace qu'il représente pour mon inconscient.

Lorsque nous ressortons, après qu'elle ait revendu ses bijoux volés, et qu'elle ait pris la température de la ville, je suis quand même très soulagé. Asul n'est pas seulement mystérieux, il est aussi visiblement très puissant, et très informé. La manière dont il parle de s'occuper du trafic d'enfants m'effraie un peu, même si je sais que la cause est probablement juste. Quand j'aurais un peu de temps, je crois que j'essayerai d'enquêter un peu sur ce personnage qui semble presque omniscient. Ma paranoïa doit y être pour beaucoup, mais pendant un moment, j'ai même eu l'impression diffuse qu'il fouillait lui-même mes pensées... à moins que ce ne soit que les quelques coups d’œil qu'il me jetait de temps en temps... Je m'excuse pour mon attitude, alors que nous nous éloignons du repaire du receleur.

-Désolé, ne pas savoir ce que mon interlocuteur pense me met mal-à-l'aise. C'est stupide, la plupart des gens sont toujours dans cette situation quand ils s'adressent à quelqu'un... on s'habitue un peu vite à lire les esprits, je crois.

Puis, sans me donner de nouvel objectif clair, Vincente me mène dans une nouvelle direction. Nous allons vers des quartiers qui ont l'air mieux fréquentés, je ne devrais pas être trop inquiet. Pourtant, sa détermination, et quelques unes de ses pensées que je capte me font pressentir ce à quoi elle aspire. Je me mords la lèvre inférieure, et prépare ma défense : nous continuons à monter dans la ville. Elle m'indique un chemin d'accès qui passe par un peu d’escalade. Sans surprise, je suis obligé d'user d'un peu de télékinésie pour ne pas trop souffrir de l'escalade, ou plutôt parce qu'il s'agit d'une autre de mes mauvaises habitudes. Relativement à mon poids, mes muscles, même avec le retard de développement qu'ils acquiescent, ne sont pas si faibles que ça. Je rejoins immédiatement son avis, l'endroit est exigu, et il n'y a rien à voir, si ce n'est qu'elle possède vraiment des caches partout dans Nexus.

Elle me pose une question, ce à quoi je m'étais attendu. Je ne l'avais néanmoins pas envisagée sous cet angle, et cela m'oblige à revoir un peu ce que j'avais préparé.

-Pourquoi je te suis ? Yebat', tu m'avais dis avoir une dette envers moi, non ? Alors j'attends juste une occasion pour que tu la paie.

Évidemment, mon ton n'a rien de sérieux, mais je la sens si tendue, ne serait-ce que dans l'intonation tremblotante de sa voix, que j'essaie de la détendre en faisant un peu d'humour, alors que moi même je suis loin d'être à l'aise. Seule ma préparation me permet de faire encore un peu de style.

-Sérieusement : je n'ai pas été très loin de la réalité dans ce que j'ai dit à Asul tout à l'heure. Je ne te sers à rien, et je considère qu'arpenter la ville avec double V est un honneur qui ferait envie à bon nombre de personnes.

L'interrogation est simple, et je pourrais la faire tourner assez longtemps en rond sans mentir une seule seconde. Toutefois je vois bien ce que la question implique et où elle veut en venir, et je n'ai pas l'intention de la tourmenter.

-Mais si tu cherches une raison plus profonde, ben... rétrospectivement, je ne suis pas tombé amoureux de toi dès la première seconde, désolé...

Je marque une petite pause, à la fois pour ménager un effet, mais surtout parce que je sens l'émotion me monter à la gorge, la serrant dans un étaux invisible. Je commence à avoir un peu de mal à articuler, à détacher les mots les uns des autres. Je risque de bégayer. Je voudrais aller très vite, pourtant. J'inspire, j'ignore mon cœur qui refuse de se calmer. Je peux bien lui laisser ça, lui qui est d'habitude si régulier et paisible.

-...Cela m'a pris quelques minutes, en fait. Je ne me le pardonne pas, mais il fallait avouer que te poursuivre m'occupait une bonne partie de l'esprit...

Heureusement qu'elle me tourne le dos, finalement, car même ainsi, je ne sais pas où regarder. Il y a un ravin entre connaître dix mille manières de faire une déclaration, et la faire. J'ordonne à mes jambes un peu faibles de rester bien droites, je suis suffisamment petit pour ne pas avoir besoin de m'affaisser plus.

-Je sais, désolé, je te l'avais déjà plus ou moins dis, mais comme on était en train de survoler Nexus sous une pluie de carreaux, je me suis dis que tu avais peut-être mieux à penser à ce moment là.

Je prends mon courage à deux mains, et je fais un pas en sa direction. Pas besoin de plus, dans cette situation, pour être pratiquement collée à elle. Je ne n'avais pas été aussi proche d'elle, en fait, depuis le moment où j'ai renoncé à la capturer. Je tente de poser une main timide sur son épaule, puis une seconde, lui laissant tout loisir de me repousser, ou de s'éloigner. Sa propre incertitude rend tout si difficile... Ma voix devient moins forte, comme si j'avais honte de ce que j'allais dire.

-Mais je comprendrais très bien que ça ne soit pas réciproque, ou que tu préfères ne pas te prendre la tête avec ça. Je ne suis pas grand-chose, alors que tu es Vincente Valentyne. J'hésite, puis je parviens à rajouter, avec une certaine difficulté, les mots se bousculant dans ma bouche : et tellement plus, aussi...

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: dimanche 03 mars 2013, 00:45:59 »
-Reste à savoir si c'est une bonne habitude, alors !

Je ne suis pas sûr que ce soit le cas, mais je refuse d'y voir autre chose qu'un jeu. Je me demande si, si elle avait exercé le métier d'assassin, je l'aurais suivi aussi aisément. À ce que j'ai pu lire sur les avis, elle n'est pas recherché pour meurtre, alors ça ne doit pas trop être dans ses habitudes... à moi qu'elle le cache bien. Accompagner une voleuse, je crois que j'aurais pu tomber sur bien pire, plus violent, plus immoral. Peut-être, si nous coopérons un peu plus longtemps, je pourrais essayer de la diriger vers autre chose. Elle ne manque pas de talent, d'intelligence, d'adresse. Il doit y avoir des activités moins dangereuses et tout aussi lucratives auxquelles elle conviendrait tout autant. Rien d'évident ne me passe par la tête. Tant pis, je continuerai de garder un œil ouvert.

Les chemins que nous prenons me sont pour l'instant inconnus. Pour l'instant seulement, car à mesure que nous avançons, ma mémoire retient tout ce que mes yeux voient, enregistre l'emplacement des bâtiments, la nature des boutiques, le visage des habitants. Enfin, c'est un cul-de-sac auquel nous aboutissons. Je comprends, malgré l'apparente insipidité du lieu, que nous sommes arrivés. Je lance ma télépathie sonder les éventuels esprits présents. J'en détecte un seul, celui d'une femme ; les pensées qui la traversent sont un peu différentes de ce que j'ai l'habitude de lire, pas dans leur contenu, mais plus dans leur couleur. J'en conclus qu'elle n'est probablement pas tout-à-fait humaine. Rien d'agressif ne semble nous attendre derrière cette mystérieuse porte.

