En des temps immémoriaux, les Grands Anciens avaient envahi ce monde, avaient submergé tous les mondes. Une menace cauchemardesque, qui avait ébranlé les fondements mêmes de la Création. Rien n’avait semblé pouvoir arrêter ces adversaires, rien n’avait pu les ébranler. Contre eux, les Anges essuyaient échec après échec, perdant à chaque fois les leurs, tout en voyant, peu à peu, la Création sombrer entre leurs mains. Une immense coalition s’était formée, mais la victoire n’avait été rendue possible qu’en forgeant la Pierre-Monde, un artefact d’une puissance incommensurable, et en l’utilisant pour emprisonner les Grands Anciens. Cette histoire, tu la connaissais, tous les Anges la connaissaient. Scellés et bannis depuis des millions d’années, les Grands Anciens n’avaient jamais disparu, et, à leur manière, ils continuaient à influer sur ce monde, soit par le biais de leurs odieuses pensées, qui venaient corrompre l’esprit des hommes, soit par l’intermédiaire de créatures qu’ils avaient laissé derrière eux.
L’un de ces Grands Anciens, le redoutable Yog-Sothoth (http://img15.deviantart.net/6b13/i/2013/319/b/2/yog_sothoth_rising_by_butttornado-d6ubvy6.jpg), « Le-Tout-En-Un-Et-Un-En-Tout », avait laissé l’une de ses engeances, un monstre redoutable, qui, sans être aussi puissant que son géniteur, disposait du pouvoir d’absorber l’énergie, de manière à pouvoir muer, et devenir une porte qui permettrait à Yog-Sothoth de sortir de sa prison dimensionnelle : la Récolteuse (http://orig15.deviantart.net/0cd6/f/2014/254/1/a/drowning_the_light_album_cover_by_tentaclesandteeth-d7yryip.jpg). Si tu n’avais pas affronté Yog-Sothoth, tu avais affronté ce terrible monstre, un combat que tu avais perdu, non sans blesser la créature, qui avait réussi à s’enfuir, vous laissant exsangue, toi et tes autres camarades.
Et vous aviez traqué la Récolteuse, une fois vos blessures pansées, pour retrouver son cadavre, et découvrir que sa puissance magique lui avait permis d’engendrer des enfants. C’était comme ça que tu l’avais découvert... Vayron. Encore aujourd’hui, tu te rappelles de votre rencontre, toi, l’entêtée, l’éternelle tête brûlée, convaincue de voir en lui un hôte pour le futur Yog-Sothoth. Tu l’avais attaqué très rapidement, avant qu’une femme ne te stoppe. Baélia... Dès que tu l’avais vue, sa beauté t’avait irradiée, te transperçant de mille feux. Une divinité bienveillante, qui s’était battue contre les Grands Anciens, et qui était tombée amoureuse de Vayron. Tu avais regretté ton emportement, Baélia te rappelant ô combien les Anges, si bons, si purs, pouvaient aisément se laisser aveugler par leur propre lumière. Tu avais senti quelque chose de maléfique chez Vayron, mais tu lui avais accordé le bénéfice du doute, et il était même devenu l’un de tes amis, par l’intermédiaire de Baélia.
Pourquoi pensais-tu à lui, pendant que tu affrontais les dragons bleus ? Parce que tu percevais sa présence.
« C’est lui... »
Deux trombes d’eau jaillirent à ta droite et à ta gauche, frappant deux dragons qui avaient bondi en piqué depuis les airs. L’eau les frappa, et les envoya s’écraser dans l’eau, où ils furent engloutis par les flots. Ixchel venait de te rejoindre. Elle aussi, elle avait connu Baélia.
« Je sais... »
Vayron... Un homme qu’il fallait stopper, et qui, à tes yeux, t’en voulait pour la mort de sa femme, t’accusant de ne pas l’avoir aidé à temps. Comme quoi, tu avais beau voyager à la vitesse de la lumière avec tes ailes, même toi, tu pouvais arriver en retard. Vayron avait sombré à la part malsaine qui était en lui, et était devenu le « Destructeur des Mondes », devenant à chaque fois de plus en plus puissant, traquant les assassins de Baélia, ses frères et ses sœurs, mais se moquant bien des victimes innocentes qu’il laissait derrière lui.
Ixchel leva ses mains, et des trombes d’eau terrifiantes jaillirent de la surface, formant ensuite une myriade de tentacules, qui pourfendirent les dragons. Il y en avait beaucoup, et tu te déplaças à ton tour, en réceptionnant un en t’envolant, puis, tout en flottant dans les airs, ta magie se mit à fuser. Tes ailes scintillèrent, la magie crépita autour de toi, puis, depuis tes ailes, des plumes magiques fusèrent, lumineuses, explosant violemment au contact du sol.
