« Tu vas me tuer, Alastar...
- Vraiment ? C’est vous qui en redemandez tout le temps, Comtesse... »
La femme soupira pour seule réponse, avant de tendre sa main vers sa table de chevet, saisissant une coupe de vin, dans laquelle elle trempa ses lèvres. Ils étaient dans un immense lit, et Alastar s’était débrouillé pour faire partir du lit les odeurs du mari de Célina (http://img110.xooimage.com/files/e/a/8/celina_blue_eyed-4a31497.jpg). Cette belle femme à la longue chevelure blonde, à peine âgée d’une vingtaine d’années, avait été mariée de force au seigneur local, un individu qui était plus vieux que son père, et deux fois plus gros que lui. Un homme avec un fort embonpoint. Célina avait été mariée à lui dans le but d’une sordide alliance politique, et sa frustration sexuelle était terrible. À sa charge, son père avait décidé de la marier à ce vieux seigneur à cause du caractère très volage de sa belle fille, qui s’amusait à coucher avec ses serfs et ses gardes, un comportement guère acceptable dans une région aussi pieuse des Contrées du Chaos.
Célina était en ce moment dans le manoir local, maîtresse à bord. Son mari, en effet, avait été convoqué par le duc local, qui avait convoqué tous ses vassaux, convoquant le ban, afin de participer à une campagne militaire contre un autre duc. La femme était restée à bord, et Alastar, grande âme chevaleresque, avait senti son appel, et s’était rendu vers sa ville : Gastmere. Célina, en effet, peinait à multiplier ses amants, car son mari, jaloux et possessif, n’hésitait pas à torturer cruellement ceux qui étaient surpris au lit de sa femme, d’où une certaine réticence des villageois à coucher avec elle. Fort heureusement, Alastar se moquait fort peu de ces gueux, et, depuis maintenant une semaine, il errait dans la région, et couchait chaque soir avec Célina... Si ce n’est plus. La pauvre avait effectivement les ovaires en feu, et énormément d’années de frustration sexuelle à rattraper. Alastar lui avait même offert un bébé, parvenant à faire, en une semaine, ce que son bon-à-rien de mari avait été incapable de faire en des années. Il n’avait jamais réussi à faire jouir la femme, ce qui faisait qu’il se demandait si elle n’était pas frigide... Maintenant, le Diablotin avait sa réponse, et il caressait machinalement le ventre de Célina, tandis qu’elle était couchée sur le dos, au milieu de ses oreillers.
« J’en avais presque oublié à quel point un orgasme était bon... Alastar, tu es un horrible démon... Me faire goûter à tout ce bonheur... Comment vais-je faire, quand tu partiras ?
- Tu peux toujours te suicider pour me rejoindre dans mon clan... Je ferais de toi une merveilleuse pute... »
Alastar ne plaisantait qu’à moitié, et il se pencha vers la femme, l’embrassant sur les lèvres. Gastmere était une petite ville médiévale dans la campagne, qui tenait sa principale fortune de l’extraction de pierre dans des carrières à proximité. Les pierres étaient vendues au duc pour entretenir sa forteresse, et Gastmere disposait aussi de multiples fermes et autres exploitations agricoles. C’était un endroit charmant, avec des paysannes qui en connaissaient quasiment rien du sexe, et des villageois pensant encore que leurs enfants naissaient dans les choux.
Le Diablotin se faisait plaisir à Gastmere, où il y allait pour prendre des vacances, et il était encore loin de ses surprises.
Aujourd’hui encore, une nouvelle surprise l’attendait...
Les doigts de Célina caressaient rêveusement son ventre après sa prière.. Enceinte... La jeune femme savait qu’elle portait dans son ventre l’enfant d’Alastar. Gastmere était une petite ville de campagne, soit une ville où l’Ordre Immaculé avait une certaine influence. Si les villageois apprenaient qu’un Incube se trouvait dans les quartiers de leur comtesse, cette dernière serait probablement chassée, et poursuivie pour hérésie, avec le bûcher à la clef. Pour autant, aujourd’hui, quand elle termina sa prière, c’était bien pour remercier le Seigneur de lui avoir permis de rencontrer ce démon. On disait les démons traîtres et manipulateurs, fourbes et piégeurs, mais, tout ce qu’Alastar voulait, c’était que cette femme trompe son mari. Il lui avait expliqué que, contrairement aux succubes, les Incubes étaient généralement moins exigeants. Célina savait que coucher avec un Incube était mal, mais... Et bien, pour commencer, elle n’avait jamais aimé son mari. Aurait-elle été un peu plus débrouillarde qu’elle l’aurait fait empoisonner depuis longtemps. À défaut, elle avait réussi à invoquer un Incube, et, depuis lors, de temps en temps, ce dernier revenait la voir. Quand il était là, Célina faisait preuve d’une clémence exceptionnelle, à tel point que, parmi la populace, on supposait qu’elle profitait du départ de son mari pour voir, en toute discrétion, un amant. Les murs avaient des oreilles à Gastmere, et, même si le mari de Célina n’était pas là, il laissait derrière lui ses espions. Fort heureusement, la magie rose d’Alastar était terriblement efficace, permettant notamment d’insonoriser les murs de sa chambre à coucher, permettant ainsi à Célina d’hurler à s’en péter les cordes vocales, sans que jamais quiconque ne puisse l’entendre.
