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Ça avait commencé comme ça. Il y avait longtemps que Kyô était descendu aux Enfers voir son grand oncle. Une pure journée de déconne, Hadès et Kyô échangeaient des blagues douteuses, discutant de tout et de rien, ils se baladaient dans tout le Royaume en se moquant des damnés qui souffraient sous leurs yeux. Le jeune fils d'Artémis s'amusait même, de temps en temps, à pointer du doigt ceux qu'il avait lui-même envoyés ici. Les vieilles habitudes, mais ça faisait longtemps.
Et donc comme d'habitude, ils avaient bu un verre chez le Dieu des Morts, abordant des sujets plus sérieux comme la quête du Dieu des lagomorphes. Là, c'était moins drôle, il ne pouvait pas faire le fier devant les réprimandes d'Onii-chan, surtout qu'il n'avançait pas beaucoup, même s'il se trouvait des jolies filles bien roulées tous les deux jours. Il était pas censé perdre son temps ainsi, mais Kyô restait Kyô.
Et donc, au beau milieu de la conversation, le frère du vieux con qui fait tomber la foudre (et aussi celui du vieux con qui fout de la flotte partout, mais on va quand même pas se faire le répertoire à vieux cons de Kyô) se mit à parler d'une certaine soirée qui aurait lieu d'ici une semaine:
"Un genre de grande réunion avec tous les Dieux majeurs, on parle de trucs importants en se gavant près du buffet, et on fait venir des Mortels pour voir s'ils sont aptes à rester avec nous. Il y aura Zeus, Arès, ta mère..."
Le Divin soupirait. A croire que ça l'emmerdait. Il versait du vin dans une coupe pour Kyô, qui la descendit d'une traite, s'essuya la bouche et reposa le verre tout simplement. Il faisait preuve de sa spontanéité habituelle.
"Je m'en cogne."
Hadès se mit à rire. Kyô était toujours aussi direct. Il but son propre verre et continua:
"En fait, moi aussi je m'en cogne. Ces festivités sont emmerdantes à mourir, et je sais de quoi je parle..."
Kyô acquiesça d'un hochement de tête aux propos de son grand-oncle, et ils échangèrent un sourire complice. Sauf qu'au moment où Kyô cessait de sourire, celui d'Hadès s'élargit. Putain, ça craint...
"Voilà, on va faire un jeu: je te métamorphose et cache ton aura divine pour que tu débarques à la fête. Je t'impose un challenge, si tu perds, tu conserveras cette apparence pour les trois prochains millénaires. Amusant, non?"
Complètement tordu oui! Mais ils étaient comme ça. Hadès savait très bien que Kyô réagirait au mot "challenge", il le tenait déjà sous son joug.
"Ben, ça dépend, c'est quoi le deal?"
Le piège se refermait. Le rictus qui déformait la bouche du Dieu des Morts n'en était que plus effrayant. Le vieux reprit:
"C'est tout con, je te change une femme. Tu ne dois révéler ta véritable identité à personne. Et tu dois séduire Héra."
Kyô eut un hoquet de surprise, et se leva soudainement. Draguer la vieille bourrique? Il était timbré! Il ne pouvait même pas la voir en peinture! Son regard rouge toisait de haut Hadès, mais ça ne l'impressionnait guère.
"Va te faire voir, je me tire!"
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La nuit commençait à tomber sur l'Olympe. Des Mortels s'attroupaient sur la grande place du Mont Olympe, où des Dieux étaient déjà en train de discuter. C'était folklo, tout le monde parlait grec, ça changeait pas mal du reste de Terra. Il y avait là les plus grands du Panthéon, Zeus, Poséidon, Artémis, Athéna, Arès, Déméter, Dionysos de l'autre côté du buffet... Ils étaient tous là, même Hadès, même Héra. Seul manquaient à l'appel Héphaïstos, qui était parti en vacances parait-il, et Aphrodite qui selon ses propres termes avait d'autres chattes à foutre. Et ce n'était pas une faute de langage.
Parmi cette foule, il y avait là une jeune femme (http://i46.servimg.com/u/f46/15/96/64/89/0572a610.jpg) rougissante, en train de réajuster son petit couvre chef rouge assorti à sa robe. Selon Onii-chan, ça faisait ressortir sa chevelure sombre, mais selon lui, ça faisait ressortir l'air con qu'il se tapait. Lui? Oui, cette jeune femme, c'était Kyô. Enfin, ce soir, il était Jessika Hallison, jeune demi-démone qui désirait servir aux côtés d'Héra pour le restant de ses jours. Il savait que c'était une connerie, et qu'il n'aurait jamais dû accepter. Mais il était revenu à la charge en apprenant ce qu'il avait à gagner de ce petit pari; alors il avait passé toute la semaine à travailler sa démarche, ses manières, sa façon de parler, juste pour cette soirée.
Il lui avait fallu deux heures pour se préparer. Non pas qu'il trouvait que cette apparence provisoire (espérons-le) était difficile à entretenir et à préparer, mais il avait passé une heure sous la douche histoire de se familiariser avec ce corps féminin si bien gaulé. Mais on passera les détails, surtout qu'il devait être habitué, avec toutes les douches qu'il avait prises...
Et donc, il se faufilait entre les convives pour atteindre le généreux banquet. C'était la toute première fois de sa vie qu'il s'approchait d'un buffet à volonté sans courir ni hurler.
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... Sachez qu'à la base, elle ne voulait pas y aller. Avant, d'ailleurs, elle n'y serait pas allée, malgré son statut de Reine de dieux. Tout le monde savait qu'elle était une femme assez caractérielle, pour ne pas user d'autres termes, et qu'elle était très franche ... Aussi ne prenait-elle pas la peine de cacher aux autres déités qu'elle ne pouvait pas les sentir. Ce qui était bien, c'était que personne ne venait lui chercher des noises par la suite : elle était Héra, reine d'Olympe. Il n'y avait que Kyô, qui, trop souvent, jouait à la provoquer ... Mais rien de bien méchant. Elle ne comprenait juste par pourquoi Hades adorait celui qu'elle aimait nommer "ce petit con" avec un grand sourire.
Bref, tout cela, c'était avant. Désormais, Héra se devait de faire des efforts ... La raison ? Oneiros, son fils. Elle ne voulait pas que les autres déités le déteste à cause de sa mère et son caractére parfois bien trop imprévisible ... Aussi avait-elle fait la paix avec les autres dieux et déesses olympiennes. Oui, vous avez bien lu : Héra était devenue gentille. Même si cela était, bien souvent, une façade, elle s'efforçait d'être sociable et joviale, délaissant ce besoin de solitude qui la rongeait. Pour ce fils, elle était prête à faire tous les efforts possibles et imaginables ... Putain.
Elle se rendit donc à cette soirée, souriante comme jamais. Abandonner son fils lui avait presque déchiré le coeur ... Oneiros était désormais avec sa nourrice, bien au chaud dans le palais de la Reine des dieux. Tout le Panthéon connaissait l'existence de ce fils, tant sa naissance avait été fêtée, mais peu avait eu l'occasion de le voir. Arès, Hades et Zeus avaient eu ce privilége, déjà. Les autre se battaient pour l'entrevoir ... Faudra que j'organise quelque chose. Un soupir. Pense à autre chose.
Vêtue d'une élégante robe noire qui dévoilait son dos entier, avec une légére traine, elle descendit parmi les dieux et les humains, ignorant le buffet avec la prestance d'une reine. Son regard fouilla, fouina, et elle reconnut tous les visages des dieux ... Tant mieux. Ils avaient intérêt à tous êtres présents. Seule elle pouvait se permettre d'être absente ! Tandis qu'elle continuait son inspection, et que son cher frère Hadés lui offrait une coupe de nectar, elle remarqua qu'il en manquait un ... Quel emmerdeur, j'y crois pas. Alors qu'une dizaine de prêtresses l'attendait, il n'était pas là. Kyô, j'aurais ta peau. Elle vida la coupe d'une traite, prête à se plaindre de cette abscence auprès de son divin mari, quand son regard croisa celui d'une jeune femme vêtue de rouge. Héra ne la regarda pas bien longtemps, rejetant son attention vers son frère, Hadés.
- Qui est cette jeune femme, près du buffet ? demanda t'elle en fauchant une coupe.
- Laquelle ?
- Celle qui porte une robe rouge.
- ... Je pense qu'elle fait partie des trois seules femmes prêtes à te servir, Héra.
Elle le laissa ricaner, mais ne se priva pas de lui asséner une tape sur le haut du crâne, qu'il lui rendit en lui pinçant la taille ... Hades était sans doute le seul de ses frères avec qui elle se plaisait à se comporter comme une adolescente. Peu de filles se pressaient pour devenir les prêtresses de la Reine, pour la simple et bonne raison qu'elle les ejectait bien vite d'Olympe. Seule Melinda était restée à ses côtés ... Et elle espérait que cela dure longtemps. Quand Hades se dirigea vers un attroupement de prêtresses qui lui étaient réservées, elle grogna ... Lui aussi était un salaud avec elles, et pourtant, il en avait en abondance ! C'pas juste. Elle, on la regardait avec respect et crainte, mais rarement avec tendresse ... Il n'y avait que trois personnes au monde capable de faire cela : son fils, son amant, sa prêtresse.
A nouveau, Héra vida sa coupe d'une gorgée, et se surprit à avoir encore soif.
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Il était arrivé près du buffet et regardait chaque met avec une gourmandise rudement dissimulée. C'est qu'il avait la dent, mais qu'il était généralement le seul à sauter sur chaque plat avec avidité. Parce que les Mortels étaient gênés, et que les autres Dieux étaient bienséants. Il détournait donc le regard et ce qu'il aperçut le choqua: Artémis buvait de l'ambroisie, entourée de tous ses enfants qui discutaient avec. Une réunion entre Dieux majeurs? Et puis quoi encore? Hadès aurait pu le dire, qu'on avait pas voulu l'inviter! Les sourcils froncés, il se détournait à nouveau et attrapa une assiette. Il attrapait quelques feuilles de laitue et les dispersait, ajoutant par-dessus quelques crevettes disposées en cercle, ajoutant du maïs et une petite tomate-cerise pour la décoration. C'était joli, mais ce n'était pas dans ses gouts. Pour lui, tout ça manquait de viande. Il s'empara d'une cruche de vin rouge quand de l'autre côté du buffet, un jeune homme l'interpella. Il portait un ornement de vigne près de l'oreille, prouvant qu'il était un prêtre du vieux fêtard.
"Excusez-moi mademoiselle, vous pouvez vous servir de ce vin comme bon vous semble, mais n'emportez pas le pichet je vous prie."
Il croisa le regard du jeune homme et releva un sourcil. Puis il chercha dans la foule Hadès. Il finit par le trouver, il semblait discuter avec Héra, qui le regardait. Mauvais, il préféra détourner le regard:
"J'apporte ces amuse-gueules et ce rafraichissement à ma maîtresse Héra. Je cherche à m'introduire auprès d'elle afin de devenir pleinement sienne."
Il lui avait fallu une grande partie de son entrainement quotidien pour se convaincre de dire Héra et non la vieille bourrique, et il était plutôt fier d'y arriver le jour J. Néanmoins, il avait encore un peu de mal à formuler des choses comme devenir pleinement sienne. L'homme avait dû mettre cela sur le compte du stress, car il hocha la tête et le laissa disposer. Jessika s'empara du récipient quand il entendit une voix plus que familière discuter dans son dos. Elle appartenait à l'un de ses frères:
"Cette soirée s'annonce plutôt bien, n'est-ce pas Mère? J'espère que l'Indigne ne rôde pas dans les alentours... C'est un vrai trouble-fête!"
Il ricana. Kyô n'osait se retourner, s'efforçant de contenir sa colère. Tu fais moins le fier quand je suis là, enfoiré! Je vais te tuer! Il eut un frisson quand il entendit les réprimandes de sa mère. Elle était si près, et il ne pouvait rien faire!
"N'y pense pas, Volpe. Et cesse de nommer Kyô ainsi. Il a beau être un imbécile fini, il est tout aussi digne que toi d'être mon enfant. Je te l'ai déjà dit."
Un sourire victorieux apparut sur le visage du Sanctus Tenebris l'espace d'un instant. C'était la première fois que la vieille chasseresse prenait sa défense. Même s'il estimait que ça ne valait rien, et qu'il n'en avait pas besoin. Il se retourna et croisa le regard froid de sa créatrice. L'exact opposé du sien qui était constamment brûlant de passion ou de colère. Il se faufilait entre les gens, les bras en l'air pour ne pas que l'on bouscule le plat et la cruche, et atteignait finalement Héra. Le jeu commençait. Il lui présentait le tout en baissant la tête.
"Salade, fruits de mer et vin rouge. En espérant que cette attention vous sierra, maîtresse Héra."
Une partie de son esprit lui susurrait que la formulation maîtresse Héra lui donnait envie de dégueuler dans le plat. Une autre ajoutait qu'ensuite, il pourrait toujours lui coller le plat en pleine tronche, ça ferait une belle introduction. Enfin, la dernière lui fit remarquer qu'il avait beau être bien gaulé, 3000 ans sans pouvoir foutre une prêtresse, ça ferait long. Et se faire métamorphoser en femme parce qu'on a perdu un pari, ça entache la réputation de vos fidèles, en plus du regard qu'ils vous portent. Les yeux brillants d'espoir de ne pas se faire balourder comme un vieux sac, il relevait la tête vers la femme de son grand-père:
"Mon nom est Jessika Hallison, je suis entièrement à votre disposition."
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Quand cette jeune femme s'approcha d'elle, la gentillesse légendaire d'Héra entra en scéne. Sa seule réaction face à cette inrruption dans son champ de vision fut d'hausser un sourcil, sans décrocher aucun sourire. Elle se contenta de toiser cette inconnue, restant de marbre, le verre vide à la main. La Reine des dieux dans toute sa splendeur ... Elle dévisagea cette jeune femme, ne lui accordant aucun signe de remerciement ou de tendresse, ses yeux cherchant même la silhouette d'Arès dans les alentours pendant un instant furtif. Puis elle se concentra vers cette jeune inconnue, se contentant de tendre son verre vers elle. Héra atteignait des sommets, au niveau de son caractére détestable et froid, en cet instant même. Elle remua son verre dans un sourire vif, laissant entendre à cette créature qu'elle ne souhaitait qu'une chose : qu'elle lui remplisse son verre. A la question " Héra est-elle une garce ? ", cochez oui.
