Le Grand Jeu

Plan de Terra => Ville-Etat de Nexus => Le palais d'ivoire => Discussion démarrée par: Serenos I Aeslingr le mardi 25 mars 2014, 02:18:12

Titre: Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 25 mars 2014, 02:18:12
[Une semaine pour en venir là, j'espère que c'est aussi bon que le temps que j'y ai passé ><]

Il faisait nuit noire sur les îles Melisi, car en raison de la nouvelle lune, il n’y avait presque aucune source de lumière autre que les chandelles dans les couloirs. Les serviteurs se promenaient régulièrement pour récupérer la cire et changer les chandelles, mais il ne s’inquiétait pas outre mesure de leur présence. L’homme en capuchon glissa un pendentif dans les mains de la magicienne. Celle-ci ne devait probablement pas comprendre pourquoi il lui confiait un objet d’une telle importance.

« C’est pour la petite, lui dit-il à voix basse. Je ne serai probablement pas dans les environs avant qu’elle n’ait grandi.
-  Tu vas lui manquer…
-  Ne t’inquiète pas. À cet âge, elle ne se souviendra pas de mon visage ni de mon nom.
-  Quand reviendras-tu?
-  Je ne sais pas. Quand les circonstances nous réunirons, certainement.
-  Tu es sûr que tu ne regretteras pas?
-  Si. Mais grâce à toi, j’ai pu la voir une semaine… Je suis satisfait. »

Les deux cachottiers se regardèrent un long moment puis l’homme à capuche recula un instant avant de lui ouvrir les bras. La magicienne se jeta à son cou alors qu’il l’enlaçait à la taille avec force. Dans son élan, la magicienne fit tomber la capuche de l’étranger, dévoilant les traits d’un jeune homme aux traits tirés par le manque de sommeil, avec des cernes sous ses beaux yeux bleus. Il ferma un instant ceux-ci en serrant la magicienne contre lui, lui caressant affectueusement les cheveux, avant de mettre fin à cette étreinte. L’homme lui adressa un sourire tendre.

« Tu as fait tant pour moi, Jamiël. Avec toi pour prendre soin de l’héritière de Liam, je pars l’esprit tranquille et le cœur léger.
-  Tu mens mal, Serenos. Ma Dame avait raison; pour peu que tu mentes à un ami, tu détournes les yeux. Mais je te remercie de l’effort. »

Le Roi n’eut pas à forcer pour sourire; un sourire de regret, certainement, mais un sourire tout de même.

« Que ferais-je du pendentif?
-  Il est à elle, maintenant.
-  Comment l’ouvrira-t-elle?
-  Elle trouvera bien comment un jour. »

Sur ces mots, le Roi se mit en route, disparaissant dans l’ombre de la nuit, laissant derrière lui la jeune Jamiël, avec dans les mains un bijou d’argent et d’or sur lequel figurait le Sombrechant et le Lion. Elle l’examina un moment, cherchant comment il était possible d’ouvrir l’objet, mais elle se heurta simplement à une forte résistance de la part de celui-ci. Elle étira un sourire bref et disparut à son tour derrière la porte de sa nouvelle demeure.

***

Nexus. La belle Nexus. La cité d’Or et d’Ivoire. Revoir les rues distinguées de cet endroit donnait une vague impression de retour chez soi au Roi de Meisa. Les rues bondées, les enfants qui couraient en hurlant dans toutes les directions, les marchands qui tentaient de se faire entendre au-dessus de tout ce bazar, et les trucs de magie qui relevaient davantage d’un talent de coordination et de poudre aux yeux qu’à un véritable don surnaturel, tout cela lui rappelait encore l’époque bénie où ses amis étaient encore confortablement installés sur le trône. L’arrivée d’une troupe militaire avait rendu les citoyens très anxieux, mais beaucoup se détendirent lorsqu’ils virent entrer en ville une troupe de soldats en tenue civile et sans leurs armes. Avec le Roi en tête, la procession passa lentement dans les rues, se dirigeant lentement mais inexorablement vers le palais d’ivoire. Au passage de l’homme et de son armée, les citoyens s’écartaient de leur chemin. Visiblement, ils comprenaient que ces hommes étaient là pour une raison, mais il y avait une angoisse générale par rapport à l’arrivée d’une troupe de Meisa dans leur cité. Le Roi pourtant souriait. Il ne saisissait pas lui-même sa propre joie, et se doutait qu’elle lui provenait de ce sentiment de revenir d’un long exil. Partout, il voyait la grande cité, presque comme il l’avait laissée.

La preuve néanmoins que la corruption était de retour  se montra à lui lorsqu’il atteint la place du marché. Partout, il y avait de grandes estrades où de « fiers » marchands d’esclave exhibaient de jeunes femmes et de jeunes hommes dans le but de les vendre. Et pas seulement des adultes; il voyait encore de jeunes enfants, à peine en âge de raisonner d’eux-mêmes, être placé devant tous ces inconnus, vêtus d’un morceau de chiffon recousu à toute vitesse. Le Roi serra des dents et se tourna vers les Meisaennes avant de leur murmurer des directives. Les jeunes femmes hochèrent de la tête et se dispersèrent dans la foule en direction des marchands. Serenos ne pouvait pas lui-même se mêler des affaires de Nexus tant que son autorité à la Cour Royale ne lui serait pas restitué et qu’il puisse agir en toute légalité, ce qui ne l’empêchait pas, cependant, d’envoyer de jeunes demoiselles acheter à prix fort une bonne partie des esclaves. De l’argent? Non. Le Roi ne paierait pas un sou pour ces gens. À la place, il s’agissait d’une fausse monnaie qui aurait tôt fait de disparaître au moment des comptes. Le Roi n’avait aucun scrupule à ruiner des gens qui satisfaisaient leur avarice sur le dos des faibles, bien qu’il ne douta pas un instant que certains d’entre eux étaient probablement des criminels, mais comme un voleur subissait une peine d’emprisonnement et un meurtrier la peine capitale, ces criminels n’avaient que fait la bêtise de causer du tort au mauvais genre de personne.

L’esclavage en Nexus était un acte abominable aux yeux du Roi. Après tous les efforts qu’il avait mis avec le Roi de Nexus et sa femme, il avait tant espéré que cette résurgence ne se produise jamais. Malheureusement, les vieilles habitudes ont la vie dure, et pour cette raison, il n’y avait que dans les quartiers aisés qu’il était possible d’être protégé des esclavagistes. Depuis des années, Serenos et les Meisaens attaquaient incognito les convois d’esclaves provenant des villages mis à sac par des brigands et des marchands d’esclave moins scrupuleux, parfois même ceux qui sont renvoyés à Nexus par des régiments militaires victorieux dans quelque campagne, ne réclamant aucun de leurs attentats et les faisant passer pour des opérations clandestines d’un mouvement anti-esclavagisme quelconque, sans nom. Mais malgré ses efforts pour décourager l’esclavagisme, celui-ci était à son apogée, à un point tel qu’il ne restait maintenant plus que quelques citoyens parvenant à se maintenir la tête hors de l’eau et les familles fortunées qui n’avaient pas les fers aux poignets et chevilles. En voyant la tête dépitée des marchands d’esclaves qui voyaient entre leurs mains leur argent disparaître peu à peu, le Roi s’autorisa à apprécier ce plaisir malsain qu’il pouvait tirer du malheur de ce genre de personne en continuant sa route en direction du palais. Il ne s’inquiétait plus pour les esclaves; dès l’instant où ses Meisaennes les auraient escortés en Meisa par les Relais de Téléportation, où ils seraient réhabilités à vivre une vie propre et sans maître, les esclavagistes n’auront aucune autre option que chercher à nouveau des proies ou changer de métier, mais ce ne serait pas de sitôt; ils devraient probablement faire face à la colère de leurs créanciers. Bon débarras, pensa le monarque sans se soucier davantage de leur misérable et pathétique existence.

Lorsqu’il arriva enfin devant le palais des Ivory, le monarque sentit une bouffée de nostalgie le prendre, s’exprimant dans un long soupir. Il leva finalement un pied devant lui et marcha pour la première fois depuis plus d’une décade sur le sol de pierre blanche du palais. Non pas qu’il craignait les répercussions d’agir contre le bannissement imposé par le conseil de régence, puisqu’en Meisa, sa puissance se voyait plusieurs fois décuplée, mais simplement parce que par son absence, il ne se retrouvait pas mêlé aux problèmes de Nexus tant qu’un Ivory ne serait pas à nouveau assis sur le Trône. Il s’étonnait encore que la succession d’Elena au trône n’avait pas résulté par une guerre civile entre les loyalistes et le Conseil de Régence, saluant au passage l’intelligence et la diplomatie de Jamiel au niveau politique; c’aurait été de lui, nombres des nobles auraient perdus leur tête pour que la sienne récupère la couronne. Ce qu’il avait fait, d’ailleurs, pendant la Rébellion Meisaenne.

***

Arthuros cessa enfin de fixer le monde par la fenêtre du donjon. Il avait entendu les rapports selon lesquels Serenos serait arrivé en ville, mais il s’était attendu à ce que celui-ci prenne le chemin direct pour atteindre le palais plutôt que de faire un détour par la grande place, bondée à cette heure de la journée. Posant la plume dont il se servait pour écrire ses nombreuses observations, l’espion du Roi se tourna finalement vers Jamiël. Parmi les quelques femmes qu’Arthuros avait rencontré au cours de sa vie, Jamiël était une qu’il parvenait assez inexplicablement à réellement respecter et apprécier. Probablement pour son intelligence redoutable et sa bienveillance, mais surtout parce que même sans le moindre support, elle avait réussi à faire ce que beaucoup de gens pensaient impossible à réussir; elle avait réussi à mettre la jeune Elena Ivory sur le trône et à, plus ou moins, rendre sa gloire à un Nexus décadent. Il se tira donc de sa chaise, s’approcha de la Dame et mit un genou en terre à côté de sa chaise.

« Dame Jamiël? Le Roi Serenos de Meisa est arrivé. »

Grand homme à la carrure svelte, aux cheveux noirs et aux yeux brillants d’une intelligence et d’une vivacité surprenante, le Conseiller Arthuros de Meisa, précédemment l’une des nombreuses victimes de la peste qui avait sévi sur l’archipel, avait déjà prévu l’éventualité où son Roi et maître prendrait la route de Nexus sur quelque chose d’important se produisait en Sylvandell, aussi avait-il quitté Meisa quelques jours après le départ de son monarque pour gagner le Royaume des Ivorys et faire un résumé sommaire de la situation s’étant produite en Meisa à la Reine et à la chère amie de Nöly. Cependant, il n’avait qu’une vague idée de ce que le Roi aurait pu rencontrer pendant son voyage en Sylvandell, aussi ne put-il éclairer les lanternes de ces dames par rapport à la véritable menace que représentaient les opposants rencontrés au Royaume.

Pour un cercle très restreint de personne, Arthuros n’était pas qu’un conseiller et diplomate Meisaen. Jamiël et Elena étaient membres de ce petit groupe qui savaient que derrière ce masque se trouvait un redoutable assassin qui était prêt à tout pour protéger la famille royale de Meisa ainsi que leurs amis. Maître de la diplomatie du couteau et du poison, sa présence était souvent associée à une mort prochaine ou alors à une menace de la même origine. Il avait autrefois été le gardien de Nöly pendant les quelques visites que celle-ci avait pu se permettre en Meisa, et une des armes de Liam lorsque ses armées et son bras ne suffisaient pas à mettre fin à un conflit.

Il se demandait souvent comment la ravissante magicienne parvenait à s’empêcher de dormir après de telles périodes de veille. Pour Serenos, il se doutait qu’il se nourrissait constamment de l’énergie d’Eglendal tant qu’il y avait du travail à faire, mais pour une femme coincée dans un monde où on ne pouvait survivre au sommeil qu’à l’aide de solutions alchimiques qui vous requinquait tout en vous bousillant les boyaux, il se demandait vraiment d’où elle tirait une telle vitalité.

« Vous devriez fermer les yeux une heure ou deux, ma Dame. Plus tard, cela va sans dire, mais à veiller autant, vous allez attraper le mal. »

Le ton de l’Assassin trahissait une sincère inquiétude pour la santé de la femme. Il savait qu’elle refuserait. Elle refusait toujours, lorsqu’il y avait matière à travailler. L’assassin royal était de ces personnes qui aimaient tellement travailler qu’il se sentait dépérir s’il n’avait pas quelque chose à faire, mais Jamiel, elle travaillait sans relâche, mais pas pour elle-même. Comme Serenos, elle pavait le chemin pour quelqu’un d’autre, pour quelqu’un qui pourrait vraiment changer les choses. Elle avait un but devant elle, qui demandait qu’elle s’investisse de toutes ses forces. L’assassin poussa un long soupir et décida de la laisser tranquille, se dirigeant vers la porte, derrière laquelle il disparut. Il y avait encore quelques bouches à faire taire et des oreilles à boucher, et il n'avait plus beaucoup de temps pour le faire.

***

« Allez à la caserne. Je crois qu’on pourra vous y loger le temps que je discute avec les dirigeants. Hé, ne videz pas la réserve d’hydromel. Vous êtes encore en service. »

La préparation de l’hydromel en Nexus venait des échanges d’autrefois avec les barbares du Nord. Dans les contrées froides, l’alcool était très apprécié pour réchauffer le guerrier loin de chez lui, et elle avait un goût bien particulier. Bien que l’industrie de l’hydromel ne fut pas bien populaire, la réputation de celle-ci était excellente, et les Meisaens payaient très chers pour en obtenir, en raison du manque d’abeilles domesticables en terre Meisaennes. Le Roi salua ses hommes d’un geste de la main avant de regarder le palais avec un brin d’appréhension. Il ne savait pas ce qu’on avait dit de lui à la jeune Reine, et si elle accepterait de le rencontrer. Jamiel n’hésiterait pas, car ils se connaissaient depuis longtemps déjà. Presque une vingtaine d’années, sinon plus.

Il regarda un moment son accoutrement puis fit un geste négatif de la tête. Il n’était pas présentable pour sa première introduction à la Reine de Nexus. Il fit un petit détour par le quartier des serviteurs. Il leur demanda un miroir et, suivant leurs indications, fit quelques détours dans les locaux pour trouver ledit miroir. Une fois dans la pièce, il s’assura de fermer la porte derrière lui. Il lui restait encore dix bonnes minutes avant de devoir se présenter devant le trône. Il se placa donc devant le miroir et examina son reflet. En première étape, il chassa de son corps la poussière du voyage, soulevant dans la pièce un petit nuage de saleté. Il examina son manteau et d’un geste de la main, il répara les déchirures et étirements du tissu pour lui rendre son apparat originel. Il examina ensuite ses vêtements. Maintenant qu’il n’était plus en voyage, il ne voyait plus la nécessité de trimbaler sa combinaison de combat. Il se servit à nouveau de la magie pour retirer rapidement cette tenue pour passer plutôt un pantalon noir sur mesure ainsi qu’une tunique à manches courtes. Le vêtement moulait confortablement son corps, laissant voir ses muscles dessinés, tout en protégeant sa dignité; le vêtement ne lui collait pas à la peau, et donc restait parfaitement naturel. Il fit apparaître une ceinture de cuir et la passa à sa taille, avant d’y glisser Ehredna. Sans sa tenue de combat, il se sentait un peu vulnérable, mais il devait admettre qu’il appréciait une tenue plus décontractée. Il jeta un bref regard à son manteau et évalua que sa fourrure pouvait être déplacée, aussi modifia-t-il la texture du vêtement par magie. À la place d’un manteau épais adapté aux froides nuits sur les routes et aux intempéries, il se retrouva avec une tenue un peu plus noble, un peu plus royale. Il regarda sa tête un bref instant puis il marmonna un sortilège pour leur rendre la longueur qu’il adoptait à l’époque de Liam et Nöly. Autrefois, il appréciait avoir de longs cheveux principalement parce qu’il trouvait distrayant le trouble qu’il pouvait mettre sur le visage à la fois des hommes et des femmes, mais après la mort de ses amis, il s’était coupé les cheveux en signe de deuil, qu’il portait encore depuis, mais maintenant qu’il était de retour en Nexus, il était certainement plus prudent de ne pas montrer trop ouvertement qu’il représentait encore un des vestiges du règne des anciens monarques, et à ce titre les idées qu’ils avaient pour ce royaume.

Une fois présentable, il se décrocha enfin du miroir. Il était bientôt l’heure convenue aux rencontres diplomatiques, et il tenait à passer en premier puisqu’il en avait beaucoup à dire, et surtout parce qu’en titre de Roi, cela lui casserait bien les pieds de devoir passer en dernier. Bref. Il trouva sans peine le chemin de la salle du trône; après tout, il avait autrefois été engagé comme mage de la cour à Nexus, il avait l’habitude de courir un peu partout dans ces interminables couloirs à la demande de tel ou tel membre de la famille royale. Une fois devant la salle du trône, il adressa un regard aux gardes et ceux-ci pressèrent contre les grandes portes menant à la salle du trône.

« Voici sa Majesté Serenos Sombrechant, Roi de Meisa! » lança l’annonceur.

Le monarque s’avança le long du tapis rouge. Autour de lui, les quelques nobles rassemblés chuchotaient entre eux en lançant des regards malveillants vers lui. Il était habitué à leur hostilité; les nobles, peu importe leur nationalité, étaient tirés du même moule, et le Roi ne leur accordait très peu sinon aucun intérêt. Ses yeux étaient en fait rivés sur Elena et Jamiel.

Un instant, il fut frappé par la ressemblance de la première avec son père, le Roi Liam, mais dans son regard, il dénotait cette même douceur mélancolique qu’il avait vu dans celui de sa mère; les yeux d’une femme dont le monde était à la fois lourd, mais riche. Il la fixa un long moment, en silence, comme s’il évaluait quelle réaction serait adaptée à cette rencontre. Le silence fut long, ou du moins le lui sembla-t-il, mais finalement, il brisa ce silence quand, dans un sourire des plus chaleureux, il se plia dans une révérence courtoise, avant de se redresser et de planter ses yeux dans les siens..

« Je n'aurais jamais cru qu'un jour, je me retrouverai à nouveau devant la fille de Liam et Nöly. Elena, ma chère enfant, vous avez grandi merveilleusement bien. Ah, tant de choses que j'aimerais vous dire.»

Galamment, il lui prit la main et lui baisa l'annulaire, en signe de loyauté et d'amitié. Le Roi de Meisa y portait d'ailleurs sa chevalière, sur laquelle figurait les armoiries de la famille royale ainsi que son sceau. Après cette formalité, et en toute politesse, il lui adressa un sourire, puis il se tourna vers Jamiël. Leurs regards se croisèrent, et le Roi perdit son masque de formalité, mais seulement pour elle.

« Les années n'ont pas d'emprise sur ta beauté, à ce que je peux voir, Dame Jamiël. Si tu savais à quel point tu m'as manqué, mon amie. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mardi 25 mars 2014, 10:21:55
« Je sais, Rickard, mais je ne veux prendre aucun risque ! »

Entre les bras de la belle femme, un petit bébé était en train de remuer dans de belles couvertures en soie, qui le recouvraient intégralement, tournant autour de sa tête, dissimulée dans l’ombre. Rickard s’opposait à ce qu’Elena soit descendue du navire. Ils allaient prendre du retard, et, même au-delà de ça, il était dangereux de séparer Nöly d’Elena ! La Reine entendait très bien les arguments de l’homme, mais objectait que la santé de son enfant primait avant tout. Ce n’était rien de plus qu’un petit rhume.

« Je suis désolée de t’embêter, Jamiël..., s’excusa Nöly en tendant le bébé vers son amie.
 -  Ne raconte pas de bêtises. Je reviendrais demain, et nous n’y aurons rien vu. Mieux vaut qu’Elena perde une journée, plutôt que tout notre voyage, non ?
 -  Mieux vaut, en effet, reconnut Nöly. Tout ça, c’est de ma faute… Je ne sais pas lui dire non, et elle adore tellement voir les cracheurs de feu… »

Jamiël avait un sourire amusé, et haussa les épaules. Allons, allons, songeait-elle, il était ridicule de se sermonner ainsi. Il faisait plutôt froid par ici, et Elena aurait tout le temps de s’endurcir, afin de résister aux vagues de froid. Nexus était un port, après tout. Tôt ou tard, il fallait bien s’habituer à la présence de la mer et des vents marins. Et puis, l’île n’était pas très éloignée. Le bateau la rejoindrait en fin de journée, Jamiël dormirait avec Elena, puis reviendrait les voir. Nöly acquiesça silencieusement, se ralliant, comme toujours, à l’opinion de son amie. Cependant, lui remettre son bébé était difficile, et il fallut encore attendre un peu. Nöly se refusait à la passer à Jamiël, qui la laissa prendre son temps. Elle savait combien Nöly aimait sa fille. Dans son dos, Rickard ne disait rien, restant neutre. Il se fiait à l’opinion de sa belle-sœur, même s’il estimait que ce rhume passerait simplement avec un peu d’eau chaude et du repos. Le bébé était juste fatigué, voilà tout !

Un autre individu approcha. Fier, élancé, avec une longue chevelure, Liam posa une main sur la hanche de Nöly, et la convainquit que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire pour leur bébé. Il pencha son visage vers Elena. Le petit bébé s’éveilla lentement, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Liam et Nöly sourirent à leur tour, rigolant à moitié, alors qu’Elena levait ses petites mains en les observant.

« Prends-en soin, Jamiël... C’est notre joyau. »

Jamiël hocha lentement la tête :

« Je ne cesserais jamais de veiller sur elle, Liam. Tu le sais bien, maintenant ? »

Liam sourit lentement.

« On ne remet pas en doute tes compétences, Jamiël, mais... Et bien, je suppose que tu comprends que je sois angoissée à chaque fois que je n’ai pas en visuel mon enfant. »

Jamiël le comprenait, oui. L’angoisse normale des parents à l’idée qu’il puisse arriver quelque chose à leur progéniture. Elle s’avança lentement, et posa également ses mains sur le corps du bébé. Elena clignait lentement, ses grands yeux semblant fixer ses parents.

« Je t’en fais la promesse, Nöly, l’assura Jamiël, ainsi qu’à toi, Liam. J’aimerais cet enfant avec la même force que si j’avais pu en avoir un moi-même. »

Dans les yeux de Nöly, Jamiël sentit qu’elle était touchée. Si on disait que les véritables amis se comptaient sur les doigts d’une seule main, alors Jamiël était à la place principale. Nöly l’embrassa, tout en se retenant de verser quelques larmes. Pas devant les hommes. Elle essaya ensuite d’expliquer à Elena qu’elles allaient se revoir demain, et embrassa pour la dernière fois son bébé sur la tête.

Et ce fut bien la dernière fois.




« Et moi, je vous dis qu’il faut s’attendre à une contestation si nous imposons une nouvelle taxe ! »

Tandis que Jamiël somnolait et se rappelait, en compagnie d’Arthuros, la dernière fois où elle avait eu la chance de voir Nöly et Liam,  Elena, elle, assistait à une session du Conseil royal, aussi appelé « Conseil de régence », dans l’attente qu’Elena soit enfin majeure. Naturellement, la Reine avait le droit d’assister à toutes les réunions du Conseil, puisque le Conseil était censé présider en son nom. Il comprenait essentiellement des barons et des ducs, quelques évêques, ainsi que quelques chefs militaires, notamment Ronald Langley, qui s’emporta contre le duc de Montbélliard.

« Je crois que nous devrions aussi nous attendre à une part de contestation si nous faisions un compte dans la gestion de votre comptabilité, Messire de Montbélliard !
 -  Qu’insinuez-vous par là, Messire Langley ?! répliqua l’homme, courroucé.
 -  Rien de plus que ce qu’on en dit au sein du Trésor. Nous nous étonnons du faible montant des revenus fiscaux émanant de vos terres, alors qu’elles sont particulièrement fertiles.
 -  Insinueriez-vous que je sois en train de voler la Couronne ?! De m’accaparer une partie des taxes ? Dois-je me laisser insulter de cette manière ?! C’est inacceptable ! »

Comme assez souvent, le ton montait entre les nobles. Elena ne dit rien, se retenant de soupirer. Elle savait que Montbélliard détournait une partie des fonds royaux. Pour financer la guerre contre Ashnard, le Palais d’Ivoire avait édicté de nouvelles taxes indirectes, en renforçant notamment la gabelle, et d’autres taxes indirectes.

« Messieurs, Messieurs, la question n’est pas là ! lâcha le baron de Rochefort. Sire Langley, avez-vous la moindre preuve de ce que vous dites ? Non, n’est-ce pas ? S’il faut envoyer un inspecteur du fisc pour corroborer vos dires, nous le ferons, mais, en attendant, la question n’est pas là.
 -  La question de la corruption sera toujours au cœur des débats, nuança Ronald à voix basse.
 -  J’en conviens fort bien, mais il me semble plus important de réfléchir à l’adoption d’une nouvelle taxe. Vous l’avez vu par vous-mêmes, Messire Langley : il faut entretenir nos murs et nos tours. Nos vastes forteresses sont une protection efficace contre les Ashnardiens, mais ils s’usent avec le temps. De plus, comme vous le savez, car vous l’avez lu comme moi, nous manquons d’hommes dans certaines garnisons, ou encore d’un équipement viable. Toutes ces raisons m’amènent à penser qu’il faudrait édicter une nouvelle taxe. »

Elena était d’accord sur ce point. Récemment, la Couronne avait commandé plusieurs enquêtes pour s’assurer du bon entretien des superforts. Les espions indiquaient qu’Ashnard pouvait lancer une nouvelle offensive. L’Empire était englué dans des problèmes mineurs avec d’autres royaumes, notamment à Herzeleid, où les Nexusiens se trouvaient aussi, mais Nexus restait la priorité des Ashnardiens. Les enquêtes avaient montré que les infrastructures des superforts étaient en bon état, mais que certains murs avaient besoin d’être réparés, ainsi que les tours. Les seigneurs locaux étaient en train de faire les réparations nécessaires, mais ils manquaient d’or. Ces massives constructions étaient essentiellement financées par la Couronne, mais le Trésor public ne pouvait pas non plus se permettre de distiller l’intégralité du budget dans leur entretien. Par ailleurs, les différentes enquêtes avaient aussi indiqué que certaines garnisons manquaient d’effectif, et proposaient d’injecter de l’argent dans certaines villes de la frontière pour les stimuler, relancer les forges, et le commerce. Pour injecter cet argent, il fallait le trouver, et une nouvelle taxe était donc en discussion. Elena se refusait toutefois à taxer davantage les ouvriers, et préférait plutôt imposer une taxe sur les dividendes des guildes. Tous les conseillers savaient que taxer à nouveau les ouvriers risquait d’engendrer une nouvelle révolte, mais imposer une taxe sur les guildes serait assez mal perçue de la part de ces dernières... Ce dont Elena se moquait bien. Si ça ne tenait qu’à elle, elle aurait depuis longtemps nationalisé la plupart de ces guildes pour la manière honteuse dont elles agissaient. Elle craignait surtout que les guildes ne réagissent en choisissant de diminuer les salaires.

La discussion se prolongeait à nouveau, jusqu’à ce qu’on y mette un terme. Ils discutaient depuis plusieurs heures, et les débats semblaient s’orienter vers une taxation à l’encontre des guildes, ce qui, invariablement, amenait à la question de l’emploi et des salaires, des problèmes récurrents à Nexus depuis quelques années. Le débat se termina ainsi, et Elena sortit de la salle de réunion, en se demandant si les débats avaient vraiment réussi à avancer. Elle avait aussi un autre problème en tête, qui avait été évacué en début de session : la visite des Meisaens. Ils avaient été repérés bien avant d’arriver au sein de Nexus, et les conseillers se demandaient ce que le Roi Serenos leur voulait. Il n’avait pas vraiment annoncé les objectifs de sa visite, si ce n’est qu’il s’agissait d’une « visite protocolaire » afin d’honorer les relations entre leurs deux pays. De Serenos, Elena ne savait pas grand-chose, comme de Meisa3. Elle savait que c’était une île éloignée, qui avait été, pendant un temps, en guerre contre Ashnard. Les relations entre Meisa et l’Empire étaient toujours tendues, mais l’Empire avait d’autres ennemis. Elle savait aussi que c’était un vieil ami de Jamiël et de ses parents, et que Jamiël lui avait dit que c’était un homme fiable.