Elle sortit de l’église de Gastmere, avec, sous sa robe de noble, lourde et ample, une ceinture de chasteté. Un ultime cadeau de ce maudit Incube joueur, afin qu’elle ne puisse pas se toucher, et qu’elle soit toute impatiente le soir, quand il reviendrait la prendre. L’après-midi approchait, et, comme toujours, Célina allait devoir rendre justice. Hier, les gardes avaient mis fin à une altercation opposant un ivrogne de Gastmere, le magicien Eustache, à des forbans. La particularité de cette agression était qu’une Terranide avait été capturée par les gardes, qui, dans la précipitation, l’avait mis en prison, le bailli l’accusant d’avoir poignardé Eustache. Tout était connu à Gastmere. Célina savait qu’Eustache était le mage local, un incompétent de la pire espèce, car alcoolique. Sans ça, il était un mage talentueux, mais, avec la boisson, il multipliait les erreurs, et son affaire était lentement en train de péricliter. Malheureusement pour lui, Eustache était aussi un joueur, et il avait perdu gros au tripot local. Il n’était pas mort, mais toujours dans l’infirmerie locale, qui se trouvait dans l’église, et était tenue par des bonnes sœurs.
« Le bailli ne voudra pas lâcher l’affaire. Cette Terranide est d’une grande beauté, il veut une condamnation pour qu’elle soit vendue. »
Nicolas, le nom du bailli, était un homme avare et pingre. Il voulait se retrouver ailleurs que dans la petite ville de Gastmere, et Célina savait que cet homme ne l’aimait pas... Il était son beau-frère, après tout, et elle s’était souvent demandée s’il n’était pas jaloux de ne pas avoir Célina dans son lit. Là où son mari était gros et laid, Nicolas était petit et trapu, avec de longs ongles pointus et un nez crochu. C’était à croire que la laideur était le trait héréditaire des seigneurs de Gastmere... Auquel cas, Célina aurait bien des soucis, car elle était convaincue que l’enfant du Diablotin serait beau. Alastar lui avait assuré que son bébé n’aurait aucun trait démoniaque visible... Mais qu’il hériterait peut-être de l’appétit sexuel dévorant de ses parents. Tout ce que Célina devait faire, c’était coucher avec son gros porc de mari dès qu’il reviendrait, afin de faire passer cet enfant pour le sien.
L’homme qui s’adressait à elle était l’un de ses conseillers, Matthias. Sur lui, Célina n’avait pas grand-chose à dire. C’était l’un des espions de son mari, une petite fouine, qui savait tout ce qui se tramait dans le village.
« Mon conseil est de rapidement mettre un terme à ce procès. Condamnez la Terranide à la servitude, laissez le bailli la vendre, et il en versa un bon tribut.
- Je ne m’inclinerais pas devant cette face de hareng, tenez-le vous pour dit. »
Matthias n’ajouta rien, fronçant les sourcils. Célina lui emboîta le pas, et rejoignit la salle de justice, qui se tenait dans le manoir local. Une petite foule s’était accumulée à l’intérieur. Les gardes n’avaient que cette Terranide, mais tous savaient que le véritable coupable était Jacques « Le Grizzly » (http://img110.xooimage.com/files/c/6/6/screen-shot-03-06...04.48-pm-4a3a881.jpg). Cet homme était le bandit local, disposant d’un camp dans la forêt, et Célina savait qu’il était en affaires avec Nicolas, lui assurant une relative forme d’immunité. Cependant, aujourd’hui, Célina avait passé la nuit à se faire déchirer dans tous les sens par un Incube, et elle se sentait plus que jamais d’attaque à s’imposer face à son beau-frère.
Quand elle entra, les villageois se turent, et s’assirent, elle-même venant se poser, accompagnée de ses deux assesseurs : Matthias, et le prêtre local, Arthur. Il portait une bure avec une croix, et Célina annonça la séance.
« Huissier ! L’ordre du jour ! »
L’huissier acquiesça, et sortit un parchemin, puis énuméra toutes les affaires qui devaient requérir l’attention du tribunal aujourd’hui.
« Ci-devant nous l’affaire opposant Messieurs Guethenoc et Roparzh, deux agriculteurs en opposition suite à la mort de l’une des vaches de Monsieur Guethenoc, retrouvé dans la prairie de Monsieur Roparzh... »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les affaires de la campagne n’étaient jamais particulièrement folichonnes. Une autre affaire pendant devant le tribunal concernait la reconnaissance d’un droit de servitude, là encore, entre deux fermiers, tournant autour de la parcelle d’un des deux. Concrètement, un fermier invoquait un droit de passage sur la propriété de son voisin, afin d’amener ses bêtes au marché, mais l’autre déniait ce droit, en indiquant que son voisin empiétait sur son terrain. Au cours du procès, un droit de servitude avait jailli sur le tapis, mais il avait fallu obtenir copie de l’acte notarié régissant le sort de la propriété invoquée. Cet acte était enfin arrivé, d’où une convocation des parties.
