Rei, ayant repris sa forme aquatique, ne s’était jamais aventurée aussi loin des terres. Jusqu’à maintenant, sa demeure s’était réduite à un lac…L’océan, c’était tout autre chose : c’était un autre monde, plus grand encore que celui de la surface ! Et elle en avait assez des humains plongés dans une décadence odieuse et malsaine ! Les côtoyer pendant un temps avait été une expérience enrichissante, mais elle avait besoin de retrouver le monde du dessous. Et l’océan était quelque chose qui lui était encore totalement inconnu.
Tapie au fond de l’eau salée, aplatie sur un sable incroyablement cotonneux et dénué du moindre petit corail, la sirène observait un gigantesque banc de poissons évoluer au-dessus d’elle, leurs ombres glissant avec paresse sur sa silhouette. Ses yeux rouges clignèrent, puis elle s’élança brusquement, soulevant une épaisse couche de nuage derrière elle. La plupart de ses proies parvinrent à s’enfuir, se dispersant à vive allure de tous côté. Mais Rei pu tout de même s’abattre sur un petit saumon, ses larges tentacules lui enserrant le corps et lui empêchant tout mouvement.
D’un coup de dents furieux, elle priva la victime de sa tête et mis fin le champ à ses futurs souffrances. Puis elle commença son repas, découvrant le goût du poisson des mers encore tiède dans sa bouche. Ses quatre tentacules, situées dans son dos, s’agitaient doucement de chaque côté, la maintenant en suspension dans l’eau. Comme cette chaire rose, aussi rose que la peau d’une jeune fille, était tendre et molle dans sa bouche…Sa langue frétillait grâce à ce nouveau goût. Finalement, la sirène ne regrettait pas de s’être éloignée autant ! Ici, les poissons étaient beaucoup plus gros et goûteux que ceux du lac.
Quelques nouveaux groupes redevinrent indifférents à sa présence et se mirent à nager gracieusement autour d’elle, répandant de la couleur dans ce milieu salé et quelque peu décoloré, il faut bien le dire. Cependant, Rei ne pu achever son déjeuner, quelque chose s’abattant lourdement sur elle. Déstabilisée, elle tenta d’aller plus loin et de s’échapper d’une étrange menace, mais quelques un de ses tentacules s’entortillèrent dans de curieux liens.
Cette fois, commençant définitivement à paniquer, la sirène se mis à s’agiter sauvagement, battant des jambes et des bras, et passant ainsi ses membres entre les mailles de ce qui ressemblaient à s’y méprendre à un filet. Du calme Rei* pensa t’elle, reprenant doucement son calme. Ce filet n’avait rien d’agressif. Il suffisait justement de couper les mailles de ce filet.
Mais alors qu’elle avait commencé son ouvrage, rongeant les cordes de ses petits dents pointues, la sirène se sentie comme remonter doucement. Cette fois, elle paniquait vraiment ! Pire encore, le filet semblait comme se rabattre sur elle, emprisonnant définitivement chacun de ses membres qui ne pouvaient, désormais, presque plus bouger.
Elle sentie le froid de la surface sur sa peau trempée, alors que son cri de peur éclata hors de l’eau. Rei gigotait tant bien que mal, agitant doucement le filet de droite à gauche. Ses tentatcules étaient écartelées dans une position grotesque, ses bras enlaçant étrangement son ventre, ses cuisses étaient largement ouverture, l’une de ses jambe levée vers le ciel, alors que les cordes endolorissait horriblement sa poitrine.
Brusquement, la sirène arrêta tout mouvement, les yeux terrorisés. Un homme, le regard stupéfait, était en train de l’observer à quelques mètres d’elle. C’était un homme oui…un humain…mais quel humain ! L’humain, sans nul doute, le plus bizarre qu’elle n’ait jamais vue ! Un homme barbu, avec un large ventre et habillé comme les marins d’autrefois. Un humain, pas vraiment beau, pour tout dire !
Le filet se balançant doucement au-dessus de l’eau, laissant tomber de grosses gouttes salées, Rei ne bougeait plus d’un pouce, les yeux grands ouverts et plongés dans ceux de l’observateur. Seule sa poitrine se soulevait rapidement, prouvant sa respiration saccadée.
Le marin barbu semblait tout aussi stupéfait qu’elle, bien qu’un peu moins effrayé…et pour cause : il n’était pas pris dans un filet de pêche ! Durant les quelques minutes qu’ils passèrent à se contempler, lui les mains sur les genoux et elle le cœur battant, la sirène avait eu le temps de comprendre l’essentiel de la situation. Ce marin était bien un pêcheur, parti vers le large pour faire ce que tout marin fait habituellement : pêcher le poisson. Rei réalisa alors toute l’horreur de la scène : ce gros bonhomme allait peut-être l’éventrer comme un vulgaire saumon pour cuire ses chaires et les déguster avec un grand verre de bière !
La sirène se lança lors silencieux de se calmer, les dernières gouttes de la mer glissant délicatement sur sa peau sombre, lisse et douce comme une peau de pêche. La lumière se reflétait derrière doucement sur celle-ci, le soleil continuant sa longue montée avant que ne commence le début d’après-midi.
Lorsque le grand humain attira le filet au-dessus du bateau, Rei commença définitivement à s’inquiéter. Manifestement, il n’avait pas prévu de la relâcher…du moins pour le moment ! Morte de peur, elle se mit enfin à gigoter, poussant de petits cris stridents, donnant des coups de pieds palmés au travers des mailles du filet et mordant furieusement la corde mouillée et salée. Cette faible résistance ne dura seulement qu’un bref instant avant que Rei ne perde conscience, sans qu’elle n’ait eut le temps d’en comprendre la raison.
Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’elle s’éveilla en sursaut, l’eau de la mer éclaboussant son corps et la réveillant sur le coup. Ses bras et ses jambes étaient écartelées sur la petite embarcation, et même ses appendices dorsaux étaient complètement saucissonnés ! La sirène s’agita quelques secondes et stoppa tout aussi vite lorsqu’elle ressentit le regard horriblement pervers de l’homme barbu sur elle. Alors celui-ci s’adressa à elle d’une voix forte.
Se calmant petit à petit, voyant que l’homme ne faisait apparemment rien et attendait sa réponse, Rei ne bougea plus et ferma les yeux, les dents serrés. Sa poitrine se soulevait doucement, tandis que ses doigts s’ouvraient et se refermaient sous l’effet d’une colère grandissante. Sirène ou pas, elle n’était pas un objet de valeur, et encore moins un monstre ! Elle attendit que le marin se penche un peu plus vers elle pour lui cracher l’eau de mer qu’elle avait gardé en bouche, aspergeant sa barbe et ses cheveux sales.
« Le monstre te crache au visage ! Détache moi seulement un bras ou une jambe et je t’ouvrirais le ventre pour me repaître de ton cœur et de ton foie avant de jeter tes restes en pâture aux requins ! »
Satisfaite de sa répartie et devenue subitement hors d’elle, la sirène se mit en devoir de s’agiter en tout sens, tordant ses poignets jusqu’à leur limite et soulevant son ventre et son bassin, agitant ses seins au rythme de ses gesticulations.
« Libères-moi tout de suite ! hurlait-elle. Et je me contenterais de m’en aller ! Libères moi ! »