Elle ne prenait même pas la peine d'être une déesse accueillante, jusqu'à ce qu'elle perçoive un sourire d'Hadés ... Alors, elle se rappela qu'elle devait cesser d'être aussi froide. Elle toussa légérement, arborant un sourire hypocritement heureux. Non pas que cette femme était repoussante, non, loin de là, mais Héra avait une sainte horreur des prêtresses dévouées. Ce genre de femmes soumises l'éxaspérait plus que tout.
- Jessika, c'est cela ... ?
Son sourire dévoila sa dentition parfaite, tandis qu'elle faisait mine de s'intéresser à cette fille. Elle ne pouvait s'empêcher de jeter certains regards sur l'ensemble de son anatomie, mais elle ne le fit qu'une fois : Héra n'était pas du genre à regarder avec insistance poitrine et fessier des jeunes femmes. Alors qu'elle allait ajouter quelque chose, elle vit qu'Artèmis lui faisait signe, non loin de là, avec cet habituel sourire que la Reine jugeait plus idiot que sincère. Elle lui rendit cependant un signe de la main, avant de marmonner un :
- Petite conne présomptueuse.
... Oui, je l'avoue, Héra doit encore faire pas mal d'efforts avant de devenir une tendre. Mais depuis la naissance d'Oneiros, tous les dieux olympiens étaient devenus un troupeau d'hypocrites de seconde zone, cherchant à s'attirer les faveurs de ce nouveau dieu bientôt très puissant ... Comment voulez-vous qu'elle les tienne en estime, alors ? Même si elle devait jouer à la tendre Reine, elle ne pouvait s'empêcher de rêver de leur faire la peau. Cette bande de faux-culs ne cherchaient même pas à connaître et aimer ce jeune dieu ; ils voulaient juste l'avoir sous le coude pour espionner Héra. Bande de salauds. Je me trouve bien vulgaire, ce soir.
Bref. Elle reporta son attention, à nouveau, vers Jessika, et piocha une crevette, la remerciant d'un battement de cils.
- Et qu'est ce qui te pousse à ... chercher à être ma prêtresse ?
Elle était curieuse de connaître les motivations des prêtresses ... Personne ne rêvait de soumission, ici-bas. Quoique ... Les humains ont certaines fantaisies incompréhensibles.
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En bonne prêtresse dévouée, il avait rempli le verre qu'Héra lui tendait avec humilité. C'était comme ça que ça marchait, avec les Dieux majeurs, ils ne se foulaient même pas à donner des ordres. Et un s'il te plaît, ça va te tuer conasse? Pour sa part, Kyô avait l'habitude de boire directement au cruchon, et de le faire passer à ses fidèles comme à n'importe quel ami. Aucun de ses fidèles n'était serviteur chez lui, même si c'était quand même eux qui entretenaient le temple. Il sourit en voyant Héra se moquer de sa mère avec la même hypocrisie dont il faisait preuve pour gagner ce fichu pari, et ne put se retenir une petite remarque, les yeux baissés, le ton bas:
"La fille de Léto et ses sous-fifre bâtards ne méritent pas de fouler le même sol que vous et de respirer le même air... Oh, veuillez pardonner mon insolence..."
Simuler l'humilité le rendait un peu nauséeux, et ça empirait quand il sentait le regard d'Hadès posé sur lui. Cet enfoiré se la coulait douce avec ses prêtresses, lui il avait des femmes, de la boisson et de la bonne viande! Kyô avait un plateau, une cruche et une robe. Il y avait quand même une différence.
"Et qu'est ce qui te pousse à ... chercher à être ma prêtresse ? "
Un œil malsain et un sourire amusé changèrent soudainement les traits de la petite Jessika Hallison. Kyô mentait rarement à une femme, sauf par omission. Même si c'était une vieille godiche bonne pour la casse. Son ton plein d'humilité devenait plus clair, son audace habituelle devenait la face cachée de la jeune prêtresse d'Héra. Et puis, c'était une demie-démone, non?
"N'est-ce pas évident, maîtresse Héra? Je fais ça pour le pouvoir! C'est en s'alliant avec les meilleurs que l'on devient meilleur! Plus je serai proche de la plus grande des Déesses, mieux je pourrais faire régner la Justice Divine!"
Aucun mensonge. Que du double-sens. Il se rapprochait de la plus grande des Déesses pour mieux en rire, et pour qu'Onii-chan daigne accomplir sa part du contrat. Pour ce qui est de la Justice Divine, il est bien sûr évident qu'il parlait de la sienne, et non de celle de la vieille bique. Il parlait un peu comme un illuminé, un fanatique, mais c'était voulu. Les vieux Dieux aiment les pions. Kyô ne visait qu'une chose: l'échec et mat.
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... Héra faillit s'étrangler avec sa gorgée de vin quand elle l'entendit répondre. Et elle se souvint à quel point certaines prêtresses étaient ... inqualifiables. On va dire ça comme ça. Pour tout dire, les deux réponses de cette petite étonnérent la déesse. Aucune prêtresse ne se permettaient de casser du sucre sur le dos des autres au beau milieu d'une telle foule, ce qui prouvait que cette Jessika avait du cran, mais aussi une certaine folie suicidaire. Si Artémis venait à apprendre ce qui s'était dit, là, à cet instant, Héra ne donnait pas cher de la peau de cette petite. Et quand elle se mit à parler de puissance ... La réaction de la Reine des dieux fut immédiate.
De sa main, elle empoigna le menton de la petite ingénue, dirigeant son visage vers le sien.
- Je ne suis pas très bien placée pour faire régner la Justice Divine, ma belle.
Elle relâcha le visage de cette jeune fille, décidée à ne pas martyriser la seule personne suceptible de la servir prochainement. Même si l'idée même de disposer d'une prêtresse la faisait profondément ch ... n'était pas dans ses objectifs principaux, elle ne voulait pas ternir son image de délicate déesse. La blague. Son caractére, elle ne pouvait pas le changer ... Elle avait la poigne de fer, le verbe acide, le ton odieux, et l'attitude hautaine, point. Héra était caractérielle, solitaire et impulsive. Cela faisait partie de sa légende. Même s'il lui arrivait de se montrer patiente et douce ... Mais c'était rare. Trés rare, même.
Mais bon, pour une fois qu'une de ses éventuelles prêtresses ne roulait pas des yeux en marmonnant des miévreries ... Au moins, celle-ci était enflammée. Idéaliste, certes, mais enflammée. Et puis, franchement, demander à Héra de faire régner la Justice Divine ... Elle était la première des déesse à profiter de son statut de Reine pour obtenir moultes choses. Et aussi la première à engueuler les autres quand ils agissaient ainsi.
- Mais en ce qui concerne le pouvoir, tu t'adresses à la bonne personne ...
Elle lui accorda un sourire ... Oui, Héra se pensait la meilleure, elle s'imaginait même valoir mieux que Zeus.
- Les dieux mineurs se pensent puissants, mais ne valent rien ... Que ce soit les enfants d'Artémis, ou d'autre encore. Enfin, surtout les enfants d'Artémis.
Le cris hystériques de cette déesse durant les réunions Olympiennes tapaient sincérement sur le systéme de la reine des dieux, au fil du temps. Et puis, il y avait ce Kyô, qui avait le don de la mettre sur les nerfs à chaque occasion ... Il n'avait de cesse de l'appeler " la vieille ", ce qui frustrait l'amour-propre d'Héra, et ce qui lui donnait, par la même occasion, de profondes envies de meurtre. Elle s'était jurée de lui faire la peau, un jour, d'ailleurs. Le fait qu'il ne soit pas présent à cette petite fête de famille lui offrait une excellente raison de lui déboiter la mâchoire. C'est beau, les liens familiaux. Elle poussa un long soupir. J'espère qu'Oneiros ne deviendra jamais ainsi. Elle devrait surveiller ses fréquentations, tiens ... S'il en venait à lier une amitié avec ce dieu des lapins ... Je l'égorge.i]
- Dis-moi ... Olympe te fait-elle rêver, Jessika ?
Une question plombée d'ironie. Oui.
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Ils tombaient d'accord sur un point: les frères et sœurs de Kyô étaient tous des glands. Il ne se comptait pas dans le lot, étant donné qu'il s'était lui-même exclu du groupe le jour de sa naissance. Sa première réaction en les voyant? C'est quoi tous ces connards? De toute façon, Kyô les avait surpassés depuis longtemps, il ne bossait pas, mais il était devenu fort, lui. Et tout seul, sans jouer le lèche-cul. Jamais. Il murmura une petite remarque à la suite, sans vouloir interrompre sa vraie fausse future maîtresse.
"De toute façon, à quoi ils servent tous ces cons-là?"
Et vint la question qui lui posa une colle. Si l'Olympe le faisait rêver? Rêver de mieux surtout. Jessika était supposée ne rien connaître du coin, pour Kyô ça revenait à demander si son chez-lui le laissait rêveur. On ne rêve pas de ce qu'on ne connait que trop bien... Ses joues s'empourpraient. Que répondre?
"Euh... Je suppose que toutes les contrées me laissent rêveuse, vous comprenez, j'ai toujours vécu dans le royaume d'Hadès... Vous l'avez sans aucun doute remarqué, je suis en partie démoniaque."
Toujours pas de mensonges, Jessika avait toujours vécu là-bas, vu que ce personnage existait depuis une semaine. Pas le choix, si Kyô se pavanait sous cette forme sur l'Olympe, le plan aurait été un brin foireux. Et Kyô était bien sûr en partie un Dieu Démon. Mais on ne va pas s'étendre sur ses particularités biologiques étranges.
Il apercevait du coin de l’œil Arès. Il eut un petit frisson, accompagné d'un ridicule et faible glapissement qu'il réprima. Onii-chan, j'espère que t'as pas fait de conneries en métamorphosant aussi mon aura! Si tonton me perce à jour, il en rira encore dans des millénaires!
Son regard rouge retrouvait les yeux froids de sa grand-mère par alliance. Il chercha à excuser son comportement, rougissant davantage:
"D-Désolée, je ne voulais pas vous importuner avec mes affaires personnelles et... Oh, c'est une drôle de sensation de vous parler en face en présence de tant de gens!"
C'était surtout une drôle de sensation de lui parler sans hausser le ton ni lui tirer dessus.
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... Finalement, elle n'était pas aussi demeurée que les autres décérébrées qui servaient de pretresses aux dieux olympiens, cette petite. Sans doute était-ce le fait qu'elle soit à demi-démone qui intéressa Héra ... Les créatures infernales l'amusaient beaucoup, au point qu'elle prenait un plaisir malin à les fréquenter. Leur monde était si différent de celui de la déesse ... Elle adorait cela. Quand Hadés lui proposait de visiter les Enfers, elle devenait comme une enfant, alors imaginez-vous ce que cela pouvait donner quand elle passait de longs séjours au milieu de démons & succubes. Elle s'appretait à répondre à Jessika, quand tout son organisme fut affolé par une simple présence, très, très proche d'elle ... Quand Héra leva les yeux, ils se noyérent dans ceux d'Arès, avec une vigueur qui la fit hoqueter. L'anneau à son doigt, symbole de cet adultére, sembla prendre feu, au point qu'elle détourna le regard aussitot, reprenant son calme.
Il arrivait qu'Héra se mette dans des états aussi imprévisibles qu'incontrolables ... Ce qui trahissait la nature humaine qui poussait en elle. A force de vagabonder sur Terre, elle en venait à ressentir comme une femme, une humaine. Cela finirait par faire d'elle une piétre Reine ... Quand on sait que peu de gens attachaient le nom " Héra " au mot " ressentir ", ce genre de situations parait irréelles. Et pourtant ... La seule réponse de la déesse fut de finir son verre en une gorgée.
- Tu ne m'importunes pas. Quand à cet amas grouillant ...
Le ton était vif, presque pressant, comme le ton qu'emprunte ces adolescentes genées. Oui, elle se sentait conne. Quand elle releva les yeux, elle vit qu'il lui souriait, avant de disparaitre, lui laissant juste le temps d'esquisser un sourire aussi rare qu'une aurore boréale en plein été, venant d'elle.
Elle aussi avait envie de quitter cette pièce, bien trop remplie à son gout, ne serait-ce que pour s'éclipser dans un endroit plus calme. Mais proposer à une personne de s'isoler avec elle était lourd de sens ... Au diable la morale. Héra passa une main dans ses cheveux d'encre, se redonnant une certaine contenance. L'humanité rongeait son caractére de déesse flegmatique, décidemment. Elle fit signe à Jessika de la suivre, et elle passa devant Hadés, dont elle perçut un sourire qu'elle ne parvint pas à analyser. Sans doute était-il amusé par le fait qu'elle quitte si vite cette réception, suivie par une future pretresse ... Toujours est-il qu'Héra emmena cette demi-démone dans un lieu plus calme, mais non loin des autres, histoire de ne pas offrir quelques ragots malsains à cette cohorte de déités & pretresses.
La pièce était d'une paleur inouie : les murs, les tentures, les méridiennes, les assises étaient vetues de couleurs pastels, savamment melées. C'était l'endroit où les dieux se retrouvaient pour se reposer, au rythme de la musique des muses et des nymphes. Tout ici était propice au calme et au repos, d'ailleurs ... Autant dire qu'Héra ne trainait que très peu dans cette pièce. Moins elle passait de temps avec les autres, mieux elle se portait. Elle se posa sur une méridienne, avec l'élégance d'une déesse de son rang.
- Ici, c'est plus calme ... Et plus agréable. Tu ne trouves pas ?
Un sourire furtif, mécanique, et elle regarda longuement autour d'elle, ses yeux se reposant ensuite sur cette Jessika.
- Tu es aussi reveuse que pragmatique ... C'est étrange. Mais ce n'est pas déplaisant.
Elle fit claquer sa langue contre son palais.
- Dis-moi ... Que veux-tu savoir sur moi ? Je suppose qu'avant d'imaginer entrer à mon service, il faut me connaitre un minimum, alors ... Pose-moi une question. Celle que tu souhaites. J'y répondrais ...
