Bordant le Royaume des Cieux et en faisant partie, l’Aire Cotonneuse était une très vaste région, flottant dans le ciel du Paradis, une mer nuageuse avec, au-dessus d’elle, d’autres nuages, le tout formant ainsi une longue « bande » où les nuages étaient parfois si condensés qu’on pouvait s’y poser. Dans d’autres zones, les nuages étaient si nombreux qu’ils remplissaient tout l’espace disponible, créant une sorte de longue brume chaude et tendre. Mais l’Aire Cotonneuse, c’était, d’abord et avant tout, un lieu de relaxation et de paix, et aussi l’endroit où les Anges naissaient ou revenaient au monde. Enfin, quand on s’éloignait des cités angéliques, on pouvait voir, le long de l’Aire Cotonneuse, d’innombrables tours. Ces tours reliaient la « surface » et le « plafond » de l’Aire Cotonneuse, et c’était dans ces tours que les Anges venaient au monde.
Cupidon, elle, aimait se promener le long de l’Aire Cotonneuse, où elle flottait allégrement. Même si elle était maintenant un Ange, et officiait en ce sens fréquemment sur Terre et sur Terra, l’Ange du Désir n’avait pas oublié ses racines. Aucun endroit, dans l’Univers, n’était préférable au Paradis. Là, par exemple, elle ressortait d’un forum philosophique situé dans les Champs-Élysées. La philosophie, ce n’était pas spécialement le fort de Cupidon, mais sa mère aimait bien s’y rendre. Psyché, de base, était une Reine, une souveraine qui avait appris la philosophie, et qui aimait bien se rendre aux forums, généralement en tant que spectatrice.
L’Ange volait maintenant dans les airs, sans réel but précis, simplement pour avoir le plaisir de déployer ses ailes, qu’elle devait fréquemment cacher lorsqu’elle se rendait dans les Plans Intermédiaires. Elle s’était séparée de sa longue cape blanche, et avait donc, sur le corps, sa très légère tenue bleue, avec des bandes rosâtres transparentes qui couraient depuis son soutien-gorge afin de recouvrir son ventre et le haut de ses jambes. Cupidon portait aussi sa ceinture dorée, avec une petite culotte bleue, et, alors qu’elle volait dans les airs, son intention fut attirée par… Par quelque chose.
Elle sentait un parfum de sexe, et tourna la tête, en s’arrêtant de voler. Ses ailes remuèrent légèrement dans son dos pour la stabiliser, puis elle s’élança vers l’origine de cette perturbation, et comprit rapidement de qui il s’agissait en voyant une fée, toute nue, allongée sur les nuages.
Yuri… Avec un nom pareil, la Fée Rose ne dissimulait guère ses ambitions. Le sexe avait droit de cité au Paradis, c’est juste que les Anges s’en désintéressaient… Mais il existait toujours des habitants qui l’appréciaient, comme Yuri. Avisant la présence de Cupidon, la Fée Rose l’invita à se joindre à elle, amenant un sourire sur les lèvres de Cupidon… Puis un rosissement de ses délicates joues quand la fée lui balança qu’elle était…
*Coincée ? Des fellations ?!*
En voila des manières !
Que de familiarités dans la bouche de cette insolente fée ! Mais les fées, en réalité, étaient, soit extrêmement timides, soit très provocatrices. Quand elle vivait dans les forêts enchantées, en contrebas, Cupidon avait largement eu l’occasion de s’en assurer.
L’Ange fronça les sourcils en se rapprochant.
« Et bien, en voilà une manière d’accueillir un Ange, Yuri… Je me promenais, voilà tout. Et toi, à part insulter des Anges, tu fais quoi de ton temps ? »
Le sexe était un domaine délicat, surtout pour les Anges. Cupidon ne fut pas particulièrement gênée en voyant le corps nu de Yuri, car elle venait d’un monde où la nudité n’était pas, en soi, choquante. Il était fréquent que les Anges soient, si ce n’est nus, très légèrement vêtus. Personne ne s’en émouvait au Royaume des Anges, car le péché originel n’existait pas. Le sexe n’était pas inconnu des Anges, juste… Inutilisé. Les Anges ne se reproduisaient pas comme les humains, et ils ne faisaient donc presque jamais l’amour. Quant à Cupidon, elle était à mi-chemin, sur la frontière étroite entre « désir » et « luxure », car il ne fallait pas oublier que la Luxure était un péché capital. C’était aussi à ce titre que l’une de ses responsabilités, pour l’heure très difficile à faire, était de s’assurer que tous les cultes divins liés au sexe n’aient pas sombré dans des penchants mauvais, moralement répréhensibles par les Cieux. Être l’Ange du Désir n’était pas une mince affaire. Son père était bien placé pour le savoir. L’amour était trop souvent confondu avec le sexe, alors que, si les deux notions étaient proches, elles étaient aussi différentes.
