Le baron me fatiguait, bien souvent. Il tenait à ce que je sois là, à chacune de ses réceptions. J'étais comme un trophée de chasse, qu'il ressortait, dépoussiéré pour l'occasion, à chaque soirée pompeuse où son épouse devait elle aussi se pavaner. Douce et adorable, on pouvait se demander si, réellement, elle ignorait que toutes les femmes à qui elle donnait un hochement gracieux de la tête en guise de salut étaient en fait les maîtresses de son époux.
J'avais eu un rire en la voyant faire devant moi. Il m'avait raconté qu'elle ne pouvait faire la chose que dans le noir et en conservant sa chemise, il avait du mal à avoir du plaisir... Enfin, avec moi, il en avait un peu trop. Comme trop d'humains ou de race approchant, il était beaucoup trop sensible : pas à la hauteur de mes siècles d'expérience et de mon appétit.
J'étais entrée dans la salle de réception, comme à l'ordinaire, j'avais attiré tous les regards sur moi, y compris ceux de la moitié des hommes que j'avais déjà approché intimement, la seconde moitié... Oh, eh bien cela ne saurait tarder. Et puis, si je ne trouvai pas satisfaction, je pourrai toujours demander à mon cher baron de me conduire dans les appartements aux soirées spéciales.
Enfin, au bout d'un court moment je m'étais ennuyée. Les femmes me donnaient faim et les hommes excitaient ma libido de monstre. J'avais eu un rire discret avant de prendre un serveur dans mes rais. Avec adresse je l'avais guidé jusqu'à l'un des appartements, en haut. Après avoir obtenu quelques courtes minutes de plaisir physique, je l'avais vidé de son sang et balancé dans un coin de la pièce, je fis de même avec un second – qui eut le mérite de me faire jouir davantage et plus longtemps – et délaissait le troisième, évanoui, sur le sol.
Et me revoilà, face à trois jeunes nobles qui m'avaient vu achever ce pauvret. Je souriais, attirant le plus proche à moi. Je lui donnais un baiser, brûlant, tel qu'il n'en avait sans aucun doute jamais goûté. Il s'accrochait à moi, chavirant déjà de l'ivresse de ce baiser. J'attirai ses compagnons, qui ne tardèrent pas à succomber à leur tour. Me défaisant totalement de ma toilette, j'entrepris de me servir sur trois êtres à la fois afin d'avoir enfin ma libido comblée.
Tap tap tap tap... Les talons claquaient contre le marbre de l'escalier.
J'arborais une longue robe écru et noir dont le dos, très grandement échancré et le corsage, outrageux, laissait voir la naissance de mes seins tant la naissance des « collines arrières ». [Si tu veux avoir une idée de la tenue : ici (http://feelinecreations.designblog.fr/image/1223927214-jpg/)] Je n'avais certes pas besoin de ces « artifices » pour attirer les hommes – et même les femmes – mais les êtres vivants sont si faciles à affoler, il aurait été dommage de s'en priver quand on en a tant les possibilités...
Un homme attendait ou en avait tout du moins l'air, en bas, face à un des majordomes du baron. Bel homme, il saurait sans doute me satisfaire lorsque je le désirerai... Il ne faut pas abuser des bonnes choses. Et puis ma libido avait l'air d'être calmée pour le moment, il aurait été idiot de la réveiller de nouveau ou de la nourrir inutilement : elle serait capable d'y prendre goût.
Entendant mes pas sur l'escalier puis pour venir jusqu'à lui, il s'était tourné vers moi. Mon visage d'une pureté et d'une perfection sans limite s'approchait de lui. Je lui souris avec tendresse et charme et lui pris le bras :
_Le baron me punirait de savoir que je vous ai ainsi laissé seul...
L'entraînant à ma suite, n'hésitant pas à faire démonstration peu commune pour une simple humaine, mais, je n'étais pas une humaine... Je lâchais enfin son bras, le poussant parmi les snob, les affreux qui se massaient déjà dans la salle. Je pris deux coupes de champagne sur le plateau d'un des serveurs et lui tendit une coupe. Déposant un baiser sur sa joue, je me frayais un passage pour aller embrasser furtivement ce cher baron. Avant qu'il n'ait pu s'apercevoir de mon absence, j'étais de retour face à l'inconnu du hall, faisant admirablement semblant de boire cette boisson qui m'aurait tué à la simple goutte.
