La pêcheuse avait baroudé le long de la côte pendant des plombes sous le soleil. Enfin, estimait-elle que le soleil était là, planqué derrière l'ozone barbée de nuages à triste mine. En deux pièces, luisante de monoi, serviette de plage, filet d'pêche, et aussi, une grosse suitcase chromée, pestant contre les dunes sablonneuses s'étendant à perte de vue et pas un seul coin peinard où se poser tranquille, déballer le matos, s'ouvrir une 'tite binouze et chasser le poiscaille.
Zieutant par au-dessus de ses grosses Ray-Bans derrière lesquelles on ne voit pas ses yeux et ça en énerve certains (http://www.youtube.com/watch?v=SJWuB10FSBk), la donzelle finit par entrapercevoir une cabane paumée surplombant le nulle-part, perchée sur une falaise. Elle tint à peu près ce langage, s'octroyant l'insatiable plaisir de s'adresser à elle-même la parole :
- Hé bien, voilà un endroit parfait pour débuter la journée.
S'approchant dudit lieu, la demoiselle constata qu'a proximité, un clocher en ruine dépassait du cabanon cité plus haut. Drôle d'histoire, se dit-elle. Un cabanon avec un clocher ? Je pensais que seule les églises avaient le privilège d'en compter un dans leur enceinte. Lui aurait-on mentit dans la description ? Après quelques enjambées elle distingua alors le reste de ce qui semblait avoir été autrefois une petite chapelle.
- Ça alors ! Le cabanon qui était une église est en fait une chapelle ! Voilà qui est fort intriguant.
Elle pressa le pas en direction des ruines, s'engageant dans un chemin tortueux à flanc de falaise. Arrivée au bout de ses peines, la frivole s'exclama de surprise. elle faisait face à une petite route escarpée traversant un cimetière à l'abandon, menant au saint lieu, vide de monde et d’espoir dans le fade horizon monotone et inexact (si, si.)
- Fichtre, me voilà esseulée dans un lieu sombre et maléfique. Je n'ai d'autre moyen que de m'y précipiter allégrement.
Aussitôt dit, aussitôt fait. La belle s'engagea dans l'étroit chemin après avoir poussé la grinçante grille du portique de l'enceinte du cimetière de l'église de la falaise de la plage. Les tombes s'éparpillaient ça et là, recouvertes de lichen et de mousse, la végétation ayant repris ses droits depuis fort longtemps en ces lieux. La porte de la chapelle était littéralement éventrée et ne tenait plus que par endroits. La soubrette fit le tour de l'édifice, et se mit à escalader le clocher, parce que c'est plus classe. L’ascension fut rude et notre héroïne manqua à plusieurs reprises de chuter corps et âme au bas des rochers. Arrivée au sommet, la gourgandine admira avec admiration l'admirable horizon se perdant à perte de vue.
Soudain, la cloche retentit, dans un terrible bruit de bronze annonciateur de la fin de toute choses. La jeune femme coupa donc son baladeur, faisant taire Angus Young avant la fin de l'intro de Hells Bells (http://www.youtube.com/watch?v=cx9FRbeVcr0). Elle se débarrassa de ses affaires, étala la serviette sur le plancher moisi et délabré du haut du clocher, et constata qu'un escalier en colimaçon descendait dans les profondeurs insondées de la chapelle.
- Bien. Il est temps de se mettre au boulot. Les grillades de poulpe ne risquent pas de se pêcher d'elles-mêmes.
Elle s'agenouilla alors près de la grosse valise chromée, déverrouillant les loquets chiffrés et soulevant la partie supérieure. La canne à pêche qu'elle en sortit alors était en plusieurs morceaux. Un long tube, le corps, la poignée, la culasse... La culasse ?
- Oh, mince ! Aurais-je, par mégarde, confondu mon Barrett avec mon matériel de pêche ? Zut alors. Bon, tant pis, je suppose que ça fera l'affaire.
