Aimer, c'est s'attacher à une personne sans pouvoir s'en détacher. C'est ne voir qu'elle, l'accepter avec ses défauts. Alors qu'il pourrait y avoir mieux, ailleurs, quelque chose qui nous conviendrait plus. Mais ce "mieux", on ne l'aime pas, on préfère rester cloué avec la personne adorée. L'amour, c'est aussi la contrainte. C'est devoir changer son esprit et ses habitudes, modifier ses plans, contrecarrer son avenir pour s'adapter à ce couple - ou cet espoir de couple -. C'est devenir autre, c'est devoir se faire moins violent, plus possessif, moins soi, c'est se muer en l'idéal qu'a l'autre alors qu'il est censé nous aimer comme un idéal. C'est être un fantasme, le fantôme de ce qu'on eut aimé être qui prend la forme de ce qu'elle veut qu'on soit.
Alors oui, l'amour est une plaie avant toute autre chose. Parce qu'être amoureux, et souffrir de cette attirance exceptionnelle, ça ne dérange pas. C'est aussi renier ses libertés une à une, alors que l'humain en demande toujours une.
Aussi, Law étant conscient de ce déplorable état de fait, lui-même y tirant profit financier, comment peut-il accepter d'aimer ?
Tout simplement car l'Amour est une guerre, le Sexe en est une bataille parmi d'autre.
Tous ici nous savons que Law est d'abord un guerrier avant quoique ce soit d'autre. Law est le sage martial, priant Athéna la réfléchie avant Arès le belliqueux. Celle-là lui est systématiquement supérieure : La brute se soumet toujours à la tactique. Les Grecs avaient tout compris avant les stratèges modernes : pour écraser une armée intelligente, il ne faux jamais avoir recours à une puissance uniquement basée sur la force brute (ou alors celle-ci doit VRAIMENT être forte, et brute).
Mais être stratège n'est pas donné à tout le monde. Aussi, dans le jeu de l'Amour, Law doit pouvoir sortir son épingle du jeu, se démarquer par son habitude des relations sociales, son sens aigü des prévisions, sa capacité à anticiper les décisions de l'autre.. Bien sûr qu'il va gagner. Après tout, il n'a jamais réellement perdu. Ses seules défaites ont été de menues échecs, qu'il a prit soin de rattraper vite fait par une sévère rouste à celui qui avait osé lui infliger un revers.
... Si. Si. Il a subi une défaite. Une énorme qu'il a dû faire payer au centuple. Ce jour où il a changé du tout au tout. Ce jour..
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Flashback ! http://www.youtube.com/watch?v=CAHGxMq1IUI
La rue est déserte à cette heure. Etrange. D'habitude, les bas-fonds sont encore pleins de vie. Le soir est tombé il y a peu et pourtant.. Un évènement grave a dû arriver. Serait-ce en rapport avec l'incendie s'étant déclaré il y a peu, selon un ivrogne croisé en sortant de ce troquet ? Peut-être.. D'ailleurs, je remonte la piste de ces flammes. La lumière qu'il produit dans la nuit est comme un phare, et je ne suis qu'une bête luciole. Mais au fil de mes pas, je trouve ce chemin étrangement familier. Enfin, non, rien d'étrange. C'est plus ou moins le trajet que je fais plusieurs fois par semaine en sortant de chez mon employeur - et depuis peu, de chez moi - pour me rendre dans les quartiers plus bourgeois, afin d'y trouver acheteurs ou vendeurs. Le commerce d'esclave rapporte. Et maintenant que c'est mon établissement à moi, les profits n'en seront que plus conséquents.
Que.. c'était.. mon établissement.
Arrivé devant l'incendie, je constate qu'il m'appartient. Oui, ce bâtiment tombant en ruine, d'où le feu dévorant, infernal, torrentiel s'élève, c'est mon travail, ma maison. C'est ma vie. Surtout, c'est mon héritage. C'est là qu'est mort mon père spirituel il y a quelques jours. C'est là que je me voyais un avenir riche et radieux. C'est là que tout se finit. J'écarte lentement la foule pour me rapprocher. Je suis obnubilé. Ce phare est tellement prenant.. et c'est pourtant tellement effrayant. Je retiens mes larmes. Le traumatisme est violent. Que milles cavaliers me piétinent.. je n'en reviens toujours pas. Qui a pu faire ça ? Qui ? Qui m'en voudrait ? Je ne suis qu'un marchand.. Pourquoi m'en voudraient-ils ? Ai-je offensé quelqu'un en capturant l'un de ses proches ?
