La Terre – Un futur lointain
Jour après jour, La Cité (http://img110.xooimage.com/files/8/2/2/cit--54df6b3.jpg) se construisait. Une construction lente, longue, qui s’étalait sur plusieurs siècles. Tout avait commencé de rien, et il avait d’ailleurs fallu attendre un temps inestimable pour que les fondations de La Cité ne se posent. Elle se développait sur les terres de ce qu’on avait jadis appelé « l’Europe », à une époque où il existait encore d’immenses étendues d’eau, et où la planète était majoritairement recouverte d’eau. Les vieilles archives historiques parlaient d’océans, de mers… Des concepts inconnus pour les quelques rares tribus peuplant encore le monde actuel.
L’humanité avait jadis été l’espèce dominante, mais, désormais, celle-ci était revenue à ses fondations, et était tout simplement en voie d’extinction. Il en restait moins de quelques milliers, d’après les derniers recensements et les drones de La Cité. Celle-ci avait vu quelques royaumes se former dans les terres du sud, l’ancienne Afrique, mais un ultime recensement avait montré qu’il n’en restait plus rien. Des conflits entre clans, ainsi que des tempêtes radioactives, la raréfaction des ressources… La Cité continuait à se développer, mais en faisant face à un blocage. Ses protocoles impliquaient désormais de repeupler les jungles qu’elle avait construite à l’intérieur de ses immenses murs.
Le monde extérieur était inhabitable à plus de 95%. La Cité ignorait ce qui s’était passé jadis, mais elle avait soupçonné une guerre nucléaire particulièrement intense, couplée à une surpopulation qui avait considérablement appauvri les ressources. La fonte des glaces, le développement de la pollution, la déforestation massive… Et, de fait, les humains qui existaient encore étaient tous déformés, ravagés par les toxines, par la barbarie. La Cité avait envoyé des sentinelles et des robots pour faire des prélèvements, et le résultat était formel. Les humains nés de la Décimation présentaient une altération définitive du gène humain. La Cité avait été conçue pour reconstruire l’humanité, par un groupe de grands scientifiques humains, dans les années ayant précédé la Décimation. C’était une IA très développée, dont le but était de terraformer la planète pour permettre aux humains ayant survécu à la Décimation de pouvoir se reconstruire, tout en leur enseignant les erreurs des Anciens, afin qu’ils ne les reproduisent pas.
L’une des premières leçons que La Cité avait comprise, en étudiant les humains, était que la raréfaction des ressources entraînait le conflit. Elle avait donc continué à se développer au cœur de l’Europe, jusqu’à former d’immenses jungles. Il avait fallu des siècles à La Cité pour tout reconstruire, pour rendre cultivables des terres ravagées par les bombes nucléaires et les radiations. Des jungles avaient donc fleuri, mais l’espèce humaine, elle, non. La Cité avait dans un premier temps essayé d’implanter des humains extérieurs dans ses jungles, mais ces humains, que La Cité avait surnommé « Les Sauvages », avaient été incapables de se sociabiliser. Ils s’étaient battus entre eux, formant des clans des sauvages, au grand désespoir de La Cité. Celle-ci ne pouvait toutefois les supprimer, car les Sauvages étaient des humains, et ses protocoles n’impliquaient pas de les tuer.
De fait, La Cité était si grande que ses frontières cybernétiques s’étalaient de l’ancienne Oural au beau milieu de l’Atlantique. Elle avait construit de multiples souterrains, des bases et des bunkers, pour lui permettre de guérir la flore de l’uranium présent, et de repeupler cette dernière. Mais sa finalité suprême, redonner naissance à l’humanité, lui faisait encore défaut. Les Sauvages n’en étaient pas dignes, et La Cité avait donc fini par commettre l’incroyable : créer un nouvel être humain.
C’est ainsi qu’après de multiples années, une humaine avait vu le jour : Ève (http://img110.xooimage.com/files/0/9/2/092ffc8cd93510da4...a48d1218-54df47a.jpg). Elle était une nouvelle espèce d’être humaine, conçue après de multiples croisements génétiques en utilisant l’ADN des Sauvages et en le croisant avec des réserves génétiques que La Cité détenait dans ses banques de données. Ève avait grandi seule, en passant ses premières années dans les installations de La Cité, le temps pour elle de grandir, avant d’être relâchée dans la nature. Patiemment, La Cité avait vu Ève grandir, utilisant ses connaissances pour affronter les animaux, mais aussi Les Sauvages. Elle était devenue une guerrière accomplie, une femme parfaite…
La première représentante de l’homo perfectus, en quête de son passé.
La Cité avait donc distillé autour d’elle des indices, des éléments d’anciennes prophéties : peintures rupestres, messages dissimulés ici et là… Tout était fait pour inciter Ève à se rapprocher de l’un de ses centres de reproduction, où il la récupérerait, et ferait d’elle la pondeuse d’une nouvelle race.