La voilà donc entreprenant de monter l'imposant fusil de précision, un énorme 98 Bravo en .338 Lapua Magnum. Une fois assemblé, elle enfonce cinq cartouches dans le magasin, engage ce dernier dans le puits, et chambre le premier coup d'un geste sec et précis avec le verrou d'armement, dans l'agréable son gras de la mécanique bien ajustée, un large sourire sur les lèvres. Puis, la demoiselle déplie le bipied et laisse le fusil reposer sur son talon.
- Je devrais tout de même jeter un œil à cette charmante chapelle. Papa me faisait toujours visiter les églises quand j'étais petite.
La belle descendit alors les multiples marches du petit escalier, pour se retrouver dans une misérable sacristie poussiéreuse et délabrée. Il y faisait frais, malgré l'odeur de renfermé. Une odeur... De poisson pas frais. La jeunette en fait rapidement le tour, et remarque un épais ouvrage reposant sur l'autel. Intriguée, une fois n'est pas coutume, l'inconsciente y pose son délicat regard bleu/vert et commence la lecture.
- Phn'glui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fthagn, Iä Iä Cthulhu etc etc. Hmmm...
(https://mlkshk.com/r/4DV1) (https://mlkshk.com/r/4DV1)
... Voilà qui est tout à fait original : je ne bite pas un traître mot de cet Ézékiel. Et voilà l'auteur qui parle de prophéties. Ceci est tout bonnement ridicule... Allons bon, le voilà qui ergotes sur une "quiche noire des bois aux mille lardons". Ce doit être un rébus... Mais ?!
A peine avait-elle parcouru l'introduction de ce grimoire sorti tout droit des abysses, qu'une horde de créatures maléfiques débarquèrent sur le plan physique, bien décidés à probablement l'inviter à un barbecue festif. L'accès aux escaliers n'avait pas été anticipé par les créatures cauchemardesques, mais s'y précipiter pour se retrancher dans la tour et récupérer son arme aurait été bien trop simple. Elle décida donc de traverser la marée grandissante formée par l'amas des abjectes formes insensées pour atteindre la porte délabrée du sanctuaire désormais profané.
La jolie pêcheuse remit donc ses Ray-bans sur les yeux, et sortit une clope suivie de son Zippo de son maillot de bain. Elle l'alluma, tira une longue taff, et laissa la fumée s'échapper de ses lèvres pulpeuses. Puis dans l'éclair de son regard noir, elle la jeta d'une pichenette au visage de la première créature, avant de s'élancer dans la mêlée. Elle se fraya un chemin en distribuant les pains à gauche et à droite, Jésus Style, avant d'atteindre la porte, qu'elle fit voler en éclat en se jetant dessus, présentant l'épaule droite. La horde grouillante n'eut guère d'autre choix que celui de la poursuivre, alors qu'elle s'enfuyait vers le bord de la falaise, le seul cul-de-sac à proximité.
Les cheveux dans le vent, quelques vilaines griffures sur sa taille de guêpe et ses cuisses, la bretelle du soutif ayant - quel dommage ! - été déchirée lors du fracas de la porte, et désormais acculée sans d'autres choix que de faire face, la belle espérait que rapidement, un beau maître-nageur vienne réprimander ces joyeux drilles, à grands coups... de sifflet.
La hot brunette c'était arrêtée à la stricte limite de la falaise, et le moindre alizé aurait pu la précipiter dans le vide, sans aucun doute. Elle s'était retourner pour faire face à cette menace. Papa, en dehors de lui faire visiter la moindre foutue église du moindre foutu patelin, lui avait en outre instillé les valeurs du combat et de la guerre. Pourtant c'était un pêcheur de crabes-araignées des plages de Bretagne, un joueur de biniou invétéré, et pas un chasseur de crânes joueur de mitrailleuse lourde, ni un vétéran. Enfin passons. Elle sortit donc une photo d'elle, de son bikini, pour y plonger son regard mélancolique en croyant que la fin était arrivée.
