Ceux qui pensaient que les fonds océaniques n’avaient rien de beau à révéler se trompaient lourdement, et il fallait s’approcher d’Arcnos pour le voir. Le royaume d’Arcnos était magnifique, et Amphitrite, en s’avançant, ne pouvait que le réaliser. Elle avait également vu des choses magnifiques sur Terra, mais il fallait bien reconnaître que les terres d’Arcnos étaient superbes. Il faudrait aux sirènes plusieurs jours pour rejoindre le cœur du royaume océanique. En chemin, Amphitrite revit ces superbes paysages (http://smashinghub.com/wp-content/uploads/2012/06/underwater-paintings-4.jpg), ces sources lumineuses émanant de profonds cristaux magiques se reflétant sur les parois. Ils étaient la force des sirènes d’Arcnos. Tandis que les sirènes s’avançaient, elles pouvaient voir que les animaux fuyaient également : dauphins, poissons, méduses... Tous sentaient la venue des créatures sinistres des profondeurs, leur lente marche vers Arcnos. Le royaume était ravagé, et, parfois, leur ligne croisait d’autres sirènes, les amenant à se disperser, certaines sirènes partant soutenir les autres. Amphitrite était en tête, et s’avançait, retrouvant sans réelle difficulté les paysages de son enfance.
« Ça te manquait, hein ? » lui demanda Nirim.
Amphitrite répondit par un léger sourire. Comme toujours, Nirim la connaissait bien. La sirène regarda lentement autour d’elle. Là, il y avait une arche en pierre, sur sa gauche, en contrebas. Elle et Nirim avaient fait l’amour ici il y a quelques ans. Dans sa tête, les souvenirs étaient encore frais, et, vu le regard que Nirim lui faisait, Amphitrite se doutait que cette dernière devait également se rappeler de ce moment... Tout ça semblait bien loin, maintenant. La guerre n’était pas encore là, et les sirènes vivaient encore dans l’insouciance, en se défiant d’aller séduire les marins en hauteur, pour goûter aux hommes. Dans le monde de l’eau, les ondins étaient très rares. Ils étaient tout simplement l’équivalent masculin des sirènes, mais, pour d’obscures raisons, il y en avait très peu. Ce faisant, les mâles de la surface étaient souvent très appréciés des sirènes.
« Comment les choses ont-elles pu dégénérer à ce point, Nirim ? s’enquit Amphitrite.
- Les assauts de Zora se sont intensifiés, aussi bien à la surface que dans la mer. Elle s’est associée avec un puissant pirate, qui dirige toute une flotte de pirates, et elle s’en est servie pour mettre à feu et à sang la surface. Les Sahuagins que tu as vu, ainsi que les krakens, soutiennent ces attaques, brisant les flottes des humains, et leurs navires pillent et saccagent les villes et les îles.
- C’est affreux...
- Bien des habitants de la surface sont ensuite capturés par les Sahuagins, poursuivit Nirim dans ses explications. Ils descendent le long de grottes et de falaises aquatiques pour s’enfoncer dans les profondeurs du sol. J’ignore ce qu’ils leur font subir, mais, depuis que ces rapts multiples ont lieu, nos ennemis ne cessent de nous attaquer. Nous ne pourrons pas tenir éternellement. Vois comme ces plaines se sont vidées... »
Amphitrite le voyait. La Nature aquatique avait peur. Les sirènes avaient toujours protégé les éléments, même avant que Poséidon ne vienne instaurer son autorité sur elles. Avant l’avènement des Olympiens, elles étaient déjà là. Si les animaux s’enfuyaient, c’est qu’ils sentaient que les sirènes étaient en train d’échouer, que l’harmonie et l’équilibre se brisaient. La route des sirènes se poursuivit donc, jusqu’à se rapprocher d’Arcnos. C’est à ce moment qu’Amphitrite remarqua que la mystérieuse néréide était avec elles. Elle se retourna soudainement... Oui, c’était bien elle !
*Je ne l’avais même pas vu...*
Il fallait dire que leur convoi avait comporté quelques centaines d’âmes, même s’il avait bien réduit. On expliqua à Amphitrite qu’elle s’appelait Ruby, et cette dernière se rapprocha d’elle, lui souriant.
« Bonjour, Ruby. Je suis heureuse de te voir en vie. Ne t’inquiète pas, tu seras en sécurité à Arcnos. L’entrée de la capitale est juste derrière cette falaise. »
Une Néréide... Amphitrite était curieuse d’en savoir plus sur elle, mais elle voulait aussi en finir avec ce long voyage. Elle prit délicatement la main de Ruby, et les deux femmes nagèrent ensemble, contournant la falaise. Arcnos se trouvait entre deux épaisses montagnes aquatiques... Ou, plutôt, sa porte d’entrée. C’était un spectacle magnifique, de toute beauté, car les sirènes n’étaient pas les seules à vouloir entrer. Comme si Arcnos était devenue l’arche de Noé des fonds souterrains, quantité d’animaux s’y ruaient continuellement, filant par une grande porte lumineuse :
(http://nsa34.casimages.com/img/2014/06/07/mini_140607073805230410.jpg) (http://nsa34.casimages.com/img/2014/06/07/140607073805230410.jpg)
Amphitrite sourit à l’intéressée.
« Bienvenue à Arcnos, Ruby ! Je m’appelle Amphitrite, au fait... Je suis la fille adoptive de la Reine d’Arcnos, Moïra... Ce qui fait donc techniquement de moi une Princesse. »
Elle ignorait cependant si la néréide avait déjà entendu parler d’Arcnos... Tout comme elle ignorait comment les Sahuagin avaient bien pu faire pour la capturer, mais quelque chose lui disait que ce devait sans doute être lié à ces attaques menées à la surface, que Nirim lui avait décrite. La situation était catastrophique.