Aujourd’hui, sa Ève avait enfin rejoint la région abritant le centre de reproduction. Ce dernier était situé dans un bunker souterrain, sous une grotte abritant des peintures rupestres que sa Ève recherchait. La Cité était en soi une IA, mais elle devait bien admettre que l’idée de retrouver Ève, qu’il suivait depuis sa plus tendre enfance, et qui avait échappé à tout, le motivait beaucoup. De plus, Les Sauvages continuaient à la traquer. Si La Cité ne pouvait les tuer, elle avait néanmoins modifié leur alimentation, afin de rendre leurs femmes stériles. Et puis, Ève était d’une telle beauté qu’ils se lançaient furieusement à sa poursuite.
Elle se lançait, et découvrirait enfin la vérité en rejoignant les grottes…
La Cité ne pouvait tuer d’humains directement. Pourtant, elle avait cherché à tuer les Sauvages indirectement, mais sans aucun succès. Elle avait par exemple manipulé les ondes électriques et les courants pour déplacer certains animaux, et ainsi attirer sur les Sauvages de rudes prédateurs, comme des mammouths, ou des tigres à dents de sabres. Elle avait également attiré sur eux des dinosaures, une création de La Cité reposant sur d’anciennes données anthropomorphiques récupérées par des équipes de chercheurs dans les glaciers de l’Islande et du Pôle Nord. Mais, à chaque fois, les Sauvages avaient réussi à s’en sortir, et à s’améliorer. Ils avaient ainsi appris, pour certains clans, à domestiquer les mammouths et les tigres, tandis que ceux que La Cité avait envoyé dans les montagnes s’étaient endurcis, devenant plus forts, plus rugueux, mais toujours aussi déments. Ève n’avait pas eu une vie facile, mais, avec ses capacités physiques et intellectuelles avancées, elle avait toujours réussi à s’en sortir. La Cité avait observé l’homo perfectus avec fascination, la voyant très rapidement réussir à inventer des objets rudimentaires, comme une boussole, à faire des pièges, à se repérer à l’aide des étoiles. Elle se posait de nombreuses questions, La Cité le sentait.
Quand elle rejoignit la « grotte », qui était en réalité l’entrée du bunker, les Sauvages qui la poursuivirent s’arrêtèrent prudemment. Ils connaissaient les « grottes lumineuses », comme ils les appelaient, et les redoutaient. Ces endroits étaient maudits, et les Sauvages qui entraient dans ces grottes servaient en réalité de cobayes pour La Cité. Encore une fois, elle ne les tuait pas, mais étudiait sur eux, prélevant des organes, avant de les laisser mourir quand elle n’en avait plus besoin, faute de pouvoir les domestiquer.
Ève traversa donc la grotte, et rejoignit un escalier métallique. Des lampes s’allumèrent au plafond, et elle n’avait plus qu’à descendre. Dehors, Les Sauvages attendaient patiemment son retour, sans oser franchir l’interdit. L’escalier conduisait à une porte qui s’ouvrit dans un coulissement, donnant sur un grand couloir éclairé par des diodes violettes. De la lumière émanait d’une ouverture sur le côté, donnant sur une curieuse chambre. Peut-être que des souvenirs troublants reviendraient perturber la mémoire d’Ève. Elle était rentrée à la maison, dans une chambre où elle avait passé ses premières années. La Cité avait conservé les dessins qu’Ève avait fait pendant ces premiers mois.
Tandis qu’Ève devait les observer, une mystérieuse voix féminine se mit à résonner :
« Tu es revenue à la maison, Ève… »
Personne autour d’elle. Entendait-elle des esprits ? Un bruit sourd se fit entendre dans le couloir. Au fond de ce dernier, une grande porte avait commencé à s’ouvrir en deux par le milieu, laissant filer un rai de lumière. Ève n’avait plus qu’à s’avancer. Derrière cette porte, il y avait une très grande salle cylindrique. Elle verrait tout d’abord quelques marches avec des diodes sur celles-ci, puis un couloir translucide menant à une plateforme centrale, au milieu de ce vaste dôme. Là, une femme lui tournait le dos, pianotant sur une série de claviers.
Une rencontre surréaliste, tandis qu’Ève avançait. Difficile de voir les contours du dôme, car les diodes qui étaient présentes émettaient un éclairage bien trop faible pour voir le dôme dans le détail. Et, quand Ève se rapprocha, la femme se retourna lentement, dévoilant un corps bleuâtre (https://orig00.deviantart.net/f81f/f/2014/243/7/9/cortana_by_skribblix-d7xez07.jpg), électrique, une étonnante beauté cybernétique.
« Bonjour, Ève, je suis ravie de te revoir. Tu ne te souviens probablement plus de moi, mais c’est moi qui t’ai porté au monde, et ai veillé sur toi pendant tes premières années. Je suis donc ce qui se rapproche le plus d’une mère pour toi. »
Elle lui sourit alors. Ève pouvait lui tirer dessus, mais Cortana ne risquait rien.
« Tu peux m’appeler Cortana, Ève. Bienvenue chez toi. »