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Pétasse! Elle portait bien son surnom de vieille bourrique. Si les Dieux prenaient de haut les Mortels, si les Dieux majeurs prenaient de haut les Dieux mineurs, Héra prenait visiblement tout le monde pour des ploucs. Un amas grouillant? Même si c'était des cons, c'était quand même la plus haute instance du monde, pas les plus utiles, mais du moins les plus forts! Aux yeux du monde, Héra était la Reine, la Souveraine, la Taulière du Monde Entier. Aux yeux de Kyô, c'était juste la vieille folle qu'on aimait enfermer dans la cave, et qu'on ne sortait que pour faire joli.
Néanmoins il sourit, ne serait-ce parce que Jessika était polie et serviable, mais aussi parce qu'ils allaient bouger, quitter la foule, être en paix, et ne plus avoir Hadès sur le dos, et ne plus sentir ses coups d’œil narquois dans son dos gracile de jeune femme. D'un signe de main, elle l'invitait à la suivre, comme s'il eut été question de la lâcher d'une semelle. La prêtresse en robe rouge hocha la tête et suivit sa maîtresse avec toute la docilité du chien-chien à sa mémère. Ils croisèrent le chemin d'Hadès, qui affichait un petit rictus amusé en croisant le regard de la Reine. Lorsque ses yeux se déplacèrent vers la jeune Jessika, il aperçut un instant l'éclat de la victoire dans ses yeux de braise, qui lui criaient à lui seul tiens-toi prêt, le jeu commence et je ne vais pas perdre, Onii-chan! Puis ce regard redevint celui d'une jeune femme obéissante et timide, qui suivait sa Déesse avec humilité, nourriture et boisson. Le Dieu des Morts, amusé, posa son verre sur le plateau, pour que Kyô puisse boire aussi si sa sœur le lui permettait. Pour lui, quelle que soit l'issue, ce serait un grand moment de rigolade.
Ils pénétrèrent dans un petit bâtiment d'une seule pièce qui servait de salle de repos. Kyô n'avait pas pu y mettre les pieds depuis qu'il avait détruit l'ancienne, en provoquant Arès en duel il y a un siècle et demi de cela. C'est donc avec un étonnement non feint qu'il découvrit l'endroit: il trouvait tout ça un peu coloré à son gout, ça manquait de noir. Trop de couleurs claires, trop de couleurs vives. Mais il pouvait parler, il était tout vêtu de rouge.
En parlant de rouge, son teint avait repris sa couleur rose pâle depuis qu'ils s'étaient séparés des autres. Surtout d'Hadès, Arès et Artémis. En partant, il avait cru voir Moros aussi, mais de toute façon ce dernier était un véritable cinglé. Alors qu'Héra prenait ses aises, Jessika décida de poser le plateau et son verre sur une table basse, puis revint au devant de sa maîtresse, les yeux fixés sur le sol en signe d'humilité qui était atroce à imiter, parce qu'il n'en avait jamais eu ni ressenti. Il tenait fermement son pichet de vin par la anse, plaçant l'autre main en dessous comme pour présenter l'objet. Il avait vu des prêtresses d'Onii-chan faire comme ça. Chez lui, c'était le Dieu qui brandissait les bouteilles en hélant ses fidèles de boire un coup avec lui. Un véritable adolescent. Cette cuvée avait l'air délicieuse. Il observait son reflet dans le liquide pourpre.
"Ici, c'est plus calme ... Et plus agréable. Tu ne trouves pas?"
La voix de la vieille le tirait de ses souvenirs. Il relevait subitement la tête, répondant les yeux dans la yeux, avec un semblant de gêne:
"O-Oui! Ici, personne ne viendra vous importuner!"
La remarque d'Héra le fit sourire. Évidemment, il faut être pragmatique pour faire un pari aussi risqué! Séduire l'une des personnes que vous aimez le moins, franchement quelle idée! L’Indigne et la Reine ne pouvaient pas se voir en peinture.
Ah, oui, séduire... Il avait fait quoi jusque là? Servi, souri, été gentil. Il n'était même pas sûr que ça avait été utile à son job. Il avait une soirée pour le faire, après la réception, trop tard. Il ne serait même pas surpris que le roi des Enfers ait déjà tout déballé au tonton belliqueux. Mais bon, pas la peine de faire du rentre-dedans non plus...
"Dis-moi ... Que veux-tu savoir sur moi? Je suppose qu'avant d'imaginer entrer à mon service, il faut me connaitre un minimum, alors... Pose-moi une question. Celle que tu souhaites. J'y répondrais..."
Il détourna les yeux, fit une moue pensive en tapotant son petit couvre-chef. Il cherchait: Quelles sont vos mensurations? Non. Quelle est votre boisson favorite? Nul à chier. Dois-je attendre longtemps avant de pouvoir gouter à vos lèvres? Trop direct. Il bredouilla:
"Quels sont vos gouts?"
Il secoua la tête, c'était plutôt mal formulé. Il se racla discrètement la gorge, prit une grande inspiration, et affronta le regard d'Héra. Et si je la tabasse, là tout de suite, on dit que j'ai gagné?
"Je veux dire, qu'attendez-vous de moi? Quelles sont les conditions? Que dois-je faire pour vous plaire?... Oui, si je n'avais qu'une question à poser, ce serait celle-ci. C'est mon devoir d'entrer dans vos bonnes grâces."
-
Jessika avait tout de la petite ingénue. C'était presque sordide, d'ailleurs, pour la grande déesse ... Une adolescente rougissante, qui peine à parler et qui ne trouve pas ses mots, voilà ce qu'Héra avait en face d'elle. Et, pour tout dire, elle ne savait pas vraiment quoi répondre à cette question. Elle n'avait pas besoin d'une petite soumise, non, ça c'était bon pour ceux qui devaient gonfler leurs égos avec une panoplie compléte de barbies hébétées. Héra n'attendait d'une prêtresse qu'une forme d'insoumission, d'anticonformisme, de ... Bref, tout sauf ce qu'elle avait en face d'elle.
Et pourtant, le fait que cette charmante enfant soit une demi-démone l'intriguait, voir l'enchantait. Une demi-démon, c'est brûlant, immortel, invincible et terriblement chiant par la même occasion, parce qu'indépendant. Jessika n'offrait pas ce penchant là de la démonologie infernale ... Dommage. La déesse se servit un verre, et capta son regard à nouveau. Il y avait là-dedans quelque chose d'étrange et d'inhabituel. Une sorte de puissance dissimulée. Héra tiqua, puis but une gorgée d'alcool. Sans doute la vieillesse la rendait-elle parano ... Putain. Oui, la Reine avait une peur bleue de devenir vieille et sénile ... Tout le monde le savait, en Olympe.
- Mes goûts ... ?
Elle se racla la gorge à son tour, prenant son temps avant de répondre. Oui, elle parlait toujours ainsi ... Un réflexe qu'elle avait acquis au fil des conseils & réunions de déités. Il fallait être un bon orateur pour se faire entendre et comprendre entre les gémissements d'Artémis, les grognements d'Arès, les délires d'un Dionysos bourré (ou ses ronflements) ou les piaillements des nymphes venues ici sans raisons. Oui, les conseils étaient une partie de déplaisir.
- Je recherche ... Une sorte de folie, vois-tu ? Quelqu'un qui ne se soumet pas, qui ne crains pas, qui est pleine de vie. Qui n'a pas froid aux yeux ... Je ne saurais expliquer.
Une nouvelle gorgée d'alcool.
- Une prêtresse qui soit comme moi : imprévisible, pénible, caractérielle ...
C'était dit avec ironie, oui ... Héra n'avouerait jamais autrement ses défauts. Pour elle, elle était la perfection même. Mais refusait de s'avouer un brin égocentrique.
- ... Et, jusque là, tu ne m'a pas semblée faire partie de ces personnes.
Et bim. La délicatesse, non, elle ne connaît pas.
-
La réponse d'Héra le surprit tellement qu'il en baissa les yeux: il avait eu, l'espace d'un instant, l'impression qu'un pic de glace lui avait transpercé la poitrine. L'insoumission? Peur de rien? Imprévisible, pénible, caractériel? Ses yeux écarlates se perdaient dans l'immensité rouge du liquide. Il se mordait la lèvre inférieure:
"Oh, je vois..."
Pourquoi ils ne s'aimaient pas déjà? Parce que c'était la Reine. La femme du vieux, elle-même c'était une vieille. Comme jadis avec Arès, ils ne s'entendaient pas parce qu'ils ne se connaissaient pas. Et maintenant? Au fond, il avait plusieurs raisons de l'apprécier, déjà parce qu'elle ne pouvait pas voir Artémis non plus, un bon point pour elle. Et ensuite? Elle n'avait pas menti. Son mana était plus sincère qu'en présence des autres. Et elle avait prouvé qu'elle était imprévisible. C'était la vieille peau quand même, il n'allait pas se mettre à l'apprécier soudainement!
A moins que...
Il portait le pichet à ses lèvres, le leva et le siphonna comme un sportif ferait d'une bouteille d'eau. Quel sale enfoiré! Il savait, bien sûr qu'il savait, c'était son frère après tout! Hadès n'avait jamais eu l'intention de remporter son pari, il avait juste voulu confronter Kyô à la vérité d'Héra. Onii-chan savait que sans ce stratagème, c'eut été impossible. Connard, fumier, enflure!
Et maintenant? Bordel, il ne pouvait plus reculer. Pas la possibilité de dire je suis Kyô, vieille bourrique, ni même de se défiler en disant j'ai deux mots à dire à Hadès. Le sourire malsain de ce vieil enfoiré prenait soudain un second sens, plus proche de la vérité. Le pichet était vide.
Il le laissa tomber à terre et s'essuya les lèvres d'un revers de main avec toute la délicatesse d'un pilier de comptoir, affichant un sourire amusé qui dissimulait sa colère envers le vieil oncle.
"Dans ce cas je n'ai plus à me casser le cul avec l'étiquette et la bienséance, c'est ça?"
Il ne perdait pas son objectif de vue, même si tout cela n'était qu'une atroce magouille. Hadès était un connard, un salaud, mais il était honnête. Si Kyô honorait sa part, alors il en ferait de même. La vraie fausse prêtresse fit un détour et attrapa une harpe, puis revint s'asseoir au pied de la méridienne sur laquelle était installée sa vraie fausse maîtresse, en jouant un air tout ce qu'il y a de plus baroque. La musique avait commencé comme une douce mélopée et était soudainement devenue une véritable tempête en pleine mer par temps orageux. Il fermait les yeux pour se calmer, et laissait ses doigts gambader un moment sur les cordes, de façon totalement improvisée. Le jeune Dieu n'était peut-être pas très intéressé par l'art, il en connaissait deux trois trucs. Appris sur le tas avec quelques nymphes qui savaient faire bien des choses de leurs mains. La mélodie s'arrêta enfin, il souffla.
"Je me permets de vous poser la première question qui m'était venue à l'esprit tout à l'heure. Quelles sont vos mensurations?"
-
... Un pur retournement de situation. Là, face à elle, la petite Jessika s'était métamorphosée ... Comme si on lui avait retiré un carcan, elle venait de s'animer comme une ... démone. Une lueur étincella dans le regard d'Héra, quand elle la vit réagir à ses dires. Enfin, pour tout dire, quand elle vida le pichet de vin, la déesse tiqua nerveusement, n'osant pas réagir. Etait-ce la tristesse qui la faisait agir ainsi ? N'allez pas croire qu'Héra s'en voulait d'avoir été abrupte avec elle ... Elle a bon coeur, mais pas au point de se mettre à regretter d'avoir pu être blessante envers une simple demi-démone. Simplement, elle se sentit triste pour elle. La pauvre devait être déçue, et sans doute quitterait-elle d'ici peu cette pièce en retenant ses larmes, comme dans une mauvaise série américaine. Lors d'un de ses séjours sur Terre, Héra avait eu l'occasion de regarder ce genre de chose à la télévision, et n'en était ressortie que plus blasée par l'espéce humaine.
C'était ce qu'elle pensait, jusqu'à ce que la petite se mette à jouer de la harpe. C'était mélodieux, tonitruant, digne d'une aquarelle de Kandinsky, terriblement vivant & vivifiant. Un sourire pointa sur les lèvres de la Reine, tandis qu'elle la regardait jouer sans émettre aucun son. Elle avait changée, littéralement ... La déesse ne pensait pas qu'elle jouait un rôle, à cet instant. C'était plutôt une sorte de libération . Et quand la question tomba, Héra cligna des yeux violemment, se raclant la gorge, la fixant. Son sourire était retombé, elle affichait un air vaguement perdu. On dirait Kyô. Cette pensée, pour une fois, la fit sourire. Ce dieu des lapins trainait souvent aux Enfers, il avait dû apprendre quelques gentillesses de ce type aux créatures infernales.
Néanmoins, la Reine s'approcha de Jessika, sa main glissant dans sa nuque avec la délicatesse d'une amante ... avant de tirer les cheveux de la petite avec une violence inouie.
- J'aime mieux ça ... souffla t'elle dans un sourire.
Elle relâcha les cheveux de Jessika, revenant s'asseoir sur sa méridienne.
- L'insolence est une vertu, ici ...
Ses doigts attrapérent un morceau de raison, dans une coupe de fruit qui trainait toujours ici.
- 1métre 80, 60 kilos, 85 D. D'autres questions .... ?
Héra se permit un sourire tout à fait sincére, amusée par cette démone. Là, enfin, elle allait s'amuser, malgré cette fête ennuyeuse à mourir.
-
Il souleva son petit chapeau d'une main et passa ses doigts dans ses cheveux pour les remettre en ordre. Et puis, comme il le trouvait très chiant, il jeta le couvre-chef au loin. Il grogna:
"Vingt minutes à me coiffer, tout ça pour ça..."
Il se relevait alors qu'Héra lui donnait gentiment ses mensurations. Chouette, je suis une prêtresse vertueuse! Il fit la moue en pensant que c'était stupide de penser ainsi, et s'assit à côté de sa maîtresse. Il hésitait à faire quoi que ce soit, ignorant quels étaient les rapports entre Héra et ses prêtresses. Chez lui, la phrase qu'on entendait le plus souvent dans une conversation était Kyô-sama, mes yeux sont plus haut. Il n'osait demander quels étaient les rapports qu'elle entretenait avec Hadès. Bien qu'il eut été une demi-démone, les relations entre Dieux ne concernaient pas les prêtres. Il se risqua à la plaisanterie:
"Faites attention avec le mot vertu, j'ai beau être une prêtresse je suis aussi et surtout une démone. J'aurai tendance à dénaturer la vertu par instinct."
