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Skellige
Skellige était un bien étrange archipel. Il se situait à proximité de l’Empire d’Ashnard, mais n’y était pour autant pas rattaché. Cet archipel comprenait de nombreuses îles et atolls, lui donnant un aspect assez fracassé et archaïque. C’était pourtant bien là qu’un navire impérial se rendait. Le « Foudre de Mer », puisque tel était son nom, était un superbe navire impérial. Il n’appartenait plus à la flotte impériale, ayant été racheté par une compagnie privée, qui se payait toutefois le luxe d’avoir à son bord des gardes en armure impériale.
« Nous approchons de l’archipel, Madame...
- J’ai vu, Oberyn. »
Et ce n’était pas plus mal ! Alice n’aimait pas trop l’eau, alors, se retrouver sur un bateau... Même si le coin était assez paradisiaque, et si les tempêtes étaient rares, la seule perspective de voir toute cette eau bleue là-dessous la terrorisait, et la terrorisait d’autant plus facilement qu’elle s’était déjà retrouvée dans les profondeurs de l’océan, entre les griffes d’une sirène aussi belle que machiavélique. Elle y songeait encore, alors qu’on voyait à proximité les cotes de Skellige. Une série de petites montagnes verdoyantes avec des plages et quelques villages.
« Je n’aime pas commercer avec des pirates... » lâcha alors Alice en regardant Oberyn.
Oberyn était un Commandeur, et accessoirement le garde du corps de la Princesse. Dans son armure noire faite à partir d’écailles de dragons, le Commandeur tourna la tête vers la jeune femme, et haussa les épaules.
« Si on ne devait affaire qu’avec des gens honnêtes, ma chère, nous ne ferions jamais d’affaires. »
Alice fit la moue devant cet argument empreint de cynisme. Skellige était un archipel envahi par la piraterie, et dirigé par plusieurs seigneurs pirates qui se faisaient continuellement la guerre entre eux. Des seigneurs assez redoutables, qui disposaient chacun d’une petite flottille, et qui attaquaient les ports de la région, remontaient le long des fleuves pour attaquer des villages, piller, violant, et capturant. Skellige avait donc son lot d’esclaves, et c’était ici que Sylvandell entrait en jeu. Tywill, le Père d’Alice, avait chargé cette dernière d’aller à Skellige pour acheter de nouveaux esclaves. Une manière comme une autre de faire ses preuves.
« Est-ce vrai qu’ils sont cannibales ?
- Pour certains clans, oui... Pour d’autres, non... Les clans de ce style-là sont dans les profondeurs de l’archipel. Nous n’avons donc rien à craindre... Normalement... »
Oberyn était très rassurant ! La Princesse soupira, et se retire du bastingage, marchant un peu sur le pont principal. Le « Foudre de Mer » était à la fois un navire transportant des marchandises et des passagers. Il fonctionnait grâce à de hautes voiles, mais aussi à l’aide de puissantes rames, qui étaient pour l’heure totalement inutiles. Alice avait hésité à mettre une robe, mais avait finalement opté pour des vêtements qui convenaient un peu plus sur un navire, à savoir un débardeur et un pantalon. Des vêtements assez légers.
Alice remarqua alors que plusieurs petits navires approchaient, venant de Skellige. Elle s’approcha de l’un des gardes du navire. Étant une passagère de haute distinction, elle avait eu droit aux plus grands égards de la part du personnel. Le marin, avec sa longue-vue, put aisément voir les navires et les drapeaux.
« Ce sont les navires de Skagg. »
Alice hocha la tête en se mordillant les lèvres. Skagg était le seigneur pirate avec qui elle devait faire affaire. L’un des plus puissants chefs de clans de l’archipel, qui se prenait pour un Roi. Mégalomane, Skagg était néanmoins le principal contact de l’Empire sur cette région, car il rêvait de prendre tout le contrôle de Skellige, et d’y créer un empire indépendant. Fort et robuste, Skagg était aussi cruel qu’impitoyable, et c’était lui qui avait la plupart des esclaves.
« Rien à craindre ? demanda Oberyn, regardant d’un air soupçonneux la mère.
- Normalement, non... Ils viennent sans doute voir qui nous sommes. C’est une manière d’approche classique...
- Vraiment ? Trois navires qui viennent inspecter un seul bateau ? D’autant plus que vous effectuez un trafic régulier... »
Le marin soupira, avant de regarder la Princesse.