-Asul est une femme ?

Je suis un peu perplexe, persuadé de l'avoir entendu penser à son receleur au masculin. Cela prouve bien que je ne suis pas à l'abri d'une erreur d'interprétation, surtout lorsqu'il s'agit de lire un esprit aussi vif que le sien. Il semblerait qu'elle est parfois un peu dure à suivre, aussi bien physiquement que mentalement. Je hausse les épaules : c'est un détail.

Un détail par rapport à ce que je découvre en rentrant. En face de nous se dresse un vieil homme, qui dans son apparence n'a rien de surprenant. En revanche, là où devrait se trouver une trace, même infime, de ses raisonnements, il n'y a rien. Pas la moindre pensée diffuse suggérant qu'il se serait assoupi. Je fronce les sourcils, alors que la femme que j'ai, elle, bien détectée, est appelée. Nous nous approchons, ma méfiance est maximale. Je connais quelques personnes, à Seikusu, dont j'ai été incapable de lire l'esprit, car ils me rejetaient avec violence ; je les évitais soigneusement. D'autres encore parviennent, je ne sais comment, à me faire oublier après coup ce que j'y ai trouvé, du moins je le déduis car ce sont les seules parties de ma mémoire qui sont floues. Lui, il est simplement absent du plan psychique. Je fronce les sourcils, puis je me reprends. Vincente a l'air calme, elle le connaît à l'évidence bien. Elle ne peut pas se rendre compte de son étrangeté. Il pose une question qui la gêne, mais c'est sur un tout autre point.

-Je profite juste de l'honneur qu'elle me fait en me tolérant à ses côtés, je ne lui suis pas très utile...

J'ai pris l'initiative de lui répondre, d'un ton poli et effacé. Je m'efforce de paraître le plus inoffensif possible, et surtout de cacher ma paranoïa qui va croissante à mesure que les scénarios se montent dans ma tête. Je choisi d'en faire part à Vincente : autant qu'elle soit au courant. Je concentre ma télépathie, puis je formule mentalement quelques phrases distinctes. J'ai rarement recours à ce procédé, parce qu'il est plus difficile et plus effrayant qu'une simple parole, néanmoins, mes mots doivent clairement résonner à son esprit :

Fais attention, je n'arrive pas à lire ses pensées. Il n'a pas l'air dangereux comme ça, mais je ne peux pas anticiper ses actions. Je vois deux explications possibles, soit c'est un télépathe d'une puissance incroyable, soit c'est une machine.

Une troisième possibilité me vient en tête. Ce pourrait aussi être un cadavre. Je préfère l'écarter pour le moment.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: vendredi 01 mars 2013, 03:51:17 »
Les galeries, un lieu qui ne met personne vraiment à l'aise, pas même Vincente, qui se méfie des éventuelles mauvaises rencontres que nous pourrions y faire. Je ne sais pas comment elle fait pour se fier aux sens de son hermine, pour ma part, je me contente d'être particulièrement vigilant sur un plan télépathique. Je devrais moi-même être capable de détecter des individus qui s'approcheraient de nous. Heureusement, à part la trace diffuse de quelques rats errants, et un animal plus gros, sans doute un chat sauvage, je ne capte l'esprit d'aucun être vivant. L'obscurité, dissipée uniquement par la lumière du cristal ocre, rend l'ambiance à la fois inquiétante et intimiste. Je me demande, amusé, comment elle réagirait si je lui prenais la main. J'y renonce : elle doit être suffisamment stressée comme ça, retrouver son chemin dans ces tunnels n'est pas chose aisée. Puis nous sortons par une sortie identique à la dernière fois. Elle m'adresse de nouveau la parole.

-Alors ce n'est pas la légendaire double V qui fait la loi chez-elle ? je réplique, malicieux.

J'avais déjà remarqué depuis un temps l'autorité qu'exerçait l'autre fille, Lena, sur l'ensemble de la bande. Quand Vincente sort, ce qui doit arriver assez souvent, ce doit être elle qui s'occupe de gérer tout ce monde. Si même les voleurs se mettent à respecter un emploi du temps, maintenant... Cependant, jusqu'à demain soir, même en comptant le trajet du retour, ça fait déjà pas mal de temps à passer. À passer ensemble. Enfin, c'est probablement que la liste des choses à faire est plus longue qu'elle en a l'air.

Nous marchons. Si ne nous sommes pas dans les bas-fonds, les quartiers que nous traversons ne sont pas très riches pour autant. Nous passons dans une large rue, qui doit servir certains jours de place pour un marché secondaire. Les choses à y voler ne doivent pas manquer. Je suis toujours pas très rassuré, ses explications ne m'ont pas tout-à-fait convaincu : les gardes sont peut-être des pleutres pour leur grande majorité, mais, j'en suis la preuve, certains chasseurs de primes peuvent être particulièrement coriaces. Surtout que les 3000 pièces d'or de la récompense peuvent en faire lever plus d'un. Je dois me faire une raison, Vincente aime vivre dangereusement. J'espère simplement qu'avec moi, cela devient, justement, un peu moins dangereux. Je m’attelle à sonder les esprits des moindres passants, m'attendant à tout moment à ce que derrière une apparence anodine se cache un redoutable tueur à la solde de la garde. Je n'en détecte pas un seul. Je suis peut-être paranoïaque.

Soudain, ma partenaire tourne, s'engouffrant dans une ruelle périphérique. De là, elle dégage au sol, recouvert par un tonneau, ce qui ressemble à une plaque d’égout scellée. Adroitement, elle fait tourner entre ses doigts certaines vis, et le pavé de fer coulisse sur le côté. Elle se saisit, sans que j'ai vraiment le temps de les apercevoir, de quelques bijoux. Je fais le guet, pas très sûr de moi.

-Alors ça y est, je suis officiellement complice de recel... je murmure, sans en paraître très affecté. Je crois que ma conscience va supporte ça. Je souris.

Je n'arrive toujours pas vraiment à me dire que Nexus est mon monde, et ainsi, ses lois me passent un peu au dessus de la tête. Sur Terre, faire une telle chose m'aurait probablement révolté, sur Terra, cela me trouble à peine. Vincente remet la plaque et le tonneau en place, et nous repartons. À mesure que nous marchons, la qualité des rues et des façades m'indique que nous nous rapprochons des quartiers plus aisés. J’aperçois, sur le côté, une échoppe où un homme se fait tatouer sur le bras un symbole que je ne connais pas.