« Baélia pensait pouvoir le raisonner, lutter contre son sinistre héritage...
- Cette attaque est un appel, il sait que de tels dragons n’arriveront pas à te détruire.
- Si c’est un piège, alors évite de t’y rendre.
- Je sais... Je devrais prévenir la Milice, mais, si je le fais, il partira. »
Vayron n’avait plus rien à voir avec l’homme que tu avais connu. La mort de sa femme l’avait assombri, et, à chaque fois, il se transformait en ce qu’il avait haï. Tu ne connaissais pas toute l’histoire, bien sûr, mais tu savais que la Récolteuse était très puissante. Ses fils avaient réussi à la tuer, mais il y avait toujours eu, chez Vayron, cette part de noirceur. Il portait en lui l’héritage de sa mère, et, plus il s’abandonnait au mal, en tuant, en massacrant, et en ravageant, et plus il risquait de devenir un Récolteur... Et toi, tu étais là, partagée entre ces souvenirs de cet homme que tu avais connu, influencé par la bonté infinie, et le Destructeur qu’il était devenu.
Tu hésitas donc... Un peu. Puis, alors qu’Ixchel repoussait de nouveaux dragons, tu t’enfonças dans le mur d’eau, à la vitesse d’un boulet de canon, transperçant l’une des anguilles géantes sous ton passage, te rapprochant à vive allure de la faille, où il y avait un Portail. Vayron voulait te voir ? Très bien ! Il allait être servi ! Ton corps fila à travers le Portail, et tu te retrouvas presque instantanément à l’autre bout du cosmos, surplombant une falaise sinistre, avec, au fond, une épaisse jungle tout aussi sauvage.
Une immense géante gazeuse rouge était visible dans le ciel, ainsi qu’une autre planète, un peu plus éloignée, une planète beige avec des anneaux. Ton regard se porta alors sur Vayron, et tu fronças lentement les sourcils.
« Vayron... Quand donc comptes-tu arrêter cette folie ? »
Tu te posas sur le sol, face à lui, aussi vigilante que les dernières fois. Il fut une époque où l’homme aux yeux bleus électriques se tenant en face de toi aurait pu être considéré comme un ami. À cette époque, il était quelqu’un en qui tu pouvais avoir confiance, quelqu’un en qui tu voulais donner des chances de rédemption. Et ta mansuétude avait provoqué la mort de quantité de victimes innocentes. Vayron pouvait-il obtenir l’absolution pour tous ses péchés ? Tu étais plus que sceptique à ce sujet, et c’était à toi d’intervenir. À chaque fois, tes combats contre lui avaient été douloureux. Tu gagnais une fois sur deux, en moyenne, et, lors de votre dernier affrontement, tu l’avais sévèrement blessé, à tel point même que tu avais espéré l’avoir tué. Mais cet homme, comme à son habitude, revenait d’entre les morts, et continuait à sombrer, en acceptant ce néfaste héritage qui était le sien.
Il se rapprocha de toi, te narguant, dans une attitude qui n’avait pas l’air hostile... Mais tu ne te faisais aucune illusion, et, quand il glissa que tes ailes orneraient son trône, avant de faire jaillir une lame bleutée, lesdites ailes se ployèrent en arrière, puis frappèrent brusquement en avant, déclenchant une violente onde de choc qui repoussa Vayron, le décollant du sol. Tes ailes venaient ainsi de générer une puissante bourrasque, et tu te redressas ensuite.
« Je ne souhaite pas ta mort, Vayron, tu vaux mieux que ça... Mais tu ne me laisses malheureusement pas le choix. »
Tu concentras alors ta force, et tes yeux se mirent à briller... Puis, entre tes doigts, des arcs électriques lumineux se mirent à crépiter. La magie vibrait tout le long de ton être, prête à exploser, pendant que ton adversaire, en contrebas, se préparait... Puis tu rejoignis alors tes mains entre elles, formant une sorte de triangle avec tes doigts. L’espace vide entre tes doigts se remplit d’énergie, et un cône d’énergie lumineux en fusa, étincelant et aveuglant.
Une énorme explosion vint pulvériser toute la falaise, provoquant un terrible éboulement, et des grondements tout autant effrayants à entendre, les morceaux de pierre s’effondrant les uns sur les autres pour disparaître dans la mer, de la fumée et de la poussière s’élevant dans les airs.
C’était un premier coup dans leur lutte, et, comme elle avait lieu sur une planète déserte, tu ne voyais aucune raison de ne pas y aller à fond...