Je suis démuni. De tout. Je ne sais pas vraiment combien de temps s'est déroulé. Je suis toujours à fixer l'incendie. Personne ne bouge. Personne ne bouge pour les bas-fonds, de toute façon, même ceux qui y habitent. Le feu ne semble pas encore progresser dans les habitations alentours.. Ca ne saurait tarder. Je n'arrive pas à hurler, malgré mon envie. J'aimerais qu'on y amène de l'eau, qu'on fasse quelque chose. J'aimerais invoquer la pluie. Non. J'aimerais revenir quelques heures en arrière et empêcher le fils de chien qui a mit le feu à mon établissement de commettre son crime. Et si je ne le peux, je voudrais périr dans les flammes.
Alors, là, j'ai perdu toute notion. Temps. Espace. Ca fut tellement dur de pouvoir mettre des mots sur ce qu'il s'est passé.
Il avait fendu la foule et je n'avais rien vu. Il s'est précipité vers moi, et quand je me tournais vers lui, impuissant, je sentais sur ma joue toute la puissance qu'il a mit dans son bras pour me frapper avec sa barre en métal. Il me toisait, moi à terre, recroquevillé comme un chien. Mes larmes coulaient enfin, se mêlant au sang jaillissant des sillons creusés sur mon visage. Il était animé d'un sourire malsain. Je le reconnus. Et lui parlait, me traînant faiblement pour m'éloigner sans aucune conviction.
-Ubel.. Tu as toujours été un traître.. Moi et les autres, on te le fera payer.. Tu vas souffrir..
-Les autres ? Ils sont tous avec moi. Tu es tout seul, Law. Tout seul. Tout aurait dû NOUS revenir. Tu as été le dernier arrivé. Tu n'es encore qu'un gosse ! Et tu penses nous avoir ? Quelle honte.
Ainsi donc ils m'avaient tous abandonnés. Je souffrais le martyr mentalement. Il s'occupait de mon physique en m'assénant des coups de barre, et personne autour ne bougeait.
Sauf Elle.
Un Ange dans les bas-fonds, l'eussiez-vous cru ? Elle s'était jetée, toute faible qu'elle était, sur le monstre qui voulait me battre à mort. Elle tentait de l'arrêter. Il lui avait asséner une violente gifle, avant de l'empoigner par le cou dans le but de l'étrangler. La punir.
Je me suis senti un courage inouï, et me relevant d'un bond, mon coude heurta son visage avec force. J'avais la rage du désespoir, et lorsqu'il s'écrasait à terre, malgré mes blessures, mon corps brisé, ma psyché en lambeaux, j'étais quand même en position de domination. Alors je l'ai frappé, encore et encore, seulement quelques secondes, mais c'étaient des soulagements sans égals. Je l'ai ensuite traîné, usant de mes dernières réserves d'énergie, jusqu'à m'approcher dangereusement de l'incendie qui avait consumé mes sens auparavant. La sueur m'envahissait déjà, je n'étais qu'à quelques centimètres des flammes, j'allais m'évanouir.. Et je l'ai laissé là, à l'entrée même de son méfait, là où une porte s'était écroulée. Ma botte est venue lui assomer l'esprit, et ainsi dans les vappes, je pouvais le laisser à son sort. Je m'éloignais difficilement.. Avant de tomber moi-même, dans la rue, sur le sol.
Une semaine de repos, auprès de celle qui m'avait sauvé, et tiré de là. Elle était bienveillante, et j'éprouvais un grand respect pour elle. Ce fut ma première véritable expérience de passion. Loin des quelques baises passagères et vaguement amusantes d'auparavant, j'ai connu avec elle une puissance charnelle incomparable. Je crois que je me suis tout simplement évanoui à la fin.
À mon réveil elle n'était plus là. J'ai pris sur moi de me lever, de la chercher. La petite demeure était vide. Personne dans le voisinage ne la connaissait, personne ne l'avait jamais vue. Et moi, plus jamais je ne vit son visage.
Et j'ai retrouvé mes sens, et mes souvenirs, enfin.
Je ne suis pas triste. Je ne suis pas malheureux. Je n'étais pas amoureux d'elle.. On ne tombe pas amoureux des déesses, elles nous sont trop supérieures. Elle m'a sauvé. Elle m'a rendu un service. Depuis je la vénère, autant que Sparshong. Mais cette déesse n'a pas de temple. Elle est irrationnelle, au-dessus même des autres Dieux. Chercher à l'identifier serait folie.