-Tu as déjà pensé au tatouage ? De là où je viens, les, hm, bandits, ont souvent un signe distinctif de ce genre.

Je ne me souviens pas avoir vu quelque-chose de semblable sur son corps, que j'ai eu -il faudrait sans doute que j'arrête d'y penser- largement l'occasion d'observer, mais j'ai peut-être raté un élément déterminant.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: vendredi 01 mars 2013, 01:24:00 »
Les journées me paraissent interminables. Bien malgré moi, je dois avouer que je me suis rarement autant ennuyé. Je ne peux décemment pas m'éloigner du camps, terrorisé à l'idée qu'on vienne troubler sa quiétude sans que je sois présent pour le défendre (et les nouvelles de destructions et de pillages qui viennent des environs ne me rassurent pas). Mais ici, il n'y a rien, pas de cinéma, pas de télévision, pas même un livre. Je m'occupe comme je peux, mettant mes capacités au service de quelques tâches qui auraient été autrement hasardeuses. Certaines choses sont plus faciles à faire, par télékinésie. Je ne peux pas dire non plus que je m'intègre très bien à la communauté ; je n'arrive pas vraiment à leur parler, à avoir des conversations intéressantes avec eux. Eux, m'intègrent en revanche correctement, ils essaient de m'adresser la parole, et le fait que je puisse les aider me rend à leur yeux un peu plus sympathique, encore que je continue à en effrayer.

Un seul moment me paraît passer beaucoup trop vite : ce sont mes courtes, trop courtes, entrevues avec Vincente. Je sais qu'il faut qu'elle se rétablisse, mais j'aurais tellement préféré qu'elle puisse me parler plus longtemps. Pourtant, à chaque conversation, j'ai l'impression qu'elle m'esquive. J'ignore pourquoi, et c'est aussi son cas, malheureusement, ma présence directe semble un peu la mettre mal-à-l'aise. Je ne sais pas comment le prendre. Parfois, elle commence à aborder très vite un sujet, comme si elle cherchait à m'empêcher de mener la conversation comme je l'entend. Cela me frustre, car au bout de quatre jours, j'ai la sensation que nous n'avons rien échangé, quand bien même j'ai appris dans cet intervalle de temps plus sur Nexus que sur de nombreuses villes terriennes. Je suis beaucoup moins perdu sur un plan culturel, géographique, moral. Sur le plan de mes objectifs, au contraire, je n'ai jamais été dans un tel brouillard.

Je suis content, lorsque, enfin, Vincente se considère rétablie. Pas seulement parce qu'elle est de nouveau sur pieds, que sa rémission s'est bien déroulée, mais aussi parce que je vais enfin pouvoir bouger. L'oisiveté et l'immobilité étaient en train de détruire, pour un peu, je me serai cru de retour dans le bunker-laboratoire, enfermé dans quelques pièces exiguës. J'attends au dehors que double V s'habille et s'équipe. A-t-elle ressenti mon ennui ? Je lui suis en tout cas très reconnaissant de me prendre avec elle pour régler ses affaires. Je n'aurais pu rêver meilleure occasion de la côtoyer de façon naturelle, là où nos conversations finissaient par être lourdes et pleines de gêne. Puis elle me rejoint, je la vois s'approcher. Ses mouvements sont toujours aussi gracieux et assurés que dans mes souvenirs, malgré ses blessures pas tout-à-fait disparues.

-Alors, où allons-nous ? je demande, enthousiaste.

Je lui demande, oui, plutôt que de lire directement dans ses pensées. Cela évite les confusions, et entendre sa voix est assez agréable, en réalité. Dans sa tenue, seul un élément nouveau est apparu, un animal blanc, une sorte de belette. Je sais qu'il s'agit d'une hermine. Je n'en avais jamais vu en vrai avant, encore moins des dressées, et je trouve amusant qu'une telle espèce se retrouve ici, à Nexus. Les bêtes sont facile à influencer, par télépathie. Prévoir leur réaction est plus difficile, et je les trouve un peu aléatoires. Je juge le risque qu'elle représente tout de même assez faible. Par contre, je constate que c'est quand même un signe particulier vraiment frappant. Combien de personnes se baladent avec un mustélidé sur leur épaule ?

-Tu n'as jamais peur qu'on te reconnaisse, dans la rue ? Si la garde était plus organisée, ça serait un enfer. Je m'inquiète déjà.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: jeudi 28 février 2013, 01:20:03 »
-Pas terrible... Vous avez l'air très solidaires. Tu as des gens qui tiennent à toi, c'est déjà plus que beaucoup.

À commencer par moi, je songe. Mes amis se comptent sur les doigts de la main, les personnes avec qui j'ai eu une conversation amicale sont à peine plus nombreux. Je ne veux cependant pas lui transmettre mon impression globale de solitude. Vincente est sans doute la seule personne à qui j'ai réellement été utile jusqu'ici dans ma vie, et encore, cela découle d'une erreur de ma part... Je sais ce qu'est devenu Squall, un parfait accroc au sexe, et j'avoue que je m'en sens un peu coupable : c'est ma seule faute s'il a rencontré Ivy, cette dangereuse nymphomane aux expériences végétales douteuses. Quant à Amaluna, malgré ma télépathie, je n'ai rien pu faire contre la maladie mentale qui la ronge toujours, emplissant son esprit d'une trame d'illusions sans fin. De là à me sentir fier, au final, d'avoir sauvé double V, il n'y a qu'un pas... sa conviction déteint un peu sur ma mienne. Et puis, je crois que ça m'arrange un peu.

Elle avance que je n'ai nulle part où aller. C'est faux. J'ai loué une chambre d'auberge pour un mois, payé d'avance. C'était moins cher. Je ne lui dis pas, c'est inutile. Je n'ai aucune envie d'y rentrer, même si cela implique de dormir à la belle étoile et sans couverture, devant sa cabane. J'ai encore des choses à lui dire, surtout qu'à présents, nous sommes seuls. Enfin, presque, puisqu'une des filles écoute à la porte. C'est presque comme si elle n'était pas là. J'hésite. Je suis sur le point de me lancer lorsque l'espionne débarque. Je soupire, mais elle a raison, il est temps de la laisser se reposer. Je ne sais pas combien de temps va durer son rétablissement, je sais simplement que je resterai au moins aussi longtemps dans les alentours du camps, pour m'assurer qu'il ne soit perturbé par personne. Je lui lance un dernier sourire, et essaie discrètement d'introduire chez-elle un peu de bien-être par télépathie.

