Devant la porte du petit appartement, quatre hommes attendaient en silence. L’un d’eux, le plus petit, avait commencé à crocheter la serrure. Personne ne faisait de bruit, c’est à peine s’ils respiraient. Il s’agissait là d’une équipe de Yakuza plutôt classique, seul un des membres de cette escouade contrastait avec les autres; Make Akuma. Il était beaucoup plus jeune que ces trois comparses mais surtout, il n’était pas originaire du Japon. Il regardait patiemment l’homme crocheter la serrure, l’individu en question s’appelait Yaberi Rokku. Les membres du clan Rokku étaient passés maitres dans l’art de l’infiltration. En temps normal, Make et Yaberi auraient été ennemis, mais il s’agissait d’une occasion spéciale.
Make était costaud, mais derrière lui se tenait un homme qui lui donnait l’air d’être un enfant. Il s’agissait de Hanzai, pas d’autre nom. Lui aussi avait été sélectionné pour cette opération. Hanzai était particulier car il ne faisait parti d’aucun vrai clan, c’était un Rônin, un guerrier sans maitre. C’était vrai à l’époque du japon féodal, maintenant, ce sont des mercenaires qui ont décidés de reprendre ce nom mythique. Leur talent pour le combat était réputé partout dans le monde. Les Yakuza faisaient régulièrement appel à leur service. Make éprouvait un grand respect pour ce guerrier.
Le dernier homme à accompagner Make, un grand individu aux cheveux longs, s’appelait Jaaku Guramu. Les clans Guramu et Akuma avaient toujours été rivaux. Le clan Akuma reprochait aux Guramu d’avoir délaissés leurs traditions tandis que le clan Guramu clamait que les Akuma étaient devenus obsolètes. Make était convaincu que Jaaku complotait contre lui et ce sentiment était réciproque. Ils n’acceptaient pas de faire partis de la même opération, c’était une insulte pour eux de devoir travailler ensembles. Pourtant, leurs chefs en avaient décidés ainsi, ils devaient obéir, ce n’était pas un choix. Un léger déclic se fit entendre, Yaberi avait réussi.
- Je l’ai eu! - Silence, ordonna Jaaku,
tu veux qu’elle t’entende? - Le Guramu à raison, expliqua le Rônin,
cette mission est des plus dangereuses, en plus, nous ne sommes que quatre. - Si nous ne sommes que quatre, c’est parce que nous sommes les meilleurs que les Yakuza ont à offrir, dit Make
Make regarda Jaaku avant d’ajouter
- Et bien, au moins trois d’entre nous. - Concentre-toi Akuma, tout le monde compte sur nous.- Pour une fois, nous sommes d’accords Rokku…--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2 jours plus tôt
La pièce était pleine d’hommes en complets qui débattaient depuis des heures autour d’une grande table. Derrière eux se tenait d’autres hommes en complets, mais ceux-ci ne débattaient pas, ils se contentaient d’observer et de s’assurer que leur Oyabun ne courrait aucun risque. Comme c’était le cas présentement, il arrivait que les Yakuza de Seikusu, qui étaient généralement hostiles entre eux, se rencontrent pour discuter de sujets urgents. Ces rares rencontres étaient organisés en territoire neutre par les clans les plus influents, tout les Oyabun étaient tenus d’êtres présents. Certains préféraient quand même envoyer leurs lieutenants ou simplement ne pas se présenter du tout, mais la plupart étaient présents.
Le Daimyo, Oyabun du clan Akuma, regardait d’un regard vide les autres chefs se lancer des accusations et s’insulter. Malgré qu’il était très influent, il n’avait pas pris la parole depuis le début de la rencontre. Il préférait observer, l’Oyabun trouvait inutile de lancer des menaces vides à gauche et à droite. Il était très différent des autres Oyabun, c’était le seul à porter encore le Kimono. Au lieu de se promener avec un fusil de petit calibre pour se défendre, il gardait un tanto près de lui.
