Með suð í eyrum við spilum endalaust~Ce matin j'ai parlé avec mon voisin, Charlie. C'est un très bon ami à moi, il est gentil et il aime aussi la musique, comme moi. C'est un grand fan de jazz, il possède une grande collection de vinyles de célèbres artistes. Avec Charlie je peux parler de choses que je parle en temps normal avec Gustur, parce que je sais que c'est quelqu'un de confiance. Son rêve est de jouer du saxophone mais le pauvre a été amputé de la main gauche à ses seize ans après un terrible accident de train. Il a aussi été gravement touché à la tête et depuis il garde quelque problème de motricité et d'expression. Sa situation est bien pire que la mienne, à mon goût, c'est donc pour ça que je reste souvent auprès de lui pour lui faire du soutient. Puis c'est un chic type. Mais bref. C'est en discutant avec lui qu'une idée géniale me vint en tête : si je cherche un métier, pourquoi ne deviendrais-je pas musicien ? Je pourrais commencer par musicien de rue, et la suite... on verrait. Ainsi donc je saisis la housse de ma basse acoustique par la poignée et je me dirige vers la porte, le sourire aux lèvres.
J'espère trouver ma voie. Je l'espère très fort.
Il fait nuageux dehors, mais étrangement assez lourd. Je suis vêtu assez « pauvrement » : une simple chemise noire, assez vieille, ainsi qu'un jean délavé en particulier au niveau des genoux. Je ne fais pas dans l'original, je sais. Qu'importe, comme dis-je si souvent. Cela me correspond parfaitement. Dans les rues, il y avait peu de passants. La plupart devaient se trouver dans le centre commercial, les soldes viennent de commencer, après tout. Puis il n'y a rien à faire dehors à cette période de l'année. Sauf pour moi...
Serrant la poignée de la housse de mon instrument d'une main ferme, mon regard cherche un endroit stratégique pour attirer l'attention de mes auditeurs... Mais... plus je marche et... plus je me demande si c'est une bonne idée. Je n'aime pas vendre l'émotion aveuglément... Je veux l'offrir. Offrir est un mot que la société de consommation ne connait pas. Ou ne connait plus. Enfin je me comprends. Je regarde encore une fois autour de moi. Les gens n'ont pas l'air d'avoir le temps pour moi... Je ne suis pas assez confiant... Rien qu'à l'idée de jouer devant tant de personnes, je sens mes jambes trembler... Et je ne suis pas timide, pourtant. J'ai pas envie en fait.
Je secoue tristement la tête en signe de résignation. Finalement je vais faire un tour et rentrer chez moi. Mon chemin m'amena dans un quartier bien sombre, qui me donna la chaire de poule. Une odeur pestilentielle régnait dans ce genre de catacombe, triste et sinistre. Je m'y sens mal. De plus, les nuages s'assombrissent, mais ils n'annoncent pas de pluie. Tant mieux, je veux rester dehors tant qu'il ne fait pas trop froid. Quinze degrés, ce n'est pas froid, n'est-ce pas ?
Finalement, entre quelques immeubles, se trouvait un grand carré d'herbe (carré... disons un rectangle de 9m sur 7m), servant de petit jardin aux maisons environnantes, je suppose. C'était un petit parc, seulement clôturé par une haie pas toujours bien entretenue. Quelques arbres dépecés de leurs feuilles dressent fièrement leurs branches grisâtres vers le ciel aussi morne et un vieux banc en bois trônait dans ces lieux. Vu l'état dans lequel il était, cela devait faire beaucoup d'hiver qu'il se trouvait là. En tout cas, il serait mon compagnon pour cet après-midi. Je me dirige vers celui-ci et prend place, mon instrument adossé contre le banc. Je regarde à gauche, je regarde à droite. Rien. Je me penche légèrement vers l'étui de ma basse et je l'ouvre avec délicatesse. Mon trophée, mon trésor... Je la saisis doucement avant de la poser sur mes genoux. Voilà, j'entame quelques notes et quelques instants après, ma voix vient l'accompagner sur un rythme calme et doux.
D'abord quelques notes graves, toutes jouées avec cette même maitrise, puis sa voix vint accompagner l'instrument en toute harmonie. La voix de Sigur résonnait presque en ces lieux vide, tremblante de mélancolie et d'une étrange force, au milieu de ces paroles singulières que lui même avait inventé. Dans son monde, où la langue principale est le Hopelandic, celle qu'il chante, il était redevenu Frakkur, le chasseur de mouche, s'allongeant sur un rocher chauffé par le soleil pour se sécher de sa baignade dans ce lac qu'il apprécie tant.
Son chant paraissait interminable. Le jeune homme s'en foutait, après tout, c'était sa chanson et non celles des autres. C'était lui qui racontait l'histoire -son histoire-, et pas quelqu'un d'autre. Au rythme de sa voix, le vent soufflait, faisant trembler les branches au dessus de sa tête. Tout cela avait l'air d'une expérience surnaturelle...