Île de Than Pênh
Îles Riau, IndonésieL’archipel des Îles Riau était un vaste ensemble d’îles, comprenant 1 795 îles, avec moins de 400 qui étaient habités. Un très vaste ensemble d’îles et d’îlots, formant une partie du vaste archipel d’Indonésie. L’une de ces îles avait fait l’objet d’une concession territoriale, et avait été vendue à une puissante compagnie multinationale, une
keiretsu japonaise, la
Nolton Company. La Nolton était une vaste entreprise, très puissante, disposant de multiples filiales, holdings, le tout s’organisant autour de la Nolton Bank, une puissante banque d’affaires japonaise qui avait un chiffre d’affaires colossal. Cette firme très puissante avait ainsi privatisé une île pour y installer une villa dernier cri, qui s’étalait sur une bonne partie de la surface de l’île, avec un petit port privé dans la baie, et même un héliport.
Than Pênh abritait la maison de la puissante PDG de la Nolton Company, la redoutable
Noroko (http://img110.xooimage.com/files/9/d/0/noroko-54c4984.jpg), une femme très étonnante, qu’on disait dotée de pouvoirs magiques. Faisant très jeune, la Dame-Blanche, ainsi qu’on la surnommait, était d’une grande beauté, et disposait de multiples soutiens et appuis au sein du pouvoir politique. Sa fortune était considérable, et, derrière ce masque de pureté et de bonté, derrière les œuvres de bienfaisance et les associations que Noroko soutenait, elle était aussi une grande figure du milieu criminel. Les renseignements du SPEAR montraient que Noroko, outre faire alliance avec diverses organisations terroristes peu recommandables, participaient activement à un réseau de piraterie internationale sévissant principalement autour du détroit de Malacca. C’était une femme puissante, avec de solides alliés...
*
Trop puissante pour vivre...*
Soucieuse de son image, Noroko avait organisé une soirée de charité dans sa villa, invitant des individus émanant des diverses îles d’Indonésie, mais aussi de Singapour. C’était là un rôle parfait pour Aiko, qui avait reçu pour mission du SPEAR de neutraliser cette femme. Une mission que l’espionne entendait bien mener à terme. Elle disposait pour cela d’une identité officielle, d’une couverture, celle d’une riche héritière. Portant une élégante
qipao verte (http://img110.xooimage.com/files/d/6/b/90ae9bb4e00ef335b...e77f7c56-54c49e6.jpg), Aiko rejoignait à travers un hors-bord la villa.
Noroko ne se montrait que très rarement en public, cultivant son culte de la personnalité, mais, à travers les renseignements du SPEAR, Aiko savait que la femme disposait de cinq gardes du corps redoutables. Des orphelines qu’elle avait recueillie et formée, ses exécutrices personnelles, les
Cinq Ryū, comme on les appelait :
- Yuran (http://img110.xooimage.com/files/d/a/8/yuran-54c49fd.jpg),
- Kan Myo-Woul (http://img110.xooimage.com/files/9/f/0/kan-myo-woul-54c4a01.jpg),
- Jin Seo-Yeon (http://img110.xooimage.com/files/7/f/5/jin-seo-yeon-54c4a03.jpg),
- Yoshira (http://img110.xooimage.com/files/b/2/a/yoshira-54c4a0a.jpg), qui était la plus publique des Ryū, puisqu’elle accomplissait souvent le rôle de porte-paroles de Noroko,
- Toshui (http://img110.xooimage.com/files/8/f/e/toshui-54c4a0e.jpg).
Outre ces cinq femmes, la villa était également entourée d’une armée de gardes, de dispositifs de sécurité high tech. La mission d’Aiko, si elle impliquait de tuer Noroko, devait aussi l’amener à se renseigner sur les activités ayant lieu ici, car le commandement soupçonnait l’existence d’un laboratoire souterrain sous la villa.
C’était une mission d’importance, aux chances de succès très faibles, sans aucun renfort possible... Mais Aiko était habituée à ce genre de scénario.
Aiko remonta tranquillement le long de la jetée, observant distraitement les bateaux, en profitant pour noter la présence des gardes. Comme prévu, l’endroit était lourdement défendu. Outre les gardes, elle vit des caméras de sécurité, et même des drones. La femme aurait pu tenter une infiltration comme Mordred, en rejoignant sans invitation l’île, mais elle avait préféré se faire passer pour une invitée. C’était, somme toute, la position qui lui convenait le plus, et la plus abordable. Elle suivit ensuite un sentier serpentant à travers une courte forêt, balisée par des lampes. Une ambiance sereine, agréable, en compagnie d’autres invités. Noroko avait sûrement réuni à regrouper le gratin de toute la région, ce qui confirmait son influence et ses pouvoirs. Aiko ne se faisait aucune illusion sur sa mission. Celle-ci serait très difficile, et elle s’attendait à rencontrer beaucoup de difficultés. Et, aussi douée soit-elle, elle n’avait évidemment pas repéré l’intrus à hauteur du port. Elle ignorait donc qu’elle n’était pas la seule sur le coup.
Le sentier conduisait finalement à une grande villa futuriste. Noroko disposait d’un château moderne, une grande et longue villa en forme de U. Au bout, il y avait l’autre côté de l’île, avec une plage privée, une baie fortement gardée. Tout le reste de l’île était aménagé. Outre plusieurs piscines et l’héliport, il y avait également au centre de la villa un grand jardin zen, et, à l’extérieur, un labyrinthe floral. Noroko avait de l’argent, et elle tenait à ce qu’on le sache en entrant. Un message bien reçu pour Aiko, qui s’approcha du perron.
