Le Grand Jeu

Bac à sable => One Shot => Discussion démarrée par: Mascotte le lundi 17 septembre 2018, 22:17:03

Titre: Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le lundi 17 septembre 2018, 22:17:03
« Dis-moi, tête de pioche, quand est-ce que tu vas te décider à lâcher cette arbalète pour prendre une vraie arme ? »
Randal, accoudé à la jeep, mâchonnait un chewing-gum tout en regardant en coin son imposant compère. Randal, c’était un hybride chat. L’or et le blanc éclatant de son pelage contrastait avec le noir de sa tenue. En bandoulière, un fusil. À la ceinture, un pistolet. Dépassant légèrement d’une de ses bottes, le manche d’un couteau de combat. Il avait l’attitude nonchalante qui collait bien au félin. Un frimeur de première pour qui le connaissait un minimum, mais on tolérait ses excentricités parce qu’il avait fait ses preuves à maintes reprises. Du haut de ses 1m30, il semblait minuscule à côté d’Hector, un hybride ours culminant à près de deux mètres. Un vrai géant, surtout pour ses semblables. Lui, il était nettement plus sobre dans son attitude. Vêtu à la manière d’un chasseur, pelage brun, yeux noirs, il était concentré sur l’entretien de cette fameuse arbalète. Constatant qu’il n’allait pas obtenir de réponse, le chat toisa de son regard émeraude l’ours avec plus d’insistance.
« Tu sais qu’un carreau d’arbalète, ça fait pas grand-chose à un drone de défense ? »
Toujours pas de réponse. Pas même de réaction. Le félin fit la moue. Non mais pour qui il se prenait ce grand con de l’ignorer comme ça ?
« Bah, après, c’est tes ognons. »
Hector cessa enfin son travail et regarda sa montre. Puis, de sa voix gutturale, il demanda :
« On m’avait dit que vous seriez deux. Où il est l’autre ?
- Ha, l’autre. C’est le nouveau du groupe. Il ne devrait pas tarder. »
Randal observa les environs en disant cela. Autour de la jeep, des arbres à perte de vue. L’omniprésence des feuilles colorait la fade lumière de ce jour pluvieux en vert. Vert, c’était mieux que gris, non ?
« J’espère qu’il s’est pas perdu, marmonna Randal. On m’a dit qu’il avait toutes les infos pour le rendez-vous. Mais en fait, j’y pense, c’est il ou c’est elle ? »
Il se sentit un peu bête. À force d’être dissipé, il ne savait même pas avec qui il devait faire équipe.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le mardi 18 septembre 2018, 22:38:46
– Oh, je suis là, en fait.

La voix venait d'en haut, vraisemblablement de la cime d'un arbre. Les deux soldats, levant la tête, durent plisser les yeux. L'origine du bruit se perdait dans le feuillage, et n'était pas facile à distinguer. En y prêtant bien attention, on pouvait néanmoins repérer des branches qui remuaient sous un poids qui ne pouvait être que réduit. Finalement, avec un « poc » d'intensité modeste, quelque-chose tomba sur le toit de la jeep.

Sauf que ce quelque-chose… on ne le voyait toujours pas – et cette fois, la végétation ne pouvait être tenue responsable. Rien d'autre que le bruit de tôle ne permettait de soupçonner la présence de quoi que ce soit sur le dessus du véhicule.

Le mystère ne fut élucidé qu'une seconde plus tard, lorsqu'une grande queue, rayée noire et blanche, émergea du vide. Elle fut suivie presque aussitôt par l'apparition surnaturelle du corps associé. Un mètre dix peut-être (soit autant que son long et fin appendice caudal), svelte voire maigre – d'énormes yeux oranges cernés de deux tâches fourrure noire, un court museau triangulaire, les oreilles pointues et le pelage court, gris puis blanc sur le ventre et le visage – tels étaient les attributs de ce qui devait être une sorte de lémurien.

– Salut les garçons, fit le primate, accroupi sur la voiture.

La voix comme le corps étaient androgynes, et bien malin aurait été celui capable de répondre à la dernière question de Randal. La tenue n'offrait pas davantage de réponse. Elle était aussi sobre que celle de ses futurs compagnons, dans les tons gris-bleus, mais reflétait des habitudes plus citadines. Leur facture rendait évidente leur origine humaine, et pourtant ils ne paraissaient pas trop grands. La seule possibilité était qu'il s'agissait de vêtement taillés pour être portés par des enfants. Exception notable : les mitaines noires qui habillaient ses longs pieds pourvus de pouces.

En apparence, le lémurien n'était pas armé. En vérité, il portait un opinel, une lame recourbée et particulièrement aiguisée, dans la poche arrière de son pantalon.

– J'm'appelle Leny. Mais l'Histoire me retiendra sous le nom de Ghost. Bref… 'plaisir de travailler avec vous.

Il agita la main amicalement, sans distance, enthousiaste. Il n'avait pas l'air méchant, mais son regard un peu trop intense, un peu trop expressif, sans blanc de l’œil visible, le rendait assez déstabilisant. Il semblait très jeune, autant dans son attitude un peu désinvolte que dans son physique, mais là encore, c'était finalement assez difficile à dire.

– Par quoi on commence ?
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le mardi 18 septembre 2018, 23:44:44
Randal en resta bouche bée, ce qui expliqua ses deux bonnes secondes de silence. Puis, enthousiaste, il s’exclama tout en envoyant une petite tape sur le bras musculeux d’Hector.
« Hé ! Mec ! Il peut se rendre invisible ! Mais c’est géant ! Absolument géant ! »
Pas de réponse. Le chat en fut déconcerté et tourna la tête vers l’ours.
« Hé, t’as vu ou tu pense à autre chose ?!
- J’ai vu, j’ai vu. »
Non, décidément, l’ours n’avait pas l’air estomaqué. Le chat laissa tomber. Il fit face à Leny et, jovial, fit les présentations.
« Ho, fais pas attention à ce rabat-joie. C’est Hector, notre chauffeur. Il va nous conduire sur site et après, il se taille. Moi c’est Randal, t’es sensé suivre mes instructions, mais bon, j’ai jamais été fort pour jouer le chef. De toute manière, si y’a une connerie à faire, y’a de grande chance pour que ça soit moi qui la fasse en premier. »
Il pouffa puis, se racla la gorge afin de retrouver son sérieux. Il consulta sa montre et tendit la main à Leny.
« Bienvenue dans l’équipe Ghost. Ça promet d’être extra. Le reste des camarades est déjà sur site, on va les rejoindre. Allez, on embarque ou on va rater le timing. Mr Bug a parlé d’un timing en tout cas. »

Hector se mit au volent. Son poids suffit à faire osciller la jeep sur ses amortisseurs. Randal prit le siège d’à côté. Leny se retrouva sur la banquète arrière. L’ours mit le contact et le véhicule s’ébranla. Au début, ce fut particulièrement chaotique. La jeep peinait à se frayer un chemin dans cette végétation abondante. Mais elle finit par gagner un semblant de piste et dès lors elle commença à accélérer. Randal laissait sa vitre ouverte. Accoudé à la portière, le vent lui battait le pelage de la tête. Il aimait ça, visiblement.
« Dis-moi, Ghost, c’est ta première mission ? » il finit par demander.
Il se tourna pour mieux entendre la réponse.

Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le mercredi 19 septembre 2018, 21:17:39
Plutôt que de convenir à une poignée de main classique – ce qui l'aurait obligé à se pencher un peu – le lémurien présenta à Randal le bout de sa queue, qui pour l'occasion passa par-dessus son épaule. Elle paraissait spécialement agile – en tout cas suffisamment pour appuyer contre le poing du félin, pour un fist bump inconventionnel.

La nouvelle recrue ne se fit cependant pas prier pour sauter lestement à l'arrière de la jeep quand on lui demanda de le faire. En un instant, il fut assis sur la banquette arrière, légèrement avachi contre le dossier. Après tout, il y avait largement la place dans le véhicule pour que, seul, il prenne ses aises. Il n'essaya pas d'engager la conversation par lui-même, son regard orange perdu dans un paysage qui n'était pourtant pas très intéressant. Mais même le visage au repos et les pensées dans le vague, ses yeux semblaient exprimer un peu trop de choses à la fois.

– Ah…

Il parut hésiter à répondre à la question du chat. Oui, c'était bien la première fois qu'il participait à une mission officielle de la résistance. Est-ce que son partenaire avait besoin de le savoir ? Leny n'était pas de cet avis. Il ne s'était pas embêté à préparer son entrée, attendant pendant plusieurs minutes le moment opportun perché dans un arbre (même si son pouvoir seul faisait toujours son effet) – tout ça pour passer pour un bleu.

– Non… répondit-il, d'un ton trop léger pour être parfaitement convainquant. Pas mon premier rodéo, non…

Oh pour sûr, si Randal se mettait à poser des questions précises, le lémurien ne parviendrait pas à conserver les apparences très longtemps. Sa connaissance de la hiérarchie, des méthodes… était plutôt lacunaire, et se résumait à ce qu'on avait bien voulu lui dire quand il s'était engagé. Il lui sembla prioritaire, en conséquence, de détourner la conversation.

– Et toi ? On m'a dit que tu étais un des éléments les plus précieux de notre cellule… mais les autres n'ont pas trop osé me parler de toi – son attention s'attarda sur toutes les armes que transportaient le chat sur sa propre personne ; il marqua une pause, puis : – tu dois les impressionner.

Si Leny n'était pas très bon pour mentir, au moins savait-il flatter de manière assez naturelle. C'était une compétence qu'on acquérait presque obligatoirement lorsqu'on côtoyait des humains. L'affaire était pliée : il ne restait plus qu'à espérer que Randal aimait parler de lui, et avec un peu de chance, ils auraient un sujet de conversation pour le reste du trajet.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le mercredi 19 septembre 2018, 23:24:01
Randal rit.
« Je ne crois pas que je les impressionne. Je crois que je les navre. Mais, hum, c’est vrai que j’en suis pas à mon coup d’essai. J’en ai en tout cas fait assez pour que ma tête soit mise à prix par la Tech-13. »
La Tech-13, la tristement célèbre corporation en première ligne pour ravager le territoire hybride. La Grande Fédération humaine avait beau être une énorme nébuleuse d’entités privées vaguement coordonnée par un pouvoir fédéral souffreteux, pour les hybrides, souvent, la Grande Fédération se résumait à la seule Tech-13. De la même manière, le président de la Fédération n’était pour eux qu’un illustre anonyme alors que l’infâme directeur de la Tech-13, le Docteur Oswald Nox, attisait leur haine et leur peur. Alors forcément, pour un résistant, avoir sa tête mise à prix par la Tech-13, c’était gage de reconnaissance, de prestige même lorsque la somme devenait rondelette.