Attendez... C'est d'elle qu'elle sort une photo de son bikini, où c'est de son bikini qu'elle sort une photo d'elle ? Beuargh, ce serait un peu dégueulasse quand même.
Bref elle zieute la photo d'un air égaré, mélancolique et plein de regrets :
(http://favim.com/orig/201104/27/Favim.com-26014.jpg) (http://favim.com/orig/201104/27/Favim.com-26014.jpg)
On aurait pu s'attendre à ce que ce soit une photo d'elle, souriante, en couleurs, avec son père et sa famille, probablement à une soirée barbecue qui avait été l'un des plus beau moments de sa vie. Mais non. C'était une photo en noir et blanc dégueulasse, prise par le retardateur de son téléphone, dans sa cuisine, seule en pleine déprime et probablement en train d'écouter du Black Metal (http://www.youtube.com/watch?v=DPyOhP1GTRQ).
Quel super dernier souvenir.
Mais il n'en fut rien ! Car oui, tel un chevalier sorti de l'onde, le bras drapé de pur brocart chatoyant, un héros courut à sa rencontre pour la sauver ! Quelle merveilleuse épopée ! Elle le voyait, brandissant dans ses mains une large épée, et il étincelait dans son armure d'or et d'argent, la rassurant qu'elle ne craignait rien.
Puis, convaincue que ses Ray-Bans déformaient quelque peu la réalité, elle les baissa d'un geste lent, pour découvrir... Bon vous avez lu la description plus haut, vous voyez très bien l'tableau. On va pas épiloguer. Un mec a poil convaincu qu'une greluche lui balancerait un laguiole en un éclair de lampadaire.
Victoria - parce que c'était son prénom - leva les yeux au ciel, le visage figé en une expression caricaturale de "WTF" et à deux doigts de se facepalm. Le bonhomme se mit à baratiner les créatures démoniaques avec une verve toute droit sortie d'un nanard de première zone, quand elle s'aperçut que dans le clocher, une bestiole tenait dans ses "mains" son .98 Bravo. Il cherchait manifestement à trouver une explication à cet étrange engin. Il mordillait dedans, puis, se rendant compte que cela ne se mangeait apparemment pas, décida de s'en débarrasser, avant de rejoindre ses over 9000 (http://www.youtube.com/watch?v=17zNW-wz35E) copains. Le Barrett vola le temps d'un instant dans les airs... Avant d'atterrir dans les mains de ce héros inattendu.
Quelques secondes plus tard, Victoria le ramassait à ses pieds, l'air consternée et abasourdie. De quel univers sortait-il, celui-là ? Peu importe.
Il était temps de déchaîner les Enfers. Le verrou glissa une fois dans un mouvement sec. Elle remit ses Ray-Bans sur son mignon nez, et aurait voulu se rallumer une clope. Tant pis.
Dans un rugissement de tonnerre, une pluie de grumeaux, des litres de sang, des bouts de cartilage et des tortillons de cervelle s'élevèrent dans les airs. Le verrou glissa une seconde fois. Rebelote. Les balles de .338, à cette distance, creusèrent des trous de la taille d'une horloge de cathédrale dans les rangs de créatures. Les freluquets étaient hachés menu par packs de douze. A la dernière cartouche, plus rien ne faisait face à notre curieux couple qu'une vaste étendue marécageuse de boyaux, de viscères, d'organes divers et de fluides corporels.
Victoria avait croisé les bras après s'être allumé cette foutue clope de tout à l'heure. Le Barrett reposait, déchargé, contre sa cuisse. Elle finit tout de même par lancer un regard coquin a son sauveur :
(http://img15.hostingpics.net/pics/641088posterhe2011.jpg) (http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=641088posterhe2011.jpg)
- Z'avez pas peur de chopper des coups de soleil ? Vous êtes blanc comme un linge.
Elle conclut par un sourire. D'un air charmant, et un tantinet sarcastique.