Je m'éloigne avec Lena. Si ses quelques cheveux gris sont la conséquence des difficultés qu'elle a rencontré dans la vie, quel genre d'horreurs à donc pu endurer Vincente pour qu'il ne lui reste plus aucune mèche colorée ? Je n'ai qu'une partie des réponses, je ne suis pas sûr de vouloir en savoir plus. La jeune femme m'explique brièvement le fonctionnement du camps, l'importance qu'à double V pour leur survie à tous, et surtout pour celle des moins âgés. Je comprends mieux leur émoi lorsqu'elle est rentrée blessée. Ils l’appellent grande-sœur, mais elle a presque le rôle d'une mère, les protégeant, les nourrissants. Cela ne me surprend plus beaucoup, j'ai compris depuis qu'elle n'était pas une voleuse comme les autres. Je sens que je vais finir par légitimer le vol, moi qui ai toujours aimé un certain ordre social. Et après tout, pourquoi pas ?

Manger, à présent, on me le propose, et ce n'est pas superflu. J'ai ignoré dans la journée les signaux de détresse envoyés par mon estomac, mais mon corps à des limites physiques. À ne pas me sustenter, je risque de tout simplement m'évanouir. Je crois qu'ils n'ont pas besoin d'une autre personne en sale état, j'accepte donc ce qu'ils me proposent. À première vue, cela me semble mauvais : des morceaux de viande rouge flottant dans une bouillie brunâtre. L'aspect repoussant n'est toutefois rien comparé au goût terrifiant de la mixture. Je crois n'avoir jamais rien mangé d'aussi immonde, et soudain, les tripes qu'on m'a servies à l'auberge me paraissent un met de luxe. Avaler chaque bouchée est presque aussi dur que de voler sous une pluie de carreaux... Je prends sur moi pour ne pas faire la grimace et pour en finir la plus grande partie. Je ne veux pas insulter leur spécialité locale, quand bien même elle est à base de rat.

Puis on m'indique une cabane, que je partagerai avec deux autres garçons. Ils sont assez jeunes, alors je ne crains pas trop qu'ils se montrent hostiles. Il y a un trou dans le coin gauche de la hutte, qui laisse passer la lueur des étoiles, et parfois quelques courants d'air. Je me place dessous. Une couverture me fait office de matelas -je me félicite déjà qu'elle ne soit pas envahie de vermines-, alors qu'on en a laissé une autre, plus petite, pour me couvrir. Je m'assois, rabat le drap sur moi. Je m’allonge. Les minutes passent sans que je parvienne à fermer les yeux. Je me tourne sur le côté. Je me remets sur le dos, au moins, j'ai vue sur la voie lactée... ou ce qui équivaut dans ce monde. J'entends les légers ronflements émis par mes deux partenaires de chambres. Ils dorment déjà, sans doute éreintés par une journée difficile.

Mes pensées vagabondent, me maintiennent éveillé. Elles convergent toutes vers la rencontre avec Vincente. Je me souviens dans les moindres détails de ma mémoire absolue notre course-poursuite, puis le moment où, enfin, je la tiens. Un bref échange, et je commence à la déshabiller. Mon cœur s’accélère quand je révèle son abdomen délicat mais musclé, sa poitrine, encore couverte. Ma main passe sous la couverture, sous mon pantalon devenu trop étroit, vient libérer ma verge dressée. Mon autre bras va chercher ma tunique, et la relève assez haut. Je retire le tissu qui cache son buste. Mes doigts commencent à faire des va-et-vient, d'abord timides. J'enlève son short, je contemple ses jambes, taillées pour les sprints, les sauts. Une chaleur familière commence à monter en moi. J'hésite, je fais glisser son dernier vêtement ; je me reprends, je le laisser retomber. Je me sens stupide, pourquoi n'ai-je pas été plus loin ? Il ne m'en aurait pourtant rien coûté, elle m'aurait sans doute pardonné de la même façon. Le rythme de ma main augmente, son trajet, de haut en bas, devient presque machinal. Je passe la frustration. En accéléré, Vincente se retrouve au-dessus de moi. Sa main tient mon cou, bloquant légèrement ma respiration. Un mouvement de plus, je ne sais pourquoi, fait frisonner tout mon être. Je laisse échapper un gémissement. Ses seins blancs qui oscillent, sa transpiration, son odeur. Mes muscles se contractent, j’accélère encore. Ses yeux verts, humides, désespérés, sa rage, presque bestiale. En plusieurs jets, le liquide laiteux se répand sur mon ventre nu.

Je continue encore quelques secondes, puis j'arrête. Je réajuste la couverture. Je m'endors. Enfin.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mercredi 27 février 2013, 14:24:31 »
Je la sens qui se réveille : sa conscience s'éveille, difficilement, mais elle est bien là, elle n'a pas disparu. Le plus dur est fait, je crois, elle devrait se rétablir maintenant. Il est près de six heures du soir, si du moins le soleil s’attelle ici à la même course que sur Terre. J'ai attendu toute la journée, je n'ai pas mangé. L'utilisation de mes pouvoirs me fait perdre beaucoup de calories, c'est sans doute la raison, d'ailleurs, de ma petite taille et de ma faible carrure. Toutefois, je ne me voyais vraiment pas d'aller quémander de la nourriture à la bande de double V, je ne sais même pas s'ils en ont assez pour nourrir tous leurs membres. J'avais l'impression d'être faible, jusqu'ici, mais la fatigue se dissipe lorsqu'elle revient à elle. C'est stupide, parce que ce n'est qu'un élément parmi d'autres de son passé proche, mais je suis content de faire partie du premier souvenir qui remonte à elle.

Je fronce les sourcils lorsque sa douleur reprend vivement. Ces gamins pourraient un peu faire attention. Enfin, ils ont l'air de tenir à elle autant que moi, ce qui est d'autant plus compréhensible qu'ils la connaissent peut-être depuis toujours. Finalement, nous ne nous sommes côtoyé que pendant un temps assez court, et pas vraiment très agréable. Je ne sais pas trop pourquoi son sort m'importe autant. Je me demande si ce n'est qu'un effet de la culpabilité. Je suis le seul et unique responsable de ses blessures, après tout. Mais enfin, si ça n'avait été que ça, peut-être serais-je déjà parti. Je m'attends à passer une nuit dehors, alors qu'elle va sûrement se rendormir sans plus se préoccuper de moi. Mon cœur bondit lorsqu'elle demande à un jeune homme d'aller me chercher. Ça ne lui fait pas très plaisir, je crois, il est surtout perplexe. Je me lève, et je me dirige vers la cabane.

-Elle a demandé à te voir, il m'avertit, alors que nous nous croisons.

Je hoche la tête ; j'étais déjà en chemin avant qu'il ne me dise quoi que ce soit. Concernant ma capacité à lire les esprits, ce n'est pas très discret, et son interrogation à mon égard doit encore croître. Je n'en ai pas grand-chose à faire. Je prends une grande inspiration et entre dans la hutte. Je vois tous les yeux de ces enfants, qui m'observent. Cela ne me met pas trop en confiance, ils se demandent tous pourquoi je suis là. Je n'ai pas de réponse à leur apporter. J'essaie de les ignorer. Une fois que mon regard s'est posé sur Valentine, ce n'est pas si difficile.