Le plan de Leny ne fonctionna pas totalement. Randel cessa de rire et lui lança un regard appuyé. Et soudain, il fut possible de deviner, à son attitude, qu’il n’était pas qu’un fanfaron. Le simple fait qu’il soit toujours en vie après plusieurs opérations prouvait qu’il avait plus de plomb dans la cervelle que son air d’ado nonchalant le laissait croire. Cependant, il ne pausa pas d’autre question. Il reprit sa posture initiale, accoudé à la portière.
« Tant mieux si c’est pas ton premier rodéo. Tu verras, on débute par du sérieux. T’aura droit au topo complet une fois sur site. D’ailleurs, ça me fera pas de mal de le réentendre. »
À cause du vent qui s’engouffrait par la fenêtre, il fallait presque crier pour se faire entendre. Ce n’était pas très agréable et le chat préféra se taire. Hector, lui, ne décrochait toujours pas un mot, concentré sur la piste qu’il suivait.

La jeep progressa ainsi pendant un bon moment. La forêt commença à montrer ses plaies. Des tranchées nettes, œuvre manifeste de machines de déboisement, offraient soudain des panoramas moins sauvages. Vers l’est, le ciel gris devenait plus sombre, plus sal, sous l’effet des fumées de Metropolis. La jeep stoppa.
« On y est », déclara Hector, tout en laissant le moteur allumé.
Randal descendit.
« Merci, vieux, pour le trajet. »
L’ours eut un vague geste de la tête avant de fixer Leny avec sévérité.
« Hé, p’tit jeune, n’oublie pas, c’est tout sauf un jeu. »
Sur ce, il fit grincer la boîte à vitesse et la jeep disparût entre les arbres, laissant seuls les deux hybrides.
« Fais pas attention, un vrai rabat-joie ! pouffa Randal. Allez vient, c’est par là. »
Après cinq minute de marche, le duo parvint à l’orée de la forêt. Plus loin, quelques buissons puis plus rien, sauf de la terre et de la boue sur une bonne distance. Puis, un haut grillage  barbelé. Et enfin, en ligne de mir...
« Ghost, je te présente notre cible du jour : la centrale hydraulique numéro 3 de Metropolis ! D’après ce qu’on sait, ce truc immonde alimente principalement les installations de la Tech-13, en plus de bousiller l’écosystème de la rivière. On va tout faire exploser ! »
Vu de loin, le bâtiment semblait plutôt modeste. Rien qu’une barre de béton enjambant une rivière dont le bruit ne parvenait pas encore aux oreilles des hybrides. Seul le bourdonnement de la centrale elle-même pouvait se deviner.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le jeudi 20 septembre 2018, 00:08:37
Leny adressa à l'ours un signe de tête signifiant qu'il avait intégré l'avertissement… ou du moins le pensait-il. La maturité n'était en vérité pas le fort du lémurien, même s'il avait parfaitement conscience de l'importance de la mission qu'on leur avait confié. À la volonté de bien faire s'ajoutait celle de briller personnellement – de se faire un nom dans d'une société des hybrides qu'il avait rejoint récemment et au sein de laquelle il peinait encore à s'intégrer. À ce titre, il commençait à considérer Randal avec une admiration sincère.

Il marchait à ses côtés, léger et silencieux : agrippant de temps en temps une branche basse pour s'y balancer – ou adoptant un instant une posture quadrupède pour passer sous un tronc tombé contre un autre. Mais bientôt ce ne fut plus ni nécessaire ni même possible, tant la végétation se clairsemait à vue d’œil. C'est alors que leur objectif daigna enfin se montrer.

– Berk, lâcha-t-il distinctement à la description que le chat fit de l'endroit. Bon débarras.

La queue du lémurien trouva une place entre ses mains, alors qu'il réfléchissait à la façon d'infiltrer un tel endroit. Force était de constater qu'il ne connaissait pas grand-chose à ce type d'installation… il se résolut à demander les infos. C'était toujours mieux que de commettre un dangereux impair dès le départ – et s'il analysait bien la situation, il paraîtrait compétent. Sur un ton professionnel, donc :

– Alors… faut qu'on sache quels sont les dispositifs de sécurité… y doit y'en avoir. Ensuite, comment on les déjoue. Comment on fait exploser ça – tu as du matériel ? Enfin, l'extraction, comment on s'en va… avant que ça explose… enfin de préférence.

Peut-être que le félin aurait déjà toutes les réponses à ces questions. Leny le regarda, fier de son sommaire des étapes à planifier. Il restait un dernier détail auquel il pensa en dernier lieu.

– Où sont les autres, au fait ? Ils devaient pas nous rejoindre ? C'est quoi le timing ?

Sa queue flottait à présent avec un certain panache derrière lui – prêt à l'action.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le jeudi 20 septembre 2018, 09:51:25
Randal pivota vers Leny et désigna un point derrière lui.
« Les autres, ils sont là. »
En effet, des bruits dans la végétation trahissait maintenant l’approche de plusieurs personnes. Elles étaient trois. Deux d’entre elles ne purent que susciter chez Leny une désagréable surprise. Des humains, un homme et une femme, en uniforme gris et noir, arborant le symbole rouge vif de la détestée Tech-13 sur l’épaule gauche. Le chat se hâta de dissiper un éventuel malentendu.
« Pas de panique, Ghost, ils sont avec nous. On a volé des uniformes, il est temps de s’en servir. John et Amanda s’y collent. »
De la main, il avait désigné l’homme et la femme. Tous deux bruns, tous deux athlétique, à peu près la vingtaine, le duo d’humain avait un air de famille. Peut-être un frère et une sœur. Ils saluèrent le lémurien d’un sourire. La main du chat descendit pour désigner le troisième arrivant, un hybride.
« Et lui, c’est Mr Bug. On va dire qu’il est majeur. Quoi que... »
Randal jaugea  à nouveau Leny du regard.
« ... je suis même pas sûr qu’on puisse encore faire cette blague. T’es majeur, Ghost ? »
Mr Bug fit mine de s’offenser.
« Ha, non, ça serait un scandale s’il était plus jeune que moi ! Je vais faire réclamation pour le changer de cellule ! »
Mr Bug semblait très jeune, en effet. Sa voix juvénile le soulignait. C’était un hybride écureuil à peu près aussi grand, enfin plutôt aussi petit que Leny. Pelage gris argent uni, yeux bleu clair, il portait une tenue totalement civile avec baskets, jean, t-shirt et blouson ouvert. Le tout était complété par une casquette jaune portée à l’envers ainsi que par une étrange grosse paire de lunettes à verre opaque et monture d’acier pour l’instant relevée sur le front. Sa belle queue en panache oscillait derrière lui. à la main, il tenait une grosse mallette. Un renflement dans son blouson laissait deviner le pistolet petit calibre qu’il détenait, mais on était très loin de l’armement commando de Randal et des armes de sécurité des deux humains déguisés.

Randal pouffa, puis acheva les présentations.
« Mr Bug est un vrai génie de l’informatique et un bidouilleur de première en robotique. Sans lui, on pourrait pas faire grand-chose, même s’il faut éviter de trop le dire.
- J’ai entendu ! Et donc, Ghost, c’est le nouveau ?
- C’est plus que ça, assura Randal. C’est un méga ! Montre-leur Ghost ! Vous allez voir, c’est géant ! »

Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le jeudi 20 septembre 2018, 21:15:28
Naturellement, Leny eut un moment de recul en voyant arriver deux humains. Il s'en fallut de peu en réalité que d'un réflexe, il se rende invisible et se jette de côté. La surprise passée, il se félicita de s'être interrompu avant – personne ne pourrait interpréter que sa première réaction aurait été l'esquive. Finalement, il leur rendit leur salut, en évitant de les fixer. Si Randal leur faisait confiance, sans doute pouvait-il le faire aussi… mais l'idée de leur confier sa vie n'avait rien de plaisant. C'était viscéral : leur simple présence, dans ce contexte précis – presque sacré à ses yeux,  faisait naître chez le lémurien un semblant de regret.

Il agita la main avec plus d'enthousiasme quand il aperçut l'écureuil. Cette présence là lui plaisait bien davantage. Il y avait quelque-chose de frais dans l'attitude de Mr.Bug (ou peut-être étaient-ce ses interactions avec Randal ?) qui le mit à l'aise. Il lui adressa un grand sourire – le premier vrai sourire depuis le début de la mission. Bien sûr il ne répondit pas à la question du chat.

Il allait plutôt faire de lui le centre de l'attention.

– Alors oui. En gros, j'ai le pouvoir de déshabiller Randal.

Sans se tourner vers lui, le lémurien commença par faire disparaître le tee-shirt que portait le félin. S'il ne baissait pas les yeux, celui-ci ne s'en rendrait même pas compte, car le changement n'était pas perceptible au toucher. Pourtant, il était bien là, en apparence torse nu, son pelage blanc bien plus visible que ne l'était son haut noir. Puis ce fut au tour de ses armes et de ses chaussures.

Adressant un regard énigmatique pas spécialement rassurant au soldat, Leny fit disparaître son pantalon – de façon plus progressive, commençant par effacer le bas du vêtement ; une avancée presque parfaitement linéaire qui témoignait de sa maîtrise. Enfin, juste avant d'arriver à l'entrejambe, tout son corps disparu. Le chat était alors complètement invisible, sa pudeur plus que jamais protégée des regards.

– Voilà, conclut le lémurien, volontairement neutre et succinct, contrastant avec l'étrangeté de la démonstration.

