[...]A travers les larmes qui brouillaient sa vue, Syllania l'aperçu, juste là, son salut. Quelques pas encore et ce refuge serait le sien. Au prix d’un effort considérable, l’elfe s'écarta de l’arbre contre lequel elle s’était appuyée, vaincu par la douleur et la fatigue, pour rejoindre la cabane au plus vite, poussée par l’instinct de survie et par cette certitude qui la guidait depuis des jours : l’avenir du monde reposait entre ses mains. Elle n'abandonnerait pas. Ils n’auraient pas l’artefact.
Syllania était bien moins en sécurité qu’elle ne le croyait alors qu’elle se laissait tomber contre un des murs de bois humide et ravagé par le temps et l’absence d’entretien. Ce refuge serait son tombeau et avec elle s'éteindrait tout son clan. Fin limiers ses poursuivants n’avaient pas à se hâter, l’elfe ne les avait pas vu approcher, mais ils avançaient, inexorablement. Le doux parfum du sang, l’odeur de la peur et celle de la sueur les guidaient et excitaient leurs sens.
Bientôt ils seraient là, bientôt la gemme que Syllania tenait au creux de sa main leurs appartiendrait. Parce que dans la réalité, les histoires finissent rarement bien.[...](http://img15.hostingpics.net/pics/337207concept2.jpg) (http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=337207concept2.jpg)
Lirielle, comme d’habitude, se laissait emporter par son imagination, oubliant lentement ou elle se trouvait, le contact du dossier moelleux dans son dos, la sensation du papier sous ses doigts bientôt remplacés par d’autres, qui prenaient vies au fil des lignes et de ses pensées. Rien n’avait plus d’importance que d'empêcher ce drame de se produire. Après tout ce qu’avait traversé Syllania, ça ne pouvait pas se finir comme ça, ils ne pouvaient pas mourir, surtout pas son grand amour ! Comme le visage abîmé de l'héroïne du livre qu’elle tenait fébrilement entre ses mains se précisait toujours davantage dans son esprit, elle percevait l’odeur typique de la forêt. Elle frissonna bientôt du froid de cette nuit sans lune.
Un battement de cil plus tard et la blonde se retrouvait là, allongée sur la mousse froide et moelleuse de la forêt qu’elle avait appris à connaître au fil des pages. Lirielle savait très exactement ou elle se trouvait. L’instinct, l’habitude aussi, qui la faisait toujours apparaître là ou il le fallait, si on pouvait dire…
Aussi, malgré l’absence du quelconque source de lumière, la jeune femme avança droit devant elle et entra bientôt dans l’ancienne demeure d’un trappeur, poussant la porte trop abîmée pour fermer réellement. Une arme de jet effleura sa joue pour se ficher dans la dites porte alors que ses yeux essayaient de distinguer quelque choses dans la pénombre. Un éclat de bois supplémentaire, ça ne changeait plus grand chose, une estafilade non plus. Quand on ne craignait pas la mort, on prenait les choses avec un peu plus de légèreté, même si son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine. Pas maintenant, pas déjà…
Calme toi ce n’est que moi ! Enfin je veux dire, je suis de ton coté…
La jeune femme leva ses deux mains devant elle et s’approcha avec lenteur, guidé par la faible lueur bleutée qu’emmétait la pierre et celles fébriles de quelques bougies, évitant tout gestes brusques. Elle était salement amochée, Syllania avait de la chance d’être encore en vie. Parfois, les...autres races, les créatures qu’elle rencontrait comprenaient ses mots, parfois ils ne parlaient pas la même langue. La jeune femme ne pouvait se l’expliquer, comme elle ne pouvait expliquer le reste d’ailleurs. Les deux inconnues eurent de la chance cette nuit là.
- Qui es-tu ?- Lirielle, mais c’est sans importance. Ils seront bientôt là, il faut que tu te caches.
Alors qu’elle répondait à la voix faible de la jeune elfe qui la fixait avec cet air de faiblesse qu’ont ceux qui n’ont d’autre choix que de vous croire, Lirielle devina des bruits, plus exactement des cliquetis, des sons rauques se faisaient entendre dehors. Le visage de Syllania vira de gris à blanc. Les vitres étaient brisées, des planches manquaient, les sons, comme les courants d’airs, pénétraient à l’intérieur sans difficultés.
- Trop tard....
Ce trop tard voulait dire beaucoup de choses. Trop tard pour se cacher, trop tard pour s’enfuir ensemble avec ce que cela impliquait. Si mourir faisait partie du jeu, ce n’était pas quelque chose qu’elle cherchait à provoquer, la douleur et la sensation de partir était trop réelle, trop pesante pour ça. Pourtant, c’est exactement ce que la jeune femme allait faire.
- Il faut que tu partes tout de suite ! La fenêtre, vient je vais t’aider à te hisser. Je vais les retenir autant que possible. Ce que tu ne sais pas c’est que tu n’es qu’à une lieue de Noval, là bas, tu trouveras forcément de l’aide, du moins je l’espère…
Ca n'avait pas été simple, l'elfe avait de multiples blessures et même avec l'aide de Lirielle, ce moment était un calvaire.
- Comment tu sais tout ça ? Je...Tu es l’une des “anciennes” ?
- Si on veut oui, c’est un peu plus compliqué que ça…
Dehors un premier rire, trop proche pour que la blonde tout comme la brunette ne frissonnent pas.
- Allez, allez, plus vite !
- Et toi ? - Ça va aller, ne t’en fait pas.
Dans un gémissement, Syllania retomba à genoux de l’autre côté, s’éloignant sans se retourner, glissant à nouveau la gemme dans sa poche pour en masquer l’éclat.
Lirielle quand à elle se retourna pour faire face à la porte, à la mort quasi immédiate qui l’attendait. Pas assez de temps, c’est ce qu’elle craignait. Ce n’est pas quelques secondes de répit qui l’aiderait à accomplir la prophétie...Mais que pouvait-elle faire de mieux ?
Avec un petit sourire sans joie, la jeune femme satisfaite de son idée, qui la terrorisait pourtant, déboutonna lentement les boutons du débardeur beige qu’elle portait, dévoilant..deux atouts indéniables. Il fallait espérer que ceux qui venaient pour Syllania soient aussi portés sur la chose que leur créateur le prétendait au chapitre trois.
C’est qu’un mauvais moment à passer... Lirielle posa des yeux curieux sur les masses de muscles qui entrèrent en explosant porte et chambranle. Le lire était une chose, le voir en vrai en était une autre. Les trois créatures lui semblaient bien plus puissantes encore qu’elle ne se l’était imaginée. Elle planta son regard dans celui de l’orc qui était entré en premier, prenant une pose des plus subjective.
Peu importe ce qu’elle pouvait dire, ça ne changerait rien, seul comptait finalement, ce que son corps communiquait, en espérant qu’ils lui trouvent un certain...intérêt. La blonde se sentit vexée à l’idée que ce ne soit pas le cas et surtout, elle n’avait aucun plan B...