Quelques années auparavant, avant d'être aussi assurée qu'elle l'est aujourd'hui, Mary tapinait avec un manque de confiance certain en elle. Le regard fuyant, elle jouait nerveusement avec ses doigts, tirant sur ces derniers en gardant la tête baissée. Elle était l'une des rares filles de joie en ces lieux à se vêtir correctement: ni de décolleté outrageusement plongeant, ni de jupe bien trop courte, elle attirait à elle toujours les mêmes types de profils: des célibataires hésitants, des maris infidèles doutant d'eux, n'osant pas se confronter aux reines de ce palais. Mary les acceptait dans ces ruelles, dans sa piaule, parfois pour coucher mais surtout pour discuter.
Elle s'improvisait psychologue, meilleure amie et facturait la consultation pour quelques pièces à peine. Par pitié, par compassion extrême, Mary les écoutait brasser toute leur misérable et triste existence sans sourciller, sans juger, se contentant d'être là, à l'écoute. D'être bienveillance et disposée à les aider. Elle essuyait excès de colère et de frustration, son corps absorbant coups et blessures. Elle essuyait solitude, manque d'affection, sans jamais faiblir, restant elle même, fidèle à ses principes et ses convictions.
Et une fois le petit matin revenu, Mary ramassait ses affaires pour retourner auprès des siens sans jamais parler de ces soirées. Prenant soin de passer par quelques ruelles sans monde, prenant soin de raser les murs pour ne pas se faire attraper par quelques brigands, quelques personnes malintentionnées, elle était parvenue jusque alors à passer entre les mailles du filet protégeant son dû. Une chance pour cette présumée petite frappe des quartiers peu huppés. Elle n'avait pas eu l'occasion de se confronter à des corniauds, des idiots de première et même si Mary demeurait armée, elle espérait tout au fond d'elle ne jamais devoir utiliser son canif contre quiconque...
Mais la donne allait changer ce soir là.