Yuri dansait autour de Cupidon, jusqu’à la déshabiller, et palper ses seins, faisant doucement soupirer l’Ange, qui se mordilla les lèvres, les joues toutes rouges.
« Hmmmm… »
Cupidon soupira lentement, clignant des yeux sans rien dire. Elle avait demandé à son père des conseils, car, à plusieurs reprises, elle avait fait l’amour avec des femmes qui étaient déjà amoureuses, comme Mélonye Harubaal, une courtisane de Papua, éprouvant un amour fort pour sa Princesse. Elle avait donc demandé à son père si elle n’était pas en train de s’éloigner de sa sainte mission, ce qui avait doucement amené ce dernier. Cupidon-le-Père lui avait dit qu’elle n’était pas une succube, car ses motivations étaient différentes. Une succube était invoquée par les hommes mais ne venait pas pour leur faire plaisir, mais pour les piéger, afin de prendre leurs âmes. Cupidon était différente, et Yuri l’était tout aussi.
La réalité, c’était que le sexe était encore une grande inconnue chez les Anges, et que ces derniers, voyant combien le sexe pouvait influencer les hommes et les charmer, en avaient forcément une mauvaise impression. Mais, si les Anges pouvaient maîtriser leurs besoins les plus primaires, ce n’était pas le cas des humains, qui avaient besoin de manger, de dormir, de se couvrir pour se protéger du froid. Cela, on s’en rendait compte en vivant avec eux. Ainsi, Cupidon n’avait donc pas à se sentir coupable de faire l’amour. C’était, du moins, la conclusion à laquelle elle arrivait… Même si elle ne pouvait pas s’empêcher de se sentir un peu gênée, ce qui faisait rougir ses joues.
Yuri, elle, n’avait pas ce genre de soucis, et ses mains pétrissaient généreusement ses seins, les faisant soupirer. Oui, oui, Yuri était aussi belle que douée. La fée mordilla même l’une de ses oreilles, et les tétons de Cupidon avaient gagné en dureté, devenant aussi plus douloureux.
« Ah… Ah bon ? »
Donné du sien… C’était une douce manière de lui dire qu’elle lui avait sauté dessus. Cupidon se retourna vers Yuri, tout en se rappelant ce que son père lui avait dit :
« Les humains ont un rapport maladif avec le sexe, avait-il expliqué. À l’Antiquité, les choses étaient plus simples. Maintenant, l’essor de la morale religieuse en matière sexuelle fait que, pour beaucoup, le simple fait d’avoir une pensée sexuelle est une forme de luxure. Ce que tu dois comprendre, ma fille, c’est que tout cela est idiot. Le sexe est un bonheur naturel. Comme tous les autres cadeaux donnés par les Dieux, le sexe ne devient néfaste que quand il est utilisé à des fins néfastes. »
Or, qu’y avait-il de néfaste ici ? Cupidon se pinça les lèvres. Yuri était vraiment très belle. Une pure beauté. Pourquoi les Dieux auraient fait des êtres si beaux, si c’était pour dire que le sexe était mauvais ?
*Tu es jeune, Cupidon, se disait-elle. C’est à toi qu’il appartient de faire évoluer les mentalités chez tes frères et tes sœurs angéliques.*
Confuse, elle sourit alors à Yuri, et caressa l’une de ses joues, avant d’aller l’embrasser, serrant sa main contre ses cheveux, et glissant l’autre vers le bas de son dos.
« Oui, Yuri… Allons nous baigner ensemble… Mais, tu sais, tu peux me tutoyer, surtout maintenant que nous sommes proches ! »