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Il se saisit du papier, le regarde d'un air distrait, avant de serrer le poing. L'instant d'après, la note d'Andrea s'était évanouie. Elle n'était plus ici, mais ailleurs, et seul Law saura où. Le choc de ses propres mots passés, Andrea lui en infligera un nouveau. Plus difficile. Il aurait dû s'y attendre, mais pour le coup, il a laissé sa faiblesse l'envahir un peu. Il ne réitérera plus.
Mais ce n'est pas pour autant qu'il n'a pas saisit ses mots. Au contraire.. D'ailleurs, c'est la première fois qu'on lui dit. Il sent son esprit se brouiller un instant. D'ailleurs, il s'était arrêté de marcher. Il faut se trouver un bouclier. Manger ! Oui ! C'est de ça qu'elle parlait juste avant.
Il est l'heure. On va manger.
La main fermement tenue l'emmène plus loin. Ses repères se refont lentement.. trouver un restaurant. Cherche, Law, cherche.
Ca y est.
Tu aimes les escaliers j'espère.
Une maisonnée semblant habitable est son objectif. Il y a de quoi se questionner : les fenêtres ne laissent apparaître aucune cuisine, aucune salle à manger. Y a-t-il une subtilité dans ce monde ? S'invite-t-on chez l'habitant pour se nourrir ?.. Non. Un escalier de pierre longe le mur, entoure le bâtiment. Il grimpe les deux séries de marche et ainsi arrivé au deuxième étage, c'est un spectacle insoupçonné qui attend la jeune femme. Au sommet, sur le toit aplani, des tables et chaises sont disposées, et certains y mangent. Deux soldats en uniforme et armure légère ; un couple de jeunes tourtereaux qui s'embrassent ; trois types accompagnés d'une esclave silencieuse et calme tandis que eux sont très exhubérants.
Pas peur du vide (pas comme moi =D), Law prendra une table au bord, de quoi pouvoir apercevoir le marché et les rues. Paaaarfait. La vue d'un Roi sur ses sujets. Quoi, la grosse tête ?.. Pas du tout.
Même pas de contemplation du contrebas, juste celle du visage d'Andrea.. Interrompu par l'arrivée d'un type en toge bleu foncée, qui s'incline bien bas avant de quérir la commande.
Elle choisit.
Sourire narquois.. Ce n'est rien qu'une petite épreuve.
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Law est néanmoins certains d'une chose : Andrea est une envoyée de cette entité salvatrice. C'est elle qui me l'a offerte pour qu'elle veille sur moi et me sauve une nouvelle fois.
"Feel so good, I feel so fine,
Love that little Lady always on my mind."
Le serveur s'était ramené, exécutant des tours de souplesse dorsale, avec des tas d'inclinaisons différentes, à tel point que personne n'aurait jamais pu se douter qu'il existait tant de manière de saluer avec une telle soumission. Oui, car les occupants de la table d'à-côté commencent à s'en aller. Law trouve d'ailleurs ça fâcheux. Si il pouvait protester, il se plaindrait sûrement de ne pas pouvoir finir son assiette..
Il en revenait à l'exposé d'Andrea. Bien, très bien même, mais une petite chose avait retenu son attention. Stimuler le coeur d'un homme ?... Le COEUR ? Pourvu que ce soit une manière poétique de parler, parce que si elle pense que c'est vraiment le coeur de l'homme qu'on monopolise lorsqu'on cherche à le manipuler, elle serait bien plus naïve que ce que le polyglotte tablait sur elle.
Tu vas rire, mais j'ai besoin de toi.
Ca y est, il commençait à accélérer un peu le rythme de sa nutrition. Il ne comptait pas finir tout de suite, non, il s'accorderait un temps de réconfort après la bataille pour clore le repas dignement, sans précipitation. Il tenait juste à "emmagasiner" le plus possible, on ne sait jamais, quelque fois que le combat tourne mal et qu'il doive s'exiler sur une île déserte où il n'aurait pas à manger, il aura été bien content de s'être gavé avant de partir.
Simple supposition.
Il vidait son eau d'un trait. Les lèvres étaient essuyées avant, et après avoir porté le verre à celles-ci, à l'aide du tissu aux motifs élégants et à la griffe du restaurant suspendu entre ciel et terre. Il avisait ensuite ses cibles, qui discutaient avec le tenancier. Le sujet de la discussion était gai, sans doute, puisqu'ils lançait leurs tirades respectives avec de forts éclats de rire. Tout allait s'accélèrer. Ils se préparaient à partir, et Law cherchait, le plus discrètement possible, à discerner une arme dissimulée parmi les frusques de chacun.