Le Daimyo était un homme dans la cinquantaine, malgré ses quelques kilos en trop, il était rapide comme l’éclair et sans nul doute, l’un des meilleurs combattants de Seikusu. C’était peut-être pour ça qu’aucun autre Oyabun ne l’avait encore accusé de comploter contre les autres. Le Daimyo fût tiré de ses pensées lorsqu’il entendit son nom. Il ne fût pas surpris le moins du monde lorsqu’il vit que c’était Tsubasa Guramu, Oyabun des Guramu, qui l’accusait.
- Cette garce m’a empêché de livrer une cargaison qui m’aurait rapporté beaucoup. Les Akuma ne veulent pas que je prenne de l’expansion, c’est pour ça qu’ils ont trouvés intelligent d’engager une femme pour faire leur sale boulot. Personne ne parla, même pour un clan aussi puissant que les Guramu, c’était risqué d’accuser les Akuma. Ils n’étaient pas aussi nombreux que les plus grands clans ni aussi riches, mais ils avaient une certaine réputation. On dit qu’il est impossible de provoquer un Akuma en duel, car un Akuma se bats comme cent homme à la fois. Ce dicton était particulièrement vrai dans le cas du Daimyo, ce dernier fixa longuement Tsubasa avant de prendre la parole.
- Je n’ai rien avoir avec ça, mais ce n’est peut-être pas une mauvaise chose finalement, si ça t’empêche de répandre ton poison dans les rues de Seikusu.- Vous voyez! C’est lui, il à tout à gagner à envoyer cette fille réduire à néant mon opération. Neuf de mes hommes sont morts, huit sont encore à l’hôpital. Ce bilan est pire pour certains d’entre nous, si je ne m’abuse Akuma, elle ne s’est pas attaquée à votre clan? Comme c’est étrange…- Je n’ai aucune perte car elle ne se promène pas dans mon secteur, si je suis venus ici ce soir c’est parce que je sais que ça ne saurais tarder. Si je complotais vraiment contre vous, pensez-vous vraiment que j’aurais été assez stupide pour ne pas au moins faire assemblant que j’avais perdu des hommes? Vous me décevez…- Vous nous parlez de…- Silence!Surpris par la fermeté de l’ordre, Tsubasa se tût.
- Je vous regarde depuis tout à l’heure, vous vous accusez entres vous, vous essayez de faire couler les autres simplement pour éviter qu’on vous soupçonne. Vous êtes comme des rats, faibles, peureux, mesquins et surtout, bientôt morts. C’est vrai, si vous continuez ainsi, vous ne tarderez pas à trépasser. Cette fille dont personne ne semble connaitre le nom ravage vos opérations et tue vos hommes depuis plus d’un mois, et tout ce que vous trouvez à faire, c’est d’accuser votre voisin? Avez-vous tous oubliez ce que c’est d’être un guerrier? De tenir une arme dans sa main et de se défendre? C’est une solution que nous cherchons, pas un coupable!Personne n’osa parler, seul le Daimyo pouvait parler aux Oyabun de cette façon. Aucun n’appréciait vraiment de se faire rabaisser de la sorte mais ils savaient tous au fond d’eux que le Daimyo avait raison, de plus, personne ne voulait s’en prendre aux Akuma. Le premier à prendre la parole fût Kureiji, des Rônins. Les Rônins, par définition, sont des guerriers sans maitres, c’est pourquoi le titre officiel de Kureiji est Guide, et non Oyabun. Il arrange les contrats et s’occupe du fonctionnement du groupe. On dit que Kureiji et le Daimyo ont grandis ensembles, comme lui, il est très traditionnel et est un virtuose au sabre. C’est pourquoi les Akuma et les Rônins s’entendaient bien. Les Rônins étaient intimement liés à l’univers des Yakuza, c’est pourquoi leur Guide assistait à la rencontre.
- Vous parlez de l’éliminer, c’est ça Daimyo?- C’est contre le code, tu sais aussi bien que moi que nous ne pouvons pas tuer une Katagari. - Une quoi?- As-tu oublié nos traditions à ce point Tsubasa? Une Katagari, est une personne ne faisant pas partie de la pègre. - Bien que ce soit désolant, cette règle peut être enfreinte dans de rares occasions. Je crois que c’est le cas maintenant.Le Daimyo soupira, ça ne lui plaisait pas. En temps qu’Oyabun, son devoir était de protéger les siens, s’il laissait cette jeune femme courir librement dans les rues de Seikusu et qu’elle s’en prenait à son clan, il aurait faillit à sa tâche, ça, c’était inacceptable.