Elena l’accueillit dans la salle du trône, une belle salle aérée et relativement grande, avec, à gauche comme à droite, différentes statues massives. De grandes fenêtres éclairaient toute la pièce, le vent marin faisant virevolter les rideaux rouges. Elena était assise au fond de la pièce, dans un trône confortable et grand, avec des coussins en soie. C’était là qu’elle se tenait pour les séances de doléances. Le Roi Serenos s’avança ainsi, et salua Elena ne la complimentant, ainsi que Jamiël. La tutrice d’Elena était à côté d’elle, à sa droite, Ronald Langley étant à gauche. Comme on pouvait s’y attendre de la part de Ronald, il avait mis en garde la Reine contre la venue des Meisaens, et avait tenu à s’assurer que cette entrevue soit étroitement surveillée. Adamante, elle, était dans la masse, car, officiellement, elle n’avait aucun pouvoir, et donc aucune légitimité à se tenir près du trône.

« Les années n'ont pas d'emprise sur ta beauté, à ce que je peux voir, Dame Jamiël. Si tu savais à quel point tu m'as manqué, mon amie. »

Une brève lueur interrogative traversa furtivement les yeux de Ronald. Se pourrait-il que Jamiël leur ait caché certaines relations ? Elena tourna également la tête vers Jamiël, mais cette dernière resta de marbre. C’était, d’un point de vue protocolaire, à la Reine de parler. Et, d’un point de vue protocolaire encore, Serenos avait commis deux fautes. La première était de ne pas avoir attendu que la Reine lui réponde, et la seconde, de s’adresser de manière familière à un membre de l’assistance. Rien de bien grave, mais de quoi faire pavoiser certaines mauvaises langues. Par ailleurs, même si les mots étaient élogieux, Serenos n’avait pas pris la peine de remercier Elena d’accepter son invitation au sein du Palais d’Ivoire, ni ne l’avait salué... Quand on faisait une révérence, la coutume voulait qu’on salue ensuite la personne à qui on offrait cette dernière. Il y avait en fait une quantité de petites fautes protocolaires trahissant le fait que Serenos était avant tout un Roi-guerrier.

« Je vous souhaite la bienvenue à Nexus, Roi Serenos Sombrechant de Meisa, annonça alors Elena d’une voix forte. J’espère que vous trouverez votre séjour céans aussi agréable et fructifiant que lors de vos précédentes visites. Pour nous, Nexusiens, c’est toujours une immense joie que d’accueillir en notre sein des puissances souveraines alliées. »

L’assistance hocha lentement la tête. Elena laissa planer quelques secondes. On lui avait dit qu’elle avait déjà vu cet homme dans le passé, mais elle était incapable de s’en rappeler. Ce visage ne lui disait absolument rien.

« Que notre vaut la joie de votre visite ici ? Mis à part la volonté de séduire mes conseillers... » ajouta-elle sur un ton plus bas.

La plaisanterie suscita les sourires de l’assemblée, et quelques discrets rires.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 25 mars 2014, 18:39:27
Les murmures s’élevèrent, au plaisir du Roi. Il se plaisir à entendre ces nobles s’indigner de son attitude beaucoup trop familières. Pas parce qu’il s’arrogeait de ce droit, mais bien parce qu’ils ne pouvaient rien y faire. Après avoir brièvement parlé aux deux demoiselles, le monarque prit se distance et se dressa, bien droit, au centre de l’estrade. Il joignit les mains dans son dos et laissa son sourire s’évanouir pour laisser place à un visage beaucoup plus sérieux. Les pieds à la largeur des épaules, le Roi se montrait un peu moins ouvert à ses anciens amis, comme s’il se rendait compte maintenant qu’il n’était pas en présence de gens qui pouvaient tolérer ses écarts protocolaires. Cependant, il ne fit le plaisir à personne de s’excuser, car il n’y avait pas matière à pardon; il était poli, amical, mais il restait un étranger à cette cour, aussi n’avait-il aucune raison de « connaître » ou d’avoir envie de connaître les protocoles de Nexus. Bien qu’il se montrait maintenant beaucoup moins décontracté, il dût fournir un effort incroyable pour ignorer le pincement au cœur qu’il éprouvait maintenant; il regrettait de ne pas avoir favorisé une rencontre en privé plutôt qu’une visite officielle. Enfin, il était là, maintenant, et en tant que Roi de Meisa, il devrait se comporter comme tel.

« Certes, trêves de plaisanterie, concéda-t-il alors, d’une voix plus grave, moins enjouée qu’il y a un instant. Majesté, recevez mes plus cordiales salutations, et également mes remerciements pour avoir accepté de me recevoir aussi rapidement, malgré vos devoirs beaucoup plus pressants. Je suis ici pour trois raisons précises, dont deux sont un sujet apte à être cité à voix haute ici devant votre cour. Suite à l’accession au trône de la Reine Elena Ivory, je, Serenos de Meisa, propose la restauration de l’alliance que le Roi Liam et moi-même avions convenue à l’époque. »

Le Roi plongea une main sous son manteau, fouillant visiblement les poches intérieures de celui-ci, et tira de sous le vêtement un parchemin scellé avec de la cire sur laquelle figurait le sceau de la famille royale Nexusienne. Vu l’état de l’objet, son authenticité était indiscutable. Le Roi de Meisa avait rétracté son alliance avec le royaume du temps du conseil de régence car il n’y accordait absolument aucune confiance. Un royaume dirigé par des nobles n’était rien d’autre qu’une farce, une course au pouvoir et surtout une situation très propice aux assassinats et aux fratricides. Le rétablissement de cette alliance signifiait deux choses; que le Roi désirait s’intégrer à nouveau dans la vie politique de Nexus, mais aussi qu’il soutenait Nexus seulement dans la mesure où celle-ci était dirigée par la famille des Ivory. En somme, Elena était assurée de sa coopération tant qu’elle serait celle qui prendrait les décisions, mais puisque c’était une alliance très personnelle, elle était liée simplement par l’affection que le Roi pouvait bien lui porter. Mais bien qu’elle puisse sembler être prise sur un coup de tête, cette décision datait de plusieurs années dans le passé. Un homme s’approcha du Roi, probablement un conseiller, et lui tendit la main, visiblement pour prendre la missive. Serenos examina un instant l’homme puis obtempéra, déposant le parchemin dans la main tendue. L’homme se dirigea ensuite vers la reine et lui donna le papier, avant de reprendre un peu de distance. Le contenu de ce parchemin était relativement simple; les dirigeants actuels des deux nations devaient discuter devant témoins des offres et des demandes de leurs nations. Deux copies seraient ensuite données aux partis concernés alors qu’un tiers parti, une institution d’archivistes indépendante, conserverait précieusement l’original. C’était une mesure assez spécial mais, pour une personne comme Serenos, nécessaire. Les archivistes conservaient tout ce qu’on leur confiait avec un zèle que le Roi avait appris à apprécier, et ils avaient gagné sa confiance pour ce genre de choses.

« Je propose officiellement à Elena, Reine de Nexus, la réouverture de nos ports aux marchands nexusiens, et plus seulement aux privilégiés nommés par moi-même, ainsi qu’un support militaire, magique et financier en cas de crise. Sa Majesté aura ensuite le droit de nommer un ambassadeur et d’établir un relais de communication entre nos deux nations pour faciliter les échanges et la gestion de la diaspora Meisaenne et Nexusienne. Finalement, Meisa sera toujours hospitalière envers la famille royale de Nexus, ses amis et ses protégés. Mes demandes, pour leur part, sont de la même nature; que les ports de Nexus soient ouverts à mes marchands, qu’en cas de coup dur, Nexus accepte d’offrir son aide dans la mesure du possible, et surtout l’autorisation de réinvestir l’ambassade Meisaenne, ainsi qu’un droit à l’hospitalité Nexusienne. Les détails de cette alliance ne concernant que moi-même et Sa Majesté, je demanderai à celle-ci de s’accorder un temps de réflexion par rapport à mon offre. »

Il convenait que cette proposition était assez soudaine et proposée à froid, mais elle restait néanmoins équitable pour les deux royaumes. Mais il ne faisait que poser une façade; il avait bien spécifié qu’il y avait deux autres raisons à sa visite, et Jamiël devait déjà avoir été mis au courant. Après la situation à Sylvandell, le Roi se devait de prendre des mesures pour mettre Nexus de son côté et mettre immédiatement le peuple continental sur un pied d’alerte. Le Roi décrocha les yeux d’Elena et se mit à marcher, de droite à gauche par rapport à la Reine, en balayant des yeux à la fois le conseil et l’assemblée.

« La seconde raison de ma venue ici est un peu plus délicate, poursuivit-il sans cesser de marcher. Deux menaces ont été avortées en Meisa et en Sylvandell au cours des cinq derniers mois. Nous avons de bonnes raison de croire qu’un groupe de mages noirs opère dans le monde au moment où nous parlons. Les mages noirs, outre leur titre, s’infiltrent normalement dans la noblesse et dans les commerces les plus lucratifs, et lorsqu’ils opèrent ensemble, c’est souvent pour infliger des dégâts considérables le moment venu. Je présente les faits tel que je les connais, et ne recommande rien de plus qu’une plus grande prudence. Je n’ai pas droit de décision ici, prenez mes paroles simplement comme un avertissement. »

L’incrédulité, l’hostilité et le rejet, voilà tout ce que Serenos pouvait percevoir de l’assemblée. Pourquoi ces sentiments? Parce que pour les gens du commun, ceux qui n’étaient pas concernés par la magie où le danger qu’elle représentait, il valait mieux rejeter la possibilité de devoir faire face à une menace magique et de la vivre plutôt que de reconnaître son existence et prendre les mesures nécessaires à y mettre fin. De manière générale, la magie était le problème des magiciens, et il n’y avait donc aucune raison de s’en faire. Simplement, avec les rapports qu’Arthuros lui avait envoyés au sujet de l’entrainement des mages en Nexus, il craignait que celle-ci ne se retrouve, en bout de ligne, pas en mesure de combattre une menace de cette envergure. Ce n’était pas vraiment le peuple que le Roi visait par son message, mais Jamiël, seule personne présente capable de comprendre l’étendue et la gravité d’une telle situation, et accessoirement la seule magicienne à avoir l’oreille de la Reine. Ceci dit, le Roi cessa de marcher et de jeter des regards dans toutes les directions. Plus que pour montrer qu’il n’était pas anxieux, cette marche lui avait permis de discerner et confirmer l’objet d’un de ses doutes. Partout au tour de lui se trouvait des soldats, aux alertes, qui le surveillaient avec une telle attention que certains ne pouvaient s’empêcher de considérer le visiteur comme étant une menace potentielle. Maintenant, il ne pouvait qu’attendre la réaction de la Reine à ses paroles, mais il ne s’attendait pas à grand-chose; elle lui demanderait probablement de se retirer pour calmer ses nobles. Il ne pouvait maintenant qu’espérer qu’elle eut l’esprit aussi ouvert que sa mère autrefois.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mercredi 26 mars 2014, 01:55:33
Assez rapidement, Serenos leur exposa la raison de sa venue : une triple raison, en réalité. Il s’attarda assez longuement sur la première, expliquant être venu pour renouer de vieilles alliances. Jadis, Meisa et Nexus étaient effectivement alliés, mais, comme pour maintenant, cette alliance avait été très personnelle, conclue surtout avec Nöly Ivory. Avec sa mort, la doctrine nexusienne avait considéré que ce traité n’était plus viable, car il ne prévoyait aucune disposition pour le faire perdurer en cas de décès de la souveraine. C’était, dans le jargon, ce qu’on appelait une convention « intuiti personae », dont l’existence-même avait, à l’époque, provoqué un débat. Pouvait-on, en effet, conclure une convention internationale, soit une convention impliquant des États, en plaçant comme condition nécessaire à la validité du contrat une personne physique ? En droit international, il était de coutume de considérer que les personnes physiques n’étaient pas des sujets du droit international, ceci afin d’éviter l’ingérence des autres États dans les affaires internes d’un État, et donc, en définitive, de protéger une notion juridique que les Nexusiens avaient dégagé les premiers, avant d’être rejoints par les Tekhans, et, dans une très moindre mesure, par les Ashnardiens : la souveraineté. Visiblement, Serenos désirait renouer cette alliance, en précisant bien qu’elle serait uniquement faite avec les Ivory. Elena ne dit rien, mais elle savait déjà qu’une telle alliance avait peu de chance de fonctionner. Contrairement à il y a plusieurs années, les Ivory n’avaient plus l’influence qu’on leur prêtait. Pendant des siècles, la personne des Ivory était confondue avec celle du royaume, mais, après le massacre de presque toute la famille royale, les Nexusiens avaient réalisé qu’il était peut-être bon de dissocier les deux, de séparer la Couronne de la famille royale... En somme, de dissocier la personne publique de la personne privée.

Si cette convention devait être discutée devant le Conseil de Régence, elle serait soumise, pour avis, à la Cour royale de justice, et Elena savait déjà quelle décision la Cour royale rendrait. Elle considérerait que la convention n’était pas un traité de droit international, car elle n’était pas faite entre deux États, mais entre un État et une personne, Elena Ivory. Ce faisant, la Cour royale refuserait de lui faire valoir les effets d’un traité international, mais simplement d’une convention. Et, suivant cette logique, les juges royaux interpréteraient cette convention pour savoir de quelle nature il s’agissait. Ils constateraient ainsi que, étant conclue entre un État, soit une personne publique, et une Ivory, une personne privée, il s’agirait d’un contrat entre personne privée et personne publique, soit un contrat hybride, mixte, régi à la fois par les impératifs de droit public et par ceux du droit privé. Ils finiraient par en déduire que l’objet du contrat ne correspondait pas à ce que le droit nexusien reconnaissait, et annulerait tout simplement ce dernier, en relevant qu’il manquait l’une des quatre conditions essentielles de validité des conventions, ce qui était un cas de nullité absolue de ladite convention.

En somme, une telle convention était morte née, mais, ça, Elena ne pouvait pas le dire. Elle laissa l’huissier attaché à la Cour s’emparer du document, et le présenter à la Reine, qui le lit. C’était l’ancienne convention conclue entre Serenos et Nöly, et les premières clauses précisaient clairement que la convention était signée entre le Roi de Meisa et la Reine Ivory de Nexus. Jadis, ça ne posait aucun problème, mais, maintenant... Elena était certes la Reine, mais le royaume était sous la tutelle du Conseil, en attendant qu’elle soit enfin apte à diriger. Serenos présenta les avantages de l’alliance, mais, à l’entendre, la Reine avait le sentiment que cette alliance était surtout favorable à Meisa. Le commerce entre Nexus et Meisa était en effet relativement faible, en raison de l’éloignement géographique entre les deux États, et, surtout, de la guerre. Il y avait bien des caravanes marchandes et des navires commerçants, mais ils restaient tout de même assez minoritaires. Inversement, il était connu que les Meisaens étaient, par nature, un peuple de nomade. Une telle convention assurait aux Meisaens un libre passage à Nexus, en les affranchissant de certains droits de douane, ainsi que de certaines taxes fiscales à l’importation pour les marchands étrangers. Elena hocha lentement la tête, et replia la convention. De toute manière, elle serait analysée par le Conseil de Régence, et, si Elena pouvait formuler un avis, ce serait celui du Conseil qui serait déterminant.

« Je vous remercie pour votre proposition, Roi de Meisa. Elle sera étudiée comme il se doit, et pourrons, à partir de là, entamer des discussions constructives. »

Il leur divulgua ensuite sa seconde raison, une raison particulière, atypique, qui surprit un peu Elena, et provoqua quelques haussements de sourcils. Un complot magique visant à renverser le monde... Entre eux, certains spectateurs murmuraient, se disant que ce Roi devrait chercher à écrire des contes, plutôt que des conventions. Elena, de son côté, regarda Jamiël. Elle était légèrement surprise, mais elle savait qu’elle ne devait rien en montrer en public. Les séances au trône étaient publiques, ouvertes à tout le monde, car le souverain agissait pour le bien de son peuple. Elle était donc la Reine de Nexus, aussi infaillible que l’État.

« Vos affirmations sont... Audacieuses, Roi Serenos. Nous sommes au courant des évènements survenus en Meisa et en Sylvandell, mais, le royaume sylvandin étant rattaché à l’autorité ashnardienne, vous comprendrez bien que nous n’avons pas vocation à intervenir sur le territoire sylvandin. »

C’était une réponse très protocolaire, et Elena, après quelques secondes, rajouta alors.

« Cependant, s’il devait s’avérer que ces éléments constituaient, de quelque manière que ce soit, une menace envers notre royaume, il va de soi que nous en tiendrons compte. »

Jamiël, de son côté, retenait un sourire, conservant un visage placide et neutre.

Ce pauvre Serenos avait toujours autant de mal face à ce genre de cérémonial.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 03 avril 2014, 01:32:30
[J'ai écrit pas mal de trucs, du coup, s'il y a quelque chose au sujet de mon interprétation du palais que tu n'aimes pas, n'hésite pas à m'en faire part]

« Tu ne seras jamais politicien, Serenos. Tu n’as pas le doigté pour cela. Et moi non plus. Nous sommes des hommes de terrain. Les jeux de mots, les protocoles, les manipulations, ce ne sera jamais qui nous sommes. »

Pendant les dix années où Serenos et Liam s’étaient connus, ce fut l’une des phrases les plus marquantes que ce brave jeune homme lui avaient un jour adressé. Serenos n’était pas plus apte à jouer le politicien dans une cour qu’un fermier ne l’était dans une réunion militaire. La reine l’envoya en quelque sorte paître, cachant son refus de prendre une initiative risquée en lui assurant que son offre et le problème qu’il avait soulevé seraient étudiés à leur juste valeur, mais comme Liam, le Roi de Meisa n’était pas dupe; aucun royaume dirigé par une noblesse corrompue par le pouvoir et l’avarice ne pouvait accepter une offre d’amitié sans risquer de déclarer une guerre civile, car autoriser Elena à accepter son alliance reviendrait à lui conférer davantage de pouvoir. Le monarque se contenta donc de sourire avec la plus grande arrogance, qui n’était pas dirigée vers la Reine, mais qui prouvait à l’assemblée que Nexus ne valait rien à ses yeux dans l’état actuel des choses. Et puis, Elena avait visiblement compris que cette offre n’était qu’une façade pour lui prouver que le Roi de Meisa était de son côté, à elle et à elle seule.

« Vous êtes une sage jeune femme, Reine Elena. Tout comme votre mère, ma très chère amie. Je vous prierai de ne pas voir ma visite comme étant inutile, car au contraire, je suis et serai toujours l’allié des Ivory, et il était plus que temps que je me présente devant votre cour. Je prendrai congé, maintenant, et laisserai à vos devoirs, j’ai assez pris de votre temps. Cependant, j’ai affaire en Nexus, et je vous demanderai donc l’autorisation pour moi et mes hommes de rester en vos terres le temps que j’eus mené mon affaire à bien. »

L’affaire ne concernait en rien la cour de Nexus, puisqu’il ne tenait pas particulièrement à celle-ci laisse germer l’idée de lui mettre des bâtons dans les roues. Le Roi de Meisa cessa enfin de sourire et posa un regard sérieux sur la Reine de Nexus. Serenos avait beaucoup de choses à discuter avec certaines personnes vivantes présentement en ces lieux, dont quelques-unes qui se trouvaient déjà parmi eux, à le regarder. À son regard, planté dans celui de la ravissante Reine, celle-ci faisait visiblement partie de ce groupe de gens qu’il tenait à rencontrer personnellement. Il ne se serait jamais déplacé en Nexus pour des raisons aussi bêtes que présenter deux plans parfaitement déraisonnables aux yeux des véritables dirigeants actuels de Nexus; il ne voulait qu’attirer sur lui l’intérêt de la Reine, qu’elle et elle seule soit courant des raisons de sa visite. Aussi, il tenait à revoir Jamiël. En partie pour rattraper le temps perdu, boire une coupe de vin en sa compagnie et raconter les histoires des événements captivants de leur existence, mais aussi pour qu’elle l’informe des ennemis potentiels d’Elena dans sa succession légitime et complète du trône. Il savait que depuis la crise provoquée par l’Enfant Roi Nassam Ivory, il y a deux siècles, qui causa un grave déficit en ses terres en raison de son inexpérience, les lois Nexusiennes voulaient que seul un monarque éclairé par l’expérience et les connaissances nécessaires à l’occupation de ce poste soit installé sur le trône d’Ivoire et prenne en main les rennes du Royaume. Cependant, il voyait que quelque chose clochait dans le cas d’Elena; elle était dotée d’une vive intelligence et elle avait de plus l’âge minimum réclamé par les lois pour prendre la tête du royaume de sa famille. Pour le Roi de Meisa, cela revenait à dire que quelqu’un œuvrait à étirer la période de probation dans l’ombre. Mais qui? Tous ces nobliaux avaient leurs raisons de s’opposer au retour au pouvoir des Ivory, surtout que, depuis la mort du Lion, cette famille n’avait plus les amis d’autrefois, et ses ennemis ne tremblaient plus de peur à l’idée d’être débusqués.

Le Roi s’inclina poliment devant la Reine de Nexus. Le protocole réclamait probablement plus de manières, mais Serenos était un homme digne et fier; il y avait une limite à ce qu’il pouvait accepter de faire devant Elena, car bien qu’il soit l’un de ceux qui reconnaissent sa légitimité, elle n’était pas encore la Reine de ce Royaume, et elle ne le serait qu’une fois qu’elle sera capable de refuser ou accepter une offre d’un simple hochement de la tête. La législation avait toujours été différente en Meisa par rapport à Nexus, mais la parole du dirigeant en chef avait toujours eu le dernier mot sur les affaires de l’état, que ce soit à la joie de leurs sujets ou pas. Alors qu’il allait sortir, un son de sifflement se fit entendre, suivit d’un son de bri de vitre, et enfin un son d’impact. Suite à celui-ci, le Roi continua d’avancer, titubant comme s’il avait bu, sans se retourner, et quitta le palais.

***

Arthuros

« Majesté! Majesté! »

Arthuros, blême comme un linge, se rua sur son Roi et lui agrippa l’épaule de ses doigts fins. La poitrine du Roi avait été percée d’un carreau d’arbalète. Le monarque ne faisait aucun son, mais son visage était tordu par une expression mêlant la colère, la douleur et l’inquiétude. Serenos demanda d’une voix rauque qu’Arthuros l’aide à cacher sa blessure. L’Assassin Royal opina du chef et passa le bras de son roi autour de son cou et le laissa prendre appui sur lui en tentant de masquer de son mieux le trait qui perforait la poitrine de l’homme. Une fois à l’abri des regards indiscrets, dans un des jardins du palais, l’espion laissa son Roi s’asseoir sur un banc et écarta prestement  les pans du vêtement. Sur le carreau, il était gravé dans un vieux dialecte Nexusien une phrase. Arthuros nota mentalement les caractères en se jurant de trouver la signification de ce mot, avant que le Roi ne lève simplement la main en lui signalant de simplement laisser faire.

« Une tentative d’assassinat, devant des témoins? demanda le Roi en grommelant.
-  Non, réfuta l’Assassin. Compte tenu de votre réputation, le plus probable est un avertissement, ou une déclaration d’hostilité. Attention, ça va  faire mal.

D’un doigt, l’Assassin pressa fortement plusieurs points sur le corps de son seigneur, provoquant des gémissements d’inconforts et de douleur chez celui-ci, qui se tortilla alors que les doigts passaient outre la chair pour atteindre des points précis de ses muscles et nerfs. Mais aussi rapidement qu’elle fut provoquée, la douleur se dissipa, jusqu’à même le laisser vidé de toute sensation. Ce sentiment de léthargie arracha un soupir de soulagement au monarque. Arthuros s’assura alors que le Roi ne sentirait aucune douleur en le pinçant, mais faute de réaction, il évalua que l’anesthésie fonctionnait. Arthuros plongea alors sans la moindre hésitation ses doigts dans la peau de son monarque. Celui-ci prit une grande inspiration; bien que la douleur fut absente, savoir que quelqu’un aventurait ses membres digitaux dans une plaie ouverte de son corps le mettait franchement mal à l’aise, mais Arthuros était un professionnel, un vrai. Il ne perdit pas de temps et s’empressa de retirer le carreau de la chair de son Roi. Après avoir jeté l’objet au sol, il fit jaillir de sa poche une solution contenue dans une fiole et l’approcha de la plaie.

« Tu es sûr que c’est absolument nécessaire?
-  Vous savez bien que j’adore vous torturer. »

Le Roi roula des yeux pour s’empêcher d’entrer dans le jeu de sarcasme de son serviteur et agrippa le fourreau de son poignard pour se le ficher dans la bouche, pour éviter de se mordre la langue. Lorsqu’Arthuros versa le produit sur sa plaie, la douleur fut si intense que même avec la technique d’engourdissement, il sentit ses muscles se tendre et il mordit plus fort pour s’empêcher de hurler. Après ce traitement, la plaie se referma instantanément grâce à la régénération magique du Roi, mais cette fois, il n’eut pas à craindre une infection, parce que le produit qu’Arthuros venait de lui appliquer était un puissant désinfectant. Normalement ingéré en tant que fortifiant, l’huile d’Ümberhâme possédait des propriétés curatives plus efficaces lorsqu’administré localement. Le Roi cracha le fourreau qui tomba sur le sol, puis il renfila adéquatement sa tenue.

« Je n’ai pas vu la provenance du trait, ce devait être un tireur d’élite, admit l’Assassin, les bras croisés, visiblement inquiet.
-  Une technique de Long Tir, ou un guidage par magie, convint le Roi en se redressant. Notre opposant ne veut pas qu’on sache qui il est ou pour qui il travaille. Il veut nous faire savoir que qui qu’il soit, il peut nous atteindre librement, sans la moindre trace.
-  Dois-je enquêter, mon Roi? Trouver celui qui vous a attaqué?
-  Non. Il est déjà hors de ta portée, mon garçon. C’est un tueur de ton niveau, mais spécialisé dans les assassinats à distance. Va informer Jamiël que je lui rendrai visite ce soir dans mon ancien salon.
-  Votre salon, majesté? J’ignorais que vous en possédiez un.
-  Pour nos rencontres, Liam et sa femme ont emménagé une pièce dans un des passages secrets du palais. C’était une ancienne chambre de torture, du temps du grand-père de Liam. Elle n’est accessible que par trois chemins; la chambre royale, la salle de la garde et une fenêtre. Les passages ne sont connus que de moi et de Jamiël, pour le moment. D’ailleurs, dis-lui de garder la fenêtre ouverte.
-  Pourquoi?
-  J’ai du mal à atterrir sous forme d’oiseau.

Le Conseiller s’étouffa avec sa salive dans sa surprise, et tenta tant bien que mal de réprimer un rire, qui éclata tout de même. Le Roi lui asséna un coup de poing dans l’abdomen, mais grâce à ses réflexes, l’Assassin put dévier le point de son maître et seigneur et éviter l’impact du poing. C’est en maugréant que le Roi se sépara de son serviteur, qui étira malgré lui un sourire et se dirigea vers l’entrée des serviteurs. De là, il put sans problème accéder aux nombreux passages réservés aux employés du palais, qui étaient essentiellement composés d’escalier et de raccourcis qui permettaient de gagner beaucoup de temps par rapport au déplacement dans le dédale qu’était les couloirs de ce palais. Le service des employés du palais n’était pas inégalé pour rien. Il n’y avait pas un tel système en Meisa, par contre, parce que le Roi pensait que ce genre d’aménagement était une faille que les assassins pouvaient trop facilement exploiter pour causer des problèmes diplomatiques. Du coup, les serviteurs devaient marcher par les couloirs pour rejoindre les chambres des invités ou des habitants du château pour les servir. En même temps, le Roi ne jugeait pas nécessaire d’engager autant de gardes qu’il y en avait dans le Palais d’Ivoire; il n’y a que trois magiciens et une poignée de Meisaennes qui parcouraient inlassablement les longs couloirs, et ce n’était que par zèle, puisqu’aucun assassin ne serait assez bête pour s’aventurer dans les murs du Palais des Anciens, où les pouvoirs du Roi de Meisa sont au plus fort alors que ceux des étrangers sont réduits de moitié.

Jamiël ne sortirait pas de la salle du trône avant trois bonnes heures. Jetant un coup d’œil à droite et à gauche et tendant l’oreille pour percevoir des sons de pas, l’Assassin conclut qu’il était bel et bien seul. Il fit donc jaillir de ses manches une paire de crochets et s’attaqua à la serrure de la chambre de Jamiël. Avec ses talents, la serrure céda en quelques secondes, lui laissant le champ libre. L’Assassin s’approcha donc du bureau de la magicienne, tirant d’un tiroir une feuille de parchemin qu’il déposa bien en évidence sur celui-ci, avant d’y écrire le message de son roi et de la marquer de sa signature, pour qu’elle ne s’alarme pas de voir que sa chambre, son sanctuaire, avait été infiltré. Elle avait été celle qui lui avait appris à passer inaperçu dans ce palais, après tout. Une fois le message en place, l’Assassin s’empressa de disparaître à nouveau dans les couloirs en s’assurant de ne pas être suivi.