-Alors, comment vont les 3000 pièces d'or ?

Mon sens de la plaisanterie est toujours aussi maladroit, mais ne rien dire m'aurait fait paraître encore plus idiot, encore que. C'est amusant de savoir qu'elle considère avoir une dette envers moi, alors que me sentant responsable de son état, je songe au contraire que c'est moi qui dois me racheter. Je reste quelques secondes silencieux, à regarder son visage fatigué. Je m'égare dans ses iris verts, j'avale ma salive avec difficulté. Je sens le malaise de l'assemblée face à mon mutisme, et il se transmet aussitôt à moi. Je me décide à ouvrir de nouveau la bouche.

-Ça aurait été plus élégant de partir sans bruit, comme un loup solitaire, avant que tu te réveilles, pas vrai ? Je n'ai peut-être pas assez travaillé mon personnage...

Il y a un peu trop de monde pour les déclarations plus intimistes, je crois. Pas facile d'avouer à quelqu'un ce que l'on ressent lorsque le matin même, on manquait presque de la violer pour une raison douteuse, et qu'en ce moment même, les regards interrogatifs d'une dizaine de gamins sont braqués sur soi. Surtout que je n'ai aucune expérience dans le domaine, les idées qui me viennent sont toutes extraites de films ou de romans. Je trouve ça un peu ridicule. Je me mors la lèvre inférieure, embarrassé.

-Je voulais juste, hm, m'assurer que tu te remettais bien. Je ne vais pas t'embêter plus longtemps, je crois que j'ai déjà fais assez de dégâts comme ça, je conclus, avec un sourire un peu mélancolique.

Je me retiens d'ajouter une dernière phrase plus conditionnelle. Même si j'en ai très envie, ça ne serait pas très digne, je pense.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mercredi 27 février 2013, 01:25:17 »
Je suis nerveux, mais je sens un grand soulagement chez Vincente, alors cela me rassure un peu. Elle a l'air de bien connaître l'endroit. Peut-être y a-t-elle des amis, je me mets à espérer qu'elle connaisse une guilde de voleur organisée, un apothicaire retiré, ou même une vieille femme avec quelques connaissances en herboristerie. Finalement, contre toute attente, c'est une bande de gamins qui nous accueille. J'aurais préféré quelque-chose de plus sûr, mais enfin, c'est mieux que rien. Ils ont l'air d'être des durs, leur posture, leur attitude reflètent, je crois, une connaissance de la rue. Leurs pensées sont agitées, parfois agressives, envers moi. Ils se demandent qui je suis. Double V leur répond, elle fait de moi son sauveur. Elle oublie de leur dire que c'est de ma faute si elle a pris le moindre risque, et si elle est actuellement dans un si sale état. Je n'en rajoute pas. J'aurais du mal à les maîtriser tous.

-Faites attention, elle a reçu un carreau d'arbalète à la poitrine, j’avertis, d'une voix un peu trop absente, même pour moi.

C'est étrange, mais quand ils enlèvent Vincente de mon épaule, je me sens attaqué, j'ai l'impression qu'on me vole un bien précieux ; bien plus précieux que 3000 pièces d'or, je pense. C'est à contrecœur que je leur cède son corps. Je la vois partir. Ils s'en occuperont sans doute beaucoup mieux que moi, quand bien même mes connaissances en matière de médecine n'ont rien à envier à un praticien professionnel. Je regarde d'un mauvais œil les instruments de premiers secours que va chercher une autre fille, Lena. Elle est assez jolie, elle aussi, ses cheveux sont plus longs que ceux de Vincente, plus sombres aussi : cependant, certains sont gris. Je m'interroge sur ce qui peut expliquer une telle couleur, pourtant peu courante à cet âge. Il est possible que les génotypes de Nexus présentent-ils des variations endémiques. Ou alors, cela est causé par l'environnement. Où sommes-nous, au juste ?

De petites cabanes, quelques arbres, dans un terrain qui n'a pas été entretenu depuis sans doute des décennies. Il y a des herbes folles partout, les sentiers ne sont tracés que par le passage incessant des enfants. Ce n'est pas vraiment le lieu parfait pour garantir l'hygiène. Au moins, je suppose que nous y seront en sécurité. Double V a beau m'avoir introduit correctement, je sens ses compagnons suspicieux. Ils ont l'air de beaucoup tenir à elle, quel autre genre de personne appelle-t-on grande sœur ? Je ne sais même pas s'il existe un vrai lien familial entre eux, je ne pense pas. De tous les souvenirs que j'ai capté, aucun n'avait de rapport avec une éventuelle fratrie. J'en conclus qu'il s'agit probablement d'enfants abandonnés qui se sont regroupés pour survivre. Certains sont plutôt jeunes, quelques uns ont mon âge, voire sont un peu plus vieux. Avec mon mètre cinquante, je suis à peu près dans la moyenne de taille. Aucun, cependant, n'est réellement adulte. Cela me fait penser au pays imaginaire de Peter Pan, où se cachaient ceux qui ne voulaient pas grandir.

Maintenant que Vincente est inconsciente, je me sens seul. Les autres membres de la bande semblent avoir un peu peur de moi. Je ne sais pas trop quoi faire, alors je m'assure qu'elle se rétablit bien. Par le biais de ma télépathie uniquement, hélas, parce que le plus vieux des garçons n'a pas voulu que je pénètre dans la cabane où elle se repose. Je n'ai pas pour habitude d'être inactif, je déteste ça, pourtant, je reste oisif. Je suis assis sur une grosse racine, juste en périphérie du camps. Je m'assure que personne de suspect ne vienne nous déranger. Je regarde le soleil de midi, le ciel bleu. Il y a quelques nuages à l'horizon. Quand va-t-il pleuvoir ? Je pourrais essayer de développer un modèle météo, un exploit que seules les puissances de calculs de ses dix dernières années ont permis, et qui m'est accessible, au prix de plusieurs heures de concentration. En d'autres circonstances, cela m'aurait amusé. Je n'en trouve pas la volonté.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mardi 26 février 2013, 22:26:57 »
C'est un peu la panique. Je n'ai pas vu les flèches fuser, je n'ai pas réussi à les anticiper, et pour cause : ce sont des carreaux d'arbalète. La technologie à Nexus est plus avancée que je le croyais. J'ai lu dans un livre d'histoire traitant de l'armement médiéval qu'un carreau peut atteindre plus de 300km/h en vol. Heureusement, nous sommes déjà assez loin, et une fois les premiers traits manqués, je peux entamer une manœuvre d'esquive assez maladroite. Je peux arrêter même des balles, mais pas dans cet état, et surtout, pas à cette vitesse. Je n'ai pas trop le choix, et je dois suivre l'indication que me donne Vincente. Brusquement, je nous fais perdre de l'altitude, et finalement, nous atterrissons sur le sol d'une ruelle mal entretenue. Je suis sûr de ne pas avoir été touché, et pourtant, j'ai une impression dérangeante.