- Je le crois aussi…- Nous devrons monter une équipe, il nous faudra vos meilleurs hommes. Je peux envoyer Hanzai, un puissant guerrier, avec lui de notre côté, la victoire est quasiment assuré.- J’enverrais Make, il est jeune, mais il se débrouille. L’esprit sauvage d’un guerrier brûle en lui.- Votre protégé? Comment pouvez-vous nous parler de traditions alors qu’un de vos hommes n’est même pas natif d’Asie? Il est quoi? Américain?- Canadien, et puis la nationalité n’a rien à avoir avec les traditions. Contrairement à toi, ce jeune homme n’a pas renoncé à son honneur. De toute façon, qui vas-tu envoyer?- J’ai un homme en tête, il fera ce qu’on lui dit.Ce n’est qu’après que le clan Rokku proposa d’envoyer un homme, personne d’autre ne voulait risquer de perdre quelqu’un. Les chefs estimèrent quand même qu’avec l’élément de surprise, ces quatre hommes, qui étaient la crème des Yakuza, parviendraient à éliminer leur cible. Une fois cette affaire réglée, les Oyabun appelèrent leurs contacts pour trouver où habitait la jeune femme en question. Les Rokku avaient déjà fait quelque recherche, si la femme avait essayé de couvrir ses traces, elle ne le faisait pas assez bien pour les Rokku. En quelques instants, ils avaient trouvés où elle habitait.
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Le lendemain, un jour avant l’opération
- T’a pas le droit d’être ici Akuma. Dégage ou on te s’occupe de toi.Deux hommes se tenaient en face de Make. C’était effectivement le territoire des Guramu, Make s’en fichait. Il avait un goût particulier pour la bagarre, surtout quand il se battait contre les Guramu. Make se promenait souvent dans leur territoire, il cherchais les ennuis et espérait les trouver. Il sortait toujours vainqueur de ces affrontements. Ça n’avait rien de sérieux, parfois il envoyait un ou deux hommes à l’hôpital mais jamais il ne tuait.
Dans ces conditions, tuer était inutile, et ça n’aurais fait qu’attirer l’attention des policiers. Make avait déjà tué d’autres Yakuza, trois au total, dont deux le même soir. C’était pendant des négociations qui avaient mal tournés. Il ne prenait pas plaisir à tuer mais il n’éprouvait pas de remords non plus. La mort faisait partie de son quotidien, il ne la craignait pas.
- Je vais où je veux, de toute façon, vous êtes qui pour me dire quoi faire?- Tu te moques de nous, on est du clan Guramu.- Le clan Guramu… Non, ça ne me dit rien. - Je vais t’apprendre les bonnes manières Akuma!Le Yakuza plus près de Make fonça sur lui. Il devait avoir à peine trente ans, il ne semblait pas particulièrement en forme mais il devait quand même se méfier. En le voyant foncer vers lui, Make sauta dans les airs, tourna sur lui-même et utilisa la rotation pour donner un puissant coup de pied au plexus de l’homme qui tomba par terre. Cette technique s’appelait le coup de pied sauté arrière, Make avait pris de longues heures à l’apprendre. L’autre homme n’avait pas encore bougé, Make en profita pour aller achever celui qui était par terre d’un puissant coup de poing.
- Ça ne se passera pas comme ça!C’était l’autre homme qui venait de parler, Make réalisa aussi qu’il avait sortit un couteau de sa poche. Ce n’était pas la première fois que Make faisait face à un homme armée, il n’éprouvait donc pas la moindre peur. L’homme au couteau essaya un coup d’estoc, Make l’évita sans problème. C’était trop facile, on dirait qu’il voulait que Make l’emporte. Ce dernier agrippa la main armée de l’homme et lui fit une clé de poignet, il fût forcé de lâcher son arme. Make lui faucha la jambe et l’emmena au sol, il n’avait toujours pas lâché le bras de son adversaire. Au sol, l’Akuma entama une clé de bras et donna un coup sec.