Dix secondes plus tard, Randal réapparaissait.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le jeudi 20 septembre 2018, 23:19:19
Randal, qui s’attendait à ce que Leny disparaisse, et pas lui, et surtout pas de cette manière, fut plongé dans la confusion.
«  Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?! »
Il voyait John et Amanda pris de court, alors que Mr Bug étouffait un fou rire en plaquant sa main contre sa bouche.
« Hé, Bug, explique ! »
L’écureuil tendit le doigt pour faire comprendre au chat qu’il devait baisser les yeux.
« Ha, par les fées ! Ghost, espèce de... »
Ce fut à cet instant précis que le chat se volatilisa.
« Ha bah, voilà, c’est mieux ! » déclara Randal, tout de même soulagé.
Le regard des trois autres se fit admiratif.
« « Invisibilité par contact, pas mal, observa Mr Bug, d’un ton docte.
- Et bien sûr, Gohst peut lui-même se rendre invisible », compléta Randal.
L’écureuil, redevenu sérieux, abaissa ses grosses lunettes sur ses yeux et il pressa un bouton sur le dessus de la monture. Puis il fixa Randal, toujours invisible.
« Ok... » marmonna-t-il avant de rappuyer sur le bouton et de relever ses lunettes sur son front.
Il se tourna ensuite vers Leny.
« T’as vraiment un chouette pouvoir, Ghost, mais prend garde, il ne leurre pas les capteurs thermiques. Or, tous les drônes de sécurité en ont. »
Randal, redevenu visible, fit la moue.
« Tous ? Tous les drônes, vraiment ?
- En fait, non, pas les vieux modèles à la v3 mais dès qu’on passe en v4, les capteurs thermiques sont de la partie. De toute manière, vous n’arriverez probablement pas à identifier le modèle d’un drône, du coup, je conseille vraiment de toujours partir du principe qu’ils peuvent vous voir. Surtout qu’en plus, les v4 sont super commun aujourd’hui. Pour preuve, la Tech-13 commence à sortir ses v5.
- L’invisibilité de Ghost va quand même permettre d’esquiver tous les gardes et les caméras, fit observer John.
- C’est vrai, admit Bug. Et mon taff à moi, c’est que les drônes ne viennent pas vous enquiquiner, ni eux, ni tous les autres dispositifs de sécurités que je peux pirater à distance. »

Randal se gratta le crâne, cherchant à faire le point.
« Bon, ok. Donc voilà, Ghost va nous faciliter la vie. C’est quoi le timing dont t’as parlé, hier ? »
Mr Bug fit signe de le suivre. Il alla jusqu’à une souche d’arbre, déposa dessus sa mallette et l’ouvrit. À l’intérieur, il y avait un ordinateur portable. Il l’alluma, pianota sur le clavier avec une dextérité qui laissait deviner son habitude de l’informatique, puis une image apparût à l’écran. Il se poussa pour que tout le monde puisse voir. Elle représentait l’une des façade de béton de la centrale. Il y avait une porte et un garde en stationnement juste devant.
« Ce type, il a l’habitude d’aller draguer l’une des filles des bureaux, chaque jour, à 10h30 précise. J’imagine que c’est la pause café ou un truc du genre. Il va laisser cette entrée libre et ce sera votre moyen d’accès. Il est 10h17, va falloir qu’on s’active.
- Ben justement, fait le topo complet », demanda Randal.
L’écureuil pressa de nouvelles touches. Cette fois, un plan apparût.
« Voilà le plan de la centrale. La porte que je vous ai montrée se trouve ici. C’est tout sur un étage et un sous-sol. Là, bien sûr, vous voyez le rez-de-chaussée. D’abord vous vous mettez en position. Attendez mon feu vert, que je dégage les drônes et balance mes virus. Ensuite, vous passez par la porte, vous remontez ce couloir. Là, vous vous séparez. John et Amanda, vous allez au bureau pour subtiliser les documents.
- On connait notre partie, Bug, fit Amanda.
- Parfait. Randal et Ghost, vous, vous prenez l’ascenseur, vous atteignez le sous-sol et vous posez la bombe ici. D’après mon analyse de structure, placée là, pas loin des turbines, ça provoquera des dégâts critiques, peut-être même qu’on fera tout s’effondrer.
- La bombe, elle est où ? demanda Randal.
- Là, répondit John en lui tendant un sac. La molette pour le minuteur, le bouton pour armer, on peut pas faire plus simple.
- Réglez sur 5 minutes, conseilla Bug. Puis rapatriement par la même porte. Si tout ce passe bien, on embarque tous dans la voiture qui attend, là, à 200 mètres, avant que ça pette et qu’ils se rendent compte de quelque chose.
- Et si ça se passe pas bien ? demanda Randal.
- Je retourne leurs drônes contre eux. ça va mettre un bordel monstre. Faut juste pas se faire coincer au sous-sol y’a pas d’échappatoire, par contre à l’étage 0, comme vous pouvez le voir, y’a pleins de fenêtres et plusieurs accès. »
Mr Bug se tourna vers les autres. Il arborait maintenant un sourire de prédateur.
« Je me demande si je ne vais pas retourner les drônes contre eux, même si on d’éclanche pas l’alarme. On verra bien. Des questions ? »
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le vendredi 21 septembre 2018, 01:44:16
Leny écouta avec attention l'explication de celui qui semblait en définitive être le cerveau de l'opération. Rassuré que le plan ne soit pas trop compliqué, il fit son possible pour retenir au mieux le plan de la centrale, à commencer par le chemin qu'ils devaient prendre. Si tous les systèmes de surveillance, drones compris, étaient à portée du piratage de l'écureuil, la mission semblait même plutôt facile… car ces fameux capteurs thermiques étaient bien le seul élément inquiétant.

– C'est quoi ton signal ? demanda-t-il seulement à Mr. Bug.

En confiance, le lémurien ne cachait pas sa hâte de débuter la mission :

– Je peux faire disparaître tout le monde, tant qu'on est ensemble… restez devant moi.

Oh la tâche allait lui demander pas mal de concentration… Les objets en mouvement étaient les plus délicats à camoufler. En effet il fallait qu'il ait une conscience au moins approximative de leur position dans l'espace – sans quoi il risquait de ne pas faire tout disparaître correctement, voire de rendre invisible des choses qui n'auraient pas dû l'être. La tâche heureusement était rendue un peu plus facile par le fait que ses yeux percevaient – comme une sorte de double-vue – ce que son pouvoir éclipsait pour les autres.

Bref, tant que le méga avait toute l'équipe dans son champ de vision, si possible en une formation un peu serrée – une forme simple, en somme – il devrait pouvoir gérer sans trop de difficulté.

Le lémurien ne se fit pas prier pour refaire une démonstration de ses pouvoirs. Toute l'équipe disparut bientôt, à l'exception de Bug et de son ordinateur, qui parut alors seul à l'orée de la forêt.

– Essayez pas de chercher où sont vos pieds… quand vous marchez… c'est le pire au début. Je pense.

Étaient-ils prêts ? En tout cas, Leny avait l'impression de l'être. Dès qu'il aurait le signal de Bug, ce serait parti. En attendant, il constata que ce n'était sans doute pas une très bonne idée de rendre tout le monde invisible immédiatement. Parce qu'en fait, c'était difficile de se suivre, lorsqu'on était tous invisibles…

(Le lémurien profita de la confusion pour aller toucher la queue de l'écureuil. Personne ne saurait que c'était lui, et il avait envie de le faire. Elle avait l'air si duveteuse – moins maniable mais bien plus fière que la sienne. Juste une caresse sur le grand panache de poils, et il s'éloigna d'un pas, avant de reprendre la parole, l'air de rien.)

– Je… ça va être galère sinon – voilà. Restez autour du, du pied…

Il venait de rendre visible la semelle d'une des chaussures de Randal. Elle formait une sorte de trace de pas sombre au ras du sol. Elle ne devrait pas attirer l'attention, tout en restant possible à suivre pour un observateur proche qui savait quoi chercher. Un bon compromis.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le vendredi 21 septembre 2018, 10:21:16
Absorbé dans ses préparatifs, Bug ne fit pas attention à la fugace caresse de Leny.
« Une seconde, faut que je vérifie un truc... »
Ses doigts dansaient sur le clavier. À l’écran, le plan disparût au profit de sobres commandes textuels, dialogue entre l’écureuil et un serveur. Il semblait que le premier se connectait au second et forçait des sécurités. Puis, l’attention du lémurien fut attiré par un mot : Bug venait de taper :"Ghost". Le serveur répondit : "aucun résultat". Bug se retourna :
« Ghost, c’est quoi ton vrai nom ?
- Leny », répondit Randal.
Bug tapa "Leny". Même réponse du serveur : aucun résultat.
« Parfait, t’es pas encore dans la LMD, déclara Bug.
- La liste des méga dangereux, expliqua Randal.
- On a plus le temps pour les explications, intervint Amanda. Mais Ghost, plus longtemps tu ne seras pas dans la LMD, mieux ce sera. Fais tout pour ne pas pouvoir être identifié sur un théâtre d’opération.
- C’est plutôt son point fort, en théorie », rigola Randal.
À côté de l’ordinateur, dans la mallette, il y avait un sachet que l’écureuil prit. Il en sortit des oreillettes et de petits micros. Il attendit que tout le monde soit de nouveau visible et les tendit pour que chacun se serve. Et puisqu’ils commençaient à vraiment être pressés, Bug prit l’initiative de préparer Ghost.
« Laisse, je vais le faire. L’oreillette, elle se fixe comme ça, voilà. Il y a une petite molette, là, touche. C’est pour régler le volume. Le micro, tu le calle comme ça, sous le museau, légèrement de côté pour éviter qu’il soit trop visible. Ça pince un peu les poils, mais ça marche super. Quand tu veux parler, tu appuie sur le micro. Tout le groupe va t’entendre. »
Les gestes de l’écureuil étaient rapides, précis. Il se  prépara lui-même puis procéda au test de routine.
« Un, deux, un deux, vous m’entendez ? Ok, parlez, chacun à votre tour. Randal ? Ok. Ghost ? Ok. John ? Ok. Amanda ? Ok. On est paré. Ghost, le feu vert, je vais donc le donner via les oreillettes. »