La vertu d'Héra semblait déjà dénaturée de toute façon. La vertu selon sa religion à lui? Insoumission, combativité et perversion. Mais il se sentait bien plus paternaliste qu'elle envers ses fidèles. Il se voyait mal tirer les cheveux d'une de ses prêtresses, sauf peut-être dans son lit, pour jouer... Il proposa, l'air de rien:
"Un petit massage? Il y a de quoi être tendue dans une réception, n'importe qui peut parler dans le dos de n'importe qui et dire n'importe quoi..."
En prononçant cette phrase, il avait eu peur de dire une connerie. Il levait les yeux au plafond et se répétait dans sa tête ce qu'il venait de dire, pour voir si c'était cohérent. Visiblement oui... Il se frotta les mains, elles étaient plus fines et plus douces qu'à l'accoutumée.
"Vous aussi vous devez avoir pas mal de questions à me poser, non? Je suis toute disposée à y répondre. Vous avez la priorité après tout, je ne baisserai pas les yeux face à vous, mais je ne vous prendrai pas de haut non plus. Le gouffre qui sépare Dieux et fidèles est sûrement plus grand qu'on ne l'imagine."
Il ignorait cet écart, cette distance. A vrai dire, Kyô était un des rares Dieux à se faire engueuler par ses fidèles quand il était à la maison. On croyait qu'il leur donnait trop de liberté, ou qu'il était trop soumis pour faire preuve d'autorité. Seuls les Dieux les plus proches du jeune divin savaient qu'il ne faisait que considérer ses prêtres comme ses amis, et donc comme ses égaux. Inconcevable, indécent? Non, juste amusant. Les quelques croyants du Sanctus Tenebris aimaient leur maître et le reconnaissaient en tant que tel, même si lui leur disait toujours de ne jamais obéir à personne, pas même lui. Il était même capable de pardonner une trahison, s'il jugeait que la cause était bonne, ou que le concerné avait été induit en erreur. Pour un Dieu du Chaos, il était bon, patient et gentil. Mais seulement avec eux.
-
Une prêtresse vertueuse ... ? Oui, si celle-ci possédait ce qu'Héra nommaient vertus. Si elle se révélait impitoyable sans pour autant être sans-coeur, par exemple. C'était cela qui posait problème, d'ailleurs, avec Héra : parce qu'elle était cinglante et qu'elle tenait bon à toutes situations, on la jugeait frigide & incapable d'aimer. Elle était même une sorte de défi pour ses prétendants ... Mais tout ça, c'était à cause de son statut de déesse. Tout est à cause de ça. La reine des dieux était tiraillée entre une envie de devenir une humaine infime et insignifiante, libre de tout, et l'envie de demeurer la grande et respectée Héra. Ce n'était pas pour rien qu'elle se cachait des autres dieux, afin de descendre sur Terre, et jouer à être humaine un court instant ... La déesse poussa un long soupir.
- C'est l'envie qui creuse ce gouffre, répondit-elle.
Elle lui indiqua d'un sourire que, oui, elle aurait bien besoin d'un massage.
- Mes rares prêtresses me haissent et me vénérent parce que je suis une déesse puissante, ce qu'elles ne sont pas et ne seront jamais, destinées à rester humaine ... Et je les déteste pour la raison inverse. Ce n'est pas pour rien que je suis partie ...
C'était la stricte vérité, et Héra n'avait pas scillée en prononçant cette phrase. C'était limite mélancolique, d'ailleurs ... Mais bon, elle se foutait pas mal que cette Jessika sache qu'elle rêvait de devenir humaine. Un nouveau soupir, et elle y repensa ... Durant un an, ce fut l'hécatombe en Olympe. Pour la seule raison qu'Héra avait désertée ces lieux, se réfugiant sur Terre dans un exil consentit. Une année durant laquelle on la chercha, on fantasma sur son trône, on savoura sa simple absence ... Une année qui parut longue à Olympe. Et puis Arès lui mit la main dessus, et la ramena chez elle, lui restituant son statut de Reine. Qu'elle accepta, les yeux bordés de larmes de joies et de tristesse.
Depuis, elle passait ses journées à gouverner le royaume des dieux antiques, en buvant du nectar et en écoutant de la musique humaine, repensant à cette année salvatrice. Tous les dieux savaient qu'un dieu en exil perd ses pouvoirs, et c'était ce qu'elle recherchait, finalement. Mais non ... On la trouva avant. On baragouina même quelques excuses foireuses pour expliquer son absence, alors qu'elle ne cachait même plus son désir de quitter Olympe une bonne fois pour toutes. Excuses qu'il fallut renouveller lorsqu'elle tomba enceinte d'Arès, d'ailleurs.
Et dire qu'elle était la seule à connaitre le nom du père d'Oneiros.
- Olympe est une mer dangereuse, dans laquelle on se noie facilement, tu sais ... ?
Elle esquissa un sourire.
- Tu es déjà allée sur Terre, dis-moi ? Ou alors, que penses-tu de ... Non.
La déesse toussa, un peu perdue.
- Je ne suis pas très claire, pardonne-moi ... Quel est ton sentiment à propos de la Terre & les humains, Jessika ?
-
Un sourire...
"Quelle bande de connes..."
Il retira ses gants avec les dents, et posa ses mains sur les épaules de la Reine. Il commençait à la masser, jouant des pouces à la base de la nuque. L'idée de lui rompre le cou lui avait vaguement traversé l'esprit, mais il se ravisa: il n'était pas là pour ça, et se sentait moins déterminé que d'habitude.
"C'est vrai quoi, quelle prêtresse irait haïr sa maîtresse? Qui sont-elles pour vous juger, elles qui rampent à vos pieds sans voir qu'il faut vous épauler? Elles qui restent dans votre dos, plutôt qu'essayer d'atteindre votre hauteur? Ce n'est pas gagné, mais ça vaut le coup d'essayer!"
Plus ça allait, moins il avait à jouer la comédie. Et puis quoi, il n'y avait pas de gens trop ambitieux. On l'est juste ce qu'il faut. Selon Kyô, n'importe qui pouvait toucher les étoiles si il y mettait un peu du sien. Peu importe le problème, quand on s'élève, on ne regarde pas en bas.
"Olympe est une mer dangereuse, dans laquelle on se noie facilement, tu sais ...? Tu es déjà allée sur Terre, dis-moi? Ou alors, que penses-tu de ... Non."
Elle passait si facilement de l'Olympe au monde des humains... Ça sentait l'hésitation à plein nez. Était-elle intimidée, perdue dans ses pensées? En tout cas, ce n'était pas le moment de lâcher ce rôle. Jessika avait ses côtés pratiques.
"Je ne suis pas très claire, pardonne-moi ... Quel est ton sentiment à propos de la Terre & les humains, Jessika?"
Ah, celle-là il ne s'y attendait pas. Alors que dire? Il avait pas mal de choses à redire sur les Mortels et leurs conneries, mais du point de vue d'une demi-démone, il n'y avait pas réfléchi. Il gagna du temps en poussant un petit gémissement pensif, alors que ses mains glissaient sur les omoplates d'Héra et revenaient sur le dessus de ses épaules.
"Je n'en sais rien. Je n'y suis jamais allé. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je n'avais jamais quitté le royaume d'Hadès, jusqu'à ce qu'il vienne en personne me proposer de venir à votre rencontre."
Il ne mentait toujours pas, il ne faisait que parler de son identité actuelle. La question qu'il craignait le plus maintenant, c'était qui es-tu vraiment. Mais elle n'avait aucune raison de demander ça... Hein? Il se décida à prendre un risque.
"J'ai déjà entendu un homme en parler, il lui arrive de se promener aux Enfers avec maître Hadès. Il a des cheveux longs et une étrange flamme au bras. Je crois que c'est un grand Démon..."
Sur le moment, il avait peur de se faire casser la gueule. S'il avait du mal à sentir Héra, c'était fort réciproque. Dire que Jessika avait déjà vu Kyô, c'était dangereux pour sa santé. Il avait des chances de l'énerver, mais foutu pour foutu il continua:
"Ce type dit que le monde des humains est pourri, parce qu'ils passent leur temps à se battre entre eux et à se piétiner les uns les autres. Pourtant lui aussi se bat toujours, avec maître Arès il me semble..."
Il était vraiment suicidaire là! Arès était son fils, si en plus il lui rappelait qu'il était le tonton préféré de Kyô... Bon, l'autre tonton préféré de Kyô était Dyonisos, mais c'était davantage un copain de beuverie... Il essaya de changer de sujet:
"Vous êtes stressée, votre dos et plein de nœuds..."
-
Si elle était stressée ? Assurément. Parler du monde des humains la mettait toujours dans un état ... Qu'on ne pouvait espérer calmer. Sauf grâce à une de ces plantes interdite sur Terre, mais adorée ici-haut. Oui, Héra fumait du cannabis, ce qui ne faisait qu'accentuer ce côté humain qui rongeait le sang divin qui coulait dans ses veines. Cependant, elle ne releva pas cette remarque, préférant ne pas évoquer sa mélancolie purement humaine à Jessika. Elle avait une profonde envie de vin, mais se retint juste à temps. Pas question non plus de passr pour une alcoolique de seconde zone. Depuis quand tu tiens en compte ce qu'on peut penser de toi ? C'était vrai, elle s'en foutait pas mal habituellement ... Elle était du genre à s'imposer en tant que telle, sans faire de concessions. Son image, elle s'en foutait pas mal. Mais maintenant qu'il y avait Oneiros ... Elle devenait prudente.
Ce qu'elle n'avouerait, évidemment, jamais.
Cependant, quand elle évoqua le nom de Kyô, Héra tiqua. Ainsi, il trainait aux Enfers, et elle l'avait croisée ...
- Kyô se comporte comme un humain, à croire qu'il en est un, au fond de lui.
Elle fronça les sourcils.
- J'envie son insouciance, et la liberté qu'il s'est accaparée ...
Soupira t'elle. Avant de réaliser ce qu'elle venait de dire. Car, oui, on réalise souvent après ... Les mots s'étaient enfuis, sans demander l'autorisation à la raison et à la cervelle d'Héra. Alors, elle se redressa, reprenant une certaine contenance.
- ... C'est un petit con.
Grogna t'elle.
Oui, comme elle venait de le dire, c'est l'envie qui inspire la haine, qui creuse un fossé entre les personnes. Et, meme quand on est un dieu, l'envie demeure. Héra était bloquée dans un statut de Reine des dieux, qui devait sans cesse vérifier si son verre n'était pas empoisonné, si on n'avait rien fait à son cher fils ... Elle en venait à regretter d'être montée sur le trône d'Olympe. Ainsi, elle enviait ces dieux qu'elle qualifiait de mineurs, qui, certes, louchaient parfois sur la place qu'elle occupait, mais demeuraient insouciants et terriblement libres. Et ça, ça la saoulait pas mal, elle devait l'avouer. Putain.
- Cependant, Kyô peut se payer le luxe de l'insouciance, vu le peu de responsabillités que son statut lui offre ... C'est cela qui nous différencie. Si j'en venais à me comporter comme lui, je me mettrais en danger.
A son souvenir, elle n'avait jamais pu jouir de son statut de déesse mineure, vu comme son mariage était arrivé tôt.
- J'ai beau apprécier la compagnie des humains, celle de Kyô me dérange. J'ai l'impression qu'il me nargue, comme s'il avait conscience de ce qu'il a de plus que moi ...
-
Intérieurement, il se voyait déjà en train de se dérouler par terre en se tenant les côtes, des larmes de rire au coin de l’œil. Il n'extériorisa ce sentiment qu'en portant une main à ses lèvres et en étouffant un petit ricanement. Il s'expliqua en reposant ses mains sur les épaules de la Déesse. C'est qu'elle avait la peau douce, la vieille irritante.
"Allons allons, je ne fais que mentionner un homme que j'ai vu vaguement, et vous détournez la conversation sur lui?"
Craignant de prendre une baffe qui l'enverrait sur orbite, il essaya de se calmer et d'arrêter ce ton mi-moqueur.
"Enfin, je pense que ce sentiment est réciproque. Ce Kyô a l'air d'être un homme ambitieux, s'il désire prendre la place de votre époux. Vous enviez sa liberté, il envie à votre mari son pouvoir et vous envie d'être haut placée même parmi les Dieux."
Il réalisa qu'elle venait de le rapprocher à un humain. C'était peut-être un bon point selon elle, mais pas selon lui. Les humains sont arrogants, ignares et stupides. Il la griffa pour se venger, et glissa un "oh, pardon", en espérant qu'elle ne le verrait pas sourire.
"J'ai cru comprendre que lui aussi a pas mal de problèmes, maître Hadès le sermonnait avec ça... Une histoire étrange avec un certain Choupi..."
Il lui tapota les épaules et glissa ses bras autour de son cou soudainement, collant sa joue à la sienne en souriant:
"Bah, de toute façon je ne veux pas vous mettre mal à l'aise! Maîtresse Héra, vous êtes trop mignonne quand vous êtes pensive! Je suis sûre qu'au fond, vous l'aimez bien, ce "petit con"! Vous allez me le présenter, hein?"
Il jouait avec elle comme avec une amie de longue date. Sauf que Jessika ne connaissait pas Héra depuis longtemps, et que, dans un rôle ou dans l'autre, la vieille bourrique n'était pas son amie. Enfin, en théorie...
(HS: Elle est un peu courte, celle-ci...)
-
... Effectivement, elle n'était pas une amie de longue date. Au risque de réduire à néant les espoirs de Kyô - qui pensait sans doute que cette mission de séduction prendrait bientôt fin - , elle ne répondit pas. Sa main se posa sur celles de la jeune fille, et elle lui fit lâcher prise, afin que la déesse puisse se lever, mettant un terme à cette étreinte qu'elle trouvait étrange. La déesse, dans un élan d'humanité, s'alluma alors une cigarette, qu'elle extirpa de la poche de sa robe. C'était un fichu réflexe qu'elle avait gardé de son passé "d'humaine" ... Un jour qu'elle s'ennuyait, elle s'était achetée un paquet de clopes menthol, des Lucky Strike, et avait commencée tout doucement à fumer. Oh, comme d'habitude, ni la première, ni la seconde clope ne la rendit accro. C'est l'habitude, celle de fumer 8 cigarettes par jour, cloitrée dans un appartement exigüe de Seikusu, qui avait tissé un lien fort entre le tabac et la déesse. Une bien belle histoire ... Elle était la seule déesse à fumer, bien qu'elle soupçonnait Oneiros de lui en piquer en son absence.