***

Serenos Sombrechant

Le soleil s’apprêtait déjà à se coucher lorsque Serenos sortit de son antre secret dans les tunnels sous la ville. À une époque, beaucoup de contrebandiers s’aventuraient dans les égouts pour faire leur marchandage d’objets hautement illégaux, mais depuis quelques années, il n’y en avait qu’une poignée qui osait encore se promener dans ces endroits. Pourquoi? Parce que depuis le règne des Ivory, beaucoup de Chasseurs sont en fonction. Des automates fabriqués par les nains pour protéger leurs mines des voleurs, les Chasseurs étaient d’énormes monstres de pierre et de fer alimentés par une source d’énergie absorbant le mana dans les environs, et puisque Nexus resplendissait de vie, il y avait suffisamment de cette énergie pour alimenter plusieurs centaines d’entre eux, alors une petite quarantaine passait facilement inaperçus, sauf dans les quartiers les plus pauvres, où la maladie et la famine faisait rage, car la faible constitution des esclaves surmenés et des pauvres sous-alimentés les rendaient parfois susceptibles à une défaillance cardiaque, faute d’avoir l’énergie nécessaire pour alimenter leur cœur défaillant.

La sortie de son antre se trouvait dans une vieille chapelle abandonnée. C’était dans cette même chapelle qu’il avait fabriqué pour Nöly le pendentif, avec l’aide de Liam. Il avait scellé à l’intérieur de cet objet une partie de son propre pouvoir, et un morceau de son esprit, ainsi que celui de Liam, pour protéger la demoiselle des malédictions et du mauvais œil. Cette protection s’était avérée utile par moment, mais n’avait au final jamais pu empêcher les drogues contraceptives ni la catastrophe qui avait respectivement empêché Nöly d’enfanter et éviter la mort. Une fois dehors, il regarda la statue qui s’y trouvait. Elle représentait Serenos, Nöly et Liam, à l’époque de leur grandeur. Serenos y avait été sculpté dans l’obsidienne, Liam et Nöly étant pour leur part en marbre blanc, représentant ainsi le Roi comme étant l’égal de ses camarades, bien qu’il fût foncièrement différent d’eux. Pour certains observateurs, on pourrait dire que Serenos était la part d’ombre de ce trio, mais lui voyait simplement qu’il conservait un équilibre. Devant la lumière de ce couple, qui était l’idéal du monde, Serenos était le contraire. Célibataire, seul, avec pour seule véritable compagne la magie, il était ce que le monde détestait, méprisait. Le puissant mage, certes, très puissant, mais tout de même qui n’avait rien d’autre que le pouvoir à la portée de la main. Voilà ce qu’était Serenos, et parfois même, voilà comment il se voyait lui-même.

Il se détourna de la statue, chassant les larmes furtives qui avaient échappé à son contrôle, puis il invoqua à ses pieds son cercle de magie. Il n’avait jamais été un très bon utilisateur de la magie de la métamorphose, pour ne pas dire que comparativement à bien des druides, il n’était qu’un néophyte sans raffinement. Comme toute créature, il avait choisi l’oiseau qui le représentait le mieux; le Sombrechant. Alors que son corps rétrecissait, sa peau se couvrit de petites plumes, son nez et sa bouche laissèrent place à un bec sombre. Ses bras furent remplacés par deux longues ailes et ses jambes par deux petites pattes au bout desquelles se trouvaient des serres d’argent. L’oiseau-Serenos se donna une bonne poussée de ses pattes alors qu’il remuait des ailes. Il lui fallut quelques tentatives avant d’enfin réussir à décoller, mais le vol en tant que tel ne lui posa aucun problème. Il s’envola alors vers le Donjon des Ivory, et chercha pendant un moment la fenêtre de bois noir. Il la reconnut aisément, puisque le palais était lui-même fait de pierre blanche, et il s’en approcha. Voyant que la fenêtre était toujours fermée, il s’y heurta brutalement et battit des ailes pour reprendre son équilibre. Agaçé, il donna plusieurs coups de bec furieux conte la paroi de vitre.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le vendredi 04 avril 2014, 02:45:02
ELENA IVORY

Après le départ de Serenos, Elena resta silencieuse... C’était un homme curieux, et, visiblement, il connaissait Jamiël. L’assemblée se dispersa assez rapidement, et la Reine resta ainsi seule avec Jamiël... Et Adamante et Ronald Langley. Le quatuor, en somme.

« Curieux personnage... » nota Elena silencieusement.

Curieux, en effet. Ronald haussa les épaules.

« Ce n’est qu’un excentrique, c’est ce qui plaisait à votre mère.
 -  Et pas à mon père ? sourit lentement Elena.
 -  C’est... C’est compliqué, intervint Jamiël.
 -  Ah ? »

Ronald soupira lentement, et expliqua à Elena que Serenos avait été amoureux de Nöly, à une époque où cette dernière ne connaissait pas encore Liam, et où son mariage avait été annoncé sans vraiment se soucier de son consentement, afin de rapprocher les Mélisains et les Nexusiens. Conformément à ce que prévoyait l’académie mélisaine, Nöly avait passé un certain temps à Nexus pour s’entraîner, s’éduquer, et en apprendre plus sur l’éternel allié des Mélisains. Elle avait croisé Serenos à cette occasion. Jamiël leur avoua qu’elle s’était rapprochée de Serenos, par son intermédiaire, et que Nöly aurait bien pu tomber amoureuse de Serenos. Le mariage avait cependant eu lieu, et Nöly avait fini par aimer Liam. Leur romance s’était terminée. Elena, qui avait l’impression de se trouver devant l’un de ces contes amoureux pour petites filles avec des triangles amoureux complexes, esquissa un léger sourire amusé. Après toutes ces conversations politiques d’importance, il était bon de décompresser, d’évoquer des sujets bien plus triviaux.

« Et mon père n’a jamais pu encadrer Serenos, c’est ça ?
 -  Leurs premières rencontres ont été assez tendues. Le Lion voyait Serenos comme un jeune blanc-bec venu lui ravir sa muse, Serenos voyait Liam comme un noble parachuté qui venait de lui ravir le sujet de son cœur. Il a bien du vous apparaître que le Roi de Meisa n’appréciait guère la noblesse.
 -  C’est l’image qu’il se donne, oui. »

Elena avait pu le noter. C’était assez conforme à ce qu’on lui disait sur Meisa et sur le Roi de l’île en général : un aventurier, pas quelqu’un qui passait son temps derrière son bureau à envisager les problèmes de son peuple. Ronald indiqua cependant que le courant avait fini par passer entre les deux. Dès que Liam avait vu Nöly, il était tombé amoureux de cette femme, et avait toujours été un homme très droit, et très poli avec les femmes. Il était emporté et énergique, mais aussi calme et sage. Nöly l’avait également aimé, et Serenos avait du s’y résoudre.

« Je pense qu’il a du être jaloux un peu... Mais pas de cette jalousie qui vous corrompt le cœur ou vous noircit l’âme, Majesté... Plutôt de celle, positive, qui vous met à envier le bonheur des autres, et à vous souhaiter la même chose pour vous. Oui, Nöly et Liam s’aimaient d’un amour sincère et honnête... »

Le sujet devenait glissant. Évoquer Nöly et Liam, c’était toujours s’attaquer à une plaie béante, encore ouverte, dans le cœur des nexusiens. Le Lion de Nexus avait tant fait pour la patrie. Grâce à lui, les superforts avaient été améliorées, l’espoir avait resurgi dans le cœur des vassaux et des soldats, et l’Empire avait été repoussé, connaissant l’une de ses plus lourdes défaites. La force du Lion était telle qu’elle avait été jusqu’à susciter le respect auprès de ses ennemis, qui reconnaissaient en lui « un guerrier légendaire, la force de ceux dont nos Empereurs ont tissé l’Histoire ». C’était aussi une manière d’expliquer les échecs récurrents des Ashnardiens, mais il y avait quelque chose de vrai là-dedans. Depuis Sébastian Ivory, on avait point vu un autre homme parvenir à ce point à rassembler autour de lui. Elena savait que son père aurait pu, avec son charisme et sa popularité, réussir à abolir l’esclavage, et à mettre fin à la concentration des moyens économiques entre les guildes influentes du royaume.

Elena hocha lentement la tête, avant d’évoquer un autre sujet : que voulait vraiment le Roi de Meisa ?

« Son royaume a subi il y a quelques mois une virulente attaque de peste... Peut-être cherche-t-il à relancer l’activité économique de son pays.
 -  Nous espions affirment avoir également vu l’homme rôder près de Sylvandell, en même temps qu’un volcan qui aurait éclaté sur ce dernier. Ils ont également rapporté qu’un convoi aurait quitté Sylvandell après son départ pour rejoindre un navire en partance pour Edoras.
 -  Edoras ? »

Elena connaissait Edoras et la Princesse Hinata. Quel rapport y avait-il entre Edoras, Meisa, et Sylvandell ? Ronald n’en savait pas plus. Elena était troublée, et se demandait s’il ne fallait pas écrire une missive à la Princesse Hinata sur la question... Elle décida de remiser cette question pour plus tard.

Jamiël, quant à elle, savait où elle allait se rendre ce soir.



JAMIËL

La tutrice d’Elena savait très bien que, parfois, avec la complicité d’Adamante, la Reine empruntait des passages secrets pour sortir en toute discrétion du Palais d’Ivoire, et ainsi avoir un aperçu direct sur son royaume. Elle n’avait pas cherché à l’en empêcher, estimant qu’il était normal que la Reine se renseigne sur son royaume. Et puis, elle savait qu’Adamante la protégeait, et, même au-delà de ça, la Reine avait d’autres protecteurs, plus discrets. La jeune femme n’avait jamais vraiment eu d’enfance. Elle avait perdu ses parents très tôt, une tragédie, au sens général pour l’État tout entier, en particulier pour la jeune femme. Son enfance lui avait été arrachée, et qu’elle puisse la retrouver, grâce à Adamante, c’était quelque chose qu’il fallait encourager. C’est ce que Nöly aurait voulu.

Repenser à son amie rendait toujours Jamiël nostalgique... Surtout, elle se demandait ce que voulait Serenos. Même elle ne croyait pas aux arguments qu’elle avait avancé devant Elena. Serenos n’était pas du genre à quémander de l’aide. Au contraire, il était plutôt du genre à mettre son royaume en avant, en négligeant le fait qu’il n’était pas une puissance mondiale. Jamiël portait un châle avec une capuche, et s’avançait à travers les couloirs secrets du Palais d’Ivoire, pour rejoindre la crypte secrète où Serenos avait jadis pris l’habitude de rencontrer Nöly et Liam. Jamiël connaissait naturellement l’endroit, et y pénétra, devant brièvement passer par les égouts.

La crypte secrète était envahie par la poussière et par les toiles d’araignées. Silencieusement, Jamiël considéra la statue qui avait été faite ici, représentant Nöly et Liam ensemble, ainsi que Serenos à côté. Il y avait bien des interprétations à donner à cette œuvre.

Jamiël avait remarqué l’oiseau, et tourna sa tête vers lui, puis sourit légèrement.

« Ainsi donc, Serenos, après toutes ces années, vous revenez enfin dans ma vie... Je dois bien admettre que je n’y ai vraiment cru que lorsque je vous ai vu en chair et en os, ce matin. »

On pouvait comprendre la surprise de Jamiël, car elle n’avait pas vu Serenos depuis des années.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 14 avril 2014, 22:02:42
« Ainsi donc, Serenos, après toutes ces années, vous revenez enfin dans ma vie... Je dois bien admettre que je n’y ai vraiment cru que lorsque je vous ai vu en chair et en os, ce matin. »

L’oiseau croassa avant de  se poser sur le sol et déballer ses ailes bien grandes.  Sous sa forme aviaire, le monarque de Meisa ne semblait guère impressionnant, mais comme le Sombrechant était l’animal volant qu’il parvenait le plus aisément à se représenter en esprit, il était plus simple d’en prendre la forme. Il admit cependant qu’il était beaucoup plus simple d’avoir une conversation avec un autre être humain plutôt qu’avec une créature à plumes, ce qui l’incita à reprendre son physique de naissance. À ses pieds, un petit cercle doré, représentation miniature des inscriptions de pouvoir qui décrivait la magie qui habitait le Roi, se forma, et  le petit oiseau se mit à luire un bref instant. C’est dans une explosion de plumes noires que le Roi reprit son apparence humaine devant la magicienne. Le Roi souriait, tendrement, et chassa les plumes d’un geste de la main.

« Si j’avais pensé qu’un jour, je puisse vous manquer, je serais passé dire bonjour, plutôt que d’envoyer des lettres. C’est bon de vous revoir, Jamiël. Vous me voyez ravi de vous voir aussi bien portante. »

Le Roi parcourut d’un pas la distance qui les séparait et passa, sans outrepasser la décence, ses bras autour des épaules de la jeune femme et l’enlaca dans une étreinte amicale. Toujours dans le respect des convenances, le Roi mit fin à cette embrassade très rapidement, puisqu’il s’agissait que d’un salut affectueux. Les bras sur les épaules de la dame magicienne, il s’éloigna de par leur longueur et regarda ses beaux yeux bleus. La dame, même dans sa jeunesse, avait toujours été d’une grande beauté, mais l’âge ne faisait qu’accentuer cette grâce austère que seule une femme aux grandes responsabilités pouvait avoir, lui donnant cet air sublime qui, s’il n’était pas lui-même, aurait peut-être pu le charmer. Malheureusement, il avait vécu beaucoup trop d’expériences malheureuses avec les magiciennes pour nourrir l’espoir d’un jour en faire tomber une à nouveau dans ses bras. Et puis, Jamiël était intouchable à ses yeux; meilleure amie de Nöly, elle était comme une sœur à ses yeux, et du fait, elle était également membre du quatuor que les trois monarques avaient formé autrefois. Il voulut lui faire un compliment, mais il savait qu’aucun mot ne rendrait justice à cette chaste affection qu’il éprouvait pour elle, aussi se contenta-t-il de sourire avec gentillesse. Il la relâcha finalement, s’éloignant pour se caler le dos contre le rebord de la fenêtre.

« Je vois que vous avez deviné sans problème que ma présence ici n’avait rien à voir avec mon désir de renouer une alliance avec Nexus. Après tout, vous êtes trop futée pour ne pas voir une supercherie quand vous en voyez une, et je vous sais trop maligne pour l’ignorer. »

Le Roi la regardait. Allait-il lui révéler qu’il avait senti la trace de son ennemi en Nexus? Qu’il commençait à croire que les événements d’il y a dix ans avaient quelque chose à voir avec ceux qui se produisaient là, immédiatement? Il ne le savait pas lui-même. En toute honnêteté, il préférait ne rien avancer pour le moment, parce qu’il n’avait aucune autre preuve que ses propres sens magiques, et surtout une énorme part de pressentiment était à l’œuvre, plus qu’une certitude. Il baissa un moment la tête, réfléchissant un moment en silence, avant de lever les yeux vers les plafonds. Un sourire flotta sur ses lèvres lorsqu’il reprit la parole. Il ne savait que dire après tant d’années de simple correspondance. Pouvait-il encore se considérer comme son ami, après autant de temps? L’amitié était quelque chose de très fragile lorsqu’elle n’était pas entretenue. Finalement, il lâcha un long soupir et regarda la jeune femme droit dans les yeux.

« Mon temps parmi vous tire à sa fin, Jamiël. J’ai vu l’Étoile Sanglante en Sylvandell. Bientôt, un adversaire à ma hauteur arrivera sur Ayshay’la, Terra si vous préférez. Entretemps, je veux réaliser trois choses; assurer l’avenir de Meisa et de ses habitants, nommer un héritier à mon trône et écarter la menace que j’ai entrevue en Sylvandell. »

S’il n’avait pas été aussi sûr des prochains événements, le Roi n’aurait jamais été jusqu’à se déplacer en Nexus. Mais s’il lui parlait de l’héritage et l’avenir de Meisa, c’est que quelque part, sa décision la concernait, elle ou sa protégée. C’était un plan que le Roi avait établi au cas où la position d’Elena n’aurait pas le développement escompté. Le Roi en avait discuté avec Nöly, mais la Reine avait jugé que sa décision n’était pas convenable aux yeux du peuple, qu’elle ne pouvait pas lui permettre une telle chose. Pourquoi abandonner tout cela, et laisser sur sa fille la responsabilité d’un Royaume qu’elle ne connaissait pas? « Parce que je crois en elle. Je crois en la fille de Nöly. Et je sais qu’avec Jamiël à ses côtés, elle deviendra une Reine encore plus apte que moi, ou que vous. » Voilà ce que le Roi pensait, et ce qu’il avait dit à la Reine. Lui qui n’avait plus d’enfants, lui dont le seul fils encore vivant était un traître à son sang, lui qui avait perdu jusqu’à une part de son humanité, il trouvait encore la foi en une personne. Elena n’avait même pas encore ouvert les yeux qu’il voulait laisser entre ses mains l’avenir d’une nation.

Le Roi contourna alors Jamiel et examina les vieux fauteuils qui se trouvaient dans la pièce. Il en chassa rapidement la poussière puis il se tourna vers l’âtre de la cheminée. Agrippant une petite pelle et un seau, il retira les cendres qui s’y trouvaient, puis il y glissa de nouvelles bouches, séchées par le temps, qui promettaient un bon feu, avant de les enflammer du feu de sa paume. Lorsque celui-ci fut assez fort pour illuminer la pièce, le Roi se redressa, secouant ses pantalons pour en chasser les résidus de cendres et de pierre qui s’y trouvaient, pour ensuite s’approcher de la grande bibliothèque qui se trouvait contre le mur opposé. Il parcourut calmement les nombreux livres qui y reposaient d’un bref regard sur la couverture avant d’en extirper un grand ouvrage, intitulé « Les Malédictions et Autres Phénomènes Magiques Néfastes », qu’il dépoussiéra rapidement avant d’y jeter un sort de conservation, pour que les pages ne s’endommagent pas, et il le déposa sur une table. Le Roi tourna quelques pages, remerciant l’auteur pour avoir répertorié les malédictions en ordre alphabétique, et surtout dans la langue ancienne et la langue commune. Lorsqu’il trouva la page qu’il recherchait, il s’éloigna de la table pour laisser Jamiel voir ce qu’il voulait lui montrer.

Sur la page, il était possible de lire les informations suivantes.

« L’Étoile des Présages

À la différence de l’Augure de Mort, l’Étoile des Présages est un astre pouvant être vue par tous, et non pas seulement par une personne concernée. Elle ne se révèle qu’après une ère de grande violence, de tristesse et surtout de mort, normalement après un génocide à très haute échelle. L’Étoile des Présages se présente comme un astre rouge, mais les écrits des anciens révèlent que cette même étoile grossit avec le temps. On en parle comme d’une étoile, mais selon les Anciens, cette étrange lueur est en fait une déchirure entre le monde des morts et le monde des vivants, une cicatrice qui annonce l’arrivée d’une calamité. Plus la calamité approche et plus cette étoile s’étend, jusqu’à devenir un second astre de la taille d’un petit soleil. Cette étoile a d’étranges effets sur le monde des vivants, qui sont divisés en cinq étapes qui déterminent la gravité de la situation. La première étape est le Cauchemar, une période où les mythes et superstitions deviennent une réalité. Par exemple, ceux qui croient en la chance voient des événements tristes se produire lorsqu’ils exécutent un acte qui, normalement, devait avoir une influence néfaste sur celle-ci, et cela ne concerne pas que les croyants, mais aussi ceux qui se trouvent en contact avec eux. La seconde étape est la Chasse, où des monstres pourtant disparus depuis des millénaires resurgissent de l’Abîme pour terroriser les vivants. La troisième étape est le déchainement des éléments, période où la foudre, la pluie et les tempêtes ruineront récoltes et bétails. La quatrième verra la magie noire, les démons et autres plaies de ce monde devenir beaucoup plus puissants, beaucoup plus dangereux, alors que les protecteurs de ce monde seront affaiblis. Finalement, la cinquième étape est celle de l’Arrivée, où la Calamité se produira.
»

Le passage est suivi par une représentation grotesque de la position approximative de l’étoile dans le ciel, ainsi que quelques images de monstres possiblement éveillés par son apparition.

« La première étape ne se produira pas immédiatement, déclara Serenos en s’installant sur un des fauteuils, face à la magicienne. Et je doute que vous n’ayez vraiment à vous soucier des « superstitions » de mon peuple, mais comme Ragnarök chez les barbares du Nord et l’Apocalypse de l’Ordre Immaculé, cette fin va bientôt arrivée, car des massacres innommables sont à venir si je ne parviens pas à les avorter dans l’œuf. Jamiël, je crois qu’Elena est la clé qui nous permettra de retarder le début de cette crise. Je crois qu’Elena peut nous sauver. Et je crois que Meisa pourra devenir une arme pour Elena et la Lignée des Ivory. »

Il jouait maintenant carte sur table; il comptait faire d’Elena la dirigeante de Meisa. Il en parlait à Jamiël car en tant que tutrice et protectrice de la lignée des Ivory, la magicienne était la seule personne capable d’évaluer si ses ambitions étaient raisonnables. Serenos n’entendait évidemment pas que la jeune femme prenne le pouvoir dans la seconde, car de toute façon, Nexus n’était pas encore complètement sous le contrôle de la jeune Reine, et Meisa devait impérativement rester le havre pour les déshérités que Serenos avait établi. Un endroit où ceux qui n’avaient plus de chez eux pouvaient s’établir et vivre en paix, un endroit où les persécutés pouvaient se retirer et s’épanouir. Serenos n’était pas encore prêt à mettre l’avenir d’une nation entre les mains d’Elena alors qu’elle-même n’avait pas son propre royaume entre les siens, mais il avait confiance qu’un jour où l’autre, elle aura la capacité de le faire, de se libérer des entraves du gouvernement actuel et de reprendre les rennes de la contrée que sa famille dirigeait depuis des générations.

« Jamiël, est-ce que le Roi Cramoisi t’évoque quelque chose? Est-ce que ce nom signifie quoi que ce soit pour Elena? »

Le Roi priait secrètement que non, car il y avait encore quelque chose qui l'inquiétait; quelque chose que la Sorcière Grise avait dit. Du fait qu'ils cherchaient à créer un monde nouveau, un monde libre, et pour créer quelque chose de nouveau, quoi de mieux que d'anéantir tout ce qui symbolisait le temps passé? Il n'était pas encore sûr de ses théories, mais il avait la certitude que Meisa n'était pas la première victime des machinations du sorcier maléfique.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mardi 15 avril 2014, 12:32:18
Jamiël avait toujours eu la tête sur les épaules, et Nöly la tête dans les étoiles. S’il y avait bien un élément capable de dissocier les deux amies, c’était bien celui-là : Nöly était une éternelle romantique, éprise de liberté, qui venait des Îles Mélisi, et concevait difficilement l’idée d’un mariage sans passion. Jamiël, elle, avait une approche bien plus cartésienne : un mariage renforcerait les liens entre Nexus et les Îles Mélisi, ce dont les deux États avaient bien besoin, avec la menace grandissante des Ashnardiens. On ne pouvait tout simplement pas faire autrement. C’était plutôt curieux, quand on y pense, car c’était Nöly qui était devenue la Reine, soit un poste appelant à être rationnel, et Jamiël magicienne, soit une fonction qui, par définition, laissait place à la rêverie... En théorie, du moins. En pratique, en effet, les magiciens étaient plus souvent proches des rois et des ducs qu’ailleurs, leur servant de conseillers et de protecteurs. Il était désormais admis qu’aucune collectivité territoriale d’importance ne pouvait subsister sans avoir un magicien talentueux au sein de la tête dirigeante. Le magicien fournissait des informations précises sur les monstres, l’influence des forces magiques dans la vie quotidienne, et, plus généralement, servait de précepteur, ou, comme Jamiël, de nourrice. Il en résultait que, parfois, les mages étaient représentés sous la forme d’être avides aux doigts crochus, uniquement motivés par le pouvoir, et dévorés par un arrivisme politique de la pire espèce.

La jeune femme s’en faisait cette réflexion alors que Serenos lui confirma qu’une alliance n’était pas le but de sa visite, ce que Jamiël avait cru comprendre. Elle pensait que c’était plus lié à cette épidémie de peste que les espions nexusiens avaient rapporté, et elle n’avait, en ce sens, que partiellement tort. Le monarque lui expliqua avoir vu « l’Étoile Sanglante ». Jamiël resta silencieuse, tandis que Serenos consultait un grimoire poussiéreux. Elle, elle n’avait jamais cru à ces prophéties, à ces divinations sur la fin du monde. Ce n’était que des racontars propres à amuser la galerie. Si on en croyait les prophéties, le monde aurait déjà du disparaître mille fois, de toute manière. Des prophéties, on en trouvait partout, et, pour elle, ce n’était que la même chose : du délire de créateurs imaginatifs. Nöly, là encore, avait été moins pragmatique qu’elle, et elle laissa Serenos lui montrer la page correspondant à l’Étoile de Présage. Bras croisés, Jamiël entreprit de la lire.

Cette prophétie décrivait la fin du monde en cinq étapes :




Ce genre de facéties, voilà qui fascinait Nöly. Elle aurait probablement eu des yeux brillants. Cependant, Jamiël, elle, n’était plus une adolescente. En tant que tutrice de la Reine, elle siégeait au Conseil royal, et avait, chaque jour, des sujets de discussion bien plus prosaïques à discuter, l’éloignant de tous ces fantasmes d’adolescents sur la faculté de devenir un hypothétique sauveur du monde : la hausse de la valeur marchande des betteraves, pour prendre un exemple caricatural. Serenos, en tout cas, était convaincu que ce funeste destin allait se produire, et lui fit comprendre que, selon lui, seule Elena avait les moyens de l’en empêcher.

*Allons bon, voilà que ça devient contagieux...*

Est-ce que tout ce laïus n’avait que pour seule autre finalité de demander la main d’Elena ? Jamiël ne pouvait s’empêcher de raisonner de manière assez matérialiste. Bras croisés, elle continuait à écouter Serenos lui parler, lorsque ce dernier lui posa une question, plus perturbante que ses prophéties :

« Jamiël, est-ce que le Roi Cramoisi t’évoque quelque chose ? Est-ce que ce nom signifie quoi que ce soit pour Elena ? »

All Hail The Crimson King... La vieille maxime résonna brièvement dans son esprit à l’évocation de ce nom. Elle ferma brièvement les yeux, avant de lui répondre :

« Il y a quelques mois, la Reine a été dans une embarcation pour aller voir les Hauts-Elfes de la Sylve. Le Judicateur Suprême voulait lui parler, et lui a expliqué des choses sur sa naissance. Depuis lors, Elena est convaincue qu’elle est au cœur d’une espèce de prophétie biblique visant à supprimer le Roi Cramoisi... Je ne voulais pas qu’on lui bourre le crâne de telles inepties, car les problèmes à Nexus sont déjà suffisamment importants comme ça sans qu’on y rajoute des prophéties divines. »

Elle savait qu’elle allait devoir en dire plus, et esquissa un soupir, en se retournant brièvement, comme si elle fixait un point inconnu. Cette crypte... Serenos ignorait très certainement où elle menait réellement. Y aller rappelait à Jamiël de mauvais souvenirs, car ils étaient heureux, et tout ce qui est heureux et appartient au passé ne peut être que mauvais.

« Nöly avait d’importants problèmes de grossesse, et j’ignorais ce qu’elle avait. Le Judicateur Suprême lui a expliqué que ce dont elle souffrait était la conséquence d’un poison particulièrement puissant et efficace, un poison qui, sans l’endommager, détruisait tous les spermatozoïdes que le Roi distillait en elle. Les conclusions du rapport du Judicateur ont été naturellement tenues secrètes, et c’est grâce à son aide que Nöly a finalement pu enfanter. Selon les recherches du Judicateur, le Roi Cramoisi serait à l’origine de ce poison, mais je n’y crois pas trop. Pour moi, il s’agit juste d’un complot politique, mené par quelques nobles influents et des bourgeois puissants, qui refusaient de se laisser faire sans réagir en voyant que la Couronne voulait abolir l’esclavage. »

Pour elle, le Roi Cramoisi était ce qu’il était : un Empereur fou qui s’était exilé dans son ancien fort, et qui était assurément en train de dépérir. En rien, il n’était un instrument du Chaos, ou la créature qui apporterait la fin du monde. Jamiël soupira faiblement. Il y avait d’autres parties qu’elle préférait taire pour elle, notamment la crise magique inattendue d’Elena au monastère. Si c’était un complot, il impliquait effectivement des gens, et on pouvait tout à fait analyser l’entêtement de Jamiël comme une sorte d’aveuglement.