Il y eut un petit silence et tout le monde s’observa. Car ils étaient prêts. Ils étaient sur le point de lancer l’opération et ce n’était pas anodin. Même si ça semblait simple sur le papier, il y avait toujours un risque pour que d’ici quelques minutes, ils ne soient plus cinq en vie. Randal endossa alors son rôle de leader.
« Allez, go ! Bon courage, Bug ! Les autres, avec moi ! On prend position est. Ghost, fait le coup de la semelle, c’était bien.
- Bon courage les gars ! répondit l’écureuil qui, dans cette histoire, allait prendre le moins de risque. Ho, attends, Randal ! Tiens ! »
Il jeta au chat une carte magnétique. Randal la rattrapa au vol. Bug expliqua :
« C’est une copie de la carte d’accès de l’administrateur de la centrale. Vous en aurez besoin pour l’ascenseur. Ça aurait été con d’oublier.
- Ha oui, plutôt. Allez, on y va ! »

Bientôt, Leny, Randal, John et Amanda se retrouvèrent accroupis à proximité du portail grillagé. Théoriquement à découvert, puisque engagé sur l’étendue terreuse, ils mettaient à profit le pouvoir du lémurien. Ce dernier voyait de plus près la centrale. Il voyait les drônes de sécurité, sorte de sphères d’acier volantes qui sillonnaient l’espace entre le bâtiment et le grillage. Il entendait le bourdonnement des puissantes turbines et le grondement, en contrebas, de la rivière. La voix de Bug sortit des oreillettes. Le micro étant placé contre la gorge, la voix était rendue plus sourde et la respiration, mis en exergue.
« Je pénètre leur sécurité... J’infecte... Caméras aveuglées... Drônes sous mon contrôle... »
Randal parla :
« Bug, le garde de la porte vient d’entrer dans le bâtiment.
- Réglé comme une horloge ce type. Feu vert les gars ! »
Randal chercha inutilement Leny des yeux.
« Ghost, rend John et Amanda visible. John, le grillage. Vous passez devant nous. On suit. »
Sans un mot, l’humain sortit une paire de grosse cisaille. En moins de deux, il découpa le grillage et le franchit, suivi d’Amanda. Les hybrides se mirent en mouvement. Ils pénétraient tous dans une zone interdite et le lémurien, qui n’avait pas tant d’expérience que cela, eut la désagréable impression d’être entouré de pro. John, Amanda, Randal, ils étaient tous très calme alors même que des drônes de sécurité leur passaient au-dessus. Si Bug avait commis une erreur, ça aurait déjà été la cata, mais l’écureuil connaissait visiblement bien son job.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le samedi 22 septembre 2018, 11:10:17
Leny se laissa faire, regardant l'écureuil installer sur lui le dispositif de communication. L'écouteur se fixait sans mal contre son oreille dressée et à la fourrure blanche, même si du coup il n'était pas spécialement discret. C'était sans doute sans importance. Sans quitter Bug des yeux, le lémurien réfléchissait aux implications de ce système de liste des mégas dangereux. Ce fichier n'avait rien d'une plaisanterie. La Tech-13 ne lâchait visiblement jamais ses ennemis une fois identifiés – mais à ça, il s'en serait douté.

– J'y suis sous le nom de « tâche chaude non-identifiée », plaisanta-t-il.

La façon dont Bug pouvait s'introduire dans les systèmes avait quelque-chose de surnaturel. Si l'écureuil n'était pas un méga, et donc pas sur la LMD, il était sûrement numéro un sur la liste des autres menaces à éliminer.

Pour la suite, Leny n'avait pour l'instant qu'à suivre les instructions. Randal lui commandait l'essentiel – ce qui était son rôle, le lémurien l'avait presque oublié. Il s’exécuta sans faire de commentaire, surtout focalisé sur l'exercice de son pouvoir. Il s'en sortait bien, malgré l'adrénaline qui montait.

Contrairement à ce que pouvait laisser penser sa pratique désinvolte, son don requérait davantage de discipline que d'instinct. C'était un effort mental constant que de maintenir des champs d'invisibilité sur ce qui devait disparaître. Il s'agissait de dessiner dans l'espace des volumes, et de leur faire suivre rigoureusement le mouvement souhaité. S'il les oubliait, ils se dissipaient en quelques minute, ce qui ici n'était pas vraiment critique et avait peu de chance d'arriver. Mais surtout, s'il oubliait de déplacer ces « bulles », qu'il accusait un retard ou une avance, ce qui en dépassait apparaissait aussitôt. Dans cette situation, il prenait pas mal de marge sur les axes horizontaux, ce qui lui permettait de ne pas avoir trop à anticiper. Le plus difficile était de faire suivre à la bulle les reliefs du sol.

Avec le stress, son champ de vision s'était légèrement rétréci sur les côtés. Il jeta un œil aux drones. Invisible, il se sentait invulnérable… et pourtant, il savait maintenant qu'il y avait des chances que ces choses puissent le détecter. C'était une sensation d'incertitude étrange, franchement désagréable. Les autres n'avaient même pas l'air de s'en soucier. Ils lui faisaient confiance ? À Bug plus qu'à lui, probablement, mais c'était quand même assez grisant, finalement.

Amanda et John visibles, devant lui, restait Randal à camoufler.

– Je gère, on peut y aller… lui lança-t-il d'un ton qui se voulait assuré.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le samedi 22 septembre 2018, 12:32:54
Au pas de course, le quatuor de résistants traversa l’espace dangereusement dégagé entre le grillage et l’installation. Il y avait bien quelques fenêtres par laquelle un employé aurait pu apercevoir John et Amanda, mais qui avait envie de regarder par la fenêtre lorsque la vue était aussi déprimante ? Ciel gris, terre humide... La forêt, synonyme de danger pour les humains, était loin et les drônes de surveillance étaient sensés... et bien surveiller. Rien, théoriquement, ne pouvait entrer dans la centrale sans être repéré.

Voilà le groupe à la porte délaissée par le garde réglé comme une horloge. John posa la main sur la poignée, jeta un regard à Amanda, puis adopta une attitude rigide afin de rentrer dans son rôle. Ceci fait, il ouvrit, entra, Amanda dans son sillage. Randal et Ghost se faufilèrent à l’intérieur puis la porte fut refermée. Le chat trouva d’un geste le lémurien quasiment contre lui et se pencha à son oreille.
« Maintenant, on marche. »
Puis, appuyant sur son micro :
« Bug, on est entré.
- J’ai vu. Rien à signaler. Tout est calme, ils ne se doutent de rien. »
John et Amanda s’éloignaient dans le couloir. L’aspect du bâtiment n’était guère plus accueillant que vue de l’extérieur. Sol stratifié beige crade, mur gris, néons verdâtres, bosser ici devait vite devenir déprimant. D’ailleurs, de ce que put voir Leny, les employés n’avaient pas spécialement le sourire. Les deux hybrides suivaient à quelque mètres de distance leurs collègues humains déguisés. Atmosphère calme, pour ne pas dire un peu apathique. Le bourdonnement faible mais omniprésent des turbines pouvait bercer. Il se mêlait à la ventilation. On allait et venait, sans guère parler, les yeux plongés dans le vague, un Goblet en plastique plein de café à la main, des dossiers sous le bras. Les gardes, les vrais, étaient assez nombreux mais rien d’extraordinaire, la Tech-13 était toujours sur le pied de guerre contre les rebelles de la forêt.

À un moment, un des gardes interpela John et Amanda, enfin surtout Amanda. Une manière d’accoster cette belle demoiselle sous prétexte qu’elle était nouvelle. Une fois de plus, Ghost se rendit compte qu’il n’était vraiment pas avec des bleus. Loin de perdre son calme, Amanda joua la comédie de manière convainquant. Sans vexer le garde, lui laissant miroiter une possibilité de plan cul lorsque l’occasion se présenterait, elle sut néanmoins l’éconduire dans l’immédiat. Bientôt, elle et son conjoint prirent la direction des bureaux, laissant Randal et Leny poursuivre de leur côté, direction l’ascenseur. Sur le trajet, les toilettes, un pour les femmes, un pour les hommes. De ceux pour femmes provenaient des murmures plein de passion. Randal chuchota à Ghost :
« Tu paries combien que c’est notre garde réglé comme une horloge ? »
Il n’alla pas jusqu’à vérifier. La porte des toilettes était fermée et des employés passaient à cet instant à côté des hybrides. Voilà l’ascenseur en vue ! Il fallut attendre que personne ne soit à proximité pour y entrer. Une fois que la porte coulissante ce fut refermée, confinant le duo dans deux petits mètres carrés, Randal appuya sur son micro.
« Bug, on est dans l’ascenseur.
- Ok. Toujours rien à signaler. »
Le chat sortit la carte magnétique d’une poche ventrale et la glissa dans le lecteur destiné à cet effet. Sur un petit écran apparût, en vert : "Administrateur Radec – valide". Puis, en dessous, deux choix : étage -1 et étage -2. Randal en fut étonné et il contacta de nouveau l’écureuil.
« Bug, on doit se rendre dans quel sous-sol déjà ? -1 ou -2 ?
- Comment ça, -2 ? Il n’y en a qu’un seul.
- Ben non, cette machine m’en propose deux.
- Alors c’est qu’un étage n’apparait ni sur les plans, ni dans le système informatique de la central.
- Un étage secret ? Comment ça se fait qu’il apparaisse, là ?
- Peut-être parce que c’est la carte d’accès de l’administrateur. Il a le plus haut niveau d’accréditation de ce secteur. Mais Randal, fais pas de connerie ! J’ai aucun moyen de voir ce qu’il y a en -2. On continue sur ce qui est prévu !
- T’en fais pas , Bug. On va en -1. »
Mais alors même qu’il disait cela, il approcha son doigt de -2. Il tourna la tête vers Ghost.
« Tenté ? Ça pourrait être très dangereux. »
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le samedi 22 septembre 2018, 14:15:17
Leny fut rassuré de constater qu'il n'y avait pas de drones à l'intérieur, et c'était déjà un risque en moins. Tant qu'ils ne se mettaient pas à respirer trop fort, où qu'ils ne commettaient pas l'erreur de heurter quelqu'un, il n'y avait en apparence aucune chance qu'ils se fassent repérer. Il y eut bien un moment de tension lorsqu'Amanda se fit aborder – le lémurien regrettant presque que toute la mission ne s'effectue pas en invisibilité, finalement. Mais le calme de la fausse employée était contagieux. Une fois dans la cabine, la pression redescendit réellement.