La Reine des dieux se tourna vers Jessika, restée assise sur la méridienne.
- J'évite que mon entourage rencontre Kyô.
Enfin, elle faisait ce qu'elle pouvait ... Elle soupçonnait son fils de squatter avec ce - donc - "petit con", vu ce qu'il était devenu : un portrait craché du dieu des lapins. Un véritable petit emmerdeur sans aucun scrupule. La déesse passa sa main sur la légère griffure qui marquait son épaule.
- Je n'aime pas Kyô. Il a une mauvaise influence sur Oneiros ... Mais bref, passons.
Elle ne voulait pas parler pendant des heures de ce dieu. Elle avait déjà du le supporter la veille dans un Conseil, où il était arrivé aussi ivre que Dyonisos ... Misére, je ne suis pas aidée. Héra se tourna vers Jessika, la toisant un moment. Elle sentait en elle quelque chose qu'elle ne comprenait pas, une sorte d'aura étrange ... La Reine ne savait pas si elle devait aimer ou détester cela, d'ailleurs. En attendant, elle ne dit pas un mot, inspirant et recrachant la fumée tiéde délivrée par la cigarette avec un certain bonheur ... Au point qu'elle se mit à sourire sans aucune raison.
Puis, elle se permit une folie.
- Je ne veux pas de toi comme prêtresse.
Retournement de situation ... La déesse ne savait même pas pourquoi elle disait cela. Sans doute pour voir comment cette gamine évoluerait, et surtout comment son aura s'embraserait ... Au fond, Héra commençait à trouver amusante cette petite Jessika, mais le jeu devait continuer. Elle n'était pas du genre à accepter aussi facilement une prêtresse. On le saurait.
( C'est cooourt, pardon ;_; )
-
Connasse!
Ce mot avait failli s'échapper de ses lèvres comme une pensée évasive. Il retint un instant son souffle, fixant Héra, surpris. C'était la merde là, s'il se faisait jeter maintenant, il en aurait pour trois mille balais avec cette poitrine encombrante et cette absence désagréable entre ses jambes. La grosse galère en fait. Il en avait même oublié la remarque risible à propos d'Oneiros, comme quoi c'était déjà un peu tard. De toute façon le jeune garçon avait beaucoup à apprendre, puisqu'il n'avait jamais essayé d'égorger Zeus.
"Alors c'est comme ça..."
Il se mit à réfléchir (ce qui vaut quand même la peine d'être dit, hein!). Qu'avait-il fait de mal? Son rôle avait-il l'air surjoué? Pas sûr. Alors quoi? Il remplissait les critères comme il le fallait, et il savait se montrer utile et serviable quand même. Il avait fait tout ce qu'il fallait. Oui, tout.
Il sourit. Il avait compris où était l'arnaque, et se décida à répliquer de la façon la plus pénible qui lui était venue à l'esprit:
"Je vois, vous complexez car je suis belle, vous avez peur que je vous vole la vedette! C'est vrai que j'ai une plus grosse poitrine que la votre, mais ne vous en faites pas, tous les hommes ne font pas que regarder là!"
Rétrospectivement, il se rendit compte que ça pouvait très bien être aussi la chose la plus conne qu'il aurait pu dire. Il se traita intérieurement d'abruti congénital, puis pensa que ça devait venir de sa mère, la givrée lunatique. Alors il se leva, et arrangea sa robe. Onii-chan, je suis pas assez récompensé! Elle est difficile, ta frangine!
"Je plaisante bien sûr. Je savais que ce type était un sujet peu abordable, mais de là à me dégager pour ça, c'est un peu fort. Maîtresse Héra, quoique vous puissiez en dire, je ne vous lâcherai pas. Je ne suis pas devenue votre prêtresse par hasard, on en gagnant à un concours. Et je ne suis pas du genre à abandonner tous mes espoirs juste pour un allez dégage, suivante!"
La vérité? Si l'une d'entre elles quittait cette pièce maintenant, Hadès saurait à quoi s'en tenir. Et lui aurait le temps de savoir de quoi s'abstenir. Bien qu'il serait assez con pour tenter un nouveau pari. Alors il ne la lâcherait pas, parce qu'il avait encore quelques cartes à jouer, et que sinon, il était dans la merde.
"Maîtresse, je suis venue ici pour une autre raison que celle de simplement effleurer votre puissance du bout des doigts. Je ne compte pas rester dans votre dos pour vous regarder avancer. Si je suis sortie du tréfonds des Enfers, si j'ai gravi l'Olympe et suis venue vous rencontrer personnellement ce soir, c'est parce que je veux vous épauler. Je ne serai pas votre ombre, mais votre appui. Une épaule pour pleurer, des yeux pour vous voir sourire, des oreilles pour vous écouter parler, un corps et une âme pour vous défendre, quelle que soit votre raison. Voilà ce qu'est votre Jessika."
Il croyait s'entendre mentir, s'il était venu, c'était pour lui décrocher de l'affection, obtenir un baiser, passer la nuit aussi peut-être... Et pour le pouvoir, ni plus ni moins. C'était ce que Kyô voulait, Jessika était l'excuse du mensonge, une autre personne, qui n'était pas Kyô, comme une marionnette.
"Vous n'êtes pas seule."
-
A la fin de ce discours, Héra était totalement immobile. Elle ne savait même pas quoi répondre à cela ... La cigarette, au bout de ses longs doigts fins, s'effritait silencieusement dans un épais nuage de fumée, tandis qu'elle ne daignait même pas regarder Jessika. Non, ses yeux étaient plongés dans la contemplation béhate du mur blanc, tandis que tout son esprit se concentrait sur les battement rapides et courts de son coeur. Ce genre de discours, elle ne l'avait jamais entendue ... Enfin, si, venant de Zeus à une époque, et d'Arès par la suite, du temps où elle vivait avec l'innocence et l'extravagance de l'adolescence. Elle se sentit, d'un coup, très vieille. Putain. Un soupir. C'est long, l'éternité ... La reine se tourna vers Jessika, alors ...
Ce que la petite démone pouvait lire sur le visage d'Héra, c'était un savant mélange entre mélancolie & émotion. Le mensonge de Kyô avait touché la déesse plus qu'elle n'aurait pu le penser. Le " Vous n'êtes pas seule " l'avait littéralement achevé, d'ailleurs ... Elle tira sur la dernière taffe de sa cigarette, la désintégrant ensuite entre ses doigts. Le tabac, encore une fois, l'électrisa légérement, si bien qu'elle en vint à souhaiter du cannabis pour garnir sa prochaine clope. En tout cas, voir Héra aussi émue était quelque chose de rare ... La dernière fois, c'était à l'occasion de la naissance de son fils, pour dire ...
- ... Soit.
Il était vrai qu'Héra était une femme difficile ... Certains diront que son charme vient de là, d'autres expliqueront que les tentatives d'empoisonnements qui lui sont destinés viennent de là. Son mari, ses amants, ses maitresses, tous et toutes pouvaient affirmer que la Reine était une créature que peu de choses pouvaient adoucir, sinon le bon vin. Mais là, à cet instant précis, la déesse se sentit (presque) fondre au contact de ces mots. Pour une femme qui avait fini par adopter la solitude que son statut exigeait, elle en venait à espérer qu'une personne puisse lui offrir autre chose que des courbettes et des gâteries.
Héra, alors, s'approcha de Jessika, un pâle sourire sur les lèvres.
- Tu es ma prêtresse, et je te fais confiance. Tâche juste ...
Ses yeux s'enflammérent, devenant deux billes rougeoyantes, en ébullition.
- ... De ne jamais me trahir. Et de tenir la moindre de tes promesses.
-
Je le promets, je ne te trahirai pas.
Trop tard, je te mens. Ta prêtresse n'existe pas.
Tu parles avec une illusion, je t'ai déjà trahie.
Tu me fais confiance? Tu as tort.
Je te hais.
Je t'adore.
Vieille bourrique.
Maîtresse Héra.
Quelque chose lui martelait les tempes, il se voutait en avant et plaquait ses mains sur son visage. Qu'était-ce? Du remord? De la peur? De l'anxiété? De la colère?
Il n'avait jamais menti à une femme. Il ne faisait que jouer un rôle, c'était un pari. Elle ne voulait pas mentir. Elle ne voulait pas trahir. Elle adorait Héra. Elle détestait Kyô et ses magouilles. Son mal de tête disparut. Elle aussi. Il était chamboulé.
"Héra, je... Je dois te dire quelque chose de très important."
Il sentit quelque chose de chaud glisser sur sa joue. C'était très gênant, très désagréable, aussi désagréable que ce truc qui coinçait dans sa poitrine. Il posait une main sur son cœur, et de l'autre il s'essuyait. Qu'était-ce? Une larme? Black Heart Kyô n'avait jamais pleuré. Il n'avait jamais rien regretté non plus. Il tomba à genoux devant Héra, la regardant de ses yeux mouillés. Il ne comprenait rien.
"Mon nom n'est pas Jessika Hallison, je ne suis pas prêtresse, je ne ne suis en rien une Démone. C'est Hadès qui m'a envoyée te voir pour te séduire... Et j'ai accepté parce que je me foutais royalement de ce que tu penserais en apprenant que Jessika n'est pas ta prêtresse."
Il avait commencé à descendre une pente glissante, trop tard pour faire demi-tour à présent. Le Courroux de la Reine était aussi craint que les foudres de Zeus sur l'Olympe, mais ce truc qui coinçait l'obligeait à le faire, c'était une telle gêne, il devait s'en débarrasser.
"A vrai dire cette apparence n'est pas la mienne, elle le restera si j'échoue, et je suis sur le point d'échouer. Cependant maintenant je te vois comme une amie, et je ne trahis pas les amis pour d'autres amis. Fais-en ce que tu veux mais..."
Il attrapa le bas de la robe de la Reine, et baissa la tête, mort de honte:
"C'est Moi... Kyô."
On entendit un rire, et un applaudissement. Kyô tourna la tête et le vit s'avancer dans la pièce. Il avait tout vu, il avait assisté à tout ça. Il avait vu Kyô pleurer. Et il se fendait bien la poire, Hadès:
"Ah, Kyô, c'était tout à fait théâtral! Mortel même! Je voulais te changer en jeune femme pour que tu te rendes compte à quel point tu ressemblais à ma sœur, mais je ne m'attendais pas à ce que tu te mettes à chialer comme une gosse! C'est vraiment pas ton genre!"
Kyô sécha ses larmes et grogna en insultant Onii-chan pour son coup fourré. C'était pas la première fois, mais ce coup-là il avait fait fort. Le Dieu des morts souriait.
"T'as perdu Usagi, ne pas révéler ton identité faisait partie du pari. Tu me déçois, en entrant je m'attendais à te voir lui rouler une pelle! Tu sais ce qui t'attends..."
La prêtresse tendit la main vers Hadès en criant "la ferme!", puis expédia des sphères noires vers le divin frère d'Héra. La Burning Rain s'arrêtait et se volatilisait avant même d'atteindre Hadès. Jessika se relevait:
"Enfoiré, tu m'as fait croire qu'on se jouerait d'elle... Et tu t'es joué de nous deux! Tu savais que j'y perdais dans les deux cas, hein? Tu savais que si je finissais par la voir comme une amie, alors je perdrai!"
Bien sûr qu'il le savait. Il était le frère de Zeus, presque son égal. Sournois et calculateur, tel était le Dieu des Morts.
"Echec et mat!"
-
Un martélement. Quand Jessika avoua n'être autre que Kyô, ce fut un violent martelement, qui sacagea littéralement la cage thoracique de la déesse. Elle resta béhate, l'écoutant sans comprendre, sinon avec un temps de retard monumental. Cette fille, à ses pieds, pleurant à chaudes larmes, était Kyô. Dans l'instant, l'idée qu'elle s'était faite de lui, en pensant qu'il était un enculé moyen, se modifia aussitôt. Kyô était, en réalité, un putain d'enfoiré. ( Si tous ces termes vous choquent, remplacez par "Bip" ). Immobile, interdite, elle encaissa ses paroles, sentant une sorte de haine profonde envahir son organisme, et une tristesse poisseuse noyer son cerveau. Et, alors, qu'elle allait parler ...
Un martélement. A nouveau. Quand Hadés entra, et dévoila le jeu, l'enjeu, les régles de cette partie, qu'ils venaient de jouer à ses dépens, elle cru être dans un mauvais rêve. Elle ne bougea cependant toujours pas, stoïque, regardant la scéne se passer comme si elle n'était qu'une spectatrice. Sa seule réaction, après, un long silence, fut de serrer les poings, les yeux rivés au sol, comme une adolescente humiliée par ses camarades de classe. La comparaison, d'ailleurs, était presque bonne ...
Puis elle osa parler :
- Hades, rends-lui son apparence.
Un ordre froid, implacable, sur un ton autoritaire que même Zeus n'oserait contredire.
- Tu t'es assez foutu de moi aujourd'hui, alors fais-moi juste ce petit plaisir.
Elle s'alluma une nouvelle cigarette, avec une lenteur infinie, et regarda Hades, puis Kyô, son regard oscillants entre ces deux personnes.
- ... Salauds. J'ai beau être parfois mesquine, je ne me joue jamais des autres, grâce à des coups aussi bas ... Décidement, il n'y en a pas un pour sauver l'autre.
Elle aurait pu ajouter " Bandes de cons ", mais ne leur fit pas cet honneur, préférant tourner les talons et s'éclipser dans ses appartements, non loin d'ici, pour choir sur une méridienne, les yeux grands ouverts, son visage ne reflétant rien. Inerte, elle planta sa cigarette entre ses lèvres, et essuya une larme qui peinait à naitre sur sa peau diaphane. Je les hais. Elle n'était pas ravagée, mais se sentait profondément humiliée par cet affront.