Après avoir annoncé l’ordre du jour, Célina hocha lentement la tête. Si elle s’occupait des poules, des vaches, et des droits de servitude des villageois, elle risquait très rapidement de songer à Alastar... Elle opta donc d’entrée pour le meilleur.
« Nous allons commencer par le cas de la Terranide. »
L’huissier acquiesça, et, quelques instants plus tard, une porte s’ouvrit. Des gardes arrivèrent, amenant la prisonnière, avec un bâillon sur la bouche, des chaînes autour des poignets et des chevilles.
« La prisonnière, Madame !
- Nous avons été obligés de la bâillonner... Elle voulait nous mordre ! »
Les villageois s’agitèrent un peu, et Célina grogna.
« Silence ! Gardes ! Ôtez-lui son bâillon. Comment voulez-vous que l’accusée nous réponde si elle ne peut même pas parler ?! »
Le garde hocha lentement la tête, puis entreprit de retirer l’objet bloquant les lèvres de la femme.
« Tiens-toi tranquille, petite dinde » siffla-t-il silencieusement entre ses dents.
« GARDE ! tonna Célina. La prochaine fois que vous porterez la main sur l’accusé sans l’autorisation du Tribunal, je m’assurerai personnellement de vous assigner à la surveillance du tas de purin dans les écuries ! »
L’excès de zèle du garde fit blêmir ce dernier, et attira quelques rires de la part des villageois de Gastmere. Jacques, le nom du garde, était connu pour être un homme très strict et très autoritaire. Il fessait volontiers ses enfants, et avait du mal à se retenir face à des accusés, a fortiori des Terranides, qu’il voyait comme des vauriens en puissance. Ce dernier hocha lentement la tête, et s’écarta. Célina le fusillait du regard. Malgré son jeune âge, la Comtesse avait un tempérament de feu, sentiment exacerbé par la présence du plug anal dans ses fesses. Jacques battit donc en arrière, et Célina s’éclaircit la gorge, puis s’adressa ensuite à la Terranide, afin de préciser quelques points.
« Vous n’êtes pas encore coupable, jeune femme, simplement accusée. Vous avez été trouvée sur la scène du crime, en compagnie de la victime, et, du fait de votre origine inconnue, le Ministère public a estimé qu’il fallait vous placer en détention provisoire, le temps d’un procès. Soyez heureuse, dans des juridictions plus chargées, vous auriez passé des mois en détention provisoire. »
Les joies du système judiciaire. La détention provisoire était un mécanisme qui permettait de s’assurer de la bonne marche de la justice, et qui consistait à placer un prévenu en détention le temps que son procès ait lieu, pour différents motifs bien spécifiques : si on craignait que ce dernier ne s’enfuie, ou n’influence des témoins en faisant pression sur eux... Dans tous les cas de figure, Kahera était effectivement chanceuse que le procès se tienne si rapidement... Ce qui, en un sens, était presque comique.
« Bref... Nous allons commencer par un petit récapitulatif des faits. Nous vous donnerons ensuite la parole, Madame. Nous sommes donc réunies ici pour statuer sur le meurtre de feu Eustache Lombaire, qui, pendant plusieurs années, a été le magicien attitré de Gastmere. À ce titre, il était assez connu de la municipalité, a été retrouvé mort hier, vraisemblablement des suites d’une flèche qui s’est logée dans ses omoplates. Sur les lieux du crime, les forces de police ont trouvé une Terranide, qui leur a semblé être la principale suspecte. »
En regardant le visage des villageois, il était difficile de trouver de la compassion pour Eustache. Tout le monde savait qu’il était un poivrot qui avait depuis longtemps perdu leurs faveurs. Il était aussi magicien que l’était un charlatan venant dans sa carriole pour vous vendre des produits d’amour. Sa mort ne choquait personne, et, en fait, ce qui surprenait surtout les autochtones, c’était qu’Eustache ait pu survivre si longtemps avant d’être finalement tué.
Célina laissa planer quelques secondes, puis s’adressa à la Terranide.
« Bien ! Cet interlude fait, le Tribunal souhaiterait vous poser quelques questions, Madame. Pour commencer... Pourriez-vous nous décliner votre identité, ce qui vous a amené à Gastmere, et dans quelles circonstances vous avez rencontré la victime ? »
Dans la foule, il y avait un homme qui regardait avec intérêt la Terranide, et qui retenait un sourire. Cet homme avait beau paraître anodin, il avait pris la forme du boulanger du coin, Jean... Le brave Jean avait eu une subite crise d’insomnie chez lui, naturellement encouragée par le Diablotin, et il avait pris son apparence, afin de voir cette belle créature... Et, plus elle voyait cette magnifique Terranide, et plus il était convaincu d’une chose... Il la voulait dans son lit. Diable, il n’allait tout de même pas laisser cet acariâtre Procureur emmener cette belle créature au loin ! Oh que non, sûrement pas !