Il souffla, alors que Randal utilisait la carte pour piloter l'ascenseur. Nouvelle surprise à l'apparition d'un étage dont même Mr.Bug ne connaissait pas l'existence. S'y aventurer semblait en effet dangereux… mais la curiosité, évidemment, y poussait d'autant plus que le mystère était complet. Leny avait une idée qui pourrait peut-être contenter ses deux coéquipiers, et jubilait à l'idée d'apporter ce quelque-chose de spécial.

– Moi j'ai un moyen de voir. J'peux nous donner un visuel dessus, annonça-t-il dans le micro. Il faut un espace discret en -1. Faites moi confiance.

La méthode que le méga comptait employer était assez simple. Dès lors qu'ils ne risqueraient pas d'être vus, il créerait un hublot sous leurs pieds. Plus précisément, il ferait disparaître le sol progressivement, par petits cylindres de quelques centimètres de hauteur chacun – creusant dans le béton jusqu'à ce que ce tunnel débouche. La galerie pouvait être légèrement diagonale, mais elle devait nécessairement donner sur un plafond, apparaître dans un mur ne semblant par raisonnable…

En l'état, la méthode était donc peu risquée, à moins que quelqu'un en bas ne se mette soudainement à regarder en l'air (dans lequel cas il refermerait aussitôt… priant pour que l'observateur croit s'être assoupis). Si l'étage inférieur s'y prêtait (un placard, une zone sans trop de passage…) et que Randal était d'accord, il s'y essayerait donc.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le samedi 22 septembre 2018, 16:03:48
« Tu vois, Bug, on a une solution », fit joyeusement Randal.
Il y eut une sorte de petit choc rendu par l’oreillette. Difficile à interpréter, il s’agissait en fait de l’écureuil, micro toujours actif, qui venait d’aplatir une main sur son visage, l’air mi exaspéré, mi résigné.
« Pour une fois qu’une opération pouvait se passer comme prévu...
- Allez, Bug, c’est une opportunité, on doit la saisir.
- La dernière opportunité de ce genre, elle a failli nous coûter cher.
- Oui mais...
- Mais elle nous a rapporté gros, je sais ! le coupa Bug, qui commençait à angoisser. Soit. Pausez d’abord la bombe, réglez sur 10 minutes au lieu de 5 et Ghost pourra faire ce qu’il a en tête. John, Amanda, vous avez entendu ?
- Affirmatif », chuchota John, qui devait être en présence d’employés ou de garde de la centrale.

Randal pressa son doigt sur l’écran tactile, il avait choisi -1. L’ascenseur descendit rapidement à l’étage inférieur. Lorsque les portes se rouvrirent, le bourdonnement des turbines devint subitement un grondement. Le sol, les murs, tout vibrait. C’était l’étage technique, celui des machines. Ici, les employés avaient des tenues faites pour le travail manuel. Certains avaient des casques pour la protection auditives. Randal, aidé du pouvoir de Ghost, n’eut aucun mal à se faufiler dans des vestiaires. Là, toute une collection de casques attendaient. Il en prit un pour lui et en donna un à Leny.
« Mets ça. »
Le casque était lourd, mal adapté, mais tant pis. Les hybrides ressortirent, suivirent un couloir et s’approchèrent de lourdes portes renforcées. Maintenant, le grondement était devenu vacarme. Un membre du personnel franchit ces portes, le duo en profita pour passer. Maintenant, il y avait tant de bruit qu’il n’était strictement plus possible de s’entendre, même en criant. Leny sentait les vibrations lui remonter dans tous le corps. S’il n’y prenait garde, ses dents claquaient toutes seules. La protection auditives était vraiment indispensable. Les énormes turbines étaient là, à demi immergées dans la rivière écumante. Des arcs électriques couraient sur des câbles. C’était assez impressionnant ! La main du chat pressa l’épaule du lémurien. Il le conduisit dans un coin, hors de vue, derrière des tuyaux plus épais qu’eux deux réunis. Là, Ghost vit, sans pouvoir l’entendre, Randal sortir de son sac la bombe, qui ne payait pas de mine. C’était juste un bloque de plastique noir tout de même assez lourd pour devoir être manipulé à deux mains. Le chat le posa par terre, tourna une molette jusqu’à voir 10m0s s’afficher sur un petit écran à cristaux liquides, puis il pressa le bouton. 9m59s, 9m58s, 9m57s... Voilà le décompte lancé. Les deux hybrides firent demi-tour.

Les voilà de retour dans le vestiaire. Il était désert, pour l’instant.
« Pff, une bonne chose de faite, fit Randal, content de lui, avant de contacter Mr Bug. Bombe posée. Il doit rester 9 minutes 30.
- Ok. Parfait. Toujours rien à signaler. »
Randal se tourna vers Leny.
« Vas-y, Ghost, fait ton truc ici. On est en plein milieu de la matinée, il doit pas y avoir grand monde qui va au vestiaire. »
Le lémurien se mit à l’ouvrage et, à ses pieds, le sol sembla se creuser.
« Ton pouvoir est quand même ultra pratique », commenta Randal.
Pour l’instant, Leny ne dévoilait que du béton, ainsi que des gaines ou passaient des fils ou des tuyaux. Alors il alla plus profond, toujours plus profond. Mais toujours pas de signe du second sous-sol, sauf qu’il y avait encore du béton, pas du sol naturel. Vint un moment où l’hybride dû se rendre visible, lui et le chat, pour descendre encore plus bas, employant tous ses efforts dans cet unique objectif. Et le voilà arrivé à ses limites. Il commença à ressentir un vertige, il n’y arrivait plus.
« Arrête c’est bon, on n’y arrivera pas comme ça. Mais ça n’a aucun sens... murmura Randal. Bug, Ghost a rendu le sol invisible sur une dizaine de mètres, on n’est toujours pas tombé sur l’étage secret. Et on est toujours pas arrivé aux fondations du bâtiment.
- Dix mètres... Il serait encore plus bas... Randal, je sais pas ce qu’est cet étage -2, mais ça ne doit pas avoir de rapport avec la centrale hydraulique.
- Raison de plus pour qu’on aille voir. »
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le dimanche 23 septembre 2018, 01:28:22
Bombe posée, mission accomplie ? Même s'ils y passaient, ils auraient fait leur travail. L'idée n'était pas spécialement rassurante, mais au moins elle les déchargeait du poids du devoir. Tout le reste, en quelque-sorte, n'était qu'un bonus – plus de risques, pour un gain en vérité assez incertain.

Leny eut une grimace d'inconfort, reprenant son souffle après son échec. Il était un peu vexé, mais avait arrêté quand Randal le lui avait demandé. Il aurait peut-être pu aller plus loin, encore un peu plus loin… mais le chat avait raison : cela lui aurait beaucoup coûté en énergie. Puis, surtout, à une telle profondeur, le tunnel serait devenu trop long pour son diamètre, et ils n'auraient rien pu voir du tout. Ça n'aurait été que des efforts inutiles.

– Pas un sol naturel… égal l'étage s'étend au moins jusqu'à sous nos pieds, résuma le lémurien. S'il est aussi grand, on aura peut-être pas le temps de tout voir.

…car l'impératif de déposer l'explosif était maintenant remplacé par celui de s'extraire avant que le bâtiment ne connaisse des déficiences structurelles majeures. L'étendue des dégâts ne semblait pas avoir été calculée avec précision, mais il était probable que cet étage soit enseveli – et peut-être même que le rez-de-chaussée lui aussi s'effondrerait.

– Quoi qu'y ait là-dessous, ça sera plus accessible très bientôt, remarqua Leny.

Le lémurien fit un rapide calcul. L'ascenseur faisait un, peut-être deux mètres par seconde. Si le sous-sol était à vingt mètres, aller-retour, ils étaient bon pour retirer une minute de leur temps. Mais même avec cette soustraction, ça paraissait jouable. Au micro :

– On se dépêche, on peut aller voir. Si y'a quelque-chose de sympa et qu'on s'attarde plus d'une minute ou deux – on devra courir vers la sortie après. Ça me paraît bien.

Sa description était clairement une incitation à aller satisfaire leur curiosité. Dans tous les cas, il ne fallait pas gâcher de précieuses secondes en discussion. La queue de l'hybride décrivait dans l'air des volutes nerveuses. Il pointa de l'index de ses deux mains le félin, l'invitant à l'action. Puis il le fit disparaître en même temps que lui.

Les oreillettes passeraient-elles l'épaisseur de béton ? Il n'en savait rien. Ce qu'il savait, c'était qu'on ne devenait pas une légende juste en suivant les plans – suivre les plans, ça suffisait pour être un excellent agent. Mais pour être réellement digne de mémoire, il fallait improviser. C'était bien pour ça que toutes les légendes avaient leur part de chance… L'adrénaline de la mission avait rendu Leny un peu ivre, peut-être. Il y prenait vite goût.

– Sûr qu'on peut ajouter une ligne ou deux aux livres d'Histoire, Randy. J'te suis.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le dimanche 23 septembre 2018, 11:12:41
« Faites gaffe les gars, répondit un Mr Bug tendu. J’ai beau chercher, je ne trouve toujours rien qui puisse me mener aux systèmes de cet étage secret. Mais j’ai pas dit mon dernier mot ! En tout cas, n’oubliez pas la bombe et pensez que si l’étage est vraiment profond, on risque de perdre le contact radio. »
Voilà les deux hybrides de retour dans l’ascenseur. La voix de John se fit entendre :
« Bug, on a les documents, on est sur le retour.
- Compris. Toujours rien à signaler, mais ça risque de changer. »
Randal inséra la carte de l’administrateur et jeta un regard appuyé à Leny.
« Tu es prêt ? Au moins, comme ça, tu seras direct dans le bain. Avec nous, ça part souvent en vrille. »
Quelque chose, dans son attitude, montrait qu’il aimait ça. Pour autant, il tenait quand même à la vie de ses coéquipiers. Voilà pourquoi il attendit un signe manifeste d’acquiescement de la part de Ghost avant de presser -2. L’ascenseur, dès lors, entama sa plongée dans l’inconnue.