Il ne marchait pas, non, il courrait dans les rais que j'avais su préparer. Cet humanoïde – trop fort pour n'être réellement qu'un simple humain – quoi qu'il en dise et n'en laisse paraître, était troublé par mes pièges malins, et quoi qu'il se débatte, il ne tarderait pas à se retrouver coincer, prit par mes fils de vierge. Je sentais son émoi, la tension dans son corps qui rampait, visqueux serpent, dans son esprit, dans ses entrailles, je commençais même à le ronger.
Il accéda à ma requête. Je fis mine de m'en réjouir, repensant à son aveu sur son pêché. Il tenterait sans nul doute de jouer avec moi...
Joue, mon trésor, joue...
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Bientôt, il m'entraîna à sa suite, nous éloignant de la salle de réception et pénétrant plus avant dans le couloir où résonnaient les vagissements de la comtesse. La porte, peu après le coude que formait ce sombre tunnel de luxe, donnait sur l'une des salles principales qui elle-mêmes côtoyaient d'autres petites pièces, où la débauche la plus extrême était de mise.
Il avait ralenti l'allure, espérant sans doute faire s'évanouir de frayeur, d'effroi la pauvre dévote prude, chaste et pure que j'avais dis être. A la vérité l'odeur musquée des mâles présents dans les environs, l'odeur des fluides sexuels, humanoïdes ou clairement humains, l'odeur de sang même dans cette salle où une esclave se faisait sodomiser sans y avoir été, eh bien... « préparée », et visiblement par un homme-taureau à la grande envergure, tout ça, oui, toutes ces odeurs, jusqu'aux sueurs mêlées de tout ce beau monde... Tout cela m'affamait.
Mais j'avais trop d'expérience pour me laisser avoir par mes pulsions vampiriques, je jouais parfaitement mon rôle : resserrant contre mes obus-poitrine le bras de Malakh. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, même s'il ne brassait plus autre chose aujourd'hui qu'un fluide rougeâtre. La faim, l'excitation tant des papilles que sexuelle, affolaient ainsi mon palpitant, mais mon partenaire ne saurait prendre ça autrement que comme de la peur d'une pauvre mijaurée.
_J'ai peur de m'être trompé quant au calme de l'endroit. Mais je ne doute pas qu'il y a une zone moins bruyante dans les environs...
Des hurlements de plaisir d'une femme, attachée, besognée par des créatures inconnues qui faisaient la queue les unes derrière les autres, me firent faussement sursauter. Mon cœur accéléra encore la cadence : la peur d'une pauvre jeune femme pour Malakh. Mon envie dévorante d'être à la place de cette inconnue pour moi.
_Enfin, vous m'avez tout à fait rassuré quant à vous.
J'esquissais un sourire courtois mais inquiet, comme l'aurait fait une jeune femme selon ma description.
Brusquement, mon visage s'éclairait : une salle se libérait, enfin ! Je tirais en courant presque l'homme dans cette pièce, refermais la porte. Les murs étaient ornés de jouets sexuels : des vibromasseurs divers et variés, pour « l'intérieur » comme pour « l'extérieur », des jouets pour... l'arrière, des menottes en tout genre, des attaches en satin, de la bande adhésive, des boules de bouche en tout genre : percée pour la bave ou non, ouverte pour forcer la fellation, des mords comme pour les chevaux, des crochets à anus... Une foule d'accessoires, vraiment. Sans oublier les baguettes de bambou, les fouets, les martinets, les cravaches... Il y avait même une machine sur laquelle on pouvait fixer le vibro de son choix... Fantastique.
Au centre, bien sûr, une multitude de tables, de systèmes d'attaches, des plus simples au plus complexes....
Je sentis mon ventre faire un sursaut de désir, que je réprimais en imprimant à mon visage une mine déconfite.
_Quelle... Quelle horreur, balbutiai-je, comme sous le choc de la traversée que nous venions d'effectuer et de la découverte de cette pièce.