« Je crois qu’il est facile de voir des présages partout, et d’en tirer des conséquences exagérées. Le Roi Cramoisi existe, et je sais qu’il inquiète les Hauts-Elfes... Mais tout inquiète ces derniers depuis qu’ils ont perdu de leur influence. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 24 avril 2014, 05:57:12
Lorsque la magicienne admis qu’Elena avait un lien, même indirect, avec le Roi Cramoisi, le Roi se sentit soudainement moins vaillant. Une colère sourde l’envahit même lorsqu’elle lui parla du poison qui avait empêché pendant des années Nöly et Liam de connaître le bonheur d’être des parents. Le monarque ne connaissait que deux poisons capables d’agir d’une telle façon, tous deux très efficace, à la différence que l’un était consommé par les femmes, normalement des prostituées, et était disponible chez tous les apothicaires compétents, et un second qui, pour sa part, n’existait qu’en fait, car il ne possédait aucun nom officiel, et très peu de personnes savaient comment le créer. Le Roi allait poursuivre la discussion quand Jamiël lui fit comprendre, subtilement, qu’elle ne désirait pas parler de ce genre de choses, parce que pour elle, elles n’existaient pas, et seules les preuves pouvaient bien lui faire changer d’idées. Chose rare pour un magicien, mais Serenos pouvait comprendre que Jamiël avait délaissé la fantaisie qui accompagnait sa profession pour se concentrer sur les faits réels, parce qu’Elena avait besoin d’une telle personne, comme Nöly avant elle. Le Roi s’étonnait parfois de ne pas être tombé amoureux de Jamiël plutôt que de Nöly, d’ailleurs. Elle répondait pourtant à tout ce qu’il pouvait désirer d’une femme; ravissante, cultivée, intelligente, versée dans les arts magiques et encore bien d’autres, mais peut-être était-ce son amour sincère pour son amie qui avait établi une barrière infranchissable pour les hommes de son genre. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, d’ailleurs. Cependant, malgré leurs différences, le Roi avait pour la belle magicienne une sincère affection, et un respect encore plus grand.

« Les prophéties ne sont pas faites pour les gens comme vous, Jamiël. Mais moi, même si elles ne me plaisent pas, une part de moi exige que j’y porte la plus grande des attentions. Restons-en là. Nous sommes tous les deux tels que nous sommes, et je ne voudrais pas gâter notre réunion avec une dispute à savoir si oui ou non mes soupçons sont fondés. Je continuerai d’agir en conséquence, et vous continuerez de protéger Elena des menaces proches. C’est pour cela que je ne suis pas le gardien d’Elena, et vous si. »

Le Roi fit bouger les fauteuils de façon à ce qu’ils soient face à face, avant de faire voler une table près d’eux d’un geste de la main. Comme beaucoup de mage-guerriers, son utilisation de la magie avait quelque chose de moins raffiné lorsqu’il l’usait en temps de paix. Pourtant, il était certainement capable de glisser un peu de grâce dans ses sortilèges. Enfin, chaque magicien avait son style. La finesse de Serenos ne se démontrait que lorsqu’il préparait un sort complexe qui nécessite toute son attention, ce qui faisait de lui le sorcier le plus talentueux de cette ère. Il fit apparaître sur la table deux tasses et y fit apparaître du thé chaud aux herbes aromatisées, puis il en offrit une à la magicienne.

« Et vous? Comment allez-vous? Prenez-vous toujours la peine d’exercer vos talents, ou la vie de la cour royale ne vous laisse pas le temps de pratiquer? »

La magie, comme un muscle, nécessitait une pratique régulière pour conserver sa fiabilité. Un magicien ou une magicienne négligeant son entrainement pouvait parfois souffrir de difficultés au moment de lancer un sort. Et la cour royale n’était pas l’endroit le plus convenable au perfectionnement du talent d’un magicien. Nexus avait sa communauté magique, mais contrairement à Meisa, elle n’était pas aussi commune, et surtout moins encouragée. Serenos, à l’époque des Ivory, avait souvent tenté de convaincre Jamiël de venir un temps en Meisa perfectionner son art, mais Nöly trouvait toujours une raison pour garder son amie près d’elle, pas parce qu’elle ne voulait pas la voir se développer, mais parce qu’elle ne voulait pas être séparée de sa seule confidente.

La conversation resta un moment sur le sujet des aptitudes des deux magiciens. Serenos lui parla alors des progrès de l’Académie de Magie Meisaenne, et lui parla aussi de son projet de faire renaître les Tours de Magie, les vieilles institutions pour jeunes magiciens talentueux, un projet qu’il comptait faire entendre dans tous les royaumes pour que les magiciens de certains endroits moins ouverts puissent se rassembler et être protégés des citoyens, tout en protégeant ceux-ci des catastrophes qu’un magicien mal entrainé peur causer. Il lui parla aussi de quelques nouvelles précautions contre les mages mal intentionnés qu’il avait élaborées en Meisa, ainsi que ses travaux de réaménagement paysagers qu’il entendait entreprendre bientôt; les cinq îles mineures de Meisa seraient bientôt connectés à l’île principale par des ponts, facilitant les déplacements des marchands, et il avait également ordonné la création de navires de guerre. Il présageait une guerre à venir avec Ashnard, suite aux provocations que l’Empire lui avait récemment infligées, à commencer par l’emprisonnement de beaucoup de citoyens Meisaens en territoire Ashnardien sans la moindre notice. Il planifiait également entamer des procédures pour créer entre Meisa et certains royaumes indépendants du Continent Inconnu pour forger une coalition pour faciliter les opérations militaires, économiques et politiques. Ce projet prendrait du temps, mais s’il réussissait un tel projet, non seulement sa légitimité serait davantage approuvée, mais en plus, la puissance de Meisa continuerait de s’étendre.

Après quelques minutes, le visage du Roi sembla se voiler d’une certaine tristesse. Il porta une main à l’endroit de son cœur, où il avait été blessé, puis il leva les yeux vers Jamiël. Cette blessure n’avait rien de douloureux, mais elle lui rappelait un détail sur une autre raison de sa présence.

« Après la mort de Liam et Nöly, je ne me suis pas mêlé des affaires Nexusiennes, parce que cela dépassait mes privilèges royaux. Mais je vois bien qu’Elena n’a pas hérité des pouvoirs de sa famille, parce qu’elle est jeune. Inexpérimentée. Je ne suis pas le meilleur des Rois, c’est pour cette raison que j’ai instauré plusieurs conseils en Meisa en me réservant le droit de veto sur les décisions de mes conseillers si je le jugeais nécessaire, mais voilà, ici, c’est les Conseillers qui ont le droit de veto sur les décisions de la Reine. Je m’inquiète, Jamiël. Je m’inquiète terriblement. »

Devant la magicienne, le puissant Roi se mit à trembler, les mains jointes devant ses lèvres. Nexus était le royaume de ses précieux amis, et Elena était une enfant qu’il avait juré de protéger. Et pourtant, il se sentait si impuissant, car malgré tout, il n’avait au fond aucun pouvoir en Nexus. Il n’avait pas le droit de vote, ni le droit de s’intégrer à la cour. Liam et Nöly, malgré leur confiance mutuelle, savait que Serenos n’avait pas la finesse nécessaire pour ne pas causer de catastrophes. Il était dangereux, tout le monde s’accordait pour le dire, lui inclus.

« Croyez-vous que Nexus a encore une chance de redevenir ce qu’elle fut sous le règne de Liam, Jamiël? Répondez-moi franchement. »

Il serait normal pour la magicienne d’hésiter à lui répondre, voire de s’abstenir. Du temps de Nöly et Liam, il n’était pas rare que certains « problèmes » de Nexus disparaissent mystérieusement, sans laisser de trace, après un passage de Serenos. Et si elle admettait que les nobles mettaient des bâtons dans les roues du trône, Serenos serait capable de se déclarer « ennemi de Nexus » simplement pour avoir le privilège de tuer tous les membres de la noblesse ainsi que ceux du Conseil de Régence qui ne supportent pas Elena. Tel n’était pas son but, évidemment, mais il était de connaissance général que ce genre de choses étaient exactement dans les capacités du Roi de Meisa. Après tout, qui pourrait s’opposer à ce monstre de pouvoir brut une fois qu’il serait à pleine puissance? Il ne déplace pas le Secret de Meisa régulièrement, mais s’il venait à le faire, Nexus en aurait pour des années avant de redevenir ce qu’elle serait. Peut-être était-ce parce qu’il se voyait comme un martyr, ou un truc dans le genre, mais même s’il était détesté de tous, tant qu’il pensait agir pour le bien de tous, il n’hésiterait pas un instant.

Les tremblements du Roi s’estompèrent graduellement, alors qu’il reprenait son sang-froid, mais il regardait toujours aussi fixement la conseillère de Nöly.

« J’ai aussi une autre question. Est-ce qu’Elena… possède le Don? »

Le Don était l’appellation que Serenos et ses semblables donnaient à la capacité d’user de la magie. Le Don n’était pas toujours héréditaire, quoi que la famille des Ivory avait témoigné par moment l’existence d’un certain talent magique, quoi que le dernier magicien de cette lignée remontait à près de trois siècles auparavant. La magie n’était pas toujours démontrée par un pouvoir exceptionnel, mais il arrivait que certaines personnes douées possèdent une chance incroyable, ou un instinct sans faute, d’autres attiraient à eux des alliés et des personnes possédant des talents incroyables. Le Destin et le Don étaient intimement liés, et dans des périodes de grands troubles, un nombre croissant de magiciens et de gens possédant des pouvoirs particuliers apparaissaient.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le samedi 26 avril 2014, 02:42:20
Jamiël et Serenos continuèrent à discuter de choses et d’autres, Serenos ne tardant pas à évoquer Meisa, et la manière dont il essayait d’améliorer ce dernier. Jamiël lui demanda si cette épidémie de peste qui avait éclaté chez lui n’était pas liée aux Ashnardiens, ce qu’il démentit, tout en soulignant le fait qu’il s’attendait à devoir un jour affronter les Ashnardiens. Il envisageait ainsi de créer une coalition regroupant d’autres puissances pour opposer un front solide à l’Empire. Il est vrai que l’Empire d’Ashnard multipliait les offensives contre les royaumes neutres. Ses assauts contre Inferis avaient permis de se rapprocher des Infernois, et Nexus avait participé avec lui au siège d’Herzeleid. De même, on disait que les Ashnardiens massaient des troupes près de cette région du globe qu’on appelait « royaume terranide ». Les évènements se précipitaient, et la rumeur disait aussi que les Ashnardiens se préparaient à mener un autre assaut général contre les superforts nexusiens. Serenos avait, en somme, bon espoir de réussir à créer un second front, probablement pour contourner les principales lignes ashnardiennes, et placer l’arrogant Empire en situation de faiblesse. Pour Jamiël, ainsi que pour les stratèges nexusiens, seule Tekhos avait les moyens matériels de défier les hordes innombrables des Ashnardiens sur le continent. Là où Nexus était avant tout une puissance maritime, par le biais de ses immenses flottes quadrillant les océans, Ashnard, lui, était clairement une puissance continentale, disposant d’une infanterie terrifiante, d’une artillerie de guerre monstrueuse, et d’une capacité phénoménale à renouveler ses garnisons et à renforcer ses armées. Leurs sombres alliances permettaient de plus aux troupes ashnardiennes de traverser le continent sans être inquiétées par la plupart des monstres et des forces sombres qui l’habitaient, et qui avaient souvent pour effet de ralentir un peu le déplacement des armées. Pour l’heure, la stratégie de Nexus était essentiellement défensive. Le Conseil royal voulait sécuriser davantage la frontière, et envisageait, à long terme, des attaques maritimes pour affaiblir l’Empire en l’attaquant depuis les côtes. Nexus voulait aussi développer des alliances économiques avec la plupart des puissances neutres. L’or était le nerf de la guerre, que ce soit pour payer la solde des soldats, entretenir les forts, ou la flotte. Jamiël, qui avait accès au budget du royaume, savait que les dépenses militaires constituaient une part importante des caisses du Trésor.

« Croyez-vous que Nexus a encore une chance de redevenir ce qu’elle fut sous le règne de Liam, Jamiël ? demanda alors Serenos, arrachant Jamiël à ses pensées. Répondez-moi franchement. »

Elle réfléchit brièvement. Toute la question était de savoir ce que Nexus était censé être « sous le règne de Liam ».Les commentateurs voyaient alors Nexus comme étant à son apogée, mais Jamiël savait que ce n’était pas vrai. Pour elle, il était injuste de mettre tout sur le dos du Conseil, ou d’Elena, pour justifier l’appauvrissement croissant de Nexus, l’explosion de la précarité, de la misère sociale, et la hausse globale de la délinquance. C’était un raccourci bien trop facile, et qui négligeait d’autres réalités. Elle hésitait un peu, mais Serenos enchaîna alors, sans lui laisser le temps de répondre à sa première question :

« J’ai aussi une autre question. Est-ce qu’Elena… possède le Don ? »

Le Don... Un terme élogieux pour désigner le fait d’avoir des aptitudes magiques. À l’académie, on avait appris à Jamiël que la magie était une force naturelle. En tant que telle, elle pouvait donc être appréhendée sous bien des manières, notamment scientifique, et il était admis que la magie était universelle. Chaque individu, techniquement, avait en soi le Don, mais, chez la majorité des personnes, il était latent, inexpressif.

« Pas au sens où on l’entend habituellement, non... Elena a une formatrice magique, vous savez... Une Haute-Elfe, Nyzaël. Cette dernière a essayé de lui enseigner certains sorts élémentaires, mais Elena en est tout simplement incapable. Pourtant, d’après le Judicateur, Elena a une aptitude spéciale, qui est partiellement génétique, et partiellement... Autre chose. »

On en revenait à ces histoires de prophétie. Jamiël ne savait vraiment pas quoi en penser. Pour une mage, elle était très rationnelle, ce qui, a priori, semblait contradictoire. Cependant, elle avait toujours eu une vision pragmatique et réaliste des choses, à l’opposé de Nöly, qui avait toujours été une éternelle romantique. Jamiël réfléchissait à nouveau, et revint alors sur la première question de Serenos :

« Par ailleurs, ne croyez pas que les problèmes que Nexus connaît sont là depuis la mort de Liam et de Nöly. La situation à Nexus se dégrade depuis des dizaines et des dizaines d’années. Un poison lent et corrosif. Leur mort n’a fait qu’accélérer ce système. Certains des conseillers sont effectivement corrompus, mais il faut aussi se replacer dans le contexte. Pendant une dizaine d’années, il n’y avait plus aucun Ivory à Nexus, un fait historique sans précédent. Le royaume aurait pu sombrer dans la guerre civile, dans des guerres de succession interminables... »

Un sort funeste qui aurait sans doute été réel si Elena avait aussi été tuée. Elle était la survivante, la dernière des Ivory, continuant à perpétuer la lignée royale. Sa mort aurait des effets dramatiques. Le Conseil royal tirait sa légitimité du fait qu’il y avait encore une Ivory au pouvoir. Si cette Ivory venait à disparaître, le royaume sombrerait dans la guerre civile. Les Mélisains étaient persuadés que c’était ce que certains Nexusiens voulaient, et c’était pour ça qu’ils avaient décidé, malgré les remontrances du Conseil et les menaces de ce dernier, de conserver Elena chez eux, à l’abri.

« Le Conseil a hérité d’un royaume exsangue, essoufflé par la guerre, épuisé par l’influence croissante des guildes... Je ne dis pas que leur action a été bénéfique pour Nexus, mais, sans eux, la situation aurait été encore plus terrible. Je sais qu’Elena a conscience de cette situation, et elle sait aussi qu’on ne peut pas gouverner un royaume sans conseillers. Est-ce que ça sera suffisant pour permettre à Nexus de refleurir ? Je ne peux que l’espérer. »

C’était tout ce qu’elle pouvait faire : prier pour le bien-être de Nexus.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le vendredi 02 mai 2014, 17:08:28
« Pas au sens où on l’entend habituellement, non... Elena a une formatrice magique, vous savez... Une Haute-Elfe, Nyzaël. Cette dernière a essayé de lui enseigner certains sorts élémentaires, mais Elena en est tout simplement incapable. Pourtant, d’après le Judicateur, Elena a une aptitude spéciale, qui est partiellement génétique, et partiellement... Autre chose. »

N’importe qui peut faire appel à une forme de magie, ce qui explique d’ailleurs pourquoi le nombre de mage noirs ne cessait de croître ces dernières années. Si Elena avait le Don, ne serait-ce qu’une part fragmentaire de celui-ci, il pourrait espérer l’aider à le faire fleurir.

« Je ne doute pas des capacités de cette formatrice, Jamiël, mais les Haut-Elfes ont leur méthode d’enseignement, et j’ai les miennes. »

Enfin, il n’avait pas vraiment à en parler avec Jamiël, puisqu’elle n’était pas la principale concernée dans cette histoire. Serenos pouvait aller très loin pour réussir à faire surgir les capacités d’une personne, mais il réussissait toujours. Il proposerait à Elena ses services en tant qu’instructeur et s’il s’avère que son Don avait une forme distincte, gérée non pas par le contrôle mais par la situation, il devrait l’en aviser immédiatement. Le Roi détailla un moment la pièce du regard et étira un sourire, écoutant d’une oreille les propos de Jamiel par rapport au Conseil de Régence. Son avis sur les guerres civiles était clair; s’il y avait une guerre civile, c’est que le peuple voulait du changement, et si l’existence d’une Ivory avait aidé à contenir la gronde, c’est que le peuple avait encore fois en cette famille, et croyait qu’avec l temps, une Ivory pourrait redresser la situation.

Le Roi ne connaissait rien aux conflits internes nexusiens. Leur situation financière n’était pas sa préoccupation, il n’avait qu’Elena et son bien-être en tête. S’il n’en tenait qu’à lui, la Nexus actuelle brûlerait qu’il ne pisserait pas dessus. Il préfèrerait sincèrement la voir être purifiée par les flammes que rongée par la corruption et la décadence. Il pouvait comparer le royaume de sa protégée au sien autant qu’il le voulait, il savait qu’il était injuste de juger un royaume plurimillénaire et un autre d’une existence beaucoup plus courte, d’une population moindre et surtout beaucoup moins impliqué dans les affaires continentales. Nexus avait eu des siècles et des siècles pour développer ses problèmes, n’étant pas toujours guidés par des gens particulièrement éclairés ni très préoccupés par la santé de son peuple, alors que la vie incroyablement longue du Roi de Meisa avait instauré une certaine stabilité chez lui. Bref, il pouvait comprendre ce que Jamiël lui disait, et même s’il rechignait à admettre, comme toujours, l’utilité d’un conseil de régence alors qu’il y avait une Reine bien vivante et en excellente santé, il pouvait au moins calmer ses impulsions sauvages de massacre, voire de génocide, d’une caste particulière.

La nuit tomba rapidement, sans que leur discussion ne mène nulle part, mais le Roi n’y portait guère attention. Il n’était pas là pour prendre dominance sur le Royaume Nexusien, pas plus que pour se mêler de la vie de la cour. Ses méthodes étaient trop draconiennes, et réclameraient l’immunité que seul le titre de Roi pouvait conférer à un habitant de ce royaume, et Elena était… trop jeune. Il se souvenait des plaisanteries échangées entre lui-même et Liam, à une époque, où par une soirée de beuveries, les deux hommes planifiaient en ricanant le mariage entre lui-même et une possible fille du Roi de Nexus, si le destin le lui en accordait une. Ce n’était jamais plus que des plans de deux hommes ivres, de vieux amis qui ne voulaient briser leurs liens pour rien au monde, et lier leurs destinés pour que jamais celles-ci ne les sépare. L’amour que le Roi de Meisa vouait à Liam était parfois difficile à expliquer, même pour lui-même. Liam était fort, intelligent et plein de valeur, alors que le Roi de Meisa n’avait atteint sa propre puissance que parce qu’il avait été béni par la magie. Personne en ce monde ne pouvait détester Liam, même ses ennemis s’entendaient sur le fait qu’il était dommage de s’opposer à un homme d’une telle qualité, alors que Serenos, pour sa part, était détesté par tous ceux qui ne le connaissaient que de nom. Peut-être l’avait-il mérité, accordait-il à certains détracteurs, mais cela ne l’empêchait pas par moment d’envier Liam, d’aspirer à devenir un homme aussi droit que lui. D’ailleurs, à une époque, il essayait de s’inspirer du règne de Liam pour diriger Meisa, ce qui s’avéra être un lamentable échec, puisque la variété ethnique de Meisa nécessitait une plus grande capacité d’adaptation et surtout une fermeté que beaucoup ne voyaient pas chez lui. Comment autrement pourrait-il empêcher les dragons de faire des ravages sur les villages? Arrêter les raids des Drows? Maintenir en respect les orcs qui cherchaient toujours une nouvelle raison de s’attaquer à leurs voisins? Le Roi avait toujours maintenu son royaume en équilibre car il devait ÊTRE cet équilibre.

« S’il plait à sa Majesté, j’aimerais inviter Elena à parcourir avec moi les rues de Nexus. Si je me souviens bien, il n’est pas interdit à son Altesse de quitter le palais sous bonne escorte, et puis, j’aimerais pouvoir lui parler loin des oreilles indiscrètes. »


***Alessa***
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Le cadavre d’Aleister fut couvert d’une couverture sous les yeux d’Alessa. La Matriarche des Meisaennes avait découvert l’officier sans vie, un peu plus tot dans la soirée, la gorge ouverte. Un assassinat. Elle aurait été furieuse, en temps normal, qu’un officier aussi talentueux et plein de promesses lui était ainsi arraché. La matriarche considérait l’armée de Meisa comme sa famille, aimant chaque membre comme s’ils étaient ses propres enfants, mais plutôt que de la colère, elle ressentait un énorme vide, qui était explicable par sa complète absence de compréhension. Pourquoi, se demandait-elle. Pourquoi quelqu’un voudrait faire du mal à une personne qui n’avait jamais mis le pied en Nexus? Pourquoi lui? Qu’avait-il fait? Et qu’est-ce qui justifiait qu’il puisse être tué d’une façon aussi odieuse? Même en Meisa, un assassin donnait au moins une chance à son adversaire, en lui donnant une forme d’avertissement, avant de mettre son acte à exécution. Elle demanda que le corps soit déplacé discrètement et ramené dans les campements pour les funérailles. Elle tint aussi à leur arracher la promesse de ne rien laisser sortir de cette pièce, que la mort de l’officier était une affaire qui devait se mener dans la plus grande discrétion, et qu’elle prendrait toute responsabilité admettant qu’il y ait faute. Elle ne pouvait simplement pas se permettre de laisser le Roi être informé de cette histoire, où il deviendrait fou de rage. Pas parce qu’un homme est mort, car tout le monde meurt un jour ou l’autre, mais parce que quelqu’un avait assassiné une personne en pleine visite diplomatique, et que cela, à ses yeux, était une raison pouvait justifier l’usage de la force pour dénicher les rats capable de telles abominations.

Les lois de l’hospitalité en Nexus comme en Meisa sont très strictes. Les invités étaient protégés contre les multiples menaces par diverses raisons. Une, et la plus crédible, était la Loi, qui interdit quiconque de blesser, maltraiter, ou tuer volontairement un hôte, un crime punissable d’emprisonnement et possiblement de mort, puisqu’un royaume incapable de protéger ses invités est un royaume que l’on dit malade, et perd rapidement de son prestige et de sa valeur par rapport aux autres royaumes, Ashnard étant présentement l’un des pires de cette catégorie, et tout seigneur, duc, comte ou marquis osant trahir un invité officiel pouvait se voir retirer titres et terre. Une autre était la menace divine, car effectivement, beaucoup de cultes protègent les lois de l’hospitalité, insistant sur le fait qu’une personne offensant un hôte se verrait maudit sur plusieurs générations.

Alessa ne pouvait cependant pas mener son enquête librement, et elle savait exactement à qui s’adresser pour ouvrir celle-ci. La Meisaenne quitta la chambre d’Aleister et s’empressa de gagner les couloirs du palais, préférant marcher vite plutôt que courir et risquer d’alerter tout le monde. Elle gravit rapidement les quelques marches qui la mènerait dans les quartiers des officiers militaires. « Troisième porte à droite après la fontaine » se souvint la guerrière. « Bon sang, ils ne peuvent pas avoir des noms ou des numéros sur les portes, dans ce foutu château? »

« Aïe! »

Le gémissement de douleur de la Meisaenne raisonna dans tout le couloir, et la guerrière se recroquevilla, les mains sur son genou. Elle venait de heurter une des décorations qui ornait la fontaine susmentionnée. Elle se mordit la lèvre inférieure en caressant sa blessure, ravalant tant bien que mal ses larmes de douleur. Elle prit quelques inspirations. Elle se releva et marcha légèrement en boitant sous la douleur qui lui lacérait le genou. « C’est pas vrai, dites-moi que je rêve! Je vous jure, si je savais qui a fait les putains de décoration de cette fontaine à la con, je lui ferai avaler la totalité de son contenu, moi! Jusqu’à ce qu’il explose sous la pression! » Telles furent les pensées de la digne et puissante dame alors qu’elle arrivait finalement devant la porte des appartements de Langley. Elle s’éclaircit la gorge, redressa prestement sa coiffure, renifla son haleine, grogna et se ficha de la menthe dans la bouche, la mâcha un moment en faisant les cent pas dans le couloir, puis renifla à nouveau. Mieux.

Ce comportement étonnant s’expliquait facilement lorsqu’on comprenait la mentalité de la ravissante demoiselle. Célibataire avec un grand faible pour les hommes arborant de fières cicatrices, et surtout pour les hommes capables de la mettre au tapis, elle avait toujours eu le béguin pour le bel officier, même lorsqu’elle n’avait que quinze ans, à l’époque de Liam, quand elle l’avait vu pour la toute première fois.  « Situation pressante ou pas, pas question de laisser passer une chasse de bien paraître devant lui », s’exclama mentalement la dame. Elle cogna vigoureusement à la porte du poing, pour être sûre que celui qui y était ne puisse ignorer sa présence, et attendit qu’on vienne lui ouvrir. Elle sentit soudainement ses jambes la démanger, lui donner une envie très pressante de courir loin d’ici, et de chercher une autre méthode de régler la situation. Aussi vaillante qu’elle était sur le champ de bataille, l’inexpérience d’Alessa par rapport aux hommes la gênait profondément, et son courage prenait souvent la poudre d’escampette. Elle allait finalement se retirer quand le visage vidé par la mort d’Aleister lui revint en mémoire. Elle se mordit la lèvre inférieure et asséna de nouveau coup sur la porte.

« Ronald Langley, ouvrez cette porte! »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le lundi 05 mai 2014, 01:34:44
Ronald « Scar » Langley (http://justanor.deviantart.com/art/Joffrey-de-Peyrac-369836329?q=gallery%3AJustAnoR%2F25751594&qo=68) était un vieil ami de Liam Ivory, un camarde de guerre. Ils avaient été paladins ensemble, auprès du Griffon, et il était resté loyal à sa fille, à la Couronne, et à Nexus. Ronald se souvenait encore des inquiétudes de Liam quand son père avait annoncé vouloir le marier à une Mélisaine. À l’époque, avoir une femme originaire des Îles Mélisi était le meilleur choix possible pour la Reine, un message fort afin de continuer à renforcer la puissance atlantiste de Nexus, et ainsi pouvoir mieux défier les hordes infernales de l’Empire d’Ashnard. Liam, cependant, n’avait jamais été emballé à l’idée de ce mariage politique. Il était un guerrier, pas un animal politique, et les intrigues de cour et les querelles de clochers entre les grandes maisons le lassaient plus qu’autre chose. Il était beaucoup plus proche de l’armée et de la populace que de la noblesse, ce que son règne avait illustré. S’il n’avait pas été tué aussi précipitamment, il était certain, pour Ronald, que le Lion aurait réussi à pousser ses réformes sociales. L’esclavage n’aurait peut-être pas été totalement aboli, mais cette pratique aurait été fortement ébranlée, et Elena aurait hérité d’un royaume bien plus stable, bien plus paisible. Au lieu de ça, la cité-État connaissait une crise sociale sans précédent, la révolte grondait, et la guerre contre Ashnard continuait perpétuellement. Le peuple détestait de plus en plus la Reine en place, et, même si Ronald savait qu’il ne fallait pas accorder une trop grande importance à l’opinion populaire quand on dirigeait un royaume, être une Reine mal-aimée n’était jamais facile à accepter, surtout quand cette rancœur était injustifiée.