C'est alors que l'esclave, osant lever les yeux, croisa le regard de son ancien maître.
Celui-ci se demandait si elle allait donner l'alerte. Après tout, on ne peut faire confiance aux esclaves trop soumises. Pourvu qu'elle ait encore un peu de fidèlité envers Law, ce qui reviendrait à dire qu'elle est mal éduquée. Oui, pourvu qu'elle ait encore quelques problèmes de discipline. Suffisament pour qu'elle se dise que son propriétaire actuel méritait moins que le précédent.
L'échange dura quelques secondes. Law ne cilla même pas. Il lui offrit l'un de ses fins sourires. Et puis, portant son index à ses lèvres, il lui fit le signe universel du silence. Il était impératif qu'elle se taise. L'objet vivant, peut-être un peu secoué, baissa lentement son visage vers le sol, masquant ses traits pour que nul ne puisse discerner dessus la moindre émotion. Elle fit mieux que de juste se taire : Elle exécuta un bref pas en arrière, puis un deuxième. Elle venait tout simplement de mettre de la distance entre elle-même et celui qui était plus proche de la mort qu'il ne doit s'en douter.
Celui-ci, l'armé, discute toujours avec l'un de ses acolytes et le serveur, tandis que le dernier rajuste son mantel, souriant à ce qu'il entend à côté malgré le fait qu'il soit détaché de la conversation des trois hommes. Il scrutait ensuite les alentours avec une innocence enfantine. Law revint aussitôt sur Andrea.
Tu es fascinante, tu sais.
Ca n'avait pas spécialement de rapport avec le moment, c'était une constatation générale. D'ailleurs, il lui prenait un rapide baiser.
Fais attention à ta vie. La tienne. Je te promet de préserver la mienne en retour. Mais tu dois te protéger. Regarde toujours derrière toi sans jamais négliger l'avant.
La recommandation vaudrait pour l'éternité. Garder ses yeux sur le compteur, tout en s'assurant qu'aucun flic ne nous suit.
Law jette un oeil sur le reste de son repas, puis sur les hauteurs, la rue en contrebas. Si il devait arriver quelque chose à Andrea, il ne se le pardonnerait pas. Mais c'était hautement improbable : D'une part parce qu'elle ne jouera pas les inconscientes, car elle n'est pas idiote ; D'autre part parce qu'il saura la protéger quoiqu'il puisse se passer sur ce fichu toit.
Il en revenait à ses cibles. Et parlait avec le détachement le plus détaché du monde. Uhuh..
Tente de neutraliser au moins l'armé. C'est de lui que je m'occupe en premier. Et en dernier, puisque c'est lui que je veux faire parler. J'essaye de ne pas trop amocher les deux autres. Il s'agira juste de s'arranger pour que les trois soient par terre avant qu'ils n'aient eu le temps de se dire qu'on les attaquait. Et si il y a le moindre problème : Tu utilises ton arme, ou la première chose qui te passe par la main. Dans le doute, vise les parties sensibles, comme.. comme les yeux par exemple.
Il appuyait ses conseils par un large sourire, amusé de ses propres propos. De l'auto-satisfaction, voilà qui était efficace. Il n'y a pas de mal à se trouver drôle !
Et puis, penses que Sparshong est sur toi. Il appuie les vengeances et la juste violence, et là, on est pile dans son domaine.
Postulat simple : Un croyant n'a pas peur d'aller au combat si il pense que Dieu est de son côté. C'est là chose effrayante quand on est confronté à un fanatique : Il ne reculera pas, car il pense qu'un être suprême le pousse en avant. C'est au moins une raison suffisante pour Law d'avoir la foi. Les hommes sont faibles car ils sont seuls. Ils ont arrêtés de croire. Ils veulent la liberté, et cela les conduit à être traître, couard. Plus de valeurs, plus de courage. Ils repoussent sans cesse les limites de la bêtise car ils ont cessé d'être pieu.
Je nuance : Pas tous, heureusement.
Oui, tous n'ont pas besoin d'une divinité pour arriver à faire des choses.
Si Law fait partie des gens qui n'ont besoin de rien, pourquoi a-t-il la foi ?
Parce que c'est comme ça et pas autrement.
Et aucune loi n'interdit de se donner un petit bonus, quoi. Crotte.
À toi de jouer.