« Bienvenue, Madame, la salua un garde. Voici votre badge d’accréditation. Évitez de le perdre. »
Aiko récupéra la carte. Comme prévu, l’endroit était une véritable forteresse, avec un système de portes verrouillées électroniquement. Le badge n’en ouvrait qu’un certain nombre, les pièces réservées aux invités. Elle remercia poliment l’homme. Se déguiser, c’était la spécialité d’Aiko, qui excellait en ce domaine. L’espionne rentra ensuite à l’intérieur de la villa, et traversa un grand vestibule, pour rejoindre le premier salon. Il y avait déjà beaucoup de convives, avec une mezzanine en hauteur en forme de U, et, au fond, de grandes baies vitrées ouvertes pour accéder sur une terrasse légèrement couverte surplombant le jardin zen, la mer se découpant au loin.
Et, le long des murs, un buffet constitué de petits fours, avec des serviteurs en costume servant de l’alcool. Un endroit cossu, très riche...
Le ventre de la baleine.
« Mesdames et Messieurs, je vous remercie sincèrement et chaleureusement d’avoir répondu à mon invitation ! »
En se promenant dans les halls de réception, Aiko avait pu voir quantité d’individus faisant l’objet de poursuites. Des barons de la drogue, des esclavagistes, des proxénètes internationaux, des passeurs, des pirates... Le détroit de Malacca était proche de l’Indonésie, et était un haut lieu du crime international, car il s’agissait d’un point de transit central entre l’Asie du Sud-Est et l’Europe. Il n’y avait aucune route de navigation commerciale plus rapide. Et Aiko, qui travaillait au sein d’une agence internationale, le SPEAR, savait donc très bien qu’il ne s’agissait pas d’une réunion d’enfants de chœur.
L’Indonésie était loin d’être un pays pacifiste. Pendant très longtemps, cet archipel avait suscité le rêve d’un islam modéré, paisible, conforme aux valeurs des civilisations modernes, mais, plus les années passaient, et plus un islamisme radical, fondamentaliste, et terroriste, se développait. Joko Widodo, le Président indonésien, avait fait de la lutte contre le fondamentalisme islamiste une lutte centrale de son mandat, en allant notamment jusqu’à dissoudre des partis politiques fondamentalistes, comme Hizb ut-Tahrir. Récemment encore, plusieurs vagues d’attentats terroristes avaient ébranlé l’Indonésie, dont un attentat-suicide provoqué par une famille islamiste de cinq personnes, dont une fillette de huit ans. Un véritable drame national et complexe à gérer, dans un pays de 220 millions d’âmes, et dont 200 millions étaient des Musulmans. La branche indonésienne de Daech, Jamaah Ansharud Daulah (JAD), était en pleine recrudescence. Aiko n’avait en soi rien à voir là-dedans, mais elle savait que certaines enquêtes avaient lieu sur d’éventuels liens entre des barons du crime indonésiens et les attentats terroristes... Impliquant potentiellement la femme qui, depuis un balcon surplombant l’un des salons, leur parlait.
Dans son étincelante robe blanche, Noroko venait d’apparaître.
« Je vous souhaite de passer une bonne soirée, Mesdames et Messieurs, mais vous prie de ne pas vouloir oublier que cette soirée se fait dans le cadre d’une association caritative. Vous ne devez pas oublier que l’Indonésie est l’une des nations les plus riches du monde, et qu’il nous importe, car c’est là notre intérêt commun, d’aider nos proches voisins... »
Noroko faisait essentiellement référence aux pays continentaux de cette région du globale, comme la Thaïlande, le Cambodge, ou encore le Bangladesh. Des pays qui étaient bien plus pauvres que l’archipel indonésien, même si Aiko ne se faisait aucune illusion. Les activités caritatives de la Nolton Company n’étaient qu’un leurre leur permettant, à travers leurs dispensaires, leurs orphelinats, leurs écoles, de s’implanter dans les pays locaux. Rayonnante et impériale, Noroko rappelait à quiconque en doutait que la démocratie était encore un concept assez inédit en Indonésie, puisque les premières élections véritablement démocratiques dataient de 1998. Avant cela, le pays avait été détenu pendant plus de trente ans par un général, Soeharto, qui avait réussi le mince exploit d’être considéré comme le dirigeant le plus corrompu de la planète. C’était sous son règne que la Nolton Company avait bénéficié d’une concession territoriale sur une île sauvage, et avait pu bâtir cette villa.
*Les fantômes du passé...*
Noroko termina son bref discours, et Aiko commença ensuite à inspecter les lieux. Elle ne connaissait personne, et pouvait déjà voir que la sécurité était très impressionnante. Cherchant une ouverture, elle rejoignit l’un des balcons donnant sur les jardins. Des jardins somptueux, avec des fontaines, des statues en marbre, des kiosques... Ce n’était pas Versailles, loin s’en faut, mais Noroko aimait indéniablement montrer qu’elle avait de l’argent.
*Ça ressemble davantage à Fort Knox, en fait...*
En tout cas, pour l’heure, Aiko peinait à trouver une ouverture, et continua à se promener, sans savoir que, comme elle, un autre chasseur avait également réussi à s’infiltrer dans la bâtisse...