Les Meisaens l’embêtaient. Ce n’était pas surprenant : Ronald détestait tout ce qui sortait de son habitude. Il avait pour charge la protection du palais d’Ivoire, et plus particulièrement de la Reine de Nexus. Chacun des hommes de la garde du Palais étaient sélectionnés sur les soins de Ronald, et il fallait parfois des mois pour que Ronald accepte une nouvelle tête. On ne lui prêtait aucune concubine, et aucune relation sexuelle, ce qui ne manquait pas de faire jaser bien des membres de la Cour royale. Aucune prostituée de luxe dans ses quartiers, rien d’autre que le travail, la protection du palais d’Ivoire, et la gestion du royaume. En tant que paladin, Ronald avait un siège au Conseil royal, représentant Haven et l’Ordre du Phénix. C’était une activité qu’il exerçait soigneusement, et, si Ronald n’avait jamais trouvé d’épouse, c’était parce que la femme qu’il aimait lui avait été arrachée lors de la destruction du « Royal’s Wings ». Liam avait vu Nöly pour la première fois deux jours avant la cérémonie, en faisant le mur, et Ronald l’avait aidé dans ce sens. Liam tenait absolument à voir sa promise, et, la première fois que Ronald avait vu Nöly, dans un manoir dans les hauteurs de Nexus, il en était tombé amoureux. Dire qu’il n’avait jamais jalousé Liam serait faux, bien entendu, mais son amitié et son sens de l’honneur prévalaient aux sentiments qu’il éprouvait pour Nöly. Pour être honnête, si cette dernière n’était pas morte, cette amourette se serait progressivement estompée avec le temps, mais, suite à la mort de son vieil ami, et de celle qu’il avait secrètement aimé, Ronald s’était senti responsable du sort d’Elena. Dans les mois qui avaient suivi la catastrophe, c’était Ronald qui avait assuré le lien entre Elena et Nexus, en indiquant au Conseil de régence que cette dernière allait bien, mais que les Mélisains avaient choisi de la protéger. Cette situation avait, à l’époque, profondément refroidi les relations entre les deux États, ce qui faisait que, même maintenant, on pensait que les Mélisains avaient juste cherché à retourner l’esprit d’Elena, en la rapprochant d’Adamante, une Mélisaine au caractère bien plus trempé que la discrète Elena.

Ronald n’aimait pas que des étrangers arrivent dans le Palais d’Ivoire, tout simplement, car des étrangers signifiaient toujours des problèmes. Pendant que Jamiël était en train d’expliquer à Serenos qu’une visite avec la Reine ne pourrait se faire qu’avec l’aval de Ronald, ce dernier était dans son bureau, dans ses appartements personnels. Il avait délaissé son armure pour des vêtements plus simples, et écrivait des ordres de mission à la lueur de chandelles de nuit.

Il entendit des coups frénétiques se taper à sa porte, et grommela, légèrement contrarié qu’on vienne ainsi le déranger, alors qu’il était sur des choses importantes. Ses ordres de réquisition étaient liés à une enquête architecturale qu’il était en train de mettre en place, afin de pouvoir condamner les passages secrets qui circulaient dans le Palais d’Ivoire. Ces passages, qui correspondaient à d’anciens couloirs datant des anciennes forteresses, ou avaient été construits par des rois paranoïaques, représentaient des failles pour la sécurité, et Ronald espérait bien lutter contre eux.

On tapa à nouveau, et il reposa sa plume en soupirant.

*Quel est donc le sagouin qui vient à une heure pareille ?!*

La soirée était bien avancée, et, depuis sa fenêtre, il faisait nuit. Ronald finit par s’extirper de son bureau, et s’avança lentement. Il entendit une voix étouffée, féminine, parler à travers la porte, mais cette dernière était plutôt solide, ce qui fit qu’il n’entendit rien. Ronald s’avança rapidement, et récupéra la clef de la porte, puis l’enfonça dans la serrure, et la fit tourner.

En l’ouvrant d’un coup, il cligna des yeux en reconnaissant Alessa. Quand Serenos venait voir Liam, jadis, il était accompagné par cette femme. Une poupée assez mignonne, dont la vision lui avait souvent permis d’oublier Nöly. Légèrement troublé, car il s’attendait à voir une servante, Ronald cligna des yeux, avant de laisser passer son trouble.

« Alessa ? demanda-t-il. Par la sainte barbe, que vous arrive-t-il donc, à matraquer ainsi ma porte ?! »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 07 mai 2014, 02:13:08
Il y avait seize ans, il y eut de grandes festivités pour accueillir la naissance de la jeune princesse Elena de Nexus, et pour l’occasion, il y eut un grand tournoi, organisé par quelques riches nobles de Nexus et auquel Serenos, accueillant l’idée avec un plaisir évident, avait accepté de mettre la main à la bourse. Bien évidemment, Serenos ne put y participer, puisqu’un combattant usant de la magie à la base de son style de combat ne pouvait gagner légitimement, mais il nomma la jeune Alessa, quinze ans à l’époque, pour le représenter en tant que championne. C’était la première fois que Serenos lui confiait une mission, et malgré son jeune âge à l’époque, et les rires de l’assemblée, Alessa le représenta volontiers. Les rires moqueurs ne firent pas long feu dès le premier combat; armée d’une version à une main de Carnage, la future Matriarche s’était retrouvée devant un soldat de deux mètres, une montagne de muscles. Les spectateurs parièrent tous contre la jeune combattante, avec derrière elle comme seul supporter le Roi de Meisa, qui misa beaucoup d’argent, sans le lui dire pour ne pas lui mettre de poids sur les épaules, ayant une parfaite confiance en ses capacités. Après la sonnerie des trompettes, Alessa et le géant échangèrent à peine une dizaine de coup avant qu’elle ne désarme son adversaire en sectionnant les nerfs de sa main et lui plante sa « petite » épée sous la gorge. Les rires prirent fin, et les trompettes sonnèrent à nouveau pour annoncer la suite de combats. C’est donc en se retirant pour laisser sa place au prochain qu’Alessa rencontra pour la premier fois Sir Ronald Langley, communément appelé Scar par ses amis, et parfois par ses ennemis. En le voyant, l’adolescente qu’était la jolie Meisaenne ne put s’empêcher de lui adresser un sourire radieux, en lui souhaitant la bonne chance et un bon combat, avant de regagner les loges, le cœur battant la chamade.

Les deux combattants se firent face à l’avant-semi-finale, dernier combat avant ceux qui pouvaient réellement déterminer qui allait accéder au grand prix et  aux honneurs d’avoir vaincu  tous leurs opposants. Et dans ce combat, Alessa connut pour la première fois le brave guerrier à la cicatrice. Pour la bataille, les armes furent interdites, forçant les adversaires à user de leur entrainement physique pour prévaloir sur l’autre.  Plus vieux et aguerri, Ronald se révéla être un adversaire à la fois solide sur ses jambes, contrant avec habileté les coups d’Alessa, qui se révéla pour sa part être particulièrement souple, rapide et puissante. Si ce n’était pas de cet expérience qui les différenciait, peut-être que Ronald aurait sous-estimé Alessa, lui laissant le champ libre vers la victoire par sa mésestimation, mais au contraire, il l’affronta de face, sincèrement, sans commettre l’erreur de la prendre pour une gamine.

La fille frappait fort, mais ses capacités n’étaient pas encore à leur apogée, ce qui permettait au soldat Nexusien de dévier aisément ses assauts et répondre par une gifle ou un bon coup de poing, sans montrer le moindre égard au sexe de son opposant ou à son âge; il la traitait comme un adversaire qu’il devait vaincre, et pour cette raison, ce fut un des combats qu’Alessa conserva dans sa mémoire comme étant le plus beau qu’elle n’eut jamais. Les coups échangés, les cris de la foule qui l’encourageait, l’enchainement vif des coups, qui passaient ensuite aux blocages ou aux tacles, ainsi qu’aux prises solides et la sueur qui coulaient sur son front, la Meisaenne sentait le sang de ses ancêtres bouillir dans ses veines alors qu’elle se donnait le plus possible contre le paladin. Mais autant qu’elle dépensa ses forces pour atteindre la victoire, autant celle-ci était hors de portée pour une jeune femme telle qu’elle; après un moment, elle fit l’erreur de ne pas suivre avec autant d’attention qu’elle aurait dû la progression de sa propre fatigue par rapport à celle de son adversaire. Celui-ci avait capté le ralentissement dans son rythme et avait aussitôt commencé à riposter, brutalement, efficacement, sans la moindre pitié. Il frappa la gamine au visage, dans l’abdomen, aux jambes, sans lui laisser la moindre chance de répondre.

Aux yeux des spectateurs, cela semblait être de la triche, mais aux yeux des soldats, ou de ceux qui voyaient le combat pour ce qu’il était, tous s’entendait pour admirer la retenue du paladin et sa stratégie pour épargner son opposant, vaincu dès l’instant où il avait commencé à fatiguer alors que le Paladin n’avait même pas encore accéléré sa respiration. En cause de désespoir, la Meisaenne réussit à agripper le bras de l’homme et le faire passer par-dessus son épaule pour le faire tomber au sol avec brutalité, avant de grimper rapidement sur son corps et le tenir en joue de son poing face à sa gorge. Elle le dévisagea, alors qu’il la regardait, et elle se sentit rougir de plaisir, avant que sa vue ne se trouble et qu’elle ne s’effondre, hors d’haleine. Elle avait perdu, certes, mais elle n’était pas décue, pas le moins du monde. C’était probablement cette fois là que Ronald fit battre le cœur de la Meisaenne pour la première fois, mais ce fut également la seule, puisqu’ils ne se virent plus que périodiquement suite au tragique trépas de Noly et Liam en mer.

Le voila maintenant devant elle, magnifique comme dans ses souvenirs. Un peu plus vieux, par contre, mais cela était loin de déplaire à la Meisaenne, qui voyait les rides comme la preuve d’une vie riche d’expériences diverses. « Beau » n’était pas le terme le plus juste pour le décrire. Il n’y avait pas de terme suffisamment clair pour décrire cet homme, sauf peut-être « noble ».  Oui, il lui semblait noble. Noble et fier, droit comme un chène et solide comme un roc, même s’il semblait fatigué par les années de servitude et de politique. En le voyant, elle manqua d’oublier la raison pour laquelle elle était là. En voyant son visage, elle avait envie d’oublier les problèmes pour pouvoir lui parler, simplement, juste avec lui. Mais elle ravala son esprit de femme pour se concentrer sur celui du soldat, car l’esprit des morts réclamait justice, et leur tourner le dos pour satisfaire son désir de femmes lâcherait à sa suite une poisse incroyable qui aurait tôt fait de s’accrocher à son âme.

« Trois Meisaens ont été tués cette nuit, Sir Langley, lui dit-elle directement, les yeux plantés dans les siens. Deux officiers. J’aurai besoin de votre aide pour trouver les coupables. »

Pour qu’il ne lui pose pas mille questions auxquelles elle n’était pas sûre de pouvoir répondre, la Matriarche lui glissa entre les mains tout ce qu’elle avait pu recueillir comme information sur les cadavres de ses subordonnés. La méthode d’assassinat, l’heure du décès, l’arme du crime supposée selon la forme de la plaie, les noms et les relations de chaque victime, et leur position dans l’armée. Il y avait même une case spéciale où un seul était coché « Descendance Royale », puisque le Roi avait après tout un nombre incroyable de descendants.

« Nous savons que leurs assassins ne peuvent pas être entrés dans le palais après le couvre-feu, puisque les passages secrets connus par les nexusiens sont étroitement surveillés. Nous savons aussi que ceux qui se sont attaqués à mes gens n’avaient pas une haine des Meisaens; le coup était trop propre et surtout trop expert pour laisser penser à un meurtre d’intérêt. C’est un assassinat, un sabotage. »

Et un coup monté, assurément; quelqu’un voulait que Serenos déteste Elena et la soupçonne de prendre des moyens détourner pour le faire sortir de son territoire. Puisque sa Majesté ne connaissait la Reine que de nom, sans avoir pu avoir une seule fois une discussion sincère avec elle, l’esprit du Roi est rempli de doutes envers elle, et surtout qu’il ne savait pas quel influence que pouvait avoir un conseiller hostile à Meisa. Mais elle ne pouvait pas faire de telles accusations devant l’homme; il lui dirait qu’elle pense trop, que ce n’était qu’un simple meurtre et que personne en Nexus ne serait assez bête pour tenter quelque chose contre des invités.

Alessa ne se serait certainement pas permis de déranger Ronald si elle n’était pas sûre que quelque chose de louche se passait. La dame regarda fixement le paladin.

« Je sais que je devrais en parler à mon Roi et à la Reine, mais je tiens à ce que cette enquête reste à notre discrétion. Mon maître et Seigneur n’aura pas la clémence de poser les questions avant de tuer de simples suspects, et je refuse qu’il entache davantage sa réputation. S’il vous plait, aidez-moi. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le vendredi 09 mai 2014, 01:59:26
Ronald était, techniquement, toujours membre du Griffon. Quand on était paladin, on prononçait ses serments à vie, mais il avait beaucoup perdu de ses aptitudes. Ses fonctions au Palais d’ivoire faisaient qu’il n’avait pas souvent le temps de s’entraîner comme il le devrait, à son grand dam. Il pouvait néanmoins toujours se féliciter de ne pas avoir pris trop de poids, et d’avoir conservé une forme svelte et musclée. Il avait toujours avec lui son armure, qu’il lubrifiait régulièrement, ainsi que son épée. Quand Liam était mort, c’était Ronald qui avait hérité de son armure et de son épée, des armes redoutables. Lui seul savait où elles étaient entreposées, et il avait prévu de donner à Elena l’épée de son père, quand elle deviendrait enfin Reine. Ronald se mit à y songer, car, en revoyant Alessa, il se rappelait quand il l’avait vu. Le tournoi... Il ne s’en souvenait pas énormément, mais c’était là qu’il avait affronté cette femme. Elle ne payait pas de mines, comme ça, mais Ronald, qui avait choisi de s’inscrire à ce tournoi pour faire plaisir à Liam, ne s’y était pas trompé.

Au sein du Griffon, Ronald n’avait pas été un paladin légendaire, mais plutôt talentueux. Il était le fidèle compagnon de guerre de Liam, un individu qui alliait stratégie militaire, rigueur physique, et maîtrise de la magie lumineuse, ainsi que du maniement à la lame. Il avait été surpris par les capacités au combat d’Alessa, qui avait réussi à le blesser et à le mettre mal à l’aise. Ronald aurait bien failli ne pas participer à ce tournoi, car il était un paladin, et, parmi les serments promulgués, il était interdit de se battre simplement par divertissement, mais on avait considéré que la naissance de la Reine méritait bien l’investissement de son parrain. La Meisaenne avait été une adversaire de valeur, mais Ronald ne savait qu’elle en pinçait pour lui. À vrai dire, il estimait que sa cicatrice devait suffire à repousser n’importe quelle femme. Bien des mages et des guérisseurs avaient proposé de lui enlever cette cicatrice, mais Langley avait toujours refusé, arguant qu’on reconnaissait la valeur d’un guerrier à ses blessures de guerre. Tant qu’une blessure n’était pas handicapante, il fallait la porter avec fierté. Il avait donc défié cette femme, et, s’il avait gagné, elle avait pu partir la tête haute.

Elle lui annonça que trois Meisaens avaient été tués, et Ronald blêmit sur place.

« Quoi ?! » s’exclama-t-il, incrédule.

Deux officiers étaient morts, et Ronald accusa le coup. Même si Meisa ne s’était pas invité, et n’était donc pas une délégation officielle ou diplomatique, ils étaient quand même des invités, bénéficiant en ce sens des règles de l’hospitalité, et donc de la protection accordée par l’hôte à ses invités. Une mort risquait d’avoir des répercussions diplomatiques, et de provoquer une crise diplomatique. Tandis qu’Alessa remettait à Ronald des informations, ce dernier lui fit signe d’entrer, et referma la porte. À Nexus, plus particulièrement dans le Palais d’Ivoire, les murs avaient des oreilles.

Les deux s’assirent, et Alessa lui expliqua qu’il valait mieux ne rien dire.

« Je sais que je devrais en parler à mon Roi et à la Reine, mais je tiens à ce que cette enquête reste à notre discrétion. Mon maître et Seigneur n’aura pas la clémence de poser les questions avant de tuer de simples suspects, et je refuse qu’il entache davantage sa réputation. S’il vous plait, aidez-moi. »

Ronald se pinça les lèvres, réfléchissant silencieusement, et posa les fiches d’Alessa sur la table basse.

« Les gardes surveillent certaines poternes, oui, mais le Palais d’Ivoire est vieux de plusieurs millénaires. Il y a une infinité de passages secrets et de couloirs abandonnés. Je réponds de la loyauté de chacun des hommes composant la Garde Royale. L’assassin ne peut pas venir d’eux. »

Soit c’était un agent externe, soit un Meisaen lui-même... Ronald avait lancé une enquête sur eux, mais il n’avait pas encore eu tous les résultats. Comme d’habitude, Ronald ne croyait pas en ce qu’on pouvait bien lui assurer. La mort de Liam et de Nöly l’avait rendu paranoïaque, mais ce n’était qu’ainsi qu’on pouvait espérer déjouer les complots et les tentatives d’assassinats à Nexus. La Cour royale était un nid de vipères et d’opportunistes, et les nobles loyaux et fiables se comptaient sur les doigts d’une seule main.

« On ne pourra pas cacher trois morts éternellement, Alessa, mais, si les Meisaens pourront nous aider, l’enquête sera avant tout menée par les nexusiens. Si ton Roi outrepasse ses pouvoirs et se mt à blesser des personnes, je devrais l’enfermer. Je ne suis même pas sûr qu’il puisse se revendiquer d’une quelconque immunité diplomatique, dans la mesure où il ne s’agit pas vraiment d’une visite diplomatique. »

Il réfléchissait silencieusement.

« Avaient-ils des ennemis quelconques à Meisa ? As-tu une piste quelconque ? »

Il allait devoir envoyer ses propres agents, et, tout en posant ses questions, Ronald avait déjà commencé à attraper un encrier, ainsi qu’un papier, couchant quelques instructions. Il allait falloir agir rapidement, pour éviter qu’un mouvement de panique ne s’installe, et pour rapidement obtenir des pistes sur ces meurtres.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le samedi 14 juin 2014, 04:55:27
[Ahem... Pardon pour l'attente, beaucoup de choses à étudier et beaucoup de taff...]

La rencontre avec la Dame était terminée, et Serenos arpentait maintenant les rues vides de Nexus. Il avait en ville quelques amis qu’il désirait voir, avait-il dit à Jamiël avant de la quitter. C’est donc sans escorte et sans savoir ce qui se tramait au palais que le Roi avait entamé sa petite marche nocturne, sous un ciel tout noir duquel tombait une abondante pluie, probablement en raison de la saison qui approchait, et une excellente nouvelle pour les paysans et seigneurs des environs, qui pouvaient ainsi espérer une bonne récolte dans les prochaines semaines. Seul sous la pluie, le Roi traversa le quartier noble ainsi que le quartier marchand sans encombre, ne croisant qu’une famille de la petite bourgeoisie s’empresser de traverser la rue pour gagner leur logis, probablement après une visite tardive. Le Roi profitait de ces moments où il n’avait personne à surveiller, ou personne qui justement le surveillait lui-même, que ce soit à mauvais escient ou pour sa protection. S’il pouvait ronchonner à un détail, c’était la température et l’humidité. En traversant la ville, le monarque évalua l’état des choses présentes, essayant de se montrer le moins subjectif possible dans ses observations et en prenant compte des paroles de Jamiel. En effet, la vie des pauvres gens en Nexus n’avait jamais été plus simple, que ce soit du temps de Liam ou de ses prédécesseurs, ou maintenant d’Elena. La jeune Reine était prometteuse sur ce point, car plus empathique que ses ancêtres et tout aussi innovatrice et bienveillante que sa mère, si elle venait à prendre Nexus en main comme le voudrait son lignage, il y avait encore de l’espoir de voir de l’amélioration des conditions de ceux que la vie avait moins gâtées, quoi qu’il se demandait si sa vie de jeune princesse avait eu une incidence sur ses réelles motivations. Un Roi pouvait effectivement se montrer plus souple et prôner la défense des faibles pour obtenir du support chez les petites gens sans jamais avoir à réellement lever le petit doigt, mais les rumeurs au sujet d’Elena vantaient son grand cœur, ce qui lui laissait encore espérer que les choses iraient en s’améliorant.

Le premier arrêt du Roi se solda à une déception; en frappant à la porte d’une demeure du quartier marchand, il n’obtint aucune réponse, peu importe la force qu’il mettait dans ses coups contre le portail de bois. Excédé par le tambourinement chez son voisin, un bonhomme ouvrit la porte de chez lui et, après quelques railleries en rapport à l’impolitesse du Roi, l’informa que le citoyen que l’homme cherchait à contacter était parti depuis quelques jours visiter un ami malade quelques lieues hors de la cité. S’excusant de son dérangement, le Roi s’inclina poliment devant l’inconnu et quitta la petite rue pour prendre la route menant aux quartiers moins fortunés. Une fois dans les bas-fonds, le Roi sentit ses bottes se remplir d’un liquide froid; il avait marché dans une flaque. En maudissant les dieux de la pluie, quels qu’ils étaient, le Roi poursuivit ses déplacements en remuant vivement les pieds pour en chasser l’eau glaciale. Après quelques minutes, le Roi frappa à une porte, puis une autre, et encore une dernière, sans jamais avoir de réponse. Au bout de la cinquième fois, le Roi constata l’étrangeté de la situation, et plutôt que de perdre son temps à chercher d’autres « amis » dans la ville, le Roi estima qu’il était temps de laisser tomber la politesse et d’une main, il manipula le mécanisme de la serrure pour la déverrouiller et entra dans la maison comme s’il s’agissait de la sienne; sans s’annoncer. Ce qu’il trouva dans cette demeure le laissa bouche bée; la demeure avait été mise à sac; la table à manger avait été renversée, comme la bibliothèque. Ce fut avec horreur que le Roi remarqua sous cette dernière la présence d’un corps, déjà rongé par la décomposition, en véritable festin pour asticots. L’odeur du corps était cependant masquée par une puissante odeur d’encens. Écoeuré, le Roi leva immédiatement une manche près de son nez et se pencha pour inspecter le cadavre. Un bout de papier dépassait entre ses doigts, et lorsqu’il l’en tira pour l’identifier, dépliant soigneusement l’objet pour éviter de l’endommager, il révéla une marque que le Roi reconnaissait; c’était le sceau d’une famille de la noblesse. Mais cette famille était éteinte depuis longtemps! Le Roi lui-même avait participé à la chasse aux mages noirs dont ces gens avaient fait l’objet, et il avait exterminé chaque membre après avoir scrupuleusement inspecté les preuves et les souvenirs de ceux-ci. Il reconnut également une petite marque en dessous.

« Valar Morghulis… lut-il à haute voix.
-Aye. Tout homme doit mourir.

Surpris, le Roi se retourna, et n’eut le temps que d’apercevoir un homme encapuchonné d’une tenue rouge sang, avant que le bras de celui-ci se déplace à une vitesse surhumaine, et d’une masse frappa le monarque de Meisa à la tête. Une douleur fulgurante traversa le crâne du Roi, puis ce fut le noir complet.

***

Même si Alessa n’était pas aussi aisément amourachée, même elle n’arrivait pas à se débarrasser des sentiments développés par son admiration du paladin et les récits de ses faits d’armes après leur rencontre, et du coup, elle avait plus de dix longues années de questions à lui poser, sans jamais avoir pu le faire, et cette fois-ci, alors qu’elle l’avait enfin sous la main, elle ne pouvait même pas lui parler de la vénération qu’elle lui adressait parce qu’elle avait un travail à faire. Elle le regarda, l’écoutant du mieux qu’elle pouvait, et elle nota qu’il avait également l’habitude de mettre Serenos au même rang que les autres débiles dotés de pouvoirs magiques. C’était une erreur que beaucoup avaient payé de leur vie pour comprendre; Serenos n’était pas qu’un puissant magicien, c’était également une personne dotée d’un intellect très élevée qui avait dans le corps plusieurs siècles d’expériences aussi désagréables voire plus les unes que les autres. Avec douceur, elle leva la main et la posa contre le cœur de l’homme pour l’arrêter sur sa lancée au sujet de Serenos; ils ne seraient jamais d’accord sur ce point, il ne valait mieux pas trop en parler s’ils devaient collaborer, mais elle resta ouverte à ses paroles, tant qu’elles ne concernaient pas son Roi, retirant bien vite sa main en remerciant les Dieux de Serenos pour ne pas lui avoir donné la capacité physique de rougir, parce qu’en ce moment, elle était si embarrassée par ce contact qu’elle se sentait dans la peau d’Aïsa lors de ses premiers printemps, mais après tout, son faible pour le paladin datait bien de ses premiers printemps elle-même, et après autant de temps, ses fantasmes avaient fleuris, également.

Elle secoua rapidement la tête, avant de regarder l’homme, s’armant de son masque de matriarche, consciente malgré tout de son devoir.

« Non. Personne en Meisa ne chercherait à faire du mal à un officier, car la loi martiale défend ceux-ci de s’en prendre aux civils et aux civils de s’en prendre à eux. Et nos lois sont  extrêmement punitives contre l’assassinat. En Nexus… il y a quelques familles de la noblesse, mais je doute qu’ils tenteraient quoi que ce soit, d’où mon dilemme; soit ils n’ont réellement rien fait, soit ils savent que nous nous méfions d’eux, et qu’ils seraient évincés de la liste si un assaut très audacieux était fait, et du coup, ils ont engagé quelques coupes-gorges. Mais ce genre de complots dépassent mes fonctions; pour moi, mettre un noble de Nexus aux arrêts me mettraient les fers aux poignets aussi rapidement que vous dégainez votre arme, sir Langley. Nous… Argh! »

La jeune femme s’effondra immédiatement sur les genoux en s’agrippant la tête de ses mains, tremblant violement sous un assaut invisible aux yeux du paladin. Elle resta ainsi un moment jusqu’à ce que la vague de douleur s’estompe. Pantelante, la Meisaenne se remit debout sur ses jambes, tremblante.

« Le lien… le lien a été coupé. Mon Roi… Serenos a disparu… il est en danger… »

Qui que soit ceux qui avaient commis ces actes, il était sûr qu’ils agissaient très vite, sans laisser le temps aux autorités de s’organiser et prendre des mesures d’opposition. Elle leva alors les yeux vers Langley, la gorge serrée par l’horreur.

« Langley, il faut le retrouver… Vous n’avez pas idée de ce que feront les Meisaens si le Roi a été enlevé en territoire Nexusien…! »

Même en dehors de Meisa, il était reconnu que les citoyens de ce royaume vénéraient leur Roi comme certains vénéraient leurs dieux ou leur chef spirituel. La disparition du Roi causeraient une panique presque immédiate dès l’instant où elle serait révélée, et puisque de nombreux né-meisaens vivaient en Nexus, il ne fallait pas négliger le nombre important de personnes qui risquaient d’entrer dans une chasse à l’homme immorale pour retrouver leur dirigeant, et cela risquait d’enflammer à jamais les poudres entre Meisa et Nexus, au-delà du réparable, ne laissant qu’une seule option aux yeux du Conseil Meisaen et Nexusien; une nouvelle guerre, aussi violente que celle qui enflammait présentement les frontières Nexo-Ashnardiennes.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le lundi 16 juin 2014, 01:25:20
Quand Alessa se rapprocha de lui, Ronald sentit son pouls s’emballer. Curieux... Il s’emballa précisément quand elle posa sa main sur son corps. C’est à cet instant précis qu’il remarqua combien il était proche d’Alessa, et combien cette dernière était belle. Les elfes à la peau sombre avaient toujours été considérés comme l’une des plus belles espèces de Terra. Là, face à elle, il ne pouvait qu’approuver cette réputation. Cette femme était plutôt belle, et il se sermonna lui-même pour de telles pensées. Il avait été contre la venue des Meisaens, et, quand on lui avait rapporté qu’une délégation meisaenne était aux portes de la ville, son premier désir avait été qu’on les repousse. Ils ne s’étaient pas annoncés, et Langley n’aimait pas ça. Elena Ivory avait été d’un autre avis, et voilà où ils en étaient. Des Meisaens avaient été annoncés au sein du Palais d’Ivoire, et une crise diplomatique menaçait, avec toutes les conséquences qu’elle avait. Outre les insomnies à répétition, il allait falloir enquêter rapidement, dans une enquête qui serait, par défaut, très politique. Langley n’aimait vraiment pas ça, et ce n’était pas la plastique agréable d’Alessa qui l’aiderait à se rassurer.

Alessa était en train de lui parler, d’exprimer ses doutes, quand son visage se tordit de douleur, et qu’elle tomba sur le sol.