« Nous venons toutes les semaines à Port-Lancaster. Il n’y a absolument rien à... »
La réplique du marin mourut quand Oberyn poussa subitement la Princesse. Il avait vu des bulles dans l’eau, et quelques instants plus tard, des créatures verdâtres avaient bondi hors de l’eau, convergeant vers le navire.
« Des sahuagins ! » s’exclama le garde.
Les sahuagins (http://i5.photobucket.com/albums/y158/Ebony1590/sahuagin.png) étaient des espèces d’horribles créatures verdâtres ayant deux paires de bras, une gueule infernale, et une lance. Un sahuagin atterrit pile devant Alice, mais se heurta à Oberyn. Le Commandeur avait brandi sa lame, et égorgea proprement le sahuagin. Alice entendit des cris et des hurlements, et vit quelqu’un tomber d’un mât. Un marin qui se tenait là, au milieu des cordages et des mâts, et qui avait été heurté par l’un des sahuagins qui déferlaient sur le navire. Épée brandie, Oberyn restait à côté de la Princesse, calme comme un roc, face à l’invasion inopinée de ces monstres marins, ces créatures monstrueuses et hideuses.
La situation devenait assez compliquée sur le pont du navire. Les pirates de Skagg attaquaient les marins, bénéficiant de l’effet de surprise. Oberyn et Alice se dirigeaient sous les coups de feu vers une position à l’abri. La priorité du Commandeur était de veiller sur la Princesse. Ils allèrent, non pas vers les portes menant dans le bateau, mais le long d’une coursive longeant l’ensemble, et qui menait à la poupe du bateau. Les coups de feu résonnaient, les gens hurlaient, les marins tombaient à l’eau, et Alice, en s’appuyant sur le bastingage, vit des corps emportés dans l’eau par les Sahuagins. Ces derniers fuyaient rapidement. Oberyn attrapa Alice par les épaules. Le Commandeur était paniqué et nerveux. Il fallait agir vite. Il s’arrêta près d’un hublot, tandis que la Princesse voyait les femmes être emportées dans les profondeurs de l’océan.
« Il faut les sauver ! »
Le Commandeur dut la secouer par les épaules pour que la Princesse cesse de regarder dans l’eau, et qu’elle se concentre sur le moment présent.
« C’est vous qu’il faut sauver ! »
Alice le regarda en fronçant les sourcils. Oberyn avait soigneusement choisi leur cabine. Il n’était pas un Lord Commandeur pour rien. L’homme brisa le hublot d’un coup de pied, et tendit la main à l’intérieur, en sortant des vêtements de matelot qu’il avait acheté, dans cette hypothèse. Il les balança devant Alice.
« On ne peut pas leur échapper, et se battre contre eux serait suicidaire. Seul, je n’y arriverais pas. Et ils ne doivent pas savoir qui vous êtes !
- Mais... tenta de dire Alice.
- Skagg et ses pirates ne vous ont jamais vus, Princesse ! S’ils ont attaqué ce navire, c’est sûrement pour vous capturer, et exiger une rançon de la part du royaume. Nous avons été trop stupides... En vous faisant passer pour un simple marin, vous serez sûrement envoyés dans les cages à esclaves de l’île pendant plusieurs semaines.
- Mais... répéta Alice, incapable de dire autre chose.
- Dépêchez-vous ! »
Tournant la tête, le Commandeur siffla dans ses doigts, et une masse sombre jaillit de la cabine. C’était son fidèle corbeau. Tendant la main, Oberyn la posa sur le bureau posé contre la paroi, et en sortit un parchemin avec un encrier et une plume. Il trempa rapidement la plume, entendant des bruits. Alice, quant à elle, se déshabillait rapidement, comprenant qu’il fallait agir vite, et que, dans ce genre de situations, il était préférable de se fier à l’avis d’un Commandeur, plus instruit qu’une Princesse, et plus à même de garder son sang-froid. Oberyn gribouilla quelques mots rapides sur le parchemin :
« Skagg nous a trahis.
La Princesse est capturée.
Demande de renforts immédiats. »
Le message était assez sibyllin, mais Oberyn n’avait pas le temps d’en mettre plus. Il jeta l’encrier dans l’eau, et enroula le message autour de la patte du corbeau, qui poussa un croassement.
« Vole, mon beau. Tu m’as sauvé la vie plus d’une fois, alors vole vers Sylvandell, et porte le message au Château. »
Le voyage serait assurément long, mais, dès qu’on serait au courant, les dragons viendraient. Et eux seraient beaucoup plus rapides. Oberyn ignorait quelle folie avait pris Skagg pour les attaquer, mais il le regretterait amèrement. Le Commandeur se tourna vers Alice, et l’aida à enfiler sa chemise, et sa veste, tout en balançant également la robe à la flotte.