Parce que Kyô venait de voir une Héra presque humaine, confiante, capable de ressentir ne serait-ce qu'un soupçon de sympathie envers une personne ... Elle qui était si froide, si distante, habituellement ... Ah, elle détestait cela. Quand ils étaient enfants, Hades jouait souvent à la mettre en rogne, mais là ... Il dépasse les bornes. En faisant cela, ils s'étaient mis Héra à dos, à coups sûr. Et ça, c'était peut-être la pire chose qui pouvait arriver à une personne. La colère d'Héra, oui, était terriblement redoutée.
- Et on se demande pourquoi j'ai quitté Olympe ... soupira t'elle, inspirant une nouvelle bouffée de tabac, s'incendiant les bronches avec délectation.
-
"Tu t'en sors bien cette fois, à charge de revanche Usagi!"
Revanche?
Sa robe s'évaporait, son aura changeait, ses traits redevenaient siens. Bientôt, il n'y avait plus aucune trace de Jessika. Hadès avait levé la métamorphose, seules demeuraient les gouttes chaudes et salées qui humidifiaient son visage. Mais la flamme de mana n'était pas de retour, et les bandages qui enveloppaient le corps robuste de Kyô étaient noirs comme l'encre. Hadès parut déstabilisé:
"Hé, cette forme est..."
Il connaissait cette forme. Une forme instable, avec laquelle Kyô sacrifiait son pouvoir magique au profit de sa vitesse et de sa force. Elle ne durait pas longtemps mais suffisait à surpasser la force d'Arès, et la vitesse des flèches de sa propre mère. Hadès le savait bien, car c'est seulement par deux fois qu'il avait pris cette forme, pour affronter les deux divinités en question. Arès l'avait eu par la ruse, et Artémis par le temps. Mais si le Dieu des Morts n'avait eu le temps de ponctuer sa phrase, c'est parce que le visage de son neveu était déjà tout près du sien. Les yeux rouges du Dieu lapin étaient mouillés, mais brûlants de colère. Et il enfonça son poing entier dans l'abdomen de son oncle en criant sa rage.
L'impact fut si intense et violent que les murs, le sol et le plafond se lézardèrent, et que les os d'Hadès lui-même se fêlèrent subitement. Le Dieu traversa la porte et sortit du temple à la vitesse d'une balle de fusil, et se retrouva encastré dans un mur à l'autre bout de la petite sauterie extérieure. Il n'avait ni l'armure ni l'endurance du Dieu de la Guerre, il avait été pris par surprise, et Kyô n'avait jamais été aussi sérieux. Dévoré par la douleur, son corps avait préféré s'évanouir. Les convives à l'extérieur n'avait rien compris, ébahis.
Une flamme sombre naissait sur un bras tendu. Le tissu qui enveloppait Kyô reprenait sa couleur habituelle, mais son expression demeurait inchangée. Il essuya son visage avec sa main gantée de mana flamboyant, et tourna les talons à son tour, rejoignant Héra sans presser le pas. Que faire? Que dire? Il n'en savait rien, mais il devait y aller.
Même le meilleur ami de Kyô ne pouvait s'en prendre à ses autres amis sans en payer le prix, cependant le fils d'Artémis, entêté comme à son habitude, avait décidé qu'Héra ne serait plus son ennemie, ainsi il avait quelque chose à faire.
Il trouva Héra, affalée sur une méridienne, le regard vide et clope au bec. Les bandes qui couvraient son visage et le haut de son corps disparurent, et il croisa les bras. Elle ne l'avait pas vu, ou elle ne le voulait pas le voir? Il se racla la gorge pour attirer son attention, et parla en s'avançant:
"Deux-mille cinq-cent dix-huit de conflits à cause d'un mauvais jugement... Et après j'ose prétendre que je suis le meilleur. Une connerie de la bassesse d'un humain ignare, je reconnais que la proposition d'Onii-chan était plus qu'alléchante mais... Sérieux, ça valait pas le coup."
Il arriva à hauteur de la méridienne, et dominait la Déesse de sa stature et de son expression figée. Mais soudain sa face exprima un profond regret, et il posa un genou au sol, tête baissée. Il s'exprima avec clarté, de sorte que n'importe qui qui écouterait aux portes puisse clairement l'entendre.
"Moi, Kyô Yamiusagi, Dieu des lagomorphes et fils de l'autre pouffiasse bâtarde nommée Artémis, je reconnais Héra comme étant la seule et unique Reine de l'Olympe, disposant de tout pouvoir et de toute autorité sur ma divine personne. Je reconnais aussi que si elle a un problème avec une autre divinité, elle n'a qu'à lui péter la gueule, ça m'étonnerait que ce soit un soucis."
Il laissa un petit moment de flottement. Sa dernière réplique cassait un peu le côté solennel, mais il disait ce qu'il pensait. Il redressa la tête, et risqua un sourire qui en disait long:
"Ça ne veut pas dire que je vais foutre la paix à Zeus, je lui botterai quand même le cul à ce sale débris inutile!"
Il se releva et écarta les bras en penchant légèrement la tête en arrière, pour ouvrir sa garde et découvrir sa gorge au besoin. Son épée vint à sa main mais il ma tenait à l'envers, présentant le manche et non la lame. Il connaissait la cruauté d'une Héra en colère, mais il était prêt à la subir, envers et contre tout. Il continuait de sourire.
"Fais ce que tu veux. J'veux pas avoir de comptes à te rendre."
-
Perdue dans la contemplation de la fumée qui valsait dans l'air, Héra ne l'entendit, ni ne le vit arriver dans la pièce. Elle en vint même à sursauter, le fixant avec un air ébahi ... qui retomba en un instant. Les sourcils légérement froncés, l'air autant énervé qu'épuisé, elle s'apprêtait à l'envoyer paitre loin - et ce grâce à un sort, s'il ne comprenait pas - très loin d'elle. Dans l'instant présent, elle rêvait plutôt de solitude, puis elle irait calmer ses nerfs sur le prêtresses, attisant ainsi le rôle de mégére qu'elle portait si bien. Mais les paroles du jeune dieu la stoppérent dans son élan ... Elle resta là, immobile, encore allongée, tout son équilibre reposant sur un bras, tandis qu'elle le regardant sans ciller. Durant toute la durée du discours, elle ne cilla pas, ni tiqua, ne permit aucunement à son visage d'exprimer une quelconque émotion ... Et pourtant ... Si elle avait pu, si elle n'était pas Héra, reine implacable et autoritaire, elle lui aurait sautée au cou comme une adolescente.
Mais non. Elle se contenta de se redresser, puis de se lever, regardant ce cher dieu à ses pieds. Il semblait attendre qu'elle le punisse ... Foutaises. Elle laissa un profond soupir s'échapper d'entre ses lèvres, mais se permit un petit sourire, aussi tendre que possible.
- Je ...
Elle jeta sa clope dans les airs, laissant le vent l'emporter loin d'elle (Oui, Héra pollue Olympe) puis posa une main sur l'épaule de Kyô, s'agenouillant à son niveau.
- Je ne pensais pas entendre cela un jour. Je pense qu'aucun dieu de ce panthéon ne m'a jamais dit cela ... Sincérement.
Héra eut un petit rire, se rappelant les parodies de serments d'allégeance auxquelles elle avait été confronté en devenant Reine des dieux. Tous, un par un, avait prononcé des phrases du même style, le visage grave, et les yeux fermés. Cela l'attristait plus qu'autre chose, d'ailleurs ...
- Hadés se complait à me tourmenter ... C'est lui qui mérite une punition. Qu'il aura, je peux le jurer.
Depuis le temps qu'elle voulait mettre une dérouillée à son frère ... Elle savait bien qu'il ne supportait que très mal de la voir attristée. Avec un peu de chance, elle pleurerait et gagnerait contre Hadés. Ce qui ne lui était arrivée que cinq fois dans sa vie éternelle. Et vu le nombre de fois où ils se sont tapés dessus ... C'est pas beaucoup.
Elle ébouriffa les cheveux noirs de Kyô en souriant. Celui-là, lui aura causé beaucoup de soucis, décidemment ...
- J'espère qu'on ne se ressemble pas tant que ça, tout de même ... Si les autres déités s'en rendent compte ... Nous allons perdre notre crédibilité. On va même finir par croire que tu es mon fils ...
Cette situation, néanmoins, l'amusait beaucoup. Elle se permit de rire légérement, puis se releva, lui faisant signe de ne pas rester ainsi, agenouillée devant elle.
-
C'est ça, avoir du cœur? Pardonner, être reconnaissant? C'est des conneries... Mais ça m'arrive aussi...
Le jeune Dieu attendit un peu avant de se relever. Son visage était encore rougi de honte, et une fois debout il demeurait dans la contemplation de ses deux pieds. Il bougea un orteil et se gratta nerveusement l'arrière de l'oreille gauche:
"Onii-chan doit être dans le coma maintenant. Et ce serait dégueulasse que je sois gracié alors que j'me suis foutu ouvertement de ta gueule. J'suis sûr qu'il a déjà tout déballé à tonton Arès, sur Jessika..."
Il reprit sa confiance habituelle. Il ne prenait pas ce qu'il avait fait à Hadès comme une victoire car il l'avait surpassé, car ça n'avait rien d'un duel. C'en était même une défaite s'il en était venu à cogner ainsi le Dieu qu'il appréciait le plus. Après lui-même bien sûr... Il tapota gentiment le haut du crâne d'Héra comme si elle était sa fille, souriant et la fixant avec des yeux rieurs:
"Et puis tu devrais en profiter, j'ai dit que je reconnaissais ton droit de sévir, pas que je me laisserai faire à chaque fois! Ouais t'es sympa, t'es la Reine tout ça, mais bon t'es quand même une vieille, alors je serai pas ton clébard! Et je bosserai pas non plus!"
Il prit un air faussement mesquin et lui colla une pichenette sur le front, puis ricana et tourna les talons. Il fit à peine quelques pas qu'il s'arrêta. C'était vachement théâtral en fait. Mais c'était sa manière de faire, et il était instinctif.
"Mais..."
Il baissa encore une fois les yeux, comme s'il avait honte. Vous vous imaginez vous retrouver à poil au milieu d'une ville inconnue? Ce genre de honte. Bon, lui il n'aurait pas honte de ça, mais c'est l'idée...
"Si on compare avec la chasseresse mal lunée, il n'y a pas photo, j'aurais préféré t'avoir pour mère..."
On tombe vraiment dans le sentimentalisme, j'en ai envie de gerber. J'ai une réputation à tenir!
Il grogna et tapa du pied, puis se retourna à nouveau vers Héra, les sourcils froncés, comme si sa hargne habituelle avait refait sur place. Tout ça reste entre nous, hein? Il tendit la main, paume vers le ciel, et demanda avec un ton boudeur:
"Et puis merde, tu m'files une clope ta majesté?"
-
La clope, elle lui fila sans soucis. C'était une de ces cigarettes qui prenaient un goût de menthe, si on appuyait assez fort sur le filtre. De son année sur Terre, elle avait retenue beaucoup de choses, mais surtout qu'une clope, c'est un délice. Et pas que. La déesse avait la fâcheuse tendance de devenir franchement humaine, quand il s'agissait de déguster des drogues plus ou moins rassurantes. Elle s'en calait pas mal, en vérité ; elle était Héra, reine des dieux, maitresse du Monde dans ses beaux jours plein d'égocentrisme mal placé. Elle lui jeta par la même occasion un briquet, où un autocollant Diddle était collé. Un sourire, comme une excuse pour cette décoration indigne d'une reine. Mais digne d'une humaine fantasque.
C'était peut-être ce qu'elle était, au fond.
- Je l'ai volé, lança t'elle comme excuse.
L'idée qu'il puisse l'imaginer adorer cette sourie niaise et difforme l'effrayait assez, en vérité.
- Crois-moi, la Terre est un excellent refuge ... souffla t'elle.
Elle comptait redescendre bientôt, d'ailleurs ... C'était si beau, en bas. Exotique, presque. Héra devait pourtant admettre qu'elle devait être la seue déité de tout ce panthéon à adorer les humains, et à les mépriser quand même. Un signe d'affection, songea t'elle, un brin ironique.
- Tu n'aurais pas préféré être humain, toi ?
Par réflexe, elle s'alluma une cigarette.
-
En entendant Héra chercher des excuses pour le briquet il sourit. Le ridicule il connaissait, lui dont les fidèles étaient loin d'être les plus grands prédateurs de l'ère animale. Il haussa les épaules et alluma sa clope, puis lui rendit le briquet l'air de rien. Il en tira une bouffée, grimaça et jeta la clope derrière lui. De la menthe? Non merci. Et puis la question sortit de nulle part:
"Tu n'aurais pas préféré être humain, toi?"
Silence.
Il la regardait fixement, pour voir si elle se foutait de sa gueule. Visiblement pas, pourtant il haussa tout de même les sourcils. Et il se mit à y réfléchir sérieusement.
"Pas du tout, vivre en sachant qu'on peut crever du jour au lendemain, juger et se faire juger, et puis se casser le cul toute sa vie pour gagner des petits bout de métal qui servent à bouffer comme si c'était un luxe, non merci. De toute façon que je sois né Dieu ou Humain peu importe, j'aime pas ce monde, j'pense que j'aurais quand même cherché à surpasser les vieux pour changer tout ça..."
Il alla s'asseoir sur la méridienne, et se mit à sermonner la Reine. Kyô était ce genre de type.
"Et puis franchement, venant de ta part, c'est quoi ces conneries? T'es la taulière, tu gères le bled où on trouve le gratin du monde entier quand même, c'est pas rien. L’Olympe aussi c'est un refuge, j'veux dire c'est chez Moi, j'ai un foyer, des amis... D'ailleurs, mes prêtres sont mes amis. C'est déjà assez blessant de les voir crever comme des Mortels qu'ils sont, alors t'imagines être humain? Tu crèves, tout le monde souffre. C'est pas drôle. Et puis j'ai pas trop envie d'être sur la liste des pensionnaires de tonton Hadès."
Pour un jeune Dieu dont l'idéal était de se placer à la tête du monde entier, être un humain c'était s'éloigner de son rêve. Et puis avec tout le mépris qu'il traitait les Mortels, non vraiment, devenir l'un d'entre eux, très peu pour lui. Selon Kyô, les gens étaient faits pour s'élever et se surpasser, c'était assez difficile de croire qu'une puissante Déesse rêvait de se rabaisser au stade d'une Mortelle quelconque livrée à elle-même dans un monde pourri par l'avarice et la folie des hommes.