Cependant, je n'ai pas le temps d'en chercher l'origine. Malgré ses blessures, double V trouve un passage dissimulé, et s'y engouffre aussitôt. Je ne sais pas d'où elle tire toute cette vigueur, sa volonté est impressionnante. Je ne suis pas très confiant, mais je la suis tant bien que mal, je ne suis pas très à l'aise lorsqu'il s'agit de prendre des échelles.

-Tu es sûre que c'est une bonne idée ? je m'enquière, inquiet.

Je ne connais pas la ville, mais les souterrains sont rarement les endroits les mieux fréquentés. Je pense d'abord qu'il s'agit d’égout, et m'attend à un milieu humide. Son explication me rassure un peu. J'espère simplement qu'il n'y a pas trop de rats. En grand nombre et de la taille de chats, je ne doute pas qu'ils puissent s'en prendre à des humains blessés. Je me rends compte en même temps qu'elle qu'elle est blessée, identifiant la cause de mon désagréable sentiment. Elle a probablement été touchée par un carreau. J'essaie de ne pas trop m'alarmer. Paniquer ne résoudra rien. Nous aurions été sur Terre, j'aurais pu appeler une ambulance, ou trouver un médecin... Je n'ai que des idées très théoriques concernant la façon dont soigner ce genre de plaie sans le matériel moderne. Vu le niveau d'hygiène de Nexus, à peine supérieur à celui d'une cité médiévale, la moindre entaille peut s'infecter.

-Il va te falloir des soins, yebat... Tu ne peux pas continuer à perdre du sang comme ça, tu vas t'épuiser.

Et notre survie de tous les deux en dépend. Si ce qu'elle dit est vrai, elle ne doit surtout pas perdre conscience, où je me retrouverai perdu. Je ne pourrais pas la sauver si je suis désorienté, sans connaître les sorties d'une galerie obscure. Mes pensées sont tellement occupées que je remarque à peine son cristal lumineux. J'aurais le temps de me demander comme celui-ci fonctionne plus tard, quoiqu'il soit fascinant que la population ait trouvé par la magie comment se passer de technologie. Cela explique, d'ailleurs, peut-être, leur retard. Lorsqu'on est capable de s'éclairer grâce à des objets ensorcelés, peut-être n'a t'ont pas besoin d'électricité. J'ai senti qu'elle tenait beaucoup à son manteau. Je n'ai pas le cœur à l’abîmer, alors je modèle un champ de force très fin, suffisamment pour être tranchant, et coupe sans faire d'histoire une manche à ma tunique de cuir.

-Bouge pas. Je ne crois pas que ça va être très agréable.

La bandelette s'enroule autour de son torse, garrottant la blessure, et coupant court à tout risque d'hémorragie. J'essaie de rendre le processus le moins douloureux possible, mais je n'ai rien qui soit susceptible d'atténuer sa souffrance. Je ne veux pas la vexer en la portant pendant tout, toutefois, je crains qu'inexorablement, ses forces déclinent, aussi j'opte pour une solution entre les deux. Sa jambe droite peine à la supporter son poids, alors j'allège la charge qui lui pèse en la soutenant par télékinésie. Ma tête est brûlante, j'ai l'impression que le métal de ma colonne vertébrale est chauffé à rouge. Mon visage est trempé par l'effort que j'ai fourni jusqu'ici, heureusement à présent, il est plus modéré : je peux m'en remettre à mon propre corps pour marcher. Je ne sais cependant pas combien de temps cela va continuer. Je me contente de nous diriger selon ses propres instructions.

-Tiens bon. Il doit bien y avoir une hospice quelque part...

Je n'y crois pas moi-même, quand nous serrons sorti, je ne sais pas où, il y a peu de chance que nous tombions sur ce genre de lieu. Au fur à mesure que nous avançons, je dois la soutenir de plus en plus, et je sens qu'elle ne tiendra plus longtemps. Je commence à être réellement désespéré. Si je m'en sortirai peut-être, ne serait-ce qu'en me reposant puis en forant le plafond jusqu'à la surface, ça ne serait probablement pas son cas.

-Une sortie !

En effet, avec soulagement, je distingue une lumière, au loin. Je n'ai aucune idée de l'endroit sur lequel le boyau débouche, peut-être sur quelque-chose de pire. Je capte d'autres esprits dans les alentours. Je grimace, leurs quelques pensées arrivant à moi : il s'agit de bandits, en tout cas des individus peu recommandables. Nous avons suffisamment d'équipement sur nous pour les intéresser, et je suis épuisé.

-Il y a d'autres individus, là-bas. Je ne sais pas si je pourrais t'en protéger, je suis désolé...

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Archives / Re : Kama sutra
« le: mardi 26 février 2013, 19:30:45 »
À Vincente Valentyne, pour l'ensemble de son œuvre. :)

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mardi 26 février 2013, 19:03:53 »
Cette fois je souris vraiment, avec sincérité. Cela ne m'arrive pas souvent : la plupart du temps, je n'ai l'air sympathique que pour ne pas paraître trop étrange. Montrer un peu ses dents aide à se faire accepter en société. Mais ici, une vraie satisfaction m'habite, alors que je capte quelques pensées positives de double V. Je ne pense pas être digne de l'attention qu'elle me porte, et pourtant, je crois maintenant que j'aurais fais n'importe quoi pour arriver à cela. Étrange qu'une route aussi chaotique m'y mène : tout aurait pu si mal tourner. J'aurais eu l'air vraiment stupide au final, avec mes 3000 pièces. Mon cœur me fait mal, il frappe ma poitrine un peu trop fort, et ça n'a rien à voir avec l'énergie que j'ai dépensé jusqu'ici. Une sensation que j'ai toujours ignorée, jusqu'ici, je me disais que c'était quelque-chose destiné aux gens incapables de faire abstraction de leurs émotions. J'avais peut-être raison, mais je me rends compte que je suis exactement dans le même cas qu'eux. Toute la puissance de calcul du monde n'y fait donc rien.

-Tu vas pas t'en sortir, tu le sais. Et ça va être ma faute... Hors de question, si tu te fais attraper, autant que ce soit moi qui empoche la récompense. Difficile de savoir si je suis sérieux. Je ne pense pas l'être : la perspective d'une prime ne me paraît plus du tout aussi alléchante.