Je déglutis, une main sur le cœur et marchais jusqu'à une chaise, comme étrangement banale au milieu de cette pièce. M'amusant avec Malakh et pourtant réellement mal à l'aise, je desserrai mon corsage, mon excitation me faisait tourner la tête tandis que l'horreur de ce qu'elle venait de voir faisait de la petite gourde que je jouais une jeune femme tout aussi essoufflée que je l'étais pas les émotions fortes, le choc. Ma poitrine poussa le tissu, on la distinguait encore davantage, offerte comme un fruit mûr, promettant le goût sucré et enivrant du premier vrai fruit d'été, dégoulinant d'un jus céleste, comme promis depuis une éternité.
Je marchais vers Malakh et posais ma main légère sur son bras :
_Pardonnez-moi, mais... Oh mon Dieu je suis désolée je... Pourriez-vous... Enfin... Me tenir dans vos bras un instant je... Je suis si éberluée par ce que je viens de voir... Je..
Un regard implorant, sincère, troublant, une beauté encore plus troublante et enivrante par cela même que j'étais moi-même en émoi...
# Mais si, mais si, mon doux amour, tu ploies, tu m'obéis, et tu agenouilles devant moi, ma beauté scélérate et mon ignominie... Salue ta reine, mon doux prince, car tu es assujetti à jamais, pour l'éternité, à la splendeur des temps passés et à la rancœur des âmes damnées. #
Et il se croyait toujours si puissant, ce doux, ce si fin stratège abruti par mes victorieux sortilèges... Il aurait fallu qu'il me fuit, qu'il délaisse la pauvre créature, qu'il la torture, oui, afin qu'elle se jette dans ses bras, qu'elle le supplie... Mais il n'en était rien. Il offrait sa chair comme une vierge s'offre à l'amant qu'elle croit éternel. Mon jeune premier, je saurai le déflorer avec une si merveilleuse adresse... Oui, il ne me quittait point, le vieux chêne se dressait encore plus fièrement, et le roseau, sensuel courbeur de tête, se languissait contre son tronc, affolait la sève et engourdissait ses branches. Son feuillage, à terre, je le foulais de mes pieds légers, et j'étanchais ma soif à ce fruit même qui pendait, offert.
Il aurait dû me délaisser comme on le fait pour torturer une femme, mais sa prétention lui interdisait d'agir comme un homme. Il se voulait plus que ça. Il fallait qu'il me vainque, qu'il affronte la tourmente, car le vieux chêne, se croyant si sûrement assis sur ce qu'il pense être sa supériorité, veut prouver au monde entier, à la nature même à quel point il est fort, il veut prouver qu'il peut dominer toute chose et que la tempête même que la walkyrie déclenche ne saurait le faire frémir. Sot petit tronc tout dénudé.
Ses lèvres impétueuses s'appuyaient sur les miennes, les forçaient. Et puis sa force domptait mon corps, le sculptait. Qu'il croyait. D'un seul bras je l'aurais envoyé contre le mur, au fond, d'une seule inspiration de mon souffle puissamment altier, je l'aurai abattu avec toute la violence de ma mère contre-nature. J'aurai ri, je me serai moquée, de ce petit enfant qui combattait une sorcière en laquelle sommeillait un dragon. Oui, j'étais enfin une sorcière, celle qui déchaînait les sens, la violence des éléments et qui soumettait à elle toutes forces du monde.
Sa lenteur était presque agaçante, mais je me pliais encore au jeu, et me laissai tomber au sol, tandis que son corps écrasait le mien. Je le sentais brûler de désir, celui de me prendre, de me posséder enfin, que son orgueil démesuré soit satisfait par ma croupe, que le chêne, toujours assoiffé, puisse enfin s'étancher en mon sein.
Non, bien sûr, je ne bougeais pas. Peut-être un peu, pour donner l'illusion de la faible femme qui tentait de se défendre.