"A mon tour de te poser une question bizarre alors. T'as jamais pensé à saquer ton vieux mari une bonne fois pour toutes? Le virer, lui botter le cul, et puis prendre les rennes pour changer tout ce bordel?"
-
Pendant qu'il la sermonnait, elle s'était servie du vin, dans un silence quasi-religieux. Aah, elle se doutait que Kyô était le dernier à vouloir devenir humain ... La soif de grandeur des déités était parfois aberrante. Héra n'avait de cesse de voir, ici et là, des dieux se battre, chercher à conquérir une épouse ou un pouvoir, à échafauder des plans aussi complexes que cruels ... Au point qu'une nausée agitait son divin estomac chaque fois qu'elle était confrontée à ce genre de choses. Alors, à la fin du sermon, elle s'envoya une gorgée d'alcool ... Que la question de Kyô lui fit recracher. Elle manqua de s'étouffer, reposant le verre loin d'elle, pour éviter toute autre bêtise. Une bouffée de tabac, et elle s'apaisa.
Puis un sourire amusé se traça sur sa figure, au point qu'elle se permette même un rire.
- Prendre la place de ... Zeus ?
Répéta t'elle, comme pour s'assurer qu'elle n'avait pas mal compris cette question. Elle coinça sa cigarette entre ses lèvres, aspirant une large et lente bouffée de tabac, encore. Elle recracha la fumée tout en répondant :
- Je ne veux pas. Être reine, c'est déjà ... Oh, misére, c'est déjà si lourd à porter !
Un grand sourire, qui révéla sa -parfaite, héhé- dentition.
- L'ordre des choses est ainsi ... Si Olympe veut subsister, il faut laisser Zeus sur le trône. Aucun autre dieu n'est capable d'éxécuter ce qu'est capable de faire Zeus ... Aucun.
La déesse se massa, d'une main, les tempes. C'était si complexe, et pourtant si simple ... Héra était encore de la vieille école, un brin traditionnaliste. Respecter les régles, même quand on est reine. Et devoir plier l'échine devant des lois immuables.
- J'y ai pensé ... Quand j'étais jeune reine. Assoiffée de pouvoir, j'étais même pire qu'actuellement, tu sais ... Mais, au fil du temps, plus l'éternité se déroulait, plus mes envies de conquérir s'évaporaient. Et j'ai réalisé que, si nous étions encore tous debout, malgré l'absence de prêtres & prêtresses, c'est grâce à Zeus.
Oui, ça lui écorchait la langue de dire cela. Grâce à Zeus ... Mon cul, oui. Les gens riaient de la libido exacerbée de Zeus, mais craignaient la colère ravageuse de son épouse. Au fond, ils étaient un bon couple ... Enfin, couple ... En théorie.
- C'est pour cela que ... J'aimerais aimer une personne au point de quitter Olympe. Ou bien disparaitre, comme je l'ai si bien fait auparavant ... Je ne supporte plus d'être une déesse. L'éternité, les responsabilités me rongent. Et vu la famille que je me traine ... Olympe ne vaut pas mieux que la Terre, crois-moi ...
Elle sourit à nouveau. Oh, elle le disait pour taquiner Kyô, mais elle le pensait tout de même. Tous lorgnaient sur son trône. Fréres, soeurs, enfants ... Aucune pitié, aucun scrupule n'était de mise.
-
Depuis qu'elle avait dit que Zeus devait rester sur le trône, il faisait la gueule. Bras croisés, il regardait en coin le plafond en serrant les dents. Certes il continuait d'écouter la Reine, mais ce qu'elle disait était fort déplaisant. Sa flamme bougeait nerveusement, il trouvait ce discours aussi pathétique qu'énervant. Et puis quand elle semblait avoir fini, son regard revint dans les yeux d'Héra, incendiaire. Il ferma les yeux, et sourit.
"J'ai dit que je lui botterai le cul, pas qu'un jour j'irai le buter. Bien sûr que l'Olympe a besoin de ce vieux débris, mais je le garderai comme subordonné, sous mes directives!"
Il disait ça comme si c'était évident, mais aussi comme si c'était acquis. Pas quelque chose qu'il voulait voir se dérouler, mais quelque chose qui allait se dérouler. L'inébranlable conviction qu'un jour, Kyô prendrait place sur le trône, avec le vieux Zeus en guise de sous-fifre. Les seules divinités que le Sanctus Tenebris voulait voir disparaitre un jour, c'était Artémis, et ses frères et sœurs. Il visualisa tout ça, rouvrit les yeux et ricana:
"Si c'est qu'un problème de responsabilité, on peut échanger les rôles si tu veux. Moi je gère les autres Dieux, la fécondité des couples, et toi tu t'occupes de deux trois lapins paumés dans la forêt. C'est pas que je suis incapable de remplir mes fonctions, juste que je les supporte pas."
En parlant des fonctions d'Héra, il en avait volontairement omis un: le mariage. Ces trucs-là ne l'intéressaient pas, parce que ça signifiait "rester au moins 15 ans avec une seule et même gonzesse". Pas joyeux-joyeux... Même plutôt bordélique. Vu sous cet angle, c'est peut-être une Déesse du Chaos, Héra...
Il lui tapota l'épaule, tout souriant:
"Je t'aime bien, t'es pas trop gonflante pour une vieille mégère!"
On ne dirait pas, mais c'était un compliment. Il avait tendance à s'exprimer comme ça avec un peu tous les Dieux. Arès s'énervait assez quand Kyô l'appelait vieux débris cogneur à longueur de journée.
"Rassure-toi, je vais pas trop l'abîmer ton frangin si ça t'inquiètes! N'empêche que je ne bougerai pas, un jour, Le Roi, ce sera M..."
Il s'interrompit et devint tout rouge, puis contempla minutieusement ses orteils. Dire qu'on veut être le Roi à la Reine, ça peut être mal vu! Et puis même, quand on prend le trône, soit on garde la Reine, soit on la dégage. Il ne voulait pas la dégager parce qu'il l'aimait bien, mais il ne voulait pas la garder non plus. Il tapa des pieds et grogna:
"Raah, t'es vraiment un dilemme à toi toute seule!"
-
La déesse ne put s'empêcher de rire en l'entendant proposer d'échanger les rôles. Héra ne se voyait pas tellement gérer des lapins ... Et puis, s'il vous plait, essayez d'imaginer Kyô en dieu des mariages ! Déjà qu'elle, ça la faisait profondément chier, mais alors lui ... Il n'y parviendrait pas. Elle imaginait déjà en souriant le bordel causé par un échange de rôles. Et quand il émit l'idée qu'il deviendrait Roi, elle fit tomber sa cigarette dans un rire. Certes, elle se moquait un peu de lui, en essayant de deviner ce à quoi ressemblerait Olympe si Kyô gouvernait ... Mais surtout, elle se demandait ce qu'elle deviendrait.
Et elle le regarda dans un sourire.
- Si tu deviens roi, éjectes-moi. Cela me fera une bonne raison pour décamper.
Le ton était amusé, mais cette proposition était un brin sérieuse. La Reine des dieux était partagée entre le calme d'Olympe, et sa liberté individuelle. Les autres, ou moi. Un dilemme déchirant, en vérité ... Elle remarqua, amusée, qu'il rougissait. Depuis combien d'années n'avait-elle pas rougie ? Le simple fait d'y penser lui donnait la sensation d'être une vieille peau, ce qui l'agaça assez. Elle posa sa main sur l'épaule du Kyô.
- Fais moi descendre de mon trône ... Mais ne fais pas de mal à Oneiros, entendu ?
Un rire l'agita, à nouveau.
- Ah, je parle comme si tu allais vraiment devenir Roi d'Olympe ... Enfin, si un jour c'est le cas, je crois que ...
Une bouffée de tabac, qui brula ses lèvres. La cigarette était presque finie, et la braise était bien trop proche de sa bouche.
- Je crois que je ne m'inclinerais pas devant toi, Kyô. Mais que je m'amuserais à venir te causer autant de soucis que possible. Je me travestirais en homme et je viendrais te demander de m'accepter comme prêtre.
Elle ne put retenir un nouveau rire, et en vint à penser qu'elle tenait une cigarette magique entre ses doigts. Elle vérifia rapidement. Ce n'était pas le cas. Dommage ... Mais là, dans l'instant, elle se sentait presque hilare. Comme si, pour une fois, tout allait bien. Elle ne craignait même pas qu'il la poignarde dés qu'elle tournerait le dos ... C'était plutôt apaisant, comme impression.
- Si nous devions gouverner Olympe ensemble, tu imagines ... ?
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C'était difficile à croire, mais il riait avec elle. En début de soirée, il ne l'aimait pas, il s'amusait à lui faire du mal. Et là, ils plaisantaient ensemble, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Comme s'il ne l'avait jamais emmerdée, comme s'il ne l'avait jamais dupée. Comme s'ils avaient toujours été amis. Il n'en doutait pas un instant: Héra était vraiment une Reine. Il voulait aussi une clope, mais il n'aimait pas les siennes. Bon, dommage.
"Oneiros est un bon gosse. Je l'aime bien, mais vu qu'il est du côté du vieux, il va bien falloir qu'on se batte un jour ou l'autre. A vrai dire ça me plairait, après tout lui aussi il a appris avec Arès. Enfin, c'est son devoir après tout, je peux pas lui en vouloir. Mais je le connais ton marmot, il se sentirait insulté si je me retenais dans un combat sérieux contre lui. Donc je devrais lui faire du mal. C'est pas joyeux mais comme c'est mon ami, je ne vais pas le déshonorer. Et puis, quand je serai devenu le Roi, je le garderai auprès de Moi, comme tonton et Onii-chan. Je compte pas exterminer toute la race divine, je veux dégager un tyran aux gants de velours, c'est pas pour en devenir un..."
Le fait qu'elle retourne la situation, il ne releva même pas, même si ça l'avait amusé. Le fait que personne ne s'incline devant lui, c'était normal. Il voulait un monde de mérite, pas d'éloges et de respect. Les gens n'ont pas à s'incliner devant les autres, juste chercher à les surpasser, c'est comme ça. Après, qu'elle s'amuse à l'emmerder pimenterait un peu ses journées. Et puis il lui devait bien ça.
"Si nous devions gouverner Olympe ensemble, tu imagines ...?"
Il reprit son air sérieux. Et pourtant, il lâcha une grosse connerie, l'air de rien:
"Ouais, ben j'en suis pas à partager ma couche avec toi non plus. Enfin, de toute façon il y a une chose qui ne devrait pas changer. Quel que soit le mec posé sur le trône, Moi, Zeus, même Oneiros ou encore Dionysos, tu devrais être libre. De faire ce que tu veux, d'aller où tu veux, même nulle part, de fréquenter qui tu veux, du Roi de Terra jusqu'au clodo à l'arrière d'une boîte de nuit. Et puis si un mec te flique ou trouve quelque chose à redire, tu prends une épée et tu lui colles en travers la gueule. Ça m'étonnerait qu'il l'ouvre où qu'il cherche à répliquer après ça. Prends exemple sur Moi, si mes frangins viennent me brailler après parce que mes fidèles font des conneries, je les attache dans leurs temples et j'leur fait écrouler sur la gueule, et ça me fait des vacances!"
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C'était étonnant.
Pour une rare fois dans sa vie, on lui disait qu'elle avait le droit. Le droit de faire ce qu'elle voulait. Et c'était Kyô, un dieu bien plus jeune qu'elle, nettement moins expérimenté et puissant, qui lui donnait cette pulsion de liberté. Oui, pour ceux qui se posent la question, elle dénigre tout le monde. C'est Héra, c'est comme ça ... Et dire que c'est mon personnage favori * soupir de la narratrice *. Bref, toujours est-il qu'elle resta bouche bée, avec un sourire parfaitement niais collé au centre de son charmant minois.
- Je vais tâcher de suivre tes conseils ... souffla t'elle.
Elle passa sa main dans ses propres cheveux, savourant ce simple contact. Méche contre doigts. Les souvenirs des matinées sur Terre à se réveiller sur la plage après une cuite mémorable lui revenaient en plein visage. C'était si bon ...
- ... A la lettre, ajouta t'elle. D'ici peu, je retournerais sur Terre.
Elle lui adressa un sourire paisible. Le paisible est important. Surtout que ce genre de sourire n'apparaissait que lorsqu'elle évoquait la Terre. Lorsque elle, Reine des dieux Olympiens, se prenait à souhaiter retourner sur Terre. Un là-bas dont elle ne pouvait plus se détacher. Et puis, Oneiros était grand, à présent. Oui ... Un soupir.
Elle posa son doigt sur la bouche du Dieu.
- Garde le secret, Kyô.
C'était un ordre doux. Pas d'une voix cinglante, pas d'un ton incendiaire. Héra récupéra son doigt juste après, dans un soupir de bonheur.
Et puis, elle savait pertinemment qu'il n'en parlerait à personne. Elle lui faisait confiance. Même si ce mot lui écorchait encore la gorge.
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Il acquiesça en fronçant légèrement les sourcils. D'une manière générale, il n'aimait pas trop devoir fermer sa gueule. Mais en plus, laisser sous silence une chose aussi simple pour lui n'était vraiment pas facile à gober. C'est sûr, elle pourrait en profiter, mais rien ne changerait. Si on le découvrait? Les autres Dieux, propres sur eux, joueraient les pauvres petites choses scandalisées, parleraient dans son dos à coups de elle a des responsabilités ici, elle peut pas se permettre de telles facéties! Donc il obéissait à l'ordre, mais parce qu'il était Kyô, le Dieu qui voulait surpasser les Dieux, il n'allait pas gentiment donner la patte et attendre son sucre. S'il y avait un soucis, il aboyait.
"Ça pour une Reine, t'es royalement conne! Je garderai ton secret, soit, mais là je peux pas m'empêcher de broncher. Tu crois être la seule divinité à aller sur Terre? J'y ai été une fois, des rumeurs disent même que le vieux boiteux y passe ses vacances! Toi tu y vas en cachette, comme une gosse qui fait le mur, soi-disant parce que tu peux pas te le permettre?"
Il lui colla une petite claque, pour la forme. Puis il repensa à la fois où la Déesse qu'il venait de gifler lui avait fait traverser trois temples avant qu'il n'ait pu poser la main sur elle. Il déglutit, puis se dit une raison de plus, comment s'opposer à quelqu'un d'aussi fort?