« Alessa ? Alessa ?! »

Que lui arrivait-il donc ? Ronald ne comprenait pas ce qui se passait, et, alors qu’elle gisait sur le sol, elle se mit à baragouiner, lui expliquant qu’elle ne sentait plus son lien magique avec le Roi de Meisa. Semblant réellement paniquée, elle lui expliqua alors que Serenos avait disparu.

*Par la malepeste, il ne manquait plus que ça !*

Que signifiait tout ce bordel ? Quelqu’un voulait-il du mal à Meisa ? Ou cherchait-on à déclencher une guerre entre les Nexusiens et les Meisaens ? Les hypothèses se bousculaient dans l’esprit de Ronald Langley, qui sentait son imagination s’emballer. Les faits étaient en train de le dépasser, et il fallait qu’il réagisse rapidement pour éviter qu’un mouvement de panique ne s’installe. Ses deux mains allèrent se poser sur chacune des épaules de la femme, les pressant, et il planta son regard dans le sien.

« Calmez-vous, Alessa ! Reprenez vos esprits, ou vous ne me servirez à rien ! Trois Meisaens morts, votre Roi capturé... Il me semble que certaines personnes vous veulent du mal. Je vais charger mes hommes d’enquêter sur vos camarades tués, et nous allons retrouver votre Roi. »

Ronald se releva, alla vers la porte, l’ouvrit... Et tomba nez à nez avec Nyzaël (http://nsa34.casimages.com/img/2013/12/12/131212030851620363.jpg). Elle était une puissante elfe, la sœur du Roi Thamir. Nyzaël était la disciple du Judicateur Althuin, un puissant mage des hauts-elfes. Elle était très douée, et était venue avec Elena et Adamante quand ces dernières étaient revenues, il y a quelques mois, de leur périple vers le Bosquet.

« Par la sainte barbe, que voulez-vous, Nyzaël ?!
 -  Vous aider à retrouver votre Roi disparu, Sire Langley... Je peux le tracer avec ma magie. »

Dans le monde de la magie, le Roi de Meisa était comme un puits de magie, un pic, ce qui faisait que le suivrez n’était pas trop difficile. Ronald hocha lentement la tête, et donna ses instructions. Il alla voir son second, un homme de confiance, capitaine de la garde, et lui expliqua la situation. Il se dépêcha ensuite de retourner dans ses appartements, où Nyzaël discutait avec Alessa. Ronald ne pouvait pas sortir avec un peignoir, et fila rapidement dans sa chambre, enfilant son armure et des vêtements plus appropriés à une sortie.

Le temps qu’il soit prêt, on leur affréta des chevaux, ainsi que d’autres hommes, et Ronald sortit du Palais d’ivoire, suivant Nyzaël. L’elfe oscillait entre l’académie et le Palais d’Ivoire. Elle avait pour but de former Elena à la magie, de stimuler son potentiel magique afin de l’aider à repérer les fameux Immortels. Une tâche dans laquelle Elena ne brillait pas particulièrement, pour le moment, mais ce n’était pas pour autant qu’on sous-estimerait les pouvoirs et les capacités de Nyzaël. La Haute-Elfe fila à travers Nexus, suivie par le groupe, quittant les avenues et les boulevards pour filer le long des ruelles. Nexus ne dormait jamais, et, la nuit, la ville était rythmée de multiples activités, essentiellement le long du port, ou des grandes avenues. Les auberges et les restaurants étaient ouverts, de la musique et des accords s’échappaient des terrasses, des spectacles de rues animaient les places, les torches brûlaient un peu partout. Ils s’enfoncèrent dans une partie plus calme de la ville, plongée dans l’obscurité.

« La source s’arrête ici... » commenta sobrement Nyzaël en arrêtant son cheval.

Ronald descendit du cheval, et demanda à ses hommes de trouver des pistes. On trouva rapidement la maison pillée, avec le cadavre... Et la fameuse inscription se trouvant dessus.

« Commandant, venez voir ! »

Langley s’approcha. D’autres soldats avaient allumé des torches, permettant d’éclairer cette maison ravagée. Une forte odeur les agressa, et ils purent ainsi voir le cadavre, avec une feuille dépliée sur le sol. Sur le haut, le symbole d’une maison. Sur le bas, un autre symbole, qui fit frissonner Ronald, qui le reconnut :

(http://img109.xooimage.com/files/2/a/0/valar_morghulis-46345a7.jpg)

Valar morghulis, valar dohaeris... Le célèbre credo du Dieu Multiface.

« Par l’enfer.. »

Les serviteurs du Dieu Multiface se saluaient en répétant cette fameuse maxime. Valar dohaeris était la réponse à Valar morghulis. Tous les hommes doivent mourir, selon la seconde formule ; tous doivent servir, selon la première. Les membres du Dieu Multiface appartenaient à une célèbre confrérie d’assassins polymorphes, la Confrérie des Sang-Visage. C’était une secte redoutable, qui avait élu son quartier général sur un archipel, où ils y régnaient en maître.

« Votre Roi a du tomber sur un Sans-Visage, Alessa... Ces assassins sont des professionnels, mais ce n’est pas n’importe qui qui peut payer leurs services. »

Il se demandait si ce n’était pas ce Sans-Visage qui avait tué les trois Meisaens... Il n’y avait qu’un Sans-Visage pour parvenir ainsi à déjouer le système de sécurité du Palais d’Ivoire.

« Qui était cet homme, Alessa ? Un Meisaen ? Un sympathisant ? J’ai la nette impression que quelqu’un de très puissant a fait appel à la Confrérie pour s’en prendre aux Meisans. »

Il sentait que tout cela dissimulait quelque chose.

Que se passait-il ici ? Pourquoi avait-on mis à sac cette demeure ? Que cherchaient-ils donc ici ? L’avaient-ils trouvé ? Les questions se bousculaient dans sa tête, mais il n’avait pas l’ombre d’une réponse à fournir.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 23 juin 2014, 16:37:06
La méprise de Langley sur le compte des Meisaennes était compréhensible. Effectivement dotées d'oreilles pointues, souvent synonymes d’une ouïe fine, les natives de Meisa ressemblaient effectivement à des elfes, mais c'était la seule chose qu'elles avaient de similaire à ces créatures, n'ayant même pas les mêmes ancêtres à la base. Mais même si Alessa aurait entendu sa réflexion sur ses origines, il n’était pas temps de faire une leçon de généalogie au paladin; quelque chose de beaucoup plus pressant réclamait leur attention à eux deux. Pendant leur route vers le dernier endroit où s’était trouvé son souverain, Alessa avait bien pris la peine d’examiner l’elfe. La sœur de Thamir était, comme on le racontait,  dotée de tous les dons que la nature pouvait accorder à un être vivant, passant de la beauté au talent pour la magie, assez pour ressentir dans un coin de son esprit une pointe de jalousie, qu’elle estompa bien vite d’un reproche mental; si les Dieux de Serenos l’avaient fait comme elle était, c’est qu’elle avait été créée pour remplir son rôle le plus convenablement possible, et de cette certitude, elle trouva la force de refouler sa jalousie.

Dans la maison, Langley s’était tourné vers elle pour lui poser une question. Sortant de ses propres réflexions, Alessa s’approcha de l’homme et se pencha sur le corps de la décédée, posant une main sur celle du cadavre. Elle rechercha ce picotement particulier que les Meisaens ressentaient au contact de l’un des leurs, mais elle n’en trouva aucun.

« Non, ce n’est pas un Meisaen. Serenos et ses magiciens nous ont tous modifiés pour être capable de nous reconnaitre. Elle n’a aucune goutte de sang Meisaen en elle. »

Elle sembla réflective un moment, avant d’agripper la main et de la tourner paume vers son visage. Elle se mit alors à vigoureusement frotter la paume, et sous la chaleur ainsi créée, un tatouage en forme de petit oiseau se forma sur la main de la dame.

« C’était une magicienne. Nexusienne, probablement, mais cette marque prouve qu’elle a été admise à l’Académie du Sombrechant. »

Elle allait devoir communiquer avec les institutions d’enseignement de la magie de Nexus pour pouvoir confirmer son identité, mais il n’y avait pas de doute, cette personne avait été en Meisa, à une période ou une autre. Elle continua d’inspecter le cadavre, mais elle ne trouva aucune autre information; qui que soient les Sans-Visages, ils étaient des experts à éviter d’être aisément retracés par le commun des mortels, et ils s’étaient assurés de ne pas pouvoir être suivis par la magie. Mais s’ils étaient humains, ils commettaient tous une erreur, c’était obligatoire. Du moins, elle l’espérait, car s’ils ne parvenaient pas à mettre la main sur ces étranges personnages avant que les rumeurs de la disparition du Roi ne se propagent, il allait y avoir de sérieux problèmes très bientôt. Elle se releva puis se tourna vers l’endroit où Nyzaël avait assuré être la dernière position de son Roi, avant de s’accroupir. Serenos ne pouvait avoir été capturé sans avoir auparavant laissé une trace quelconque, ou d’avoir au moins tenté de livrer un message à ceux qui viendraient en ces lieux.

Elle s’interrogea alors sur les raisons qui pouvaient amener Serenos à visiter une magicienne Nexusienne dans sa demeure. Une ancienne amante? Non, c’était trop  peu probable, et cela ne pourrait justifier un meurtre, ou l’investissement que l’employeur de ces assassins avait pu faire pour obtenir ce résultat. Et puis, le Roi n’avait pas besoin de descendre dans les bas-fonds pour renouer avec une ancienne conquête. Non, si Serenos s’était déplacé, c’était parce qu’il était primordial qu’il rencontre cette personne en face, sans que personne ne puisse être au courant de leur entretien. Les rares échanges qui nécessitaient autant de discrétion de la part d’un monarque étaient les conseils de guerre, les intrigues de la cour et… les espions.

« C’était une informatrice... »

Et la raison pour laquelle cette maison était dans un tel bordel ne pouvait justifier qu’une chose; que la personne qui était entré ici cherchait quelque chose très précisément.

« Ser Langley, dites à vos hommes de tirer le cadavre de là, et de fouiller son sexe, son sphincter et ses tripes. »

Des regards consternés se rivèrent sur elle alors qu’elle osait demander une telle chose, mais ne démordant pas de sa théorie, Alessa regarda le paladin et s’approcha de lui à nouveau, avant de se pencher sur son oreille pour murmurer ses termes. Il ne fallait pas que ses informations sortent de leur petit entretien, et elle ne faisait pas confiance aux oreilles trop avares et les langues trop déliées des soldats pour parler ouvertement.

« Je sais que ma demande vous semble complètement folle, voire non-éthique, mais si j’ai raison, cette femme porte sur elle des informations que l’intrus n’a pas trouvé dans sa demeure. Et s’il n’a rien trouvé, c’est qu’il n’y avait rien dans la maison. Et puisque cette femme est intacte, hormis ses fractures, cela veut dire qu’il n’a pas eu le temps de la fouiller. Je crois qu’il a été interrompu pendant ses fouilles, et ce bien avant que Serenos n’arrive. Je dois en avoir le cœur net, Ser, je vous en prie. »

Les espions de Meisa avaient de multiples façons de garder un secret. Certains plus extrêmes allaient jusqu’à coudre des compartiment secrets sur leur propre corps pour entreposer des messages ne devant absolument pas être découverts, et d’autres se servaient de leur corps de la manière la plus ingénieuse possible. Si cette femme était une informatrice, en fouillant ses organes, il était possible d’y trouver une capsule, ou un indice pour mener à une information. Et elle avait l’impression que ce symbole de maison inconnu avait une certaine importance par rapport à ce qui s’est passé ici. Elle prendrait la peine de faire un détour aux archives royales, avec la permission de Langley, pour consulter les armoiries de toutes les familles nobles présentes et anciennes consignées dans ces registres. Avec un peu de chance, elle y trouverait plus d’informations, et cela les mènerait peut-être à une nouvelle piste. Mais il fallait avant tout commettre un sacrilège et profaner ce cadavre; si elle se trompait, elle allait devoir en répondre devant les autorités, mais si elle avait raison, elle était convaincue que quoi que puisse cacher cette femme, cela valait le détour, assez pour causer son décès.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mercredi 25 juin 2014, 01:14:37
Les Nexusiens avaient le respect des morts, le respect de leurs dépouilles et des sépultures. Ce que proposait Alessa s’apparentait à une forme d’autopsie, afin de trouver ce que l’assassin avait cherché à obtenir sur elle… La maison avait été dévalisée, ce qui était très certainement la preuve que le tueur de cette femme y avait cherché quelque chose. Si c’était bien une magicienne de Nexus, son identité finirait tôt ou tard pour surgir. En revanche, qu’elle soit une espionne œuvrant pour le compte de Meisa était plus problématique. Pour Ronald, il y avait là la source d’un incident diplomatique assez conséquent entre Meisa et Nexus, surtout après l’intervention du Roi de Meisa, en faveur d’un rapprochement diplomatique. L’enquête avait à peine commencé, mais Ronald pensait déjà orienter sa piste sur un complot à l’encontre de Meisa… Ou de Serenos. Plusieurs questions restaient en suspens : pourquoi tuer les Meisaens au Palais d’Ivoire ? N’avait-il pas été possible de les faire auparavant ? Est-ce que la garde du Palais d’Ivoire était infiltrée par des soldats corrompus ? Langley n’osait le croire, mais il ne pouvait négliger aucune piste.

Il ordonna à ses hommes d’amener la dépouille auprès du meilleur légiste de la Couronne, de manière à ce qu’il procède à l’autopsie dès le lendemain matin, et que le service médical lui transmette en personne tous les éléments suspects qu’ils sont susceptibles de trouver durant cette intervention. Dans la foulée, Ronald Langley prescrivit une fouille de la maison, afin de trouver quoi que ce soit susceptible de les aider à obtenir l’identité de la femme, ou ce qu’elle faisait ici.

« Commandant, je pense que ceci pourrait vous aider ! »

Un soldat revint rapidement, tenant entre les mains un document. C’était un parchemin émanant d’une boutique de Nexus. C’était une boutique magique, spécialisée dans la vente d’accessoires magiques. La facture comprenait un bon de commande se composant de plusieurs ingrédients magiques, au nom de Fransesca Philippa.

« Un bon point pour votre intuition, Alessa, c’était bien une magicienne… »

Il allait devoir écrire auprès de l’académie de Nexus pour obtenir des informations sur cette Philippa. Quel était son niveau académique ? Son pedigree ? Avait-elle des amis, des individus susceptibles de les éclairer sur ce meurtre ? Ronald savait que l’académie magique de Nexus organisait des séminaires et des échanges d’élèves avec d’autres académies. C’était un moyen simple et efficace d’entretenir des relations cordiales avec les autres États, et il était possible que ce soit de cette manière que Fransesca ait rencontré Serenos.

Dans sa tête, Ronald récapitulait… Une magicienne morte, sa maison cambriolée, des dignitaires meisaens assassinés au cœur du Palais d’Ivoire, et un Roi étranger qui avait disparu. En main, Ronald avait tous les ingrédients d’une crise politique susceptible de remonter rapidement jusqu’à la Reine. Pas de quoi lui coûter sa place, car Ronald Langley était un indécrottable, en raison de ses liens d’amitié avec feu Liam Ivory, mais de quoi, en revanche, réduire son influence. Il devait prendre personnellement en charge cette affaire, et y répondre au plus vite. Sans leur Roi, les Meisaens paniqueraient, et, dans leur panique, ils accuseraient le premier ennemi potentiel sur leur liste : Nexus.

Ronald n’avait plus rien à faire ici. Il devait aussi se renseigner sur les Sans-Visage, aviser ses relations, informer ses agents personnels de mener des recherches, découvrir où ils étaient, et avec qui ils avaient fait affaire, mais c’était le genre de choses qu’il pouvait faire au Palais. Il invita Alessa à le suivre, et repartit donc au Palais avec elle.

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« Vous devez bien comprendre, lui dit-il dans sa chambre, qu’il nous faut éviter un mouvement de panique. Je crains que vos compatriotes meisaens ne nous accusent d’avoir organisé le rapt de votre Roi. Puisqu’il y a un lien entre les Meisaens et le Roi Serenos, si ce lien se rompt, il semble logique de penser que vos hommes vont se mettre à paniquer, et à envisager le pire des scénarios. C’est quelque chose que je tiens à éviter. »

Il avait déjà assez de problèmes comme ça à gérer, et il comptait donc sur Alessa pour transmettre le message. Ils faisaient encore nuit dehors, et, demain, sa journée serait chargée. Théoriquement, il aurait du se coucher, mais, malgré la situation présente, malgré l’urgence, et malgré les difficultés à venir… Il avait aussi envie de profiter un peu de la présence d’Alessa. C’était un comportement relativement égoïste, mais il pouvait tout de même se l’accorder pour une soirée.

Ronald se retourna vers elle, et se dirigea vers un coin de sa chambre, ouvrant un placard.

« Mais, pour l’heure, j’aimerais détendre un peu l’atmosphère... »

Joignant le geste à la parole, il sortit une belle bouteille de vin. L’étiquette indiquait la provenance de la bouteille : les houblonnières du Château Grandvais. C’était un vin de qualité, très prisé.

« Trinquons à nos retrouvailles, Alessa… »

Et peut-être à d’autres choses aussi…
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 25 juin 2014, 16:38:09
« Ne vous inquiétez pas pour les Meisaens. Lorsque nous aurons assez de preuves pour écarter la responsabilité de Nexus dans l’affaire, laissez-moi m’occuper de les calmer. »

Alessa était sûre d’une chose, c’est que très peu de Meisaens avaient assez de sang pur dans les veines pour ressentir la disparition du Roi. Il fallait donc surtout rassurer ceux qui en avaient la capacité, donc les fils et filles de ses consœurs et leurs prédécesseures, puisqu’ils étaient ceux qui risqueraient de mettre le feu aux poudres. Ce qui l’inquiétait davantage, c’était ce que les Nexusiens risquaient de faire s’ils savaient qu’il y avait des informateurs en Nexus qui donnait des informations en Meisa. Évidemment, la suspicion grimperait, mais Nexus n’était pas la seule cible de la surveillance de Meisa. Arthuros avait ses informateurs dans toutes les villes du monde connu pour surveiller l’évolution de chaque royaume, et garder Meisa au courant des affaires internationales. Ces braves gens étaient souvent des résidents de ces royaumes, à la base, et ne se considéraient eux-mêmes pas comme des traîtres, puisqu’ils ne livraient aucune information sensible sur leur royaume respectif, mais n’hésitaient pas à dénoncer les mouvements de troupe ou les tentatives d’invasion. Et c’est même pour cette raison que les Meisaens semblaient toujours arriver à point nommé pour assister leurs alliés, et participait activement à la reconstruction des villages touchés. Un royaume bien bénévole, celui de Meisa, qui suscitait malgré tout de nombreuses théories de complot pour supplanter l’autorité des royaumes sur leurs sujets, et elle avait même son propre mouvement d’opposition sur le continent. D’ailleurs, Alessa commencait à penser que ce même mouvement pouvait être le commanditaire de ces assassinats, mais l’opposition n’avait aucun nom précis et ses membres n’avaient aucun lien entre eux autre que leur hostilité envers Meisa, donc elle pouvait difficilement penser qu’ils se soient organisés pour former une véritable force à être redoutée.

La Meisaenne accepta cependant avec une grande joie le vin. Oh, pour elle, rien ne pouvait vaincre l’effet de la liqueur Meisaenne, mais elle devait admettre que le vin avait bien meilleur goût et s’appréciait davantage que ce puissant alcool. Elle prit la coupe entre ses doigts fins et fit tourner le liquide de petits gestes rotatifs avant de le porter à ses narines et de le humer, avant de sourire avec satisfaction, le portant finalement à ses lèvres pour en prendre une gorgée. Le liquide glissa doucement sur sa langue. Elle joua avec le vin dans sa bouche pour en savourer pleinement les arômes, avant de l’avaler avec plaisir. Elle déposa la coupe et regarda le paladin dans les yeux.

« J’ai toujours cru que les paladins partageaient avec les Haut-Prêtres l’aversion pour les alcools. »

Il y avait beaucoup de différentes croyances par rapport à ceux qui se servaient de la Foi et de la Lumière comme arme et protection. Par exemple, les Paladins de l’Ordre Immaculé refusaient tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à une dépendance,  hormis, selon certaines rumeurs, la violence physique et parfois sexuelles de certains impies, surtout les sorcières. Mais Ronald semblait différent. Quelque chose provenant de lui empêchait la jeune femme de le voir comme… comme un de ces hommes hautains et cruels, comme s’il affichait une  part de cette fonction beaucoup plus relâchée, mais tout en restant strict dans sa loyauté envers son ordre, comme elle-même dans sa fonction de Matriarche.

Parlant de tout et de rien, la jeune femme ne put s’empêcher de regarder la cicatrice de l’homme avec un certain intérêt, se demandant comment il l’a eue, s’il avait eu la peau de celui ou celle qui lui avait fait cette marque, ou si elle avait été faite par accident au court d’un entrainement mouvementé. Elle ne put s’empêcher de rêvasser à cette pensée, et après un moment de silence, elle se rendit compte qu’elle avait déjà fini sa coupe de vin. Elle tendit sa coupe vide pour un deuxième service, se rendant compte qu’elle le fixait en silence depuis trop longtemps pour qu’il ne le remarque pas, ce qui provoqua un rougissement invisible chez la jolie Meisaenne.

« Pardonnez mon regard fixé.  Je ne peux m’empêcher de regarder votre cicatrice. C’est ma tradition guerrière; les belles cicatrices m’interpellent, tout comme les combats qui se cachent derrière. Vous savez comment les Matriarches de nous autres, natives des îles, sont choisies? »

Évidemment qu’il l’ignorait. Ou s’il le savait, il avait beaucoup de temps libre pour apprendre la culture des peuples non-liés à Nexus, et elle se demanderait certainement si ses fonctions nécessitaient beaucoup moins de temps que les siennes. Elle se redressa et s’approcha du paladin avant de retirer la partie de son armure qui couvrait son ventre, dévoilant celui-ci, plat et musclé par le combat, mais aussi de nombreuses entailles, dus à des coups d’épées, et même certains de lances, en forme d’étoiles. Tout en indiquant ses cicatrices, elle lui parla de ce fameux rituel des natifs qui décidait de qui sera leur dirigeante; un combat à une seule contre toutes les autres, tour à tour. Car la Matriarche se devait d’être capable de restreindre son clan, de dominer les autres et surtout de les convaincre de sa supériorité sur elles. Elle lui expliqua aussi que les Matriarches se distinguaient de leurs sœurs par de nombreux signes précurseurs, qui se transmettait par le sang qui coulait dans leur veine. La mère d’Alessa fut Matriarche avant elle, mais la grand-mère d’Arya fut Matriarche avant elle, parce qu’elles avaient hérité du Don de Commandement. Inconsciemment, une Meisaenne ne peut pas vaincre la Matriarche, car une part d’elle-même refusait de s’opposer à elle, et pour cette raison, explique-t-elle, aucun point vital ne pouvait être touché. Elle lui sourit en se demandant si voir une part de sa peau nue lui évoquait quoi que ce soit, ne serait-ce qu’une pointe d’intérêt, ce qui lui aurait, en fait, fait très plaisir.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le samedi 28 juin 2014, 02:13:54
« Chaque ordre de paladin a sa propre discipline, Alessa. Dans l’ensemble, elles sont toutes relativement strictes et autoritaires, que ce soit à l’égard des relations sexuelles, ou de notre consommation d’alcool. Néanmoins, l’Ordre du Griffon n’a jamais interdit à ses membres quelques verres… Tant que rien ne devient excessif, bien entendu. »

Ronald Langley et Alessa discutaient de choses et d’autres. Il lui expliqua qu’il regrettait presque la période où il vivait dans une petite cellule spartiate, par rapport aux appartements luxueux qui peuplaient son existence actuelle. À Haven, les choses étaient plus simples, l’ennemi était identifiable, et il bénéficiait réellement du respect des gens quand il leur venait en aide. Ici, tout était différent. Les Nexusiens avaient peur, la crise économique rongeait le pays comme un cancer affamé, et « Scar » en était las. Il faisait de son mieux pour aider son pays. Sincèrement. Il en parla donc un peu à Alessa, tandis que le regard de cette dernière revenait fréquemment sur sa cicatrice.

Il fallait bien avouer que c’était une vilaine marque, difficile à cacher. Les traitements magico-chirurgicaux actuels auraient permis de lui retirer cette balafre, mais il n’y tenait pas particulièrement. Langley voulait qu’on le voit tel qu’il était, et il n’avait nullement honte de sa cicatrice. C’est d’ailleurs sur cette dernière que la conversation s’aiguilla bien vite, Alessa lui avouant avoir aussi des cicatrices, tout en lui demandant s’il connaissait le mode de sélection des Matriarches meisaennes.

« Vaguement, répliqua-t-il. Dans les grandes lignes... »

Il avait entendu parler de Meisa durant sa formation de paladin, sur les dernières années, et légèrement par le biais de son activité. Depuis qu’il avait appris que le Roi Serenos était lié à la famille royale, il avait tout simplement mené son enquête, se renseignant activement sur le Meisaen. Alessa lui expliqua le rite : lourd, cruel, sanglant. Il fallait se battre contre ses propres congénères, et celle qui gagnait devenait Matriarche. C’était bien différent de son propre ordre, et un esprit cynique y aurait vu les limites de ce système : si une seule personne parvenait à vaincre dix de ses camarades de guerre, c’était que les dix autres étaient faibles. Ce n’était pas la méthode du Griffon, où un paladin devait pouvoir compter sur ses coéquipiers, et où le Griffon préférait entretenir un esprit collectif, plutôt que de flatter les égos et les individualismes.

Tout en parlant, elle s’était rapprochée de lui, lui montrant son beau ventre sombre, plat et musclé, un ventre de guerrière, marqué par quelques cicatrices. Ronald l’observa silencieusement en sentant un fourmillement bien identifiable traverser son corps, filant le long de son échine. Son sourire innocent étincelait de beauté, et, depuis sa place, il avait aussi une vue impayable sur sa belle poitrine.

Sa main se détendit d’elle-même pour caresser son ventre. Le contact doux et chaud de la peau d’une femme… Y avait-il plus tendre situation que cette peau ? Plus agréable texture à presser ? Ronald n’y était pas insensible, il ne pouvait pas le nier. Cette créature était exquise, et il était encore suffisamment clairvoyant pour savoir qu’il lui faisait de l’effet… À moins que ce ne soit le vin qui soit déjà en train de lui monter à la tête, mais il n’y croyait pas trop.

« D’aucuns prétendent et affirment qu’il n’est rien de plus laid que des cicatrices, surtout sur un corps parfait et harmonieux comme peut l’être le vôtre, Alessa… Moi, je pense qu’il est vanité de vouloir cacher au monde l’évolution du temps, et qu’il est luxure de vouloir perpétuellement conserver une apparence parfaite. La perfection est le lot des Dieux, l’imperfection est la nôtre. Vos cicatrices ne font que vous rendre plus belle, Alessa, elles sont un témoignage, un héritage, elles ont une histoire à raconter… »

Il se redressa légèrement, mû par son instinct, et déposa un baiser sur son ventre, près de son nombril. Ronald pensait sincèrement ce qu’il disait sur les cicatrices, et il aurait été difficile de l’accuser de mentir, vu la trace qui ornait sa joue. L’homme se redressa, proche de la femme, la dominant légèrement, et posa ses mains sur ses hanches, dans une position équivoque. Son visage était proche du sien, et il remonta alors lentement sa main, venant caresser sa joue, écartant l’une de ses mèches de cheveux.

« Je pense que je ne t’ai pas dit à quel point j’étais heureux de te revoir, Alessa… »

L’homme plantait son regard dans le sien, et se pencha alors pour l’embrasser. Ses gestes n’étaient pas précipités. Ainsi, la femme pouvait se refuser à lui… Mais, encore une fois, il avait l’intuition qu’elle ne le souhaitait pas.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le samedi 28 juin 2014, 05:35:13
[C’est un peu court, pardon ><]

Alessa sentit la main de Langley se poser contre son ventre nu. Ses doigts étaient nettement plus frais que la peau brûlante de la Meisaenne, mais celle-ci ne se refusa pas le moins du monde à sa caresse, pressant doucement sa peau nue contre la paume de l’homme qui faisait vibrer chaque corde de son corps. Il était si près, si… très près. Attends… trop près. Elle le regarda dans les yeux alors qu’il se penchait vers son ventre et y posait un baiser. Elle ferma les yeux et lâcha un léger hoquet mêlant la surprise et un brin de satisfaction. Elle glissa instinctivement une main dans les cheveux de l’homme, faisant glisser ses doigts entre ses mèches. Il se redressa alors, délaissant son ventre, avant de se retrouver un peu plus haut que son visage, la dominant de sa carrure. Elle fut surprise elle-même de se sentir intimidée, non pas par lui, mais par l’effet monstre qu’il provoquait chez elle. Elle frémit sous ses mains qui s’étaient sournoisement glissées autour de ses hanches, l’encourageant à presser contre lui son bassin, car ses réserves et barrières s’effondraient sous le charme qu’il avait pour la Meisaenne. Il était si près, elle pouvait détailler presque le grain de sa peau, distinguer chaque trait et la longueur exact des reliefs causés par la cicatrice sur son visage. Lorsqu’il posa une main sur sa joue, elle se sentit fondre, pressant sa joue contre cette main, la main d’un guerrier accompli, la main d’un vrai homme selon ses critères, alors qu’il repoussait une mèche de ses cheveux sans pigment. Elle le regarda dans les yeux, observant ses lèvres.