Le bras comme tel n’était peut être pas brisé, mais le Guramu ne pourrait pas s’en servir de si tôt. Make n’éprouva aucune pitié pour son adversaire qui souffrait le martyre. Après tout, il venait d’essayer de le tuer. Comme avec l’autre, Make l’assomma d’un violent coup de poing. Il se releva et regarda les deux hommes qui venaient de l’attaquer et sourit, c’était un bon combat, bref, mais amusant. Plusieurs gens s’étaient amassés alentours et avaient observés la scène. Make tira une révérence et quitta le quartier sous leurs regards perplexes.
Un peu plus loin, il vit une silhouette familière, Dorobo Akuma, Second Lieutenant dans le clan. Contrairement au Premier Lieutenant, Satsu Akuma, Dorobo aimait bien Make. Il le voyait progresser sans être jaloux du protégé de l’Oyabun. Dorobo regarda Make et en le voyant il savait qu’il venait de se battre. Make avait toujours cet air étrange après s’être battu. Les Lieutenants et le Daimyo toléraient que Make se batte contre les autres clans tant que ça ne dégénérait pas. Ça servait à montrer aux autres la puissance des Akuma sans déclencher de vrai guerre, ça convenait parfaitement au Daimyo. Dorobo tendit une enveloppe à Make,
- Tu pars en mission demain, c’est concernant cette fille. Tout est là-dedans- Elle ne nous a rien faite et en plus elle s’attaque aux autres clans, c’est parfait pour nous. Je ne vois pas pourquoi on bouge. - Elle nous attaquera tôt ou tard, tu le sais aussi bien que moi. Il y a eu une rencontre hier entre les Oyabun, c’est ce qu’ils ont décidés. Considère toi chanceux d’avoir été sélectionné, tu iras a là-bas avec trois des meilleurs combattant de Seikusu, c’est un grand honneur pour toi. Si ça se passe bien, tu pourrais même devenir un KyodaiMake était un Shatei, un petit frère. Il était moins influent et moins bien payé qu’un Kyodai, ou un grand frère, c’était le prochain grade sur l’échelle. Ça faisait plus d’un an qu’il voulait être promu, mais le Daimyo avait toujours refusé. Make ne pouvait pas rater cette occasion.
- T’inquiète, tout va bien se passer, mais nous ne sommes que quatre?- Vous quatre et deux chauffeurs qui vous emmèneront en voiture. Mais vous suffirez, vous allez la prendre par surprise, vous allez entrer et sortir, c’est tout. En plus, Hanzai des Rônins seras là.- Alors c’est vraiment du sérieux, je commence à me préparer à l’instant.- Aiguise ton katana et apporte-le avec toi, cette arme seras parfaite pour ce genre de mission. Habille-toi en noir, on ne sait jamais…--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Moment présent
Make sortit lentement son katana de son étuis, Hanzai et Yaberi firent de même, on entendait à peine le son des lames qui frottaient dans leurs fourreaux. Seul Jaaku était armé d’un pistolet silencieux. Pour les trois autres, c’était un signe de faiblesse, pour lui, une garantie qu’il s’en sortirait vivant. Hanzai passa devant, Make remarqua le poing américain dans sa main libre.
C’était bien là un vrai Rônin, prêt à toute éventualité. Make passa son index sur sa lame, elle était tranchante comme jamais, il était prête pour cette mission.
Hanzai fit tourner lentement la poignée de porte pendant que Yaberi s’assurait que toutes les lumières du corridor étaient fermés. La porte grinça à peine alors que les quatre Yakuza pénétrèrent dans l’appartement. Ils ne faisaient aucun bruit, on pouvait presque jurer qu’ils flottaient dans les airs au lieu de marcher. L’équipe était à présent au complet dans l’appartement, chacun savait ce qu’ils avaient à faire. Ils entrèrent dans les pièces une à une à la recherche de leur victime.
- Elle est où, bordel?- Silence.- Je vais tuer cette salope.- Silence!- Je vais l’avoir…- Attention!