Salles de cours et bibliothèque / Re : Le grimoire magique [Sayaka Kamatachi]
« le: mercredi 17 juillet 2013, 18:47:26 »« Hé, toi ! s’exclama une femme, amenant Jane à se retourner. Tu compte faire quoi exactement avec ça ? T'as pas suffisamment de monde à tes pieds encore ? Tu veux quoi, dominer l'univers peut être ? »
C’était qui, cette folle ? Jane la regarda, interloquée. De quel droit est-ce qu’elle osait lui parler, déjà ? Jane Watson la regarda en clignant des yeux, peinant à croire qu’on osait ainsi lui parler. Jane ignorait alors totalement que cette nana était celle qui avait tenu le livre, car elle n’avait même pas regardé son visage. Jane Watson fonctionnait ainsi. Elle se moquait totalement des autres, et prenait ce qu’elle voulait. Nell était la seule exception dans le petit monde égocentrique et arrogant de Jane Watson. Sa grande sœur était réellement pour Jane sa seule famille, la seule qui se soit jamais occupée d’elle, la seule devant laquelle elle se permettait de pleurer, d’avouer ses faiblesses, et d’obtenir un réconfort sincère. Le reste du monde n’était qu’hypocrisie, faux-semblants et politesse cordiale. On disait de Jane qu’elle était insupportable, mordante, une véritable peste, mais elle estimait juste être honnête et sincère. Elle avait son petit tempérament, oui, mais elle disait volontiers ce qu’elle pense.
Pour l’heure, Jane voyait une camarade de classe qui l’ennuyait, et la mémoire lui revint rapidement. Kamatachi... L’une des pointures du lycée, qui bataillait pour le podium, aux côtés d’une autre tête à claques, Shii. Une pauvre cloche sans intérêt qui croyait encore que la réussite sociale passait par l’obtention de belles notes et d’un joli dossier scolaire. Jane était bien placée pour savoir que, dans ce monde de faux-semblants et de mensonge, seul l’argent comptait. C’est ce que disait La Fontaine, et c’était vrai. C’était triste, mais c’était ainsi. Peu importe votre niveau de culture, votre diplôme, tout dépendait de l’épaisseur de votre compte en banque. La reconnaissance sociale se limitait aux vêtements qu’on portait, au cash qu’on pouvait allonger, et aux faveurs qu’on pouvait accorder. Le monde des affaires, fondamentalement, se résumait à ça : des faveurs entre hommes d’affaires, des sièges qu’on achetait pour les sénateurs et autres parlementaires, afin qu’ils appuient des lois allant dans le sens de la dérèglementation des finances, et l’abaissement des degrés de protection auxquels les masses ignares pensaient pouvoir prétendre. C’était une tromperie, un immense jeu de dupes. Les notes, la réussite scolaire, le concept même de méritocratie, c’était le nouvel opium du peuple. Une manière de dire aux gens qu’il était possible de rectifier le tir, que des gueux arrivaient à gravir l’échelle sociale, mais, sur une population de 10 000 bouseux et culs-terreux, seulement 1 ou 2 arriveraient un jour à sortir dans un costume trois-pièces flambant neuf.
« Mais qu’est-ce que tu me veux, là ? s’exclama alors Jane. D’où tu me parles, comme ça, là, la gueuse ? Retourne bosser tes maths’, et fous-moi la putain de paix ! »
C’était direct et honnête. Jane se retourna, et reprit sa marche. Elle avait l’impression que tout le monde s’y mettait, aujourd’hui.
*C’est la journée des cons ou quoi ? Qu’est-ce qu’ils ont tous à me faire chier ?*