Il était grand temps qu’Amphitrite fasse quelque chose pour sa patrie.
En apprenant qu’elle avait face à elle une femme de lignée royale, le comportement de Ruby changea. Elle était déjà émue qu’on vienne la sauver, mais savoir que, en plus, la femme se tenait devant elle était une princesse fut un peu trop pour Ruby. Au grand dam d’Amphitrite, qui ne dit toutefois rien, elle se recouvrit avec sa cape, adoptant alors un ton très révérencieux, très protocolaire, un ton qui trahissait le fait que cette néréide avait du côtoyer ceux de la surface. La Porte d’Arcnos se dressait devant elle, et elle méritait son surnom de merveille d’Arcnos. Cette porte était magnifique, un véritable joyau époustouflant et resplendissant. Les fonds marins étaient très riches, abritant une faune incalculable et inestimable. Un vaste trésor écologique. Ce n’avait rien de surprenant. À l’origine, toute vie était aquatique. C’était pour ça qu’il fallait protéger les océans des Grands Anciens, qu’il fallait les protéger de ces monstres voulant annihiler la diversité écologique, et transformer les eaux en une immense tyrannie sanglante. On ne pouvait pas les laisser continuer ainsi, Amphitrite le savait mieux que personne. Autant que faire se peut, elle lutterait contre ces monstres, contre l’influence grandissante des Grands Anciens.
Troublée, Ruby avait baissé la tête, et ce fut Amphitrite, pour le coup, qui se sentit également gênée. Elle ne voulait pas mettre mal à l’aise son invitée comme ça.
« Je ne pense pas pouvoir vous être utile durant cette bataille mais si je peux vous rendre un service quel qu'il soit j'en serais ravie. »
Un service... Amphitrite sourit, et tendit sa main sur son menton, relevant doucement le visage de la belle néréide. Elle lui sourit ensuite, un sourire qui se voulait gentil et doux.
« Les sirènes ne sont pas aussi strictes que les habitants de la surface, Ruby... Surtout ici. J’aimerais que tu m’accompagnes, si tu le souhaites, mais tu n’as pas à me vouvoyer. Je réfère qu’on voit en moi Amphitrite avant de voir la fille de la Reine Moïra. »
Il y avait des princesses pédantes, bien entendu, comme Zora, mais, de manière générale, les sirènes étaient très abordables. Ne chantaient-elles pas pour guider les marins égarés ? La plupart d’entre elles avaient toujours été les amies de l’humanité, mais gare à ceux qui les traquaient, car les sirènes savaient répondre, et pouvaient se révéler aussi douces que cruelles. Ruby n’avait cependant rien à craindre, mais il était dommage qu’elle ait choisi de recouvrir son corps avec sa cape. Prenant sur elle, Amphitrite découvrit à nouveau son corps, tirant sur les pans de sa cape, révélant ses seins lourds, recouverts par un soutien-gorge vert.
« La Nature nous a faites belles pour que nous puissions exhiber cette beauté, Ruby, pas la cacher derrière nos apparats. Viens, maintenant, j’ai hâte de te montrer la capitale. »
Ce qu’elles voyaient n’était que la porte d’entrée. La tenant toujours par la main, Amphitrite s’avança, et fila par la Porte, s’enfonçant dans un couloir lumineux, fait en pierre, qui les amena ensuite devant la capitale, qui s’enfonçait dans un plateau, sous la Porte, s’étalant à des kilomètres à la ronde.
« Voici Arcnos, Ruby ! Le cœur de la mer ! »
L’impressionnante capitale se découpait sous leurs yeux ébahis :
(http://smashinghub.com/wp-content/uploads/2012/06/underwater-paintings-13.jpg)
C’était clairement une vaste cité, immense, avec une multitude de bâtiments. Au centre, on pouvait voir le Temple de Poséidon, plus grande que les autres bâtiments. Arcnos était construite sur des falaises donnant des abysses profondes d’où, parfois, d’immenses bancs de méduses et de cnidaires s’envolaient, formant un spectacle lumineux de toute beauté. La surface formait comme un ciel mouvant, en hauteur, semblant impossible à atteindre. Amphitrite s’avança, filant entre les allées.
Les maisons et les immeubles n’avaient pas de portes, simplement des ouvertures par lesquelles les sirènes sortaient. Il n’y avait pas vraiment de vie privée dans Arcnos, et les bâtiments n’étaient donc pas des lieux d’habitation, mais plus des lieux communs, où on stockait de la nourriture, des livres aquatiques, ou des édifices religieux. Les rares humains vivant à Arcnos étaient des prêtres, qui se tenaient dans la Tour de Poséidon, et bénéficiant d’algues spéciales leur permettant de respirer dans l’eau en se dotant de branchies. Amphitrite aurait bien pu faire à Ruby une visite guidée, mais, avant cela, elle comptait lui montrer autre chose. Elles se rapprochèrent de falaises, à l’extrémité d’Arcnos.
« Voilà, Ruby... Je te présente le palais d’Arcnos ! »
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C’était évidemment dans ce palais que logeait la Reine Moïra.
« Tu es prête à rencontrer ma mère ? N’hésite pas à la tutoyer... Et ne te recouvre pas avec ta cape. Ne t’en fais pas, elle ne te mangera pas. »
Face à la nervosité de Rubyn Amphitrite lui sourit à nouveau doucement, et caressa l’une de ses joues, avant de l’embrasser sur le coin des lèvres.
« Quoique, te voir rougir te rend assez mignonne... »
Un sourire espiègle traversa alors les lèvres d’Amphitrite.
La sirène était moins sage que ce qu’on pouvait croire.