"Franchement, prends un peu de recul, t'es la Reine putain, c'est pas des obligations qui te dictent ta manière de faire, on n'est pas des humains bordel! Regarde ton vieux survolté d'époux, il se casse quand il veut, il se change en qui il veut et il baise à droite à gauche! Et ça, il n'y a que toi qui en trouve quelque chose à redire sur toute cette montagne! Ben fais comme lui, tu te barres et tu dis à tout le monde de se démerder parce que la Reine a décidé de faire un tour! Et me fais pas le coup du j'suis mariée, c'est contre ma religion! Sinon j'vais l'dire à tonton Arès!"
Sa dernière phrase avait l'intonation typique du gamin boudeur qu'il était. Il restait entièrement d'accord sur le fait de garder tout ça sous silence si elle le lui demandait. Mais il supportait mal le simple fait qu'elle le lui demande. On entendit le fracas d'une bâtisse qui s'écroule et il éclata de rire. La salle de repos où il avait joué les prêtresses venait de s’effondrer à cause des colonnes endommagées. Et c'était pas la première fois qu'il la détruisait.
"Prends garde cependant, et je te le dis en tant qu'ami, à ne pas partir trop longtemps. Il se peut que quand tu reviendras, ton cher époux aura comme fonction principale de me servir de repose-pieds. Je suis quand même vachement fort!"
Il n'avait plus que deux choses à reprocher à Héra désormais: son manque cruel de convictions et de confiance en soi, et ses gouts bizarres en matière de cigarettes.
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Elle mentirait, en disant que ce petit discours n'avait pas échauffé ses nerfs. En réalité, elle rêvait de claquer une gifle monumentale à Kyô. Non, deux. Allez, trois, pour la forme. La déesse s'apprêtait à répliquer - comme d'habitude - violemment, mais elle cessa son geste et ses paroles incisives. Il avait raison, ce dieu des lapins. Et puis, la simple évocation du nom d'Arès ... Elle se surprit à vouloir, à nouveau, fumer, mais eut la présence d'esprit de se retenir. Non, non, Héra ne faisait pas dans le mélo. Enfin, sauf après quelques verres ... Et le mélo d'une femme bourrée, c'est pas franchement grandiose. Mais là, ce fut sans doute la chose qui l'acheva le plus dans ce petit discours.
Elle fit craquer ses phalanges de manière nerveuse. Arès ... Cela faisait bien longtemps qu'elle ne l'avait pas vu. Tout comme Oneiros. En Olympe, la Reine jouait la carte de la solitude, à n'en point douter.
Dieu, qu'elle se trouvait conne.
- J'ai un sens des responsabilités plus aigu que mon époux, souffla t'elle en souriant. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que j'ai des comptes à rendre à Olympe. Je suis sa Reine, après tout ...
Elle leva les yeux au ciel.
- Mais si je décide de partir, ce sera pour longtemps ... Jusqu'à qu'on vienne me rechercher, encore, sans doute ... On verra, j'ai l'éternité pour ça.
Un silence se posa, puis elle s'approcha de Kyô. Et lui colla une gifle monumentale, capable de décapiter un simple humain, en espérant entendre un os craquer.
- Ne me gifle plus jamais, Kyô. Ou je t'arrache la gueule.
Un ton sentencieux, puis un sourire divin. Jamais on ne changerait Héra.
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Il l'avait vraiment prise en pleine gueule, celle-là. Encore un peu plus fort, et il aurait pu voir derrière lui. Sa moelle épinière avait pas trop apprécié, et sa joue rougie non plus. C'est pour ça qu'il aimait pas trop les Dieux. Parce qu'ils pouvaient lui casser la gueule. Il attendit gentiment que le bourdonnement dans son oreille s'arrête, puis sourit encore:
"Tu peux m'en coller autant que tu veux, tant que tu débiteras des conneries et des salades, je serai prêt à te bourrer la gueule! Sérieusement, joue pas les intouchables parce que t'es la Reine, seulement quand ça t'arrange. Si tu l'étais vraiment, tu serais déjà repartie sur Terre, et la plupart des vieux auraient leurs attributs divins bien calés dans le cul!"
Il eut en tête une image amusante de Pan et sa flûte, je vous laisse imaginer les détails. Et puis, pour appuyer sa réplique, pour montrer qu'il n'avait pas que de la gueule, et qu'il était prêt à tout, il lui colla une bonne trempe aussi. Pour lui remettre les idées en place.
"Qu'y a-t-il? Je me fous que tu menaces de m'arracher la gueule. Je me fous que tu m'arraches la gueule. Tu rends des comptes à l'Olympe, mais Moi qui n'y suis pas étranger, je m'en fous complètement. Tout le monde s'en fout. Le Dieu des lapins t'as frappée deux fois? Ferme ta gueule et fais avec. La Reine se barre quelques siècles, quelques millénaires pour souffler un peu parce que l'Olympe c'est chiant? On ferme nos gueules et on fait avec."
Kyô n'était pas toujours juste avec ses amis. Des fois même, il se comportait comme un sale con avec eux. Parce que même si ce que Kyô faisait était déplaisant, inconfortable, mesquin, méprisable, méchant, vicieux, Usagi faisait toujours ce qu'il jugeait être bon, quoiqu'il arrive. C'était sa façon de faire. Il avait de toute façon choisi de faire partie des méchants, et bien qu'il fut très rude, Black Heart Kyô était très protecteur avec ses proches. Et il pouvait devenir le pire des enfoirés juste pour les aider.
"Héra, ça va faire deux millénaires et demi que Moi et toi, on pouvait pas se piffrer. Donc je vais t'expliquer. Je deviendrai le plus fort. Ça signifie pas celui qui peut jouer des poings et latter tout le monde en bouffant un beignet, pas seulement. Protéger, assister et ouvrir les yeux doit aussi entrer dans les capacités du plus fort. N'oublie pas ça. J'affronte tonton Arès, et tonton Hadès même s'ils sont mes plus précieux amis. Je pourrais gifler une de mes prêtresses si elle s'égare, alors même que je tuerai le premier qui penserait leur faire du mal. J'aspire à la liberté totale. Si la Reine s'en prive pour des conneries alors que d'autres luttent pour l'obtenir... Ouais, tu m'arracheras la gueule jusqu'à ce que tu sortes de ta connerie."
Il avait l'air grave et les sourcils froncés. Il approcha son visage, puis tendit la joue.
"Et maintenant, Reine de l'Olympe, des Dieux, du Monde?"
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Cette seconde gifle fit valser sa cervelle. La Reine d'Olympe étouffa un hoquet, essayant de comprendre où il voulait en venir ... C'était si simple, pourtant. Tout le monde autour d'elle considérait Olympe comme une sorte de squatt' luxueux, sauf elle, qui s'acharnait à assembler les lambeaux d'une famille pour en faire quelque chose de potable. Et ce depuis le commencement des temps ... Croyez-moi, ça fait long. Elle voyait même son propre gosse causer des ravages ici et là, s'inclinant devant les dieux en attendant d'attendre sa majorité. Ensuite ... Qui sait, il sera peut-être pire que Kyô. L'idée l'effrayait pas mal.
Mais là ... Il avait raison. Et elle ne voulait pas l'avouer à voix haute. La déesse se contenta d'hocher la tête, se mordant la lèvre inférieure. Une nouvelle fois, elle avait la sensation d'être une collégienne qui apprend la vie. Et la métaphore faisait bien du mal à son égo.
Sa seule réponse fut de pincer violemment la joue du dieu des lapins, les sourcils froncés. Elle le relâcha au bout de quelques secondes, sans rien ajouter pendant deux bonnes minutes.
- Même Zeus n'a jamais osé me gifler ... grinça t'elle.
Elle lui en claqua une seconde, de même envergure, histoire de montrer qu'elle était bien la Reine.
- ... Et tu as raison. Je suis la plus puissante, et je fais et ferais ce que bon me semble. Point. Je n'ai de comptes à rendre à personne.
Sauf à son môme, peut-être ... Et encore. Il était assez grand. Son ego reprenait du galon, là ... Elle ne put s'empêcher de sourire doucement, levant une nouvelle fois les yeux aux cieux. Le terme de liberté totale lui plaisait assez.
- Tu vas faire de moi une personne encore plus invivable, Kyô. Beaucoup vont t'en vouloir, si ce n'est l'Olympe toute entière.
-
Alors même qu'Héra lui pinçait la joue comme à un gamin qui fait des conneries, le Dieu du Chaos, Indigne fils d'Artémis, le plus fort parmi la progéniture de la Grande Chasseresse, réagit comme tel. C'est à dire qu'il agita bêtement les bras en s'exclamant "Wayeeeeuh!". Et puis il y eut un petit temps d'arrêt, temps dans lequel, pendant que la Reine semblait s'égarer dans ses songes, il frottait sa joue tout rouge en fronçant les sourcils. Il avait cru comprendre qu'il n'était pas très convainquant, à faire des beaux discours. En même temps, c'était la première fois que le Dieu des lapins faisait la morale à une divinité supérieure à lui, tant de puissance que de rang. Il s'y était peut-être mal pris?
"Même Zeus n'a jamais osé me gifler..."
Il n'eut même pas le temps de répondre "rien à branler, je suis pas ce vieux taré" qu'il se prit une seconde mandale. Cette fois-ci, il dût retourner sa tête à la main, parce que l'impact lui avait cassé une ou deux vertèbres. Il essayait de cacher derrière un regard ferme et un sourire assuré, le fait qu'il morflait à mort, et qu'il avait bien envie de lui gueuler dessus, de lui tirer dessus, puis de gueuler tout seul que ça faisait mal, puis de la frapper, puis de re-gueuler, et enfin de se tirer avant d'en prendre une troisième. Ses pensées défilèrent et il finit par lâcher dans un soupir qui trahissait sa retenue:
"Y a un début à tout non?"
Elle continuait sans l'écouter. Lui décrocha l'espace d'un instant, parce qu'il avait entendu Héra dire "tu as raison", et que c'était trop bien, top délire, génial, kiffant et inédit. En gros, elle faisait le point. Et lui, il était content. L'espace d'un instant, il était sur son nuage. Il avait raison. Il était trop fort, incroyable, indestructible, raisonné, puissant, il était capable de logique, il pouvait avancer des arguments! Pas de doute, lorsqu'il sera sur le trône, tout le monde le suivra. Car tout le monde voudra le suivre dans l'avènement de son Nouveau Monde. Oui, Kyô avait tendance à s'enflammer pour rien.
"Tu vas faire de moi une personne encore plus invivable, Kyô. Beaucoup vont t'en vouloir, si ce n'est l'Olympe toute entière."
Il ricana. Il s'en foutait, c'était pas lui qui la supporterait. Et alors? De toute façon la plupart des Dieux de l'Olympe ne pouvaient même pas entendre son nom sans arquer un sourcil qui signifiait changeons de sujet. Les Dieux de première génération ne pouvaient ou ne voulaient pas le voir, les Dieux du Chaos s'en foutaient, ses frères et sœurs voulaient le voir crever, sa mère voulait le forcer à assumer ses "responsabilités"... Pour ce qui était des Dieux les plus proches, Hadès l'aimait bien. Arès le considérait comme tel, un jeune neveu plutôt marrant, Dionysos s'en foutait un peu, tant qu'il buvait et suivait ses délires. Et Oneiros, lui, le voyait comme un grand frère, un exemple à suivre. Plutôt agréable cette idée.
"Et alors quoi? De toute façon t'es plus là. Si ça se trouve d'ici ton retour tout aura changé. Et puis faut voir après, ça pourrait être fun d'avoir une Reine insupportable, on me fera peut-être moins chier après..."
Il se leva, eut le tournis, et se rassit. C'est le problème quand on a la moelle épinière qui foire, c'est tout le système nerveux qui flanche. Un mortel serait mort. Ou paralysé. Lui avait un peu le tournis.
Il fit une deuxième tentative. Il resta quelques secondes à tanguer, fit quatre pas et demi en titubant, puis fit volte-face en s'écriant "oh merde!" comme s'il venait de se rappeler quelque chose.
"Je suis pas censé être là. Je suis même pas supposé être au courant pour la réception. Et si je sors maintenant, au mieux on pensera que c'est toi qui a démoli tonton. Donc j'vais partir euh... Par là!"
Il pointa un mur de son index flamboyant et vacillant. Puis il décida de décoller les pieds du sol, parce que quand on lévite, on ne se viande pas. Sauf si on s'évanouit. Mais il en était pas là. Il se laissa flotter, revint, et s'arrêta à hauteur de la méridienne.
"Ah ouais, tant que j'y suis. A partir de là, que tu te barres en le clamant haut et fort ou sans rien dire, ça n'engage que toi, c'est une question de convictions. Mais si tu t'en vas dire à quelqu'un que je t'ai fait serment d'allégeance, tu sais où tu peux te le mettre."
Parmi ses croyants, de toute façon, ça devait se savoir. Pourquoi? Pour éviter que ses fidèles brûlent encore des temples d'Héra, par exemple. Pour leur éviter aussi de sacrifier des croyants de ladite Déesse au nom de la liberté du Sanctus Tenebris. Ouais, en gros, pour éviter que les hostilités religieuses continuent alors que leur Dieu aimait bien la taulière. Ce serait con.
Il s'ouvrit une brèche dans le mur d'un coup de pied plutôt négligé et parla sans se retourner, parce que même s'il le cachait, tourner la tête lui faisait vachement mal. Et en plus ça lui donnait un genre. Le mec distant et tout...
"Bon courage ta majesté ma Reine. Bonne soirée. Dis à Hadès qu'il l'a pas volée!"
Le voile sombre de la nuit avait recouvert le mont Olympe. On entendait la petite sauterie, les discussions et les rires qui parvenaient depuis l'autre côté de la bâtisse. Les étoiles scintillaient et appelaient le jeune Dieu à les rejoindre, à flotter dans l'air frais du firmament, dans cette immensité ténébreuse qui s'offrait à lui. Il s'en alla, rejoint les hauteurs en silence, avec toute la fougue d'un jeune homme, avec toute la liberté dont jouissaient ses fidèles qui gambadaient ça et là.
Un sourire adolescent aux lèvres, il s'en allait. Il avait beaucoup à faire, mais il s'en foutait. Il était plus déterminé que jamais à voir naître son monde idyllique.