Son impression que je lis dans son esprit, quand je la vois commencer à essayer de se mouvoir, rejoint la mienne. Ses chances de fuite sont presque inexistantes, surtout que j'ai du la priver des quelques artifices d'urgence qu'elle gardait sur elle en cas de situation difficile. Son manteau blanc, sur ses épaules, paraît une charge trop lourde pour son corps blessé. Il ne l'est pas pour moi, loin de là. Je cherche des yeux un meuble un peu lourd, et je n'en trouve aucun. Tant pis, je saisi une table basse et l'envoie barrer l'escalier qui mène à l'étage inférieur. J'y ajoute un tabouret, semblable à celui qu'elle m'avait jeté, et les quelques tringles à rideau qu'il reste. C'est une manœuvre qui semble un peu désespérée... Cela fera peut-être perdre un peu de temps aux gardes, ou du moins, les fera hésiter un instant. Puis je prends une grande respiration, en prévision de l'effort à venir, et qu'il va me falloir soutenir.

-Désolé si ça te rappelle de mauvais souvenirs.

Elle s'élève de quelques centimètres au-dessus du sol, comme si une plate-forme invisible venait de surgir sous ses pieds. J'essaie de rendre ça le moins contraignant possible, mais je dois quand même m'assurer qu'elle ne tombe pas. Je referme le champ télékinétique pour enlacer le bas de ses jambes. Cela devrait suffire. Puis je m'occupe de moi, et me soulève à mon tour. Sans lui laisser trop l'occasion de protester, nous passons par-dessus le balcon où elle avait envisagé de sauter avant que je l'intercepte. Flottant dans l'air d'abord avec une certaine lenteur, j'accélère et j'augmente l'altitude. Il faudrait mieux que les soldats ne nous aperçoivent pas, je ne suis pas sûr d'être capable de dévier une pluie en flèche tout en faisant voler deux personnes. Nous sommes à une vingtaine de mètres de hauteur, et seuls quelques bâtiments parmi les plus majestueux nous dépassent encore. Je préfère ne pas trop regarder en bas, le vertige pourrait me déconcentrer. Après une hésitation, j'augmente encore la vitesse de notre déplacement. Je n'ai pas très envie que l'exercice dure trop longtemps. Le vent me cingle le visage.

-Tu ne devrais pas en douter, tu es la personne la plus attirante que j'ai jamais rencontrée, j'arrive à articuler, la mâchoire serrée par l'effort.

C'est un peu sournois de ma part de lui dire ça alors que nous sommes suspendus au-dessus du vide, et qu'elle n'a certainement pas envie que je la laisse tomber. Je ne sais pas vraiment pourquoi cette phrase a traversé mes lèvres. Quand bien même elle répond directement à ses pensées, elle me gène un peu, après coup. Je tente finalement de changer de sujet, retour à des choses plus terre-à-terre.

-Tu as une planque, un endroit où te cacher ? On peut aussi prendre le portail dont je t'ai parlé...

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mardi 26 février 2013, 15:30:51 »
Sa voix, ses propos plutôt, sonnent familiers à mes oreilles. Depuis Jules César, déjà, les hommes cherchent à laisser une marque dans l'Histoire. Je ne crois pas que beaucoup puissent réussir mieux que lui, et pourtant, certains ont bien plus. Je suis, en terme de Q.I, bien plus intelligent que Jules César, je suis plus puissant que lui, je lis même dans les pensées ! C'est évident, maintenant qu'elle l'évoque, que mon comportement, ma volonté de devenir chasseur de primes, sont liés à ce désir de notoriété, de persistance. Cela paraît peut-être un peu puéril, et pourtant, quel autre but viser ? La richesse, le pouvoir, même la connaissance, que j'aime tant, ne sont, je crois, que des moyens, pas des finalités.

-Et si j'avais capturé double V, tu crois que moi aussi j'aurais laissé quelque-chose à la postérité ? Je m'appelle Archie. Tu pourras t'en souvenir comme celui qui a failli attraper double V...

Je me retourne, à présent certain qu'elle s'est habillée. Je songe avec regret que ce serait sans doute la seule fois de ma vie où je l'aurais vue dans cet état, enragée, dangereuse et si sensuelle en même temps. Ça n'a pas d'importance, pour moi, une fois correspond à toujours. Ce pan de ma mémoire ne s'effacera qu'à ma propre mort. J'essaie de faire de l'humour. Ce n'est pas très naturel pour moi. Je sais qu'il faut sourire, alors je souris un peu timidement, pas tellement sûr de ce que je suis en train de dire.

-... avant d'être vaincu par ses charmes, j'avance, sur un ton que je veux amusé. L'idée pourrait assez bien appartenir un récit épique, cela me plaît.

Elle souffre, physiquement. Peut-être plus que moi, et ce n'est pas peu dire. Notre course-poursuite a du épuiser ses muscles, et le déchaînement d'émotions qu'a provoqué la rétrospective de sa vie a du épuiser son esprit. Le moindre mouvement, le simple fait de se replacer, lui fait mal. Moi, je m'en sors avec quelques bleus, une entaille à la poitrine, et le dégoût de m'être trompé. Je n'aime pas me tromper : je dispose de tous les outils pour ne pas le faire, alors quand cela arrive, je me considère être comme le seul coupable. Je n'aurais pas du me lancer aussi vite dans quelque-chose, pas avant d'appréhender toute la complexité de ce monde.J'ai largement pêché par impatience. Je vais maintenant devoir réparer mon erreur, c'est la moindre des choses.

-Je suis désolé de t'avoir mise en danger sur le moyen terme. Je ne crois pas que tu sois capable d'échapper à un garde, même boiteux, dans cet état... Si tu veux, je connais l'emplacement d'un portail vers le monde d'où je viens. Personne ne t'y chercheras, là-bas, tu pourras récupérer... Même y rester plus longtemps si tu veux.

Je ne vois pas tellement comment je peux l'aider autrement, de toute façon. Puis j'entends des pas, suivis de frottements métalliques, qui proviennent des étages du dessous. Ils ne peuvent être produits que par des hommes armés. Des hommes armés qui se dépêchent. Je ne sais pas vraiment qui a appelé la garde, peut-être quelqu'un a-t-il été gêné par toute l'agitation engendrée par la traque.  Le propriétaire de l'endroit où nous-nous trouvons, possible. Il n'aura pas grand-chose à me reprocher, si ce n'est l'état d'un rideau et l'intrusion chez-lui. En revanche, s'ils l’interpellaient, double V risquait gros. Je perdrais alors tout, la prime, et ce que je pense juste.

-Je crois qu'il ne faut pas trop s'attarder ici. Je vais rester avec toi, si tu veux. Tu peux marcher ?

Si ce n'était pas le cas, je me sentais capable de la transporter, elle n'était pas si lourde. Et quand bien même elle aurait pesé une tonne, je crois que j'aurais trouvé l'énergie de la porter jusqu'au bout du monde.