Oh, ainsi, il savait qui j'étais... J'écoutais avec attention. Le roseau se dressait, tandis que le souffle du vent l'épargnait, il guettait, fier et fidèle soldat, à l'affût du moindre signe trahissant quelques sournoiseries. Mais le grand chêne est trop sûr de lui, le grand chêne ne sait pas, lui, qu'il est démasqué, que tous, ici bas, près de moi, savaient qu'il tomberait, et que je le débiterais comme on débite une simple petite bûche. Et alors ce serait à moi, à moi seule, d'étancher ma soif de ses fluides, je le pomperais, je me servirais, le dévorerais... Je l'aimerais en moi comme on aime son enfant, comme on aime une putain, je l'aimerais dans mon corps et lui offrirait une immortalité, une vie éternelle au tréfonds de moi-même.
Ne pas rire. Il ne fallait pas rire, surtout, quand bien même il ne mesurait pas le comique de son discours. Moi... ? Esclave de mon envie ? Etait-ce moi qui, présentement, aveuglée par ma si sotte assurance d'être toute-puissante, m'exposait devant un des prédateurs les plus dangereux de ce monde ? Etait-ce moi, même, qui m'offrait ainsi comme une proie, sur un plateau d'argent, le péché entre les lèvres et baignant dans une sauce de sang frais ? Pauvre, pauvre petit amour...
Maintenant, le doute l'inonde, s'insinue si suavement dans ses chairs, le ronge avec délectation. Il ne sait plus s'il veut me posséder réellement, car j'étais son double, son opposé, son complément... Mais j'étais femme, j'étais feu. Je brûlais d'ores et déjà et mes flammes rougeoyantes léchaient déjà ce qui tendait son âme envers moi. Elles roulaient sur lui, l'avalant et le recrachant avec ardeur, le laissant penaud et éperdu avant de le faire siennes de nouveau. Petit amour et petit jouet de mon âme.
_Le Sexe et le Sang sont si délectables, n'est-ce pas ? Je lis en vous comme si vous étiez moi... Parce que vous êtes moi. Mais féminine, désirable et sensuelle.
Une nouvelle fois, il fallait contenir un rire. Nous n'étions pas si semblables qu'il l'affirmait et, il ne pouvait se figurer à quel point ses premiers mots étaient vrais.
Mais il se redressait, me laissant choir encore contre le marbre froid qui pavait le sol. Le grand chêne se dressait encore, imposant et ronflant de fierté. Pathétique sylvestre, je t'abattrai.
_C'est un bon endroit pour mourir. Je vendrais bien mon âme au Diable dans un lieu tel que celui-ci.
Et il osait prétendre savoir que des choses me pesaient, à moi... ! Vraiment, quel amusant personnage !
Je me relevais avec grâce. Je souriais. Le roseau se relevait tandis que j'apaisais la tempête qui déchirait le ciel. Je m'avançais vers lui. Ma main grimpait contre le tronc tremblant du chêne, frôlant sa Vie, la désirant et l'appelant à moi. Elle s'arrêta à sa gorge, que je saisissais, et dévoilant ma véritable force, je le plaquais avec ma rapidité vampirique contre le mur.
D'accord, je me dévoilais. Mais je gagnais, car il désirait le diable, et qu'étais-je sinon le péché, le Malin, cet ange déchu ? J'avais la beauté de l'ange et la déchéance du mal. Oui, ma dualité me rendait plus belle, plus désirable encore. Je riais, maintenant, vrillant mes prunelles d'un vert éclatant dans ceux plus ternes de l'humain :
_Oh oui, mon cher, vous avez vu juste, je suis divinement douée, et ce depuis des années...
Je sortais mes crocs, et ma langue courrait contre la jugulaire de Malakh, tandis que mon autre main dénouait ma robe, dévoilant presque entièrement ma poitrine.
_Et encore une fois, oui... Le sang et le sexe n'ont en rien leur pareil pour me contenter... Oh, douce victoire que celle que vous m'offrez...
Ma main lâchait mon corsage, glissait sur son entrejambe, tandis que l'autre resserrait sa prise sur la gorge de l'homme.
_Alors, mon brave... Voyez, dans ma mansuétude je vous laisse le choix... La mort de l'âme, ou la mort de votre corps...
Je souriais.
Le vieux chêne ploierait car il n'avait plus le choix, il serait sous ma loi. Et le roseau restait droit.