« Hey ! » protesta la Princesse.
Oberyn fut tenté de dire quelque chose, mais l’un des pirates débarqua alors. Un grand sourire aux lèvres, il pointa son arme vers eux, et le Commandeur fut le premier à réagir. Il balança un couteau, qui se planta dans la gorge du pirate. Ce dernier s’écrasa sur le sol en se tortillant de douleur, et Obeyrn regarda Alice, donnant quelques nouvelles instructions :
« Inventez une histoire crédible, Princesse. Si je reste avec vous, ils sauront qui vous êtes. Je vais sauver dans l’eau et rejoindre le rivage en nageant.
- Non ! s’écria la Princesse, paniquée à l’idée de rester seule avec ces bandits.
- Soyez forte, Princesse. Je veillerai sur vous. Vous êtes une Korvander, non ?
- Oui, mais...
- Alors, honorez votre sang. Par contre... »
Oberyn n’en dit pas plus, et sortit un couteau, puis empoigna les longs cheveux blonds d’Alice, qui dépassaient de son chapeau de matelot, un tricorne. Il les trancha alors d’un coup sec, faisant à nouveau sursauter la Princesse, et les balança à la mer.
« Mes cheveux !
- Ils repousseront... Ne vous inquiétez pas, Princesse. Sylvandell sera bientôt là, et Skagg paiera pour sa félonie. »
Il se tenait près du rebord. Tout allait si vite ! La pauvre Princesse était complètement déboussolée, et essaya de dire quelque chose. Se tenant sur le bastingage, Oberyn entendait des bruits, et lui fit signe de courir vers l’arrière du bateau, puis sauta dans l’eau. Contrairement à bien des Sylvandins, qui n’aimaient pas l’eau, Oberyn était un excellent nageur. Néanmoins, dans l’eau, il comprit que nager avec son armure serait bien difficile.
*Quel con !* songea-t-il.
L’armure n’était pas en plates, mais était quand même lourde. Partant de là, son poids l’entraînait par le fond. Se refusant à céder à la panique, ce dernier entreprit de la retirer, mais des ombres se mirent à danser autour de lui. Il vit des dauphins fondre sur lui, avec... Des femmes qui les chevauchaient ? Ça y est, Oberyn était devenu fou ! L’une des chevauches de dauphin s’approcha de lui, et il vit qu’elle portait un long bâton magique, et qu’elle était... Belle. Elle inspecta son corps, et se mit à sourire, révélant une série de dents pointues et longues. Sous ce sourire, son visage se déforma, devenant une grimace affreuse, un rictus qui provoquait des frissons.
La femme happa Oberyn dans les profondeurs, utilisant pour cela son bâton magique, et le conduisit dans la cité aquatique où les Sahuagins se terraient. Oberyn sombra alors dans l’inconscience.
*
* *
« Où sommes-nous ?
- Il fait froid ici !
- Je veux mon mari ! »
Les femmes parlaient et caquetaient, et Oberyn se mit alors à tousser, et cracha un peu d’eau. Le guerrier reprenait peu à peu ses esprits. Il était trempé, et n’avait plus son armure, ce qu’il nota rapidement. Il était donc vêtu d’un pantalon de toile et d’une chemise blanche trempée qui lui collait au corps, exhibant ses pectoraux. En d’autres temps, il se serait sans doute trouvé diaboliquement sexy, mais il avait d’autres soucis en tête.
Il reconnut les femmes du bateau. Ils étaient dans une grande pièce qui semblait être au sommet d’une tour immergée, comme en témoignait le trou rempli d’eau qui se trouvait à côté de lui. Se relevant lentement, le Commandeur passa une main dans ses cheveux qui lui tombaient sur le visage, les repassant en arrière, et constata qu’il s’agissait bien d’une tour totalement inondée, à l’exception de cette dernière pièce. Inutile d’avoir des gardes pour les surveiller.
L’homme porta alors son regard sur la pièce, et constata qu’il était le seul homme. Dans un coin, il reconnut également la magicienne aux cheveux bleus, et lâcha, sans trop savoir quoi dire :
« Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. »
Il en était personnellement bien moins sûr, mais il suffisait de voir le regard de ces femmes pour constater qu’elles étaient paniquées