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Ville-Etat de Nexus / Re : Le coup de filet [VV]
« le: mardi 26 février 2013, 01:21:58 »
J'esquisse une nouvelle grimace lorsque je comprends qu'elle a repéré ma faiblesse. La suite, je le sens, ne va pas beaucoup m'amuser. Sans mes capacités de télékinésie, je suis sans défense, surtout face à un adversaire aussi expérimenté. Je connais bien quelques techniques d'art martiaux -en réalité, je connais parfaitement la théorie d'un bon millier d'entre-elles- mais mon corps n'est pas suffisamment fort, je le sais, pour les exploiter correctement. Je n'ai de toute façon pas trop le temps de réagir qu'elle est déjà sur moi. Son style est efficace, et je serais admiratif si je n'en étais pas l'impuissante victime. Sans trop savoir comment, je me retrouve sur le sol, encore. Je gémis, alors que mon dos percute le plancher. Un éclair de douleur fait claquer ma mâchoire, avec la souffrance, quelques larmes viennent surgir au coin de mes yeux. Je n'y prête pas attention. Je ne peux pas me le permettre.

J'ai bien senti qu'elle allait tenter de me frapper. Si elle s'y prend avec suffisamment de volonté, et enfonce son poignard dans un point critique, ma tête, ma gorge, mon cœur, je ne pourrais pas y faire grand-chose. Peut-être mes implants se rebelleraient-ils et auraient, dans un dernier maestrom, englouti au moins l'étage entier, si ce n'était le bâtiment, mais dans tout les cas, je n'y survivrais sans doute pas. J'aurais eu la satisfaction de l'emporter avec moi, tout en agonisant. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment une satisfaction, en fait. La perspective n'est pas très alléchante, alors je décide de tenter de rester en vie. Heureusement, ses coups manquent de précision. Elle abat sa dague au hasard, ou presque... ce qui me permet de l'influencer légèrement pour qu'à chaque fois, ils ne tombent pas sur moi.

La première chose à laquelle je pense est donc ma défense. Néanmoins, d'autres éléments parasites viennent rendre l'exercice d'une difficulté élevée. Avant même d’interpréter ses propos, qui me paraissent alors comme un long flux de paroles impossible à interpréter, ce sont mes yeux qui dirigent mon cerveau. Elle est à califourchon sur moi, sa poigne sans douceur sur mon cou, ce n'est pas une sensation très agréable, et pourtant. Elle est toujours presque nue. À chaque coup, le muscle de son bras gauche se tend, son dos se courbe, sa poitrine remue un peu. Puis, c'est son odeur qui arrive à mes narines. Elle sent la sueur, la transpiration, je peux même distinguer son haleine. Ça non plus, étrangement, cela ne me dérange pas, au contraire. Je ne peux décidément pas dire, que, physiquement, c'est plaisant, mais je dois avouer, malgré moi, qu'il y a quelque-chose d'excitant à tout cela. Peut-être est-ce parce que je n'ai jamais été aussi proche de mourir ? Si l'ange de la mort ressemble à cela, je songe que ce n'est pas si mal, de mourir. Distrait, je manque de dévier un coup, et celui-ci glisse in-extremis sur une de mes côtes, laissant un trait sanglante très superficiel. La douleur me fait reprendre un peu mes esprits, et le sens des priorités.

Enfin, elle s'effondre sur le côté. Un peu de répit. Je cesse de n'être qu'un sac d'émotions contradictoires. J'arrive à réfléchir, à interpréter ce qu'elle m'a crié. Ma mémoire absolue m'aide à faire en un instant le tri dans les sons que j'ai entendu. Les images que renvoient les images que j'ai capté dans son esprit sont chaotiques, tout s'y entremêle. Je n'ai jamais ressenti une telle confusion depuis ma rencontre avec Amaluna, une schizophrène à un stade critique. Je vois le visage de sa mère, je vois même des scènes où, petite déjà, elle porte la main sur elle. Je vois, plus flous, les visages des hommes qu'elle avait l'habitude de ramener au domicile familial. Lui-aussi, je le vois : il n'y a pas grand-chose à en sauver. À mesure que ses pensées couraient, je revois quelques uns de ses premiers vols, souvent par nécessité, sans doute pas toujours. Je sais que j'ai une vision partiale de sa vie : j'ai seulement comment elle se représente les choses, sans autre point de vue. Je ne peux pas dire qu'il s'agit d'une analyse objective. Je me relève, avec une difficulté supérieure encore à la première fois. Je me sens tout cassé. Mais je récupérerai.

Sa réplique, agrémentées des images de son passé, a été suffisamment forte pour m'enlever toute envie de revanche. Je ne sais pas encore si je vais la livrer, ou non. D'une voix sans éclat, j'énonce :

-On a tous nos problèmes, je suppose... Quoi que tu en dises, tu as eu une mère. Moi, je n'ai jamais eu ni père, ni mère, juste des cellules congelées prélevées dans un stock. Tu as grandi dans une cabane, j'ai grandi dans un bunker, je n'en suis sorti qu'il n'y a qu'un an. Tu es recherchée par les autorités de la ville, j'ai dû quitter mon monde natal pour fuir mes créateurs.

La comparaison est facile à faire. Au final, nos points communs sont terriblement nombreux. Je la sens au bord de l'inconscience. Je ne peux m'empêcher de l'admirer encore, ce corps gracile, pâle, nu, couvert de sueur, qui se soulève à chaque respiration agitée. L'idée même, que je me fais, en ce moment, de la beauté. Les grecs cherchaient la perfection dans le corps de l'homme, mais je crois que je peux à présent leur donner tord. Je n'ai plus du tout le courage de lui faire quoi que ce soit. Je conclus.

-Tu es obligée de voler pour survivre. Moi je suis obligé d'attraper les voleurs.

Je remet un peu d'ordre à mes habits avec ma main. De petits fourmillements à l'arrière de mon crâne m'indiquent que ma télékinésie est sans doute de nouveau opérationnelle. J'espère sincèrement que je n'aurais plus à m'en servir. Je me retourne, attrape son haut, son tee-shirt, et son short. Je lui tends une main, pour l'inviter à se relever.

-Bon, tu devrais te rhabiller, je crois.

Je soupire, et tente un peu maladroitement de me justifier.

-Il y avait trop d'éléments à prendre en compte. Quand je me suis mis en tête de devenir chasseur de primes, j'ignorais qu'on pouvait rechercher des gens aussi jeunes. J'ignorais qu'on pratiquait encore la torture, l'esclavage, même vis-à-vis de ses jeunes gens. Tu sais, de là où je viens, les autorités ont souvent le bon rôle. Elles ne sont pas parfaites, bien sûr, mais elles sont plutôt un élément positif. Ici, finalement je n'en sais rien. Je pensais que ce serait une façon utile de gagner ma vie. C'est plus facile d'être un super-héros, de là où je viens. Je suis complètement paumé, je termine, amère.

Je lui donne ses vêtements et me retourne. Si elle veut s'enfuir, elle en a toute la latitude.

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