« Je pense que je ne t’ai pas dit à quel point j’étais heureux de te revoir, Alessa… lui dit-il, de sa voix profonde, qui lui chatouillait si délicieusement les oreilles.
- Je ne crois pas que vous sachiez à quel point je l’ai souhaité… »

Il voulut l’embrasser, mais il fut pris de court lorsque plutôt qu’il soit celui qui l’embrasse, elle se redresse sur la pointe des pieds pour poser contre ses lèvres chaudes un baiser passionné. Leurs lèvres se soudèrent dans un baiser, d’abord fougueux, puis graduellement plus approfondit, alors qu’elle entrouvrait les lèvres pour venir capturer sa lèvre inférieure de ses dents, mordillant la peau légèrement, sensuellement. Un bruit de métal heurté se fit alors entendre alors qu’elle lâchait le morceau d’armure qui aurait dû protéger son abdomen, le laissant tomber sur le sol, pour pouvoir se servir de ses deux mains quand elle passa ses bras autour du cou du paladin, l’assaillant d’un nouveau baiser plus chaud et humide, pressant mollement et chaleureusement ses lèvres contre les siennes. Il la voulait. Quelque part, elle savait qu’il voulait d’elle comme elle voulait de lui, qu’il la désirait autant qu’elle le désirait elle-même, et pour cette raison, elle ne se sentait pas obligée d’afficher la moindre hésitation; elle n’était pas une pucelle, ou une sainte, et cela paraissait évident pour Langley comme pour elle, aussi le repoussa-t-elle lentement vers son luxueux lit de plumes, qui ne semblait pas avoir été beaucoup utilisé, que ce soit pour des activités sensuelles ou simplement pour dormir; les hommes comme Langley n’avaient que très peu de temps pour dormir, et parfois même, ils ne dormaient jamais dans leur propre chambre, tout comme Alessa, qui dormait beaucoup mieux à la belle étoile, avec la voûte céleste comme simple couverture.

Alors qu’elle le poussait sans ménagement, elle sentit ses propres pieds se relever, alors que ses lourdes bottes en acier tombait sur le sol plutôt silencieusement, assez étonnamment. Les enchantements qui entouraient ces protections étaient faits pour que les Meisaennes puissent faire preuve d’autant de discrétion que possible pendant leurs déplacements, du coup, il était normal de ne percevoir que le bruit sourd et mat du bois, mais pas celui du métal. La dame grimpa sur le paladin pour l’embrasser à nouveau, avec fougue, alors que ses doigts cherchaient avidement l’accès à sa peau, cherchant d’abord des boutons imaginaires sur le torse de l’homme avant d’enfin se diriger vers le bas de sa tunique et s’y glisser coquinement. Alors qu’elle caressait délicatement les muscles de l’homme d’une main, Alessa glissa une main dans ses cheveux immaculés et alors qu’elle retirait un élastique bien dissimulé sous sa crinière, celle-ci gagna un nouveau quart de mètre de longueur, tombant en cascade sur son dos, la rendant même encore plus féminine. Cependant, elle n’alla pas plus loin, car consciente d’être beaucoup plus bouillante que la moyenne des femmes coincées de Nexus, elle risquait de désemparer son amant si elle se comportait comme une tigresse remise en liberté.  La Matriarche regarda Langley dans les yeux puis elle se pencha doucement sur lui, une nouvelle fois, pour poser ses lèvres contre les siennes.

« Je ne suis pas une Nexusienne, ser Langley… Je suis une Meisaenne… nous sommes très fougueuses, aventureuses, passionnées et agressives… telle est ma nature… telle est ce fer dans lequel je fus forgée. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le samedi 28 juin 2014, 18:29:03
Il la surprit. Dans le sens positif du terme. Elle rejoignit l’espace les séparant, il sentit sa lourde et généreuse poitrine heurter son torse, son sexe se redressant pour remuer dans ses vêtements, heurtant le corps de la Matriarche. Elle avait une armure, et lui de simples vêtements. Les rôles étaient inversés. Leur baiser fut délicieux, et Ronald put y sentir toute la soif de cette femme, tout son désir, un désir auquel il répondait. Son code n’interdisait nullement les relations sexuelles, seulement les excès. Sur ce point, Ronald était exemplaire. Il n’avait jamais payé une seule prostituée, ni couché avec les servantes ou les esclaves du Palais. Il n’entretenait aucune maîtresse, et sa vie sexuelle était donc relativement déserte, apaisée comme une mer tranquille. Et, maintenant qu’il embrassait cette femme, Ronald sentait que le moment était venu pour lui de se racheter. Une seule nuit, une parenthèse dans sa vie. Une parenthèse où l’intendant du Palais d’Ivoire, responsable de la sécurité de la Reine, n’aurait plus à penser à rien d’autre qu’au corps d’une femme. La tension entre ses cuisses l’électrisa quand Alessa le mordit. Elle se déshabillait délicatement, faisant lourdement tomber les pièces d’armures sur le sol, et il l’enlaça, agrippant ses cheveux, caressant sa nuque, glissant sur son dos. L’homme en aurait presque oublié à quel point c’était délicieux... La douce peau d’une femme, sensuelle et chaude, tendre comme le corps d’un nouveau-né.

Ils s’embrassèrent, sa langue accueillant celle de la Meisaenne, roulant avec cette dernière. C’était une Matriarche, jusque dans le lit, et elle le lui prouva en le poussant, l’envoyant s’étaler sur son lit à baldaquin. Elle s’assit à califourchon sur lui, semblable à une sorte d’Amazone, et il l’observa, une lueur de désir brûlant dans le regard, ses mains caressant les hanches de la femme. Il s’abandonnait dans ce désir, totalement, sans attache. Pour une fois, Ronald ne voulait penser à rien d’autre qu’aux courbes généreuses et sensuelles de cette femme, il ne voulait centrer son esprit que sur ça, et sur rien d’autre. Elle retira l’élastique de ses cheveux, après avoir caressé son corps, dévoilant une longue et élégante tignasse blanche. Sa peau noire avec cette chevelure blanche provoquait un contraste saisissant, ne faisant que la rendre encore plus belle... Sans compter son insolente mèche de cheveux.

Comme si elle prenait conscience de son engouement, elle se calma alors, s’excusant presque, ce qui fit sourire Ronald. Elle l’embrassa à nouveau, et il posa sa main caressant ses cheveux, avant de faire une poussée, la renversant. Elle se retrouva sous lui, et il lui sourit, son nez proche du sien, glissant contre ce dernier.

« Les Nexusiens seraient-ils devenus mous du genou, gras et lents, Alessa ? Si c’est là l’image que tu te fais de mon peuple, il me semble qu’il est de mon devoir de te montrer ce que nous sommes vraiment. »

Il se tut alors, l’embrassant à nouveau, tout en la déshabillant légèrement, retirant les éléments empêchant d’avoir accès à sa poitrine. Ronald montait et démontait des armures depuis des années, il les connaissait intimement, et connaissait les points de tension, les lacets à retirer dans les coins des armures pour les assouplir, et pouvoir, ainsi, les ôter. Il pressa ensuite l’un des seins d’Alessa, les exhibant. Ses doigts glissèrent sur le téton de cette femme, le pressant, glissant sur cette masse de chair. Son baiser était incisif, sa langue avide et vorace.

Ronald savourait cette femme, savourait ce corps. Quand ils s’étaient rencontrés, jadis, il était encore trop jeune, et trop épris de Nöly Ivory, pour regarder ailleurs. Maintenant, avec le recul, Langley ne voulait pas passer à côté de cette chance. Il avait tout simplement envie de cette femme.

« Les Nexusiens voguent le long de l’océan... Ils ont traversé toutes les mers, affronté maintes tempêtes... Ils ne dénigrent ni le danger ni l’aventure. La passion, l’agressivité, la bestialité... Crois-tu donc que c’est en brodant des tricots qu’on se fait des blessures comme la mienne ? »

Il posa ses doigts sur les lèvres d’Alessa, les caressant légèrement, avant de lui sourire.

« Je veux te faire l’amour, Alessa... Inutile de prendre un rôle, c’est avec toi que je veux passer cette nuit. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le vendredi 11 juillet 2014, 06:12:56
Libérée de son armure jusqu’à la taille, la Meisaenne découvrait un corps magnifiquement sculpté par les années d’entrainement et surtout les combats contre les Ashnardiens. Les conflits prenaient rarement la forme d’une véritable guerre, mais il arrivait souvent que des navires Ashnardiens s’aventurent sur les eaux territoriales de Meisa et refusent de faire demi-tour lorsque les exigences de retraite étaient formulées par les capitaines Meisaens, menant à des batailles navales qui pouvaient dégénérer en raid terrestre quand ces mêmes tentatives de provocation dépassaient l’étape navale. Alessa avait sur le corps beaucoup de cicatrices, probablement plus que n’importe quel être humain pouvant encore se vanter tout en étant encore en vie pour le raconter. Elle avait même tenu tête au général Herrick de Makhäe, un des anciens piliers militaires d’Ashnard, avant l’arrivée de Serenos et ses magiciens, armés de leur sorts et bouquins, qui mettaient régulièrement fin à ces rares incursions, transformant rapidement un combat honorable en bain de sang sauvage et répugnant, une telle boucherie que même Alessa ne parvenait pas à pardonner ses méthodes à son Roi.

Elle regarda alors l’homme qu’elle maintenait ainsi sous elle. Ses yeux profonds, avec ce regard dans lequel elle se sentait tomber, dévorée par le feu qu’elle voulait tant voir en lui. Ses doigts glissèrent sur son chemisier, le déboutonnant un peu alors qu’il la renversait soudainement à son tour, l’envoyant sur le dos, surprise mais pas moins satisfaite; elle aimait que son partenaire s’implique aussi dans les étreintes. Il répondit à sa pique, sans visiblement se rendre compte que si les Nexusiens étaient effectivement de puissants guerriers, son commentaire visait surtout les femmes de la société Nexusienne, beaucoup moins flamboyantes que celles de sa contrée ou même des Ashnardiennes, reconnues pour être de vraies chipies et des bêtes sauvages, ces dernières, quoi que la noblesse, selon Serenos, sait encore se distinguer. Elle étira un sourire taquin alors qu’il aventurait ses mains sur son armure, cherchant visiblement à la lui retirer, et pour ne pas l’embarrasser, elle prit une grande inspiration et relâcha un petit courant d’énergie dans quelques zones spécifiques de son armure, sous les protections, et celle-ci s’ouvrit, dévoilant les seins de la demoiselle, qui ne semblait en ressentir aucun embarras. Les Meisaennes ne portaient pas de sous-vêtements sous leurs armures, en général, parce que la plate nécessitait un contact direct entre la protection et son propriétaire pour être parfaitement fonctionnelle. Mais elle n’était pas celle qui allait lui dire qu’elle ne portait pas de culotte non plus; lorsqu’il en viendra à lui retirer ses jambières et son pantalon de cuir noir, il en viendrait à s’en rendre compte de lui-même.

Lorsqu’elle sentit les doigts de l’homme titiller ses seins, lui arrachant des soupirs d’aise et de plaisir, alors que ses propres doigts finissaient enfin de déboutonner la chemise de l’homme, dévoilant son torse. Elle caressa alors ses pectoraux, les yeux clos, en les détaillant dans son esprit grâce à son sens du toucher. Elle remarqua leur texture, leur fermeté, leur définition presque parfaite, puis elle descendit plus bas et lui caressa le ventre et les flancs, tout en relevant doucement le bassin pour presser son ventre contre le sien, un sourire provocateur flottant sur ses lèvres. Elle le renversa alors à son tour, mais plutôt que de grimper sur son ventre, elle le fit tomber face au lit, grimpant à nouveau sur lui, ses mains dans son dos.

Elle se pencha alors sur l’homme en faisant enfin glisser sa chemise de ses épaules, dévoilant sa peau musclée, rude mais si mûre et mature, une peau d’homme. Elle glissa alors ses doigts sur son dos et entama de le masser délicatement, mais habilement; les Meisaennes appréciaient les massages, et du coup, elles apprenaient elles-mêmes à en faire. Alors que ses doigts massaient et détendaient les omoplates du paladin, elle enfouit son visage dans son cou et commença à embrasser sa nuque, posant un premier baiser, un deuxièmes et un troisième, bien confortablement installée sur ses reins. Penchée de cette façon, elle pouvait sentir ses tétons dessiner des fresques discrètes sur le dos du paladin, alors qu’elle le massait et remuait doucement sur lui. Leurs visages se frôlèrent une nouvelle fois quand elle se redressa et elle s’empara de ses lèvres.

« J’ai envie de toi depuis notre duel, Ronald… J’ai toujours rêvé que l’homme capable de me dominer au champ de bataille puisse me dominer au lit… »

Enfin, ils ne s’étaient plus jamais bagarrés depuis l’époque, puisque Serenos avait cessé tout contact avec Nexus après la disparition de Nöly, et savoir si elle l’avait surpassé depuis, certes, l’intéressait, mais elle ne comptait pas s’arrêter maintenant pour le défier au combat. Après quelques secondes de massage, la Meisaenne retourna son amant et le regarda dans les yeux, toujours en se tenant sur lui. Elle esquissa un nouveau sourire, plus radieux, resplendissant; le même sourire qu’elle avait eu lorsqu’il l’avait tenue à la pointe de son épée; une expression de pure joie et de félicité. Elle se pencha alors sur lui pour l’embrasser, encore une fois, passionnément, mais plus sensuellement, caressant sa bouche de la sienne pendant une bonne trentaine de seconde avant de se mettre à doucement descendre vers le bas, roulant des épaules, tout en embrassant son torse, ses pectoraux et ses muscles abdominaux, trouvant finalement son pantalon. D’une main habile, elle déboucla le pantalon et détacha les cordons faisant office de braguette avant d’en tirer le sexe ferme mais encore capable d’accepter les caresses que cachait l’homme. Elle sourit.

« Voilà une arme qui me plait. » murmura-t-elle, en partie pour elle-même, alors qu’elle commençait déjà à y poser quelques baisers, débutant sur la base pour remonter doucement vers le clan, ponctuant chaque baiser d’un petit gémissement pour aguicher son amant, conscient que ces expressions de plaisir pouvaient avoir un effet redoutable chez les hommes.

Les expériences d’Alessa en matière d’hommes n’étaient pas nombreuses; peu d’hommes appréciaient de partager le lit d’une femme qui pouvait leur briser la nuque d’un geste, et même Serenos, qui ne les craignait pas, ne se sentait pas à l’aise de partager son lit, puisqu’il la voyait davantage comme sa fille ou sa nièce que comme une amante potentielle. Les autres étaient surtout des guerriers aussi rompus qu’elle par les combats, et dans les bras desquelles elle se jetait pour se débarrasser des élans d’adrénalines qui s’emparaient d’elle après les luttes, ces mêmes élans qui l’empêchaient de dormir en paix. Mais là, c’était différent; elle désirait cet homme, elle le voulait depuis toujours, elle voulait sentir ses mains sur son corps, ses lèvres aussi, elle voulait toucher ses cheveux, être imprégnée l’espace d’une nuit de son odeur, et elle voulait atteindre un nouveau genre d’orgasme, celui que seul un homme impatiemment attendu pouvait lui accorder.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mardi 15 juillet 2014, 01:14:36
Pour lui, ça ne faisait aucun doute : s’ils venaient à nouveau à croiser le fer, et à s’affronter, Ronald perdrait à coup sûr. Il avait vieilli, mais il avait surtout rouillé, par manque d’expérience. Ici, au Palais d’Ivoire, tout était différent. L’épée ne servait à rien, si ce n’est à vous faire passer pour un tyran. Ronald n’avait jamais été un fin politicien, il n’avait pas ce sens de la répartie si propre aux politiques, il n’avait pas cet esprit affiné et retors, ce sens de l’humour et cette ironie mordante qui permettaient aux politiques de plaire à tout le monde, tout en étant honnis par tout le monde. Ronald était honnête et franc, et, pour survivre au Palais d’Ivoire, pour continuer à honorer sa fonction, il avait du changer, évoluer... Ses entraînements à l’épée avaient décru au profit d’entraînements à la plume. Il avait du apprendre à manier les mots, à sentir leur puissance, à voir la force des lettres, des syllabes, des boucles, des consonnes et des voyelles. Oh, il savait toujours manier l’épée et la magie, bien sûr, mais ça n’avait plus rien à voir avec le niveau exigé par Haven et par l’Ordre du Griffon. Un véritable paladin le briserait dans un combat réel, et il ne pouvait désormais impressionner que la piétaille et les malandrins. Pour autant, Ronald était très apprécié au sein de l’armée. Il dégageait une aura charismatique, car, à l’époque du Lion, il chargeait à côté de lui, défiant les Ashnardiens et les autres menaces à la civilisation sans coup férir, avec une bravoure insolente qui endurcissait le cœur de ses soldats.

Une autre bataille se déroulait maintenant dans sa chambre, où l’épée ne servait à rien, et où la plume montrait son inefficacité. C’était la bataille des corps, avec ses avant-postes, ses lignes de défense, ses hésitations, et sa stratégie... Ronald était un militaire dans l’âme, au point d’y songer en faisant l’amour avec une femme. Il pétrissait ses seins, savourant ce contact féminin. Il n’était alors pas bien différent du jeune novice de vingt ans profitant de sa permission pour passer un moment d’intimité avec sa dulcinée. Le temps avait été moins cruel avec Alessa. Ses seins étaient fermes, tendres, et Ronald s’amusait à les pétrir, à s’y rapprocher, tout en laissant la Meisaenne le caresser, ses ongles glissant sur sa peau, provoquant en lui des frissons délectables. Elle savait y faire, l’homme le sentait, et il était ravi de ça. Contrairement à d’autres gens de son âge, coucher avec de jeunes servantes vierges ne l’intéressait pas. Non pas qu’elles étaient laides, mais leur inexpérience faisait qu’il avait toujours le sentiment d’abuser de son pouvoir, et de leur naïveté. Elles se disaient que coucher avec des ducs ou des nobles leur offriraient des positions avantageuses, elles se disaient que, si elles arrivaient à impressionner leur amant, il leur offrirait des cadeaux... La réalité était souvent bien plus cruelle, et Ronald se refusait tout simplement à coucher avec ses pages. Ce serait mentir que de dire qu’il n’avait jamais été tenté, mais il était un paladin du Griffon. La discipline avait été marquée au fer rouge dans son être, et il l’appliquait encore actuellement. On ne se refaisait pas à son âge. Cette séance avec Alessa n’était qu’une exception, condamnable en tant que telle, mais il n’était pas vraiment en état, actuellement, de se reprocher son comportement. Il se contentait de savourer cette femme, qui continuait à le déshabiller, de ses doigts agiles et assurés.

Elle exhiba sa virilité, un organe tendu et réveillé, et douloureux. Ronald en aurait presque oublié cette sensation... Déplaisante, perturbante, déstabilisante... Et, pourtant, irrésistiblement attirante. Comment s’expliquer une telle fascination ? Comment s’expliquer un tel élancement pour ce genre de choses ? Pour lui, le sexe était l’antithèse même de la rationalité. Il n’y avait rien de logique là-dedans, rien d’explicable. Comment expliquer l’attirance sexuelle pour des seins, pour des courbes ? Personne ne pouvait l’expliquer, et Ronald rendait grâce au Ciel que personne ne le puisse. Ce faisant, le sexe restait à jamais dans le domaine des fantasmes, de l’irrationalité, de toutes ces choses que la civilisation abhorrait, mais qui, pourtant, apportaient leur grain de fantaisie dans un monde gris et terne.

La bouche de la femme glissa le long de son sexe, caressant sa peau, roidissant sa virilité. Il frissonnait, soupirant lentement, la laissant faire, l’excitant davantage.

« Alessa... » soupira-t-il.

Elle agissait talentueusement, et il ne tarda pas à agir à son tour, l’agrippant par les cheveux, la repoussant, l’étalant sur son lit. Il grimpa sur elle, agrippant les poignets de la femme dans le creux de ses mains. Il plaqua ses lèvres contre les siennes, un baiser vorace et autoritaire, puis déplaça ses mains, les utilisant pour avoir accès à l’intimité de cette femme. Un autre amant aurait peut-être continué à prolonger les choses, à faire durer les préliminaires, mais, face au sexe, Ronald était aussi désemparé qu’un nouveau-né, et cette douleur rugissante entre ses cuisses l’empêchait de réfléchir, de se concentrer efficacement.

Il s’enfonça en elle, et ce fut, pour lui, comme une délivrance.

« Aaaaaahh !!! Bordel !!! » s’exclama-t-il en sentant comme une vague le traverser, filant du bas vers le haut en éclatant dans son corps.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 04 août 2014, 17:56:43
Ronald sembla apprécier le moment où la Matriarche commença à caresser sa puissante arme de reproduction, puisqu’elle put l’entendre pousser un son de satisfaction. Tout en se servant de sa langue sur le bout de son gland, elle s’empressa de joindre ses cheveux derrière sa tête et les attacher ensemble avec un nœud fait de deux mèches de cheveux. Son visage enfin libre, ses cheveux hors du chemin, elle commença à mouvoir sa tête, faisant coulisser son membre dans sa bouche, tout en y ajoutant un peu de succion, n’hésitant pas à le prendre en gorge pour lui accorder plus de plaisir. Mais alors qu’elle s’adonnait à cette activité, elle remarqua que, à la vitesse de l’éclair, elle se retrouva sur le dos, loin de son membre. Elle laissa échapper un gémissement de désapprobation, mais il ne semblait pas le remarquer, puisqu’il l’avait maintenant renversée, lui agrippant ses poignets pour les maintenir au-dessus de sa tête dans un solide étau. Il lui plaqua alors un baiser sur les lèvres, un baiser auquel elle ne montra aucune résistance. Joueuse comme elle était, elle ne chercha pas à échapper à sa prise, se montrant en fait beaucoup plus vulnérable qu’elle ne l’était réellement, puisqu’elle pourrait s’échapper aussi facilement qu’elle manipulait son énorme épée, si elle le désirait, un désir qu’elle ne ressentait, d’ailleurs, pas le moins du monde. Ainsi dominée, elle se sentit prise d’un embarras qui se manifesta par une chaleur à ses joues, et un mordillement de sa lèvre inférieure, anticipant la suite des événements. Il bougea alors des mains et lui écarta les cuisses, dévoilant son intimité humide et invitante, mais elle ne se fit pas violence, au contraire; elle le laissa presser son sexe contre le sien, venant plutôt enserrer la taille de son amant de ses jambes à la peau sombre, douce et chaude. Certains pourraient dire que Ronald était pressé, qu’il ne savait pas contenir ses désirs pour pouvoir accorder plus de plaisir à la belle dame avant d’envahir son territoire intime, mais elle ne sembla pas vraiment s’en soucier. En fait, elle était même tout aussi enthousiaste à l’idée de le sentir en elle qu’il l’était à celle d’être en elle. Assez étonnamment, alors qu’il entrait en elle, elle sentit une douleur certes brève mais vive la saisir alors qu’elle le sentait entrer pour la premiere fois en elle, pressant son bassin contre le sien alors que sa virilité s’enfonçait jusqu’au fond de son intimité; Ronald Langley avait peut-être quelques défauts, mais il possédait une arme de chair qui le laissait solidement dans la compétition, lorsqu’il s’agissait du tournoi du plaisir. Elle manqua même de lâcher un cri de surprise, mais elle parvint à dominer ce désir de crier en enfonçant ses doigts dans ses paumes, mordant ses lèvres pour se contrôler, alors qu’une vague de plaisir extrême passait au travers de son corps en entier, lui faisant resserrer davantage l’étau de ses cuisses sur sa taille.

Perdant momentanément ses sens après cette première entrée dans son intimité, elle regagna ses sens assez rapidement avant de le regarder, ses doigts maintenant enfoncés dans l’oreiller se trouvant sous sa tête, respirant avec un peu de mal puisqu’elle sentait encore quelques étincelles de plaisir éclater en elle à la simple connaissance de sa présence en elle. Elle essaya de sourire, mais elle ne le pu, finissant par simplement regarder sa magnifique cicatrice. Pour elle, cette blessure ressemblait à une peinture, et portait davantage de signification puisqu’elle se trouvait sur le corps d’une personne, gagnée au bout d’une arme; la profondeur, la longueur et la façon dont la cicatrice était faite racontaient sa propre histoire par sa seule apparence. Soudainement envahie d’un incontrôlable besoin d’interagir avec cette partie d’histoire personnelle, elle releva la tête, laissant sa langue sortir de sa bouche alors qu’elle commençant à lécher la vieille blessure avec tendresse, léchant alors sur le chemin qui menait vers les lèvres de cet homme qui semblait encore plus excité qu’elle, ce qui était déjà impressionnant. La Meisaenne l’embrassa, forcant sa langue froide et douce entre ses lèvres pour venir chercher sa langue, jouant avec et la caressant, puisqu’elle ne pouvait pas vraiment faire plus dans sa position.

Alessa était certes une guerrière, puisqu’elle avait été élevée ainsi par sa mère pour reprendre le flambeau et protéger le Roi, mais quelque part, sous ça, elle restait encore une juene femme. Elle désirait la tendresse, l’appréciation, la confiance, qu’elle manquait cruellement depuis qu’elle avait décidé de laisser la femme en elle en sommeil, pour ne jamais laisser quoi que ce soit la distraire de son devoir. Même si elle était une combattante accomplie, elle était si dévouée à être la meilleure Matriarche qu’elle puisse possiblement être que, comme son amant, elle n’avait pas de temps à consacrer au jeu de la sensualité, d’expérimenter sa féminité autant qu’elle pouvait bien secrètement le désirer. C’était, par contre, la première fois qu’elle voulait qu’un homme la domine, la désire autant qu’elle le désirait, d’être complètement sienne pour le court moment elle pouvait l’être. Elle ne s’attendait pas à être aimée, elle ne s’en souciait pas le moins du monde, puisque son cœur ne serait que pour l’homme qui se tiendrait à ses côtés sur le champ de bataille, prêt à mourir avec elle si tel était leur destin, mais elle avait besoin de ressentir quelque chose, aussi petit que ce soit, d’un homme qui pouvait bien la vouloir dans son lit. Et ça, Ronald semblait être capable de le lui donner, puisqu’elle le ressentait au travers de tout son corps

Remarquant qu’ils avaient tous les deux cessé de bouger, elle le regarda, étirant un sourire timide en ressortant ses doigts de son oreiller pour caresser gentiment la mâchoire de son amant, l’embrassant une seconde fois alors qu’elle le repoussait doucement sur le dos, grimpant sur lui et s’asseyant sur son bassin, sentant toujours son pénis en elle. Elle lui prit alors doucement sa main droite et la pressa contre sa poitrine, alors qu’avec l’autre main, elle l’incita à agripper ses hanches, tout en souriant, avant de commencer à boucher lesdites hanches, commençant à faire bouger en elle sa virilité dure comme fer. Ses mouvements étaient habiles, certes, mais d’un point de vue extérieur, il sembla presque qu’Alessa dancait, bougeant parfois de haut en bas, ou d’avant vers l’arrière, tout en bougeant la totalité de son corps, arquant parfois le dos, jouant dans ses cheveux, ou même avec ses seins, tout en regardant le visage de son amant. Oui, Alessa était une femme magnifique, une puissante guerrière, mais Ronald était l’un des rares qui eurent la chance de la voir en tant que son amante; sensuelle, douce, généreuse et n’ayant que faire qu’il soit un amant expérimenté ou pas; elle était sienne, et peut-être pour cette seule et unique nuit, pour tout ce qu’il en sache.