* * *

L’administrateur Radec, au volant de sa voiture ultra moderne, avait un petit sourire de satisfaction aux lèvres. L’habitacle baignait dans un opéra grandiose que diffusait les huit hautparleurs. Il adorait l’opéra. Il adorait conduire. Bref, il se sentait bien.
Seulement voilà que sur son pare-brise s’afficha en surimpression le message qui venait d’être envoyé à son téléphone portable. C’était un message automatique, généré par Cyclope, le programme de haute sécurité de la Tech-13. Le message se résumait à quelques données lapidaires signalant qu’on venait d’utiliser sa carte pour se rendre dans la zone Mortus. Son sourire mourut, son visage se décomposa. Tout blême, il lâcha d’une voix blanche :
« Pilotage automatique.
- Pilotage automatique activé », répondit l’ordinateur de bord de la voiture.
Il lâcha le volant et se fit violence pour garder les idées claires. Il devait être efficace ou il était mort. Dehors, le paysage défilait, mais il ne le voyait plus.
« Appelle d’urgence au Dr. Nox.
- J’envoie un appel prioritaire au Dr. Nox », répondit l’ordinateur de bord avec son calme imperturbable de machine.
L’opéra se tut, remplacé par les sonneries d’attente. Très vite, sur le pare-brise s’imprima le visage d’une jolie jeune femme aux cheveux noirs, à la figure plutôt allongée et outrageusement maquillée. C’était Rose, la secrétaire du docteur. Elle avait un sourire joviale mais Radec savait de quoi était capable cette femme.
« Administrateur Radec, quel plaisir de vous voir. Que peut la Tour 13 pour vous ? »
La Tour 13, le Q.G. de la corporation installé au cœur de Metropolis.
« Je dois parler au boss, on a un gros problème. C’est à propos de Mortus.
- Je vous demande un instant. »
Le visage de Rose fut remplacé par le logo agressif de la Tech-13. Une petite musique insipide d’attente prit également le relai, mais pour peu de temps. Rose revint.
« Je lui transfère votre appel. Soyez conscient que vous aller le déranger en pleine réunion. »
Radec grimaça mais tant pis. Le visage de la femme fut remplacé par celui d’un homme chauve, à la mâchoire carrée, au front affirmé, sans barbe ni moustache. Le caractère d’acier d’Oswald Nox se voyait dans chacun de ses traits. Ses yeux gris fusillèrent l’administrateur alors que sa voix grave et parfaitement inamicale envahissait l’habitacle.
« Radec, que ce passe-t-il ?
- Docteur, quelqu’un a visiblement usurpé mes accréditations pour se rendre à la zone Mortus. Je ne sais pas comment c’est possible... »
L’expression du Docteur fit se recroqueviller l’administrateur sur son siège.
« Si la résistance entrave le projet Mortus, vous ne perdrez pas que votre place. Vous avez carte blanche pour gérer cette histoire. »
L’appel prit fin brutalement et l’opéra revint, fort peu à propos désormais. Radec essuya la sueur qui lui coulait dans les yeux, puis appela cette fois-ci la centrale hydraulique.

* * *

Il semblait que l’ascenseur ne voulait plus s’arrêter de descendre. Mais il le fit néanmoins. Les portes s’ouvrirent sur un couloir sans commune mesure avec ceux de la centrale. Il était sombre, presque sphérique, évoquant un gros tube. Quatre lignes de lumière verte couraient sur sa longueur, deux au sol, deux au plafond. Un garde, à proximité, se retourna face à l’ascenseur. Il était intrigué de le voir s’ouvrir sans personne à l’intérieur. Il s’approcha d’un pas, et saisit un appareil à sa ceinture. Randal lui sauta dessus. Il prit par surprise autant le garde que Ghost, si bien qu’il redevint visible. Son attaque fut foudroyante et l’homme s’effondra avec un râle poisseux. Il avait été égorgé. Par chance, il n’y avait personne d’autre dans les parages.
« Bug, on est en bas. Je sais pas où on a débarqué, mais on est tombé sur quelque chose de très spécial. »
Pas de réponse.
« Bug ? »
Toujours pas de réponse. Sans surprise, le contact radio ne passait plus.
« On avance Ghost. Pas le temps de planquer le corps. »
Il n’y avait de toute manière aucun endroit où cacher quelque chose, ici. Les deux hybrides se mettaient à peine en mouvement lorsque les lumières vertes virèrent au rouge tout en se mettant à clignoter. Une alarme stridente à la sonorité très moderne se déclencha dans le même temps. Enfin, une voix hostile diffusa un message explicite.
« Code rouge ! Accès non autorisé à la zone Mortus ! Confinement enclenché ! Le personnel de sécurité va procéder à une inspection générale ! »
Dans le dos des hybrides, les portes de l’ascenseur se refermèrent pour se verrouiller avec un sinistre déclique. Devant eux, au bout du couloir, il y avait une autre porte mais tout indiquait qu’elle aussi venait d’être verrouillée.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le dimanche 23 septembre 2018, 12:06:52
L'excitation montait en flèche en même temps que l'ascenseur, lui, descendait dans les entrailles de la terre. Leny était sur le qui-vive… ce qui ne suffit pas à voir venir l'assaut de son coéquipier. Il n'eut même pas le temps de se poser la question de quoi faire que le soldat gisait sur le sol dans une marre de sang. Il n'en dit rien, mais la vitesse de décision de Randal ne manqua pas de l’impressionner – ainsi un individu jovial pouvait en une fraction de seconde se transformer en tueur impitoyable. C'était ce à quoi un pro ressemblait, pensa-t-il avec un mélange d'admiration et d'appréhension.

Ses yeux oranges s'attardèrent un peu sur le corps. Mais il n'avait pas le temps de satisfaire sa fascination macabre… Du moins, c'est ce qu'il crut avant que tout le bâtiment ne se referme sur eux.

– Oh, très mauvais ça, fit-il, d'un ton qui ne reflétait pas du tout la gravité de la situation.

Les lumières rouges, la voix autoritaire, tout semblait pensé pour le faire paniquer – et c'était plutôt efficace, car son cœur accéléra plus qu'il ne l'avait encore jamais fait au cours de la mission. Le flegme apparent de son propos n'était qu'un mécanisme de défense. Son regard, et la relative difficulté avec laquelle il articulait ses mots donnaient une tout autre version.

– Si la sécu débarque assez vite, on a encore une chance de pouvoir remonter à temps ? C'est pas sûr – pas sûr.

L'absence de menace immédiate lui permettait de réfléchir malgré la pression énorme qui venait de s’abattre sur ses épaules. Céder à la panique, ça n'aurait pas du tout correspondu à ce qu'on attendait de lui – ou du moins à ce qu'il attendait de lui-même. La bonne nouvelle, c'est qu'avec une dizaine de mètres de béton, ils étaient certainement à l'abri de l'explosion. Sauf que la seule voie de sortie serait bouchée.

– Sinon on sera coincé là-dessous un moment. Avec un peu de chance, ils tiennent assez à ce qu'il y a ici pour retourner le chercher. Oui.

Le lémurien se retourna et fit disparaître la porte de l'ascenseur. Il fallait qu'ils sachent quand la cabine allait remonter et descendre. Ce n'était pas la partie difficile. Puis ses yeux cherchèrent des caméras. S'il y en avait, hors de question de se rendre visible – même s'il y avait une chance qu'elles soient toujours sous le contrôle de bug. Enfin, il y avait l'autre porte, devant eux, sans doute verrouillée aussi.

– En attendant… on va connaître la vérité sur la « zone Mortus »… ?

Abandonnant temporairement l'ascenseur, il créa une bulle d'invisibilité, et la fit longer les murs jusqu'à la mystérieuse entrée.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le dimanche 23 septembre 2018, 16:30:41
« Bonne idée, Ghost. Essayons d’en voir un maximum tant qu’on est là. Bug nous fera remonter, t’en fais pas pour ça. »
Disant cela, Randal prit en main son fusil et en ôta la sécurité. Alerte ou pas, lui aussi donnait le change, toujours calme, vigilant mais calme. Il considéra l’épaisseur des portes et dû estimer inutile de les forcer car il ne tenta rien de tel. Il ne fallait également pas espérer crocheter une serrure, pour la simple raison qu’il n’y en avait pas, tout était contrôlé par informatique.
La sphère d’invisibilité s’approchait du bout du couloir. Avant qu’elle ne l’atteigne, un bruit attira l’attention des hybrides. Cela venait du plafond. Une trappe avait coulissée et il en sortait ce qui ressemblait fort à un dispositif de défense. L’espèce de mitrailleuse balaya le couloir de son objectif. Randal fit signe à Leny de ne pas bouger, après tout, ils étaient invisibles, il y avait une chance pour que...
Que rien du tout ! L’objectif se verrouilla sur le chat et la mitrailleuse vomit une salve de laser. Randal roula de côté, ouvrit le feu.
« T’occupe, Ghost ! Observe, observe tout ce que tu peux ! » cria Randal.
L’instant d’après, la voix hostile se fit de nouveau entendre :
« Deux hybrides localisés dans le couloir A ! »
Randal tirait, bondissait, tirait et eut finalement raison de l’automitrailleuse laser. Cette dernière se figea et des gerbes d’étincelles, puis de la fumée, s’échappèrent de son pivot à moitié démoli. Leny avait les oreilles qui sifflaient. Les détonations, dans un lieu confiné, ça faisait un bouquant d’enfer !

Qu’à cela ne tienne, la sphère d’invisibilité occulta la porte du fond. Alors Ghost vit une grande salle toute blanche, avec des hommes en blouse assortie. Ils s’étaient rassemblés d’un côté et semblaient subir un rapide contrôle d’identité de la part de quelques gardes. Ces derniers, cependant, s’étaient tournés du côté de la porte, ils avaient entendu le message annonçant la position des intrus. Ils virent également la porte devenir invisible. L’un d’eux ouvrit le feu avec son fusil laser. La porte encaissa sans broncher. Un autre garde parla dans sa radio, signalant assurément le phénomène. Outre les soldats et les scientifiques, Ghost vit aussi dans la salle de nombreuses machines et ordinateurs, des voyants lumineux un peu de partout et des foule de données sur les moniteurs. Enfin, il repéra plusieurs autres portes, la zone Mortus ne se limitait pas à cet endroit.
Une des portes s’ouvrit, laissant passer une dizaine d’individus en épaisse combinaison noire et très lourdement armés. Cela ressemblait furieusement aux troupes de choc de la Tech-13, parfois aperçu à la télé, ça n’avait strictement rien à voir avec de simples gardes. Eux, c’était des tueurs ! Et ce groupe était suivi par un robot bipède, une sorte de grosse armure bardée de canons. Ghost avait beau être un bleu, il sut sans l’ombre d’un doute que ni lui, ni Randal n’était équipé pour faire face à ce genre d’adversaire, surtout pas en étant piégé comme des rats dans un couloir sans la moindre couverture. Ils avaient moins de vingt secondes pour trouver une solution, le temps qu’allait mettre le groupe de choc à traverser la salle blanche.

Subitement, la porte de l’ascenseur se rouvrit. La cabine était toujours là, vide. La voix de Mr Bug surgit des hautparleurs. On allait sans doute l’entendre dans tout le complexe, mais la discrétion n’était plus à l’ordre du jour.
« ...Heu, ok, et donc, si je fais comme ça... Hé mais, je dois émettre là. »
Rire nerveux de l’écureuil puis :
« Un, deux, un, deux, coucou Tech-13 ! Randal, Ghost, tirez-vous ! Je vais pas garder le contrôle longtemps ! »
Randal courut à l’ascenseur tout en lâchant, joyeusement :
« Tu comprends maintenant, Ghost, pourquoi je suis toujours en vie ? Je fais des conneries et Bug les répare ! »



Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le dimanche 23 septembre 2018, 19:30:53
Qu'est-ce qui pouvait être pire que d'être enfermé à vingt mètres de profondeur ? Être enfermé à vingt mètres de profondeur avec une tourelle laser, manifestement. Heureusement, celle-ci choisit le chat pour cible, et celui-ci semblait optimiste sur la résolution du conflit. Combien de dispositifs semblables à ceux-là avaient-ils détruits par le passé – se demanda Leny, qui fit de prudents mouvements de recul. Le fracas des coups de feu et la chaleur des rayons donnaient à ce couloir souterrain des allures d'enfer.

C'était spécialement étrange pour le lémurien d'être chargé de repérage alors que Randal jouait leur survie commune… mais cela semblait si normal au félin qu'il fit de son mieux. Hélas, difficile d'apprendre quoi que ce soit en l'état… les moniteurs étaient trop distants et les locaux trop neutres pour délivrer la moindre information intéressante sur l'objectif de cette zone.

En revanche, le nombre de militaires présents sur place avait de quoi surprendre.

– Y'a tout un régiment de l'autre côté ! Un méca même !

De critique, la situation venait de passer à désespérée. Leny s'était attendu à ce que les renforts de l'équipe de sécurité arrivent des étages supérieurs – pas qu'une caserne se cache sous le site. Un soldat tenta même de tirer à travers la porte rendue invisible. Heureusement, sa solidité n'était en rien altérée.

– Si on trouve pas vite une solution on…

Les portes de l'ascenseur venaient de s'ouvrir, et la voix de Mr.Bug de retentir dans tout le bâtiment. Soulagement immédiat, alors que Leny s'empressa de bondir dans la cabine à la suite de Randal.

– …n'a qu'à attendre que Bug en trouve une, conclut le lémurien, qui partageait alors l’allégresse du félin.

Bien sûr ils n'étaient pas encore tirés d'affaires, mais ne plus être enfermé était aussi une grande libération psychologique.

– Tu penses qu'on nous attend devant la porte ? Si Bug a piraté les drones, ils seront occupés à autre chose.

Ils auraient peut-être une réponse à cette question aussitôt que la communication radio serait rétablie. En tout cas, s'il y avait encore un garde à la sortie, Leny comptait bien ne pas se laisser surprendre une deuxième fois. Sa main saisit et déplia l'opinel qui logeait toujours dans sa poche arrière. Il n'hésiterait pas.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le dimanche 23 septembre 2018, 21:58:43
« J’imagine que ça doit être un gros bordel là-haut. On va vite le... Merde ! »
Randal venait d’insérer la carte de Radec dans l’appareil de l’ascenseur. Sauf que cette fois, il y eut un bip d’erreur et le message en rouge : "Autorisation invalide".
« Ils ont compris comment on est arrivé là, c’est ennuyeux... »
Il retira la carte et réessaya, par acquis de conscience. Forcément, même résultat. À l’autre bout du couloir, la porte explosa. Leny sentit la vague de chaleur jusqu’à lui. Le mécha avait probablement déblayé le passage à coup de roquette.
« Ces types sont des malades ! Cette pauvre petite porte n’avait rien demandé à personne ! Bon, Ghost, monte sur mes épaules, on va passer par la trappe de secours ! »
Il y avait en effet la trappe de secours, au sommet de la cabine. Le lémurien n’eut pas le temps de s’exécuter car l’ascenseur, sans prévenir, se décida tout seul à démarrer. Signe que ce démarrage n’était pas ordinaire, les portes restèrent ouvertes et c’est ainsi que les hybrides purent voir les premières salves de laser des soldats de choc fuser vers eux pour finalement venir mourir sous la cabine en pleine accélération.

« Bon, on en est à combien ? rigola Randal. Je crois que ça fait 14 à 11. »
Leny ne pouvait pas vraiment comprendre de quoi il s’agissait. Mr Bug avait sauvé la vie de Randal 14 fois, et Randal, 11 fois la vie de Bug. Les deux amis tenaient les comptes, pour délirer. Le chat regarda sa montre et ajouta :
« Normalement, on a encore deux ou trois minutes avant que la bombe saute. Ça va le faire. »
Un grésillement sortit des écouteurs. Il y avait, au milieu, des bribes de voix.
« Bug ? Bug tu me reçois ?
- R..al ? T... ...monte ? fit la voix achée de l’écureuil.
- Oui, on monte, moi et Ghost. Tout va bien. Ça se présente comment en haut ?
- Pour l’instant, on gère, répondit Bug dont la voix était de nouveau claire. Les drônes font le café. John est avec moi, Amanda démarre la voiture. Je vais couvrir votre sortie de l’ascenseur.
- Tu gère Bug !
- Ouais, je sais », pouffa l’écureuil avec un ton faussement vaniteux.
L’ascenseur arriva au niveau -1. Randal se teint prêt, fusil en main. Déjà on entendait les cris, les lasers, le chaos au rez-de-chaussée. Lorsque l’ascenseur acheva son ascension, il y avait bien deux gardes pour attendre le duo d’hybrides, mais ils étaient morts. Un drone volait dans le couloir, tirant sur tout ce qui bouge. D’autres corps, ainsi que des blessés... Les vitres étaient brisées, il y avait des courant d’air partout. Plus l’alarme et l’affolement du personnel dépassé. Ce n’était pas pour autant forcément gagné. Dans le couloir, il y avait également deux épaves de drônes, preuve que les soldats parvenaient à les détruire. Dans une salle, on donnait des ordres, on se réorganisait. Dehors, des tirs nourris. Le dernier drône explosa en recevant une salve de laser. Randal et Ghost, invisibles, s’élançaient. Et puis... le lémurien sentit le sol se dérober. Il tomba au moment où il entendait une énorme explosion. Les alarmes se turent, les éclairages s’éteignirent, le courant venait d’être coupé. En bas, bruit d’effondrement, mais ici, visiblement, le sol tenait. Néanmoins, Leny prit conscience que cette chute imprévue l’avait déconcentré. Un garde surgissant d’une porte pointa son arme dans sa direction. Randal ne l’avait pas vu, il tirait sur un autre soldat tout en se jetant de côté.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le lundi 24 septembre 2018, 01:47:04
Il ne fallait pas se faire happer par le chaos ambiant. Ce fut la première réaction de Leny en découvrant le carnage en cours provoqué par les drones. Il réfléchissait à la trajectoire la plus sûre pour atteindre le point de rendez-vous lorsque l'explosion le projeta face contre terre. Pendant une seconde, le lémurien eut réellement peur. Ils avaient été un peu trop optimistes sur le temps qu'ils leur restaient, et l'explosif avait fait son œuvre de démolition.

Reprenant vite ses esprits et se relevant d'un bond, il comprit qu'à tout moment l'étage pouvait s'affaisser. Mais il n'eut pas le temps de s'en soucier tout de suite – constatant avec horreur qu'il était redevenu visible, et qu'un surveillant l'avait dans sa ligne de tir.

Son premier réflexe fut de faire disparaître l'arme du soldat. Créer un instant d'hésitation, avant qu'il réalise qu'il l'avait toujours en main, c'était suffisant pour plonger de nouveau au sol. Puis, invisible, c'était suffisant pour lui faire perdre ses chances de viser juste. La technique fonctionna partiellement – le soldat qui avait déjà amorcé son geste, se montra moins distrait que prévu. Le laser qu'il tira vint raser la joue du lémurien, brûlant fourrure et peau sans atteindre l'os.

L'organisme de Leny était trop saturé d’adrénaline pour laisser passer la douleur de la blessure superficielle, cependant. Il avait beau n'être qu'un débutant en matière d'opération spéciale, il n'en était pas moins un acrobate accompli. Aussi à l'aise quadrupède que bipède, il put se mettre hors de portée des nouveaux rayons, de plus en plus imprécis.

Quand il fut sûr que le garde ne l'attendrait pas, il s'élança en diagonale vers lui, puis bondit. Ses pieds virent heurter violemment sa cage thoracique, alors que le haut de son corps basculait vers l'avant. Son bras décrivit une courbe, et l'opinel s'enfonça sous la mâchoire du surveillant. Aussitôt le sang jailli de la blessure béante… avant de sembler être absorbé par le vide. En réalité, il venait maculer le pelage ventral jadis clair de Leny. Un deuxième coup de surin, pour être sûr. Puis un troisième, directement au thorax. Étrange euphorie d'avoir atteint son but. Non, pas plus. Ça suffisait.

– Faut pas s'attarder Randy ! fit-il, un peu essoufflé, en essuyant le liquide chaud qui avait jailli sur son visage.

Se poser des questions, ce serait pour plus tard. Le chat retrouvait la sécurité d'une bulle d'invisibilité – et ils devraient filer, le plus directement possible, vers la sortie.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le lundi 24 septembre 2018, 10:44:39
Randal, de son côté, avait fait deux morts. Combattant rapide et mobile, il se révélait aussi dangereux à distance via ses armes à feux qu’au contact, via son poignard, le tout en procédant avec cette grâce propre aux félins. Comment le retenir lorsqu’en plus Ghost le rendait invisible ? Les gardes de la centrale, privés de drône et sans matériel adapté, ne pouvaient faire barrage.
« Bug ! On est sorti ! On va passer par le trou qu’on a fait à l’allée dans le grillage. Plis bagage, on dégage !
- Compris Randal. »
Dehors, il restait quelques drônes. Bug les avait disposés de manière dispersées afin de ne pas donner d’indice sur sa position et celle de la voiture d’extraction. Un groupe de gardes était en train de faire le ménage, la diversion de l’écureuil touchait à sa fin. Mais elle avait fait son office, tout le monde était dehors. Randal et Ghost arrivèrent au niveau de la souche. Mr Bug était en train de refermer sa mallette. John, accroupi, avait son fusil laser en main et surveillait les environs.
« On est là ! dit le chat. Ghost tu peux arrêter l’invisibilité.
- 14 à 9 ! fit l’écureuil, malicieux.
- Ho, ça va toi ! Tu rigoleras moins quand tu devras faire partie de l’infiltration !
- 14 à 9 quand même !
- Gnagnagna ! »
Tout le monde s’enfonça dans la forêt jusqu’à atteindre la voiture, à peu de distance. Amanda avait déjà mis le contact. John s’assit à côté d’elle, Randal, Mr Bug et Ghost montèrent à l’arrière. Avant même que la dernière portière ne soit refermée, la voiture démarrait en trombe.

Au début, personne ne parla. On guettait un son de poursuite, un autre moteur, n’importe quoi qui puisse trahir l’approche d’un danger. Mais il semblait que le groupe soit sortie d’affaire. Alors, la tension retomba. John rit.
« Ce qu’on leur a mis !
- C’était pas mal, acquiesça Amanda, toujours très sérieuse et posée.
- Géant, juste géant ! s’exclama l’expressif Randal.
- Heu, Ghost, t’es plein de sang, s’inquiéta l’écureuil en tournant la tête vers le lémurien.
- Ha oui, merde, reprit Randal. Il est à qui tout ce sang ?
- Il y a deux trousses de secours, sous les sièges », indiqua Amanda.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Le Messager le lundi 24 septembre 2018, 20:23:49
La fin du danger immédiat, enfin. L'opération n'avait duré que trente minutes peut-être, et pourtant Leny avait l'impression d'être en train de s'infiltrer, de s'enfuir et de se battre depuis des jours. La tête posée contre le siège du véhicule, il savourait la victoire avec un peu moins de vigueur que ses coéquipiers. L'usage intensif de son pouvoir – poussé successivement dans à peu près toutes ses limites possibles en terme de puissance ou de maîtrise – s'était révélé très fatigant. En matière d'entraînement, on ne pouvait que difficilement faire plus complet.

– Vous avez assuré.

L'épuisement concourait donc avec la jubilation. Tout bien pesé, c'était loin d'être une situation désagréable. Leny était ravi et soulagé que tout le monde en ait réchappé, et en un seul morceau – en si peu de temps, il avait l'impression d'être devenu très proche de toute l'équipe – même des humains. En vérité, il connaissait à peine les membres de sa nouvelle cellule (il espérait avoir du temps pour ça), mais il faisait partie d'un groupe, à présent… et cette sensation lui était assez étrangère.

– Pas à moi, fit-il à Randal et Bug, avec un de ses rares sourires.

Le fait de bouger la mâchoire pour prononcer ces quelques mots réveilla en revanche des fourmillements dans le bas de son visage. Le primate se redressa et porta la main à sa joue, avec un petit grognement d'inconfort et de surprise. La fourrure était brûlée, et un bon morceau de peau avait dû y passer aussi. Il y avait une trace rose pâle, presque blanche – caractéristique d'une brûlure de deuxième degré profond, voire troisième degré – sur une zone très réduite. Maintenant qu'il en avait conscience, la douleur refluait, et ça faisait plutôt mal, sans bizarrement être insupportable. C'était comme si une guêpe l'avait piqué.

– C'est rien.

Il reposa doucement sa tête sur le siège. Ce n'était pas le moment de gâcher l'ambiance.

– J'suis une fille, au fait, finit-elle par dire.

Elle ferma les yeux.
Titre: Re : Les Chroniques de Mobius, acte 1 [PV]
Posté par: Mascotte le lundi 24 septembre 2018, 23:24:12
« Une fille ? » fit Bug, méditant cette révélation.
Il fallait croire que tout le monde avait pris Leny pour un garçon. Pourquoi ? Son style vestimentaire peut-être. Ses manières. Randal se pencha par-dessus l’écureuil pour observer la blessure du lémurien. John s’était tourné depuis son siège pour observer. Il demanda :
« Ça a l’air grave ? Faut s’arrêter ? »
Le chat, concentré, fit non de la tête.
« Il, enfin elle va s’en remettre. Un laser qui est passé un peu trop près. »
Il attrapa une trousse, l’ouvrit, farfouilla dedans et en sortit de la pommade. John insista :
« Ghost a l’air d’avoir un sérieux coup de barre.
- L’émotion, ou l’usage de son pouvoir. Ou les deux. Tiens, Leny, mets-toi ça. Ça va faire mal, au début, mais après, ça va passer en un clin d’œil. »
Il tendit la pommade à Ghost puis se tourna vers Bug qu’il appela également par son vrai nom, signe que la mission était terminée :
« Jimmy, t’as pu voler des infos quand tu as infiltré le réseau Mortus ?
- Non, Randal. J’étais trop occupé à vous sauver les miches. Mais on a probablement découvert un truc important.
- Mortus... » marmonna John en refaisant face à la route.
La voiture disparût entre les arbres, emportant avec elle de la joie et des questions. Direction les quartiers du groupe.

* * * 2 heures plus tard * * *

La navette noire frappée du symbole de la Tech-13 se posa en balayant des débris autour d’elle. C’était un engin au design épuré et aux dimensions remarquables conçut pour l’efficacité, non l’apparat. Alors que le bruit des réacteurs allait décrescendo, la passerelle s’abaissa, révélant la haute silhouette d’Oswald. Le docteur descendit sans hâte. Devant lui se trouvaient trois hommes raide comme des piquets : l’administrateur Radec et deux autres hauts responsables de la centrale. Et derrière eux, un spectacle affligeant... Terminé le bruit sourd de turbine, l’installation était silencieuse, le courant toujours pas rétabli. Au sol, des corps, des carcasses, des bris de verre... Plusieurs ambulances étaient là, on s’occupait en priorité des blessés. Oswald, maintenant en bas de la passerelle, s’imprégna longuement de cette vision, avant de se remettre en mouvement et de passer devant chacun des trois hommes. Finalement, il s’arrêta à côté de l’administrateur, qu’il dominait d’une bonne tête.
« Combien ? » demanda-t-il de sa voix grave et glaciale.
Radec déglutit avant de répondre.
« 17 morts, Docteur Nox. 17 et presque autant de blessés.
- Estimation des dégâts sur l’installation ?
- La centrale est pour ainsi dire détruite. Les turbines, les machines, rien n’est récupérable. Les bureaux ont tenus mais... enfin voilà, ce ne sont que les bureaux. »
Nox fit trois pas pour se retrouver désormais face au deuxième individu, le seul militaire du lot.
« Qui ?
- Trois hybrides et probablement un ou deux complices humains. Nous avons put identifier les hybrides.
- Laissez-moi deviner : Randal, Mr Bug ?
- Et Ghost.
- Ghost... » répéta Nox, en détachant chaque son, comme pour goûter ce nouveau nom haïssable.
Le militaire, mal à l’aise, ajouta :
« Oui. Un Méga. Il n’était pas encore dans la liste. Il a un pouvoir lié à l’invisibilité. »
De nouveau trois pas pour qu’Oswald s’arrête devant la dernière personne. C’était un scientifique et, contrairement aux autres, il n’avait pas l’air de se reprocher quoi que ce soit.
« Évaluation des dégâts sur la zone Mortus ?
- Quasiment aucun, Docteur. La secousse a déréglé certaines de nos machines, une tourelle détruite, un soldat abattu par les hybrides, une porte démolie par nos propres hommes, l’accès via la centrale obstruée bien sûr, nous pourrons reprendre le travail dans quelques heures.
- Qu’on vu nos chers ennemis ?
- Pas grand-chose, ils ont été bloqués dans le premier couloir. Le dénommé Mr Bug est parvenu à forcer nos systèmes, mais on vient de m’assurer qu’il n’avait pas accédé à des données sensibles.
- Mais il aurait pu.
- Avec un peu plus de temps, oui. »
Nox réfléchit un instant, puis revint se planter devant Radec. Il poursuivit, sa voix commençant à vibrer de la sourde colère qui bouillonnait en lui.
« J’ai ouïe dire que vous n’étiez même pas sur place.
- Je... je revenais d’un... »
L’administrateur ne put finir. Son corps fut jeté au sol, deux bon mètres plus loin, à moitié grillé par la décharge du pistolet Tesla du Docteur. Ce n’était là que la première personne à payer. Il y en avait d’autres sur la liste...