« Même si ce n’est que pour cette nuit, Ronald, ne regarde que moi. Ne pense qu’à moi. » Lui demanda-t-elle, peut-être avec une pointe d’autorité, avant de l’embrasser à nouveau. « Je ne t’en tiendrai pas rigueur si tu te montres plus agressif, je ne refuse jamais un combat. Mais je veux que tu m’aies comme tu le veux. Je veux que Ronald Langley me fasse l’amour, sans les liens des règles, comme si elles n’avaient jamais existé. Nous avons toute la nuit. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mardi 05 août 2014, 02:21:21
[HRP. – Je crois qu’on va rester sur le français, ce sera plus simple pour moi =)]



Tout s’était enchaîné rapidement, presque trop vite pour que Langley puisse le comprendre. Le Nexusien n’était clairement pas dans son élément naturel avec... Ça. Les femmes. Le sexe. Non pas qu’il soit un jeune vierge ignare, loin de là, mais, ici, il était sans son armure. Il s’offrait à une femme sans aucune autre protection que son corps. Il était nu, aussi bien au sens littéral qu’au sens figuré, nu face à elle, nu face à ce souvenir de son adolescence. Alessa, la fière Meisaenne, Alessa, le défiant à ce tournoi... Alessa, dans sa chambre, lui faisant l’amour, tandis que, dehors, un Roi était disparu, et des meurtres avaient eu lieu. Si elle n’avait pas été elle, Langley serait en train de faire les cent pas dehors, d’envisager des hypothèses, d’aller voir ses vieux contacts pour retrouver le Roi de Meisa, pour avoir des pistes sur la Confrérie des Sans-Visages. Il bouillonnerait sur place, et aurait fait une nuit blanche. Est-ce que succomber à cette femme faisait de lui un mauvais chambellan ? Il ne devrait pas... Non, il devrait la reposer, et lui dire d’attendre, lui dire qu’il fallait enquêter, retrouver son Roi, et élucider au plus vite cet incident diplomatique avant qu’il n’y ait une escalade.

Mais il en était incapable. Sentir cette femme aspirer son sexe, glisser sa langue dessus, le titiller, le caresser, le frotter, l’exciter, voilà qui était intense. Comment penser à autre chose que ça quand cette langue jouait sur votre verge ? Comment se focaliser sur autre chose que le plaisir, brut et strict ? Pour Ronald, c’était déjà un miracle qu’il arrive au penser au Roi de Meisa. Alessa remplaça sa langue par ses doigts, glissant dessus, le masturbant tendrement, enserrant son bout de chair entre ses tendres doigts chauds. Assis sur le rebord du lit, la respiration du paladin était lourde et précipitée.

« Hum... Alessa... Quelle... Quelle fougue ! »

Il soupirait lentement, et l’écouta lui parler. Son membre lui faisait mal, émettant de douloureuses pulsations le long de son corps. Ah, il avait oublié à quel point cette sensation était douloureuse ! Elle lui demandait d’être violent, d’être ardent, de lui faire plaisir. Ronald sourit légèrement, hochant lentement la tête. Elle s’enlaça ensuite contre lui, l’embrassant. Il répondit à son accolade.

« Je vais te confier une chose, Alessa... Je n’ai jamais été connu pour être un individu particulièrement romantique. »

Ronald agit rapidement. Il repoussa Alessa, et l’étala sur le lit, agrippant chacun de ses poignets, les serrant avec ses mains. Il l’embrassa à nouveau. Sa vierge tendue lui faisait mal. Elle avait besoin de se soulager le plus rapidement possible, et il la pénétra sans attendre, s’enfonçant en elle.

« Haaa !! »

L’homme soupira de plaisir, sentant une vague de joie le traverser quand son sexe s’enfonça en elle.

C’était délicieux !
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 12 novembre 2014, 06:01:13
« Est-ce que tu es sûr qu’il est mort?
- Mais oui, j’te dis! Il ne bouge plus, et il ne respire plus. Il est mort, casqué, kaput.
- Vous allez être vachement déçus. »

Les hommes se retournèrent aussi vite que possible, mais les pieds du Roi jaillissaient déjà du chariot, hors de la paille, pour les frapper au visage avec force, envoyant les deux hommes heurter un mur de la ruelle de plein fouet, pendant que l’Immortel se redressait, les cheveux couverts de foin. Une charrette. Ces hommes n’avaient vraiment aucun sens de l’étiquette, ni aucun respect pour son rang. Un otage politique était davantage choyé, et il était le premier à le savoir. Avant que ses ravisseurs ne reprennent leurs esprits suite au choc, il s’éjecta de la charrette et frappa le premier de sa botte en plein visage, lui fracturant le nez sous son poids, avant de se tourner vers le second. Il ignorait qui étaient ces hommes, mais il n’allait pas tarder à le savoir. L’homme s’était emparé d’une dague cachée sous ses vêtements et il s’était redressé, en garde, faisant face au Roi, prêt au combat. Serenos chercha immédiatement Ehredna à sa taille, mais il ne tâta que le vide. Son arme n’était plus là! Il leva les yeux vers l’homme, une colère incommensurable provoquant des tremblements incontrôlables à son corps.

« Où est-elle? Qu’avez-vous fait de mon épée? » Rugit le Roi de Meisa, fou de rage.

Les Hommes Sans-Visages étaient des meurtriers, des assassins aux talents redoutables, des criminels, au bas mot, mais ils ne révélaient jamais le contenu de leur mission, et leur silence faisait d’eux les meilleurs adeptes de la diplomatie du poignard. L’assassin porta le premier coup, un mouvement latéral, mais Serenos avait l’habitude des combats rapprochés, et d’un pas en diagonale et d’une rotation du torse, il esquiva la dague, sautant vers l’arrière juste à temps pour éviter le coup de pied que son adversaire lui décocha, enchainant immédiatement avec deux coups dans les flancs de ses poings, reculant à nouveau. Serenos pratiquait depuis des années un style de combat réservé à la famille royale pour pouvoir se défendre contre les assassins et les menaces nocturnes, et il avait eu le meilleur des professeurs à cet art; Liam lui-même. Le style de combat alliait des mouvements vifs et des coups tout aussi fulgurants. Il ne nécessitait pas d’être fort, juste de la précision et un bon pouvoir d’impact. Avec les deux coups dans les flancs, il avait enfoncé les phalanges de ses majeurs dans les côtes de l’homme, et il devait déjà ressentir une douleur croissante. Mais ce n’était pas suffisant pour vaincre un assassin expérimenté, ils étaient accoutumés à des traitements beaucoup plus rude, donc, l’Homme Sans-Visage reprit son assaut, beaucoup plus rapidement, décidé à rectifier son erreur de tantôt. Les mouvements de Serenos étaient agiles, et ses mains, ouvertes, lui servaient à dévier les coups. Les paumes pour se défendre, les poings pour frapper. Joue des pieds le plus que tu le peux, mais ne te laisse jamais gagner par les mouvements de l’adversaire, ou il contrôlera le combat, et tu seras blessé. Les leçons de Liam avaient été profondément gravées dans la mémoire de Serenos, et sachant qu’une défense ne mettrait pas fin à ce duel, il décida de contre-attaquer, cette fois en enchainant des coups de poings et les parades, agrippant finalement le bras de son rival. Une fois que tu le tiens bien, frappe, et frappe le plus fort que tu peux sur ta cible. Et le Roi de Meisa savait exactement où frapper; les côtes déjà fragilisés de l’Homme. En un puissant coup de genoux, il frappa le flanc de son assaillant, et un son de craquement sourd se fit entendre alors que trois côtes cédaient sous l’impact. L’homme hurla de douleur, tombant sur ses genoux pour tenir son flanc douloureux à deux mains, abandonnant son arme.

Il savait qu’un questionnement en règle ne suffirait pas à lui arracher la vérité. Il aurait pu le torturer, mais cela lui ferait perdre de précieuses minutes, qui risquaient de lui faire perdre à tout jamais la trace de son arme adorée. Ehredna était plus qu’une épée à ses yeux, c’était son amie, sa protectrice, et la seule entité sur laquelle il savait qu’il pouvait faire à jamais confiance, mais elle était également très dangereuse pour un humain sans entrainement et sans protection; les sortilèges dont elle était investie, à la fois très anciens et très dangereux, corrompait l’esprit de son porteur, et celui-ci devenait fou, car l’esprit des Ashanshi était si complexe qu’il rendait ceux qui étaient dénués de la moindre goutte de leur sang complètement fou en une question de quelques jours. Il n’avait donc pas le temps de tergiverser, il lui fallait des réponses, et immédiatement. Il agrippa donc l’homme par le col , le soulevant de terre avant de le plaquer contre le mur et de plonger son regard dans le sien.

« Révèle-moi tout ce que tu sais. »

Les pupilles de l’assassin se dilatèrent alors que les iris du Roi de Meisa se mettaient à briller d’une couleur dorée. Les bras lui tombèrent le long du corps, sa bouche s’ouvrant de terreur, alors que l’esprit du Roi, implacable et aussi lacérant que le fil d’une épée, pourfendait le sien. Serenos n’était pas un maître dans l’art de pénétrer la conscience d’autrui, mais ses bases lui suffisaient amplement pour extraire ce qu’il voulait savoir des meilleurs maîtres de l’esprit, et même les Hommes Sans-Visages, qui possédaient une résistance remarquable aux invasions mentales, ne pouvaient rien contre lui en ce domaine. Il farfouilla l’esprit de son ennemi, et chercha dans sa mémoire les plus récentes informations en ce qui concernait son épée. C’est alors qu’il vit se dessiner un homme, qu’il ne connaissait pas, qui s’était affublé de son manteau. Il le vit se faire remettre Ehredna.

« Tout est fin prêt. Je ferai le nécessaire pour que l’argent soit remis à vos supérieurs. Valar Morgulis.
- Valar Dohaeris, répondit simplement l’homme.
- Ce soir, la Reine mourra, et Serenos sera vu comme le plus grand traître que ce monde n’eut jamais connu, et les obstacles aux desseins de mes maîtres auront enfin disparus. Va, mon Assassin, et je te couvrirai d’or à ton tour.
»

Alors que la vision s’estompait, un ultime effort de la part de Serenos lui permit de voir le visage de l’Homme changer, pour prendre une nouvelle forme. Celle d’un jeune homme, les cheveux en bataille, deux yeux bleus roi, et un sourire qu’il ne reconnaissait que trop bien; c’était son visage!

« Les fourbes…! »

Serenos agrippa la lame de l’Assassin et la plongea le plus profondément possible dans ses côtes, traversant jusqu’à son cœur, et bloquant le cran de la lame contre une côte, empêchant l’homme de s’en défaire sans mourir immédiatement. Malgré son pouvoir affaibli en dehors de Meisa, il lui restait encore quelques ressources pour récupérer ses forces, et autant avait-il une profonde aversion pour la nécromancie, la situation ne se prêtait pas au doute. Il agrippa les cheveux de l’homme et le força à basculer la tête vers le côté. Il ouvrit alors grand la bouche et de ses dents, il arracha un généreux morceau de chair à sa gorge, faisant couler le sang à flot. Sans plus d’égard pour la douleur abominable que son ennemi devait ressentir, il recracha la chair avant de fondre sur l’ouverture et d’en aspirer le liquide, récitant dans sa tête les sortilèges de drainage qu’il avait appris de son oncle Owen, bien des années auparavant. Alors qu’il s’abreuvait du sang de son ennemi, il pouvait sentir dans son corps une force nouvelle, presque rajeunissante, qui anima à nouveau ses sens et son corps. Ce n’était pas autant que ce qu’il aurait pu tirer d’Eglendal, mais c’était déjà un début. Il se tourna alors vers Nexus, qui était déjà plutôt loin. Même à cheval, il en aurait pour des heures à atteindre le palais.

« Elena… ELENA! »

Motivé par l’urgence et horrifié par la possibilité que quelqu’un puisse faire du mal à la fille de ses meilleurs amis, le Roi de Meisa se mit à toute vitesse en direction du Palais Royal de Nexus, propulsant son corps à l’aide de son contrôle sur le vent pour accélérer sa course.

***

Alessa agrippa solidement son amant alors qu’il la pénétrait, serrant les dents alors que son corps était parcouru d’un frissonnement de pur délice. C’était presque exactement comme elle l’avait imaginé, à la différence qu’elle aurait peut-être apprécié encore quelques moments de caresses avant qu’il ne la prenne ainsi, mais elle n’en laissa rien paraitre, profitant simplement du plaisir que son amant lui accordait. Elle sentait sa verge entrer en elle, les veines chargées de sang si gonflées qu’elle pouvait les sentir se presser contre les parois de son intimité. Ses bras retombèrent alors sur les draps, qu’elle agrippa solidement alors que son regard cherchait à nouveau celui de son compagnon. Elle se mordit légèrement les lèvres, puis elle enroula délicatement ses jambes aux hanches de l’homme avant de relever doucement le bassin, faisant entrer le sexe plus profondément encore. Aguicheuse mais sincèrement affectée par les sensations qui saisissaient son corps, la belle guerrière lâcha un petit gémissement en réponse au plaisir que lui procurait le membre de son partenaire en elle. Mais elle ne comptait pas s’arrêter là. Tout en continuant de s’agripper aux draps, elle se mit à attirer l’homme contre elle pour ensuite le repousser de son bassin, faisant lentement coulisser le membre de l’homme en elle, mais le missionnaire était une position si ennuyeuse qu’elle décida de passer à quelque chose d’un peu plus excitant. Usant de sa souplesse, elle recourba une jambe et du bout des orteils, elle caressa le ventre de son amant, remontant lentement vers son torse, ses pectoraux pour enfin poser sa jambe contre son épaule, un sourire coquin sur les lèvres, tout en resserrant sa jambe contre sa taille.

Alessa n’était pas nécessairement une experte dans le domaine du sexe ou même de l’amour. Elle était normalement une femme chaste, et ce pour plusieurs raisons. La première, et la plus évidente, c’était qu’elle ne voulait pas prendre sur elle la responsabilité du bonheur de quelqu’un d’autre, et puisqu’elle était constamment occupée, elle n’aurait jamais de temps à consacrer à une relation. Ensuite, le sexe était comme une drogue, et penser aux étreintes étaient une distraction, ce qu’elle se refusait à avoir. Et la troisième… tout simplement, elle avait des critères assez élevés en matière d’hommes, et elle était très difficile à impressionner. Toute inexpérimentée qu’elle pouvait être, elle avait néanmoins entendu beaucoup d’histoires par ses sœurs d’armes, et appliquer la théorie à la pratique n’était pas aussi difficile que certains pouvaient le penser, du moins par rapport au sexe. Elle pressa avec envie son corps contre celui de Langley, avant d’étirer le cou et l’embrasser avec fougue.

« Je n’ai pas besoin de romantisme… fais-moi l’amour, Ronald… »

Une demande toute simple, qu’elle lui faisait-là.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le dimanche 16 novembre 2014, 02:10:02
« Haaa… »

Elena venait de sortir de l’eau, toute nue, et enroula son corps dans une serviette se trouvant à côté, contre un mur. Comme d’habitude, la Reine venait de se lever avant d’aller se coucher, et se trouvait dans ses appartements personnels, une sorte d’enceinte au sein du château. Elle sortit rapidement de sa grande salle de bains, et s’avança le long des couloirs, atteignant l’escalier menant au salon de ses quartiers, une grande pièce agréable et confortable, au sein de la tour principale du Palais d’Ivoire. Ses quartiers se trouvaient aux derniers étages, et, sur ce point, Sire Langley avait, avec l’aide de magiciens, comme Jamiël, veillé à fermer autant de passages secrets que possible. Elena, qui s’était renseignée sur l’histoire du Palais, savait que l’un de ses ancêtres avait construit un couloir secret entre ses quartiers et celui d’une chambre plus en bas, afin de pouvoir copuler avec sa maîtresse. Il empruntait pour cela un long tunnel étroit avec un escalier. Langley avait veillé à sécuriser le plus possible cet endroit, que ce soit en scellant les passages secrets, ou en mettant des gardes à l’entrée.

Un feu crépitait dans la cheminée, et Elena s’assit devant, observant les flammes danser sans rien dire. Serenos de Meisa... Un homme qui avait connu sa mère. Elle avait bien senti qu’il s’était passé quelque chose, une sorte de vieille histoire impliquant une histoire à quatre entre Serenos, Jamiël, et ses parents. Cependant, la Reine savait que Jamiël, sa tutrice, ne dirait rien là-dessus. Elle soupçonnait des histoires de cœur, des querelles amoureuses... Peut-être pourrait-elle en parler à Serenos ? Personne ne lui avait encore dit que Serenos avait disparu, essentiellement afin de ne pas l’inquiéter. Elena observa les flammes, plongée dans son esprit, jusqu’à ce que son corps commence à sécher.

Elle abandonna alors sa serviette, et, toute nue, rejoignit sa chambre. Il n’y avait personne pour la voir. Adamante n’était pas là, étrangement... Peut-être faisait-elle des exercices de méditation magique ? Adamante partageait ses quartiers avec Adamante, qui dormait dans une pièce proche de sa chambre, mais, ce soir, en approchant de sa chambre, la Reine ne vit aucune lumière. La Reine aurait pu alors fouiller dans sa chambre, mais elle choisit d’aller dans sa garde-robes, enfilant une nuisette de nuit. Ainsi habillée, avec les cheveux mouillés, elle fila finalement dans sa cambre, et alluma un candélabre sur une commode, puis alla la poser sur sa table de chevet. Elle avait un grand lit... Énorme, par rapport à celui qu’elle avait à l’époque du monastère. Il était refait tous les jours par Elena, qui avait appris ce genre de choses au monastère. Les moines lui avaient dit qu’une bonne souveraine devait savoir être relativement autonome. Néanmoins, Elena savait que les servantes et les domestiques repassaient derrière elle pour finir le travail.

*Ce soir, Adamante ne dormira pas avec moi...*

Ou peut-être la rejoindrait-elle plus tard ? Elena y songeait en s’allongeant, frissonnant au contact des couvertures fraîches, et attrapa son livre. C’était un recueil de nouvelles nexusiennes, dépeignant plusieurs destins croisés dans la ville, le tout sous une plume assez critique. Elle lisait silencieusement, avant de bâiller à plusieurs reprises. Les mots peinaient à venir, car son esprit était brumé par cette histoire... Est-ce que sa mère était sortie avec Serenos avant de voir son père ? Elle se mit à sourire en imaginant l’inverse... Que ce soit son père qui soit sorti avec Serenos... L’image était tellement drôle qu’elle se surprit à pouffer, et regretta à nouveau qu’Adamante ne soit pas là. Si elle avait été là, elle aurait pu lui en parler, et rigoler un coup avec elle. Au lieu de ça, elle se contenta de se mordre les lèvres, puis reposa le livre, et s’extirpa de son lit.

Elle observa la ville par la fenêtre. Nexus s’étalait à perte de vue, une succession d’immeubles avec des forts et des tours plantés ici et là. De la fumée s’échappait de multiples cheminées, ainsi que des lumières. La ville semblait pleine de vie, et elle bâilla à nouveau, avant de finalement se mettre la main devant al bouche.

*Ohlàlà ! Il est temps d’aller se coucher !*

Elle dénoua les rideaux, et ceux-ci s’abattirent devant la fenêtre. Elle souffla sur les bougies du candélabre, et ferma les yeux, essayant de trouver le sommeil, sans savoir que des gens chercheraient à l’attaquer.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 27 novembre 2014, 08:13:07
Varric était un excellent assassin. Selon certains, il était même le meilleur de sa catégorie. Probablement parce qu’il était le meilleur à se faire passer pour les autres. Sa mission n’avait pas manqué d’intérêt; déclencher une guerre entre les deux royaumes les plus paisibles de ce monde. Cette mission avait démarré quatre années plus tôt, quelque peu après que Serenos avait appris ce qu’il était finalement advenu d’Elena. Pendant ces quatre années, Varric avait infiltré Meisa, sous la couverture d’un serviteur du palais. Même si les informations sur celui-ci lui avaient été dérobées au moment de son départ, les serviteurs étant dépouillés de tout ce qui pourrait laisser des informations à l’ennemi lorsqu’ils étaient relevés de leurs fonctions, il avait pu étudier avec beaucoup d’attention le Roi de Meisa, pour son prochain travail; il s’était fait un devoir d’étudier chaque détail important, et même les plus fins et insignifiants, de sa démarche à ses mimiques, ses manières de bouger les mains, ses froncements de sourcils lorsqu’il était irrité ou inquiet, et même ses expressions. Le Roi était un homme relativement simple, mais dont l’esprit et l’imprévisibilité en faisait un être difficile à copier dans toute sa mesure. Le fait qu’il était également un sorcier au pouvoir redoutable le contraignait à plus d’attention encore; en copiant son apparence, il pouvait copier l’apparence de n’importe qui sans trop de problème, mais il n’était pas bête; la magie était une autre manière de se démarquer entre mages; si certains pouvaient différencier des animaux par l’apparence de leur truffe, les magiciens sentaient les variations de la magie, et il aurait été démasqué en un instant si l’un d’entre eux se penchait un peu trop sur son cas.

Le plan était simple; sous les traits du Roi de Meisa, il devrait se rendre jusqu’aux appartements royaux dans la plus grande discrétion, et assassiner la Reine, en s’assurant qu’elle cause assez de raffut pour alerter la Garde Royale et les serviteurs pour que quelqu’un soit témoin de sa mort tragique aux mains de l’ami de ses parents. La famille Thénérim avait assez d’influence sur le Conseil pour que celui-ci engage immédiatement des actions militaires à l’encontre de Meisa lorsque la Reine serait morte. Pour les Thénérim, qui avaient des liens avec la famille royale par un frère écarté du trône par son cadet, c’était une chance de prendre le contrôle de Nexus. Les lois et les procédures pour qu’un membre d’une branche de la famille puisse succéder un souverain sans héritier sur le trône étaient assez complexes, et nécessitaient beaucoup de temps et de connaissances en lois et vieilles traditions, mais si les Thenérim parvenaient à exécuter le Roi de Meisa après l’acte odieux du meurtre de leur Reine bien-aimée, le jeune Tanis était garanti de pouvoir monter sur le trône. L’avis public pouvait faire beaucoup de choses pour les opportunistes, et les Thenerim étaient probablement ceux de la pire espèce. Mais ce n’était, au fond, qu’une bande d’idiots assoiffés de pouvoir. Les supérieurs de Varric n’étaient pas intéressés par la politique, seulement par l’argent et l’Art du Sang. Il n’y avait pas de meilleurs assassins que les Hommes Sans-Visages, et leur véritable employeur désirait cette guerre. Pourquoi? Varric s’en fichait. La paie était délicieuse, assez pour acheter même un royaume, et le niveau d’importance de cette mission le motivait plus que tout; il avait ce comportement bizarre, même pour les siens; il voulait absolument que le monde souffre ou bénéfécie de ses actes, tant qu’ils avaient une véritable signification.

Varric avait un réseau d’informateurs au palais. Certains appartenaient aux Thénérims, d’autres avaient une loyauté envers cet autre fournisseur, et tous les deux groupes voulaient absolument que l’assassinat se produise le soir-même. Les serviteurs s’affairaient donc pour une célébration qui ne se produirait probablement pas, et les gardes continuaient leurs rondes certes bien organisées, mais prévisibles, surtout lorsqu’on en possédait la planification totale. Varric les évita avec la même aisance qu’au début, mais quelque chose, dans sa tête, lui murmurait d’attaquer les gardes, de faire couleur leur sang, de nourrir sa nouvelle épée de leur force, et il lui fut très difficile d’y résister; sa mission prédominait sur ses désirs, et s’il se laissait aller à des élans inutiles de violence, il perdrait son avantage. Le plus difficile fut quand même de grimper jusqu’aux appartements royaux; des gardes et des serviteurs qui n’arrêtaient pas de se déplacer, et qui surveillaient farouchement les couloirs sans jamais laisser le moindre angle mort. Et ce n’étaient pas que des gardes banaux, non; la Garde Royale était composée des effectifs les plus remarquables de toute l’armée de la Reine, qui ne quittaient leur poste que lorsque la Reine elle-même prenait les armes, et ce jour n’était pas près d’arriver. Mais pour l’homme sans visage, passer entre eux fut d’une facilité déconcertante; son entrainement lui permettait de non seulement faire taire le moindre de ses sons, mais il se fondait dans le décor à un tel point que les gens l’oubliaient très vite, comme une brève bourrasque de vent.

Il pénétra enfin dans les appartements de la Reine. Il savait qu’Adamante n’était pas là, il s’en était assuré. La jolie dame était autre part, en train de faire ses propres activités pendant que la Reine ne la nécessitait pas. Après tout, servir de doudou pouvait être agréable un temps, mais un jour où l’autre, un peu de temps pour soi ne faisait pas de mal. Sauf ce soir, apparemment.  Il regarda un cordon, judicieusement placé près du lit d’Elena. Une alerte. Bien, cela lui ferait économiser du temps sur le raffut. Il tira dessus. Il savait que bien vite, les gardes débarqueraient, il n’avait pas de temps à perdre. Il leva alors Ehredna au-dessus de sa tête.

« Adieu, Elena Ivory, fille de Liam et Nöly. Valar Morgulis.
-  Valar Dohaeris, connard! »

À peine eut-il le temps d’abattre sa lame, malgré sa surprise, que le véritable Roi de Meisa jaillit de l’ombre, Jamiel à ses côtés. Le Roi de Meisa était méconnaissable; l’entièreté du côté droit de son visage avait été affreusement mutilée, laissant un œil sans paupière et une bouche qui ne masquait plus ses dents sur la droite, ainsi qu’une bonne partie de sa chevelure d’ébène. Sa main droite avait perdue quelques doigts, et ses vêtements étaient maculés de sang. Le Roi chargea à toute vitesse sur l’imposteur et le repoussa d’un tacle puissant, l’envoyant valser contre un miroir. Le monarque, d’une respiration rauque, darda sur l’homme qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. L’assassin se redressa, et lui rendit son regard. Protecteur, le Roi se tenait maintenant entre lui et Elena. Le Roi tenait à peine debout, mais c’était justifiable. L’assassin fronça des sourcils.

« Toi! Comment as-tu fait pour revenir? Tu étais mort! Et loin, par-dessus le marché!
-  Vous ne m’avez pas causé assez de dégâts pour que je ne me réveille pas en moins de quelques heures. Mais tu m’as couté très cher; même avec l’aide de Jamiel, forcer les protections magiques du palais pour m’y téléporter ne m’a pas laissé indemne.
- Bah, un léger contretemps, rien de plus!

L’imposteur s’élanca, sa lame devant lui, pour abattre l’homme désarmé, mais celui-ci leva la main, et entre ses doigts, l’air se condensa, devint solide, alors qu’une forme lumineuse se matérialisait entre lui et sa lame chérie. Aucune épée banale ne pouvait arrêter la course d’Ehredna, dont les enchantements en faisait une lame d’un tranchant sans précédent, mais Serenos l’avait possédée depuis des siècles, et avait donc appris à se défendre contre elle si le besoin était. Avec sa lame immatérielle, le Roi Sorcier riposta dans une série de coups, qui força son ennemi à reculer sous sa charge rapide, tentant tant bien que mal de ne pas se prendre de coup. Graduellement, il perdait du terrain, mais il ne savait pas que Serenos le poussait vers une des fenêtres. Lorsqu’il s’en rendit compte, l’homme blémit, et tenta une riposte, mais le Roi lui agrippa la main solidement, lui arrachant avec violence celle-ci alors qu’il tirait dessus en le poussant de l’autre, contre la fenêtre. L’homme tituba, et tenta de reprendre son équilibre, malgré la douleur qui l’assaillait.

« Vashra djen magati, Kremmol! vociféra le Roi alors qu’il lui donnait un coup dans le torse.

L’homme bascula, brisant les carreaux, mais pas sans que le Roi ne le débarrasse de sa ceinture à pochettes. L’homme tomba, hurlant de rage et de frayeur, alors qu’il chutait. Il aurait bien voulu s’assurer de la mort de l’ennemi, mais les gardes étaient déjà arrivés, enfonçant la porte de la reine pour entourer l’homme défiguré qui était présent dans les appartements royaux. Serenos était entouré, et son corps, maculé de sang, une épée à la main, qui pouvait bien le faire passer pour un meurtrier. Mais le défiguré n’avait plus de force pour se défendre ou fuir. De toute façon, son apparition dans les appartements royaux suffisaient à causer un incident diplomatique, mais pour Elena, ça en valait bien la peine,
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le vendredi 28 novembre 2014, 01:58:32
Quand le Sans-Visage entra, et planta son épée dans le lit, Elena serra les dents, avant de sentir le pouvoir magique de Jamiël la recouvrir. Serenos attaqua alors, et la Reine, qui avait, tant bien que mal, fait semblant de dormir, se retourna rapidement. Dans sa nuisette de nuit, elle vit Jamiël déclencher une orbe lumineuse, qui éclaira la pièce, permettant de voir le combat entre le Roi de Meisa et un adversaire des plus redoutables :  un tueur professionnel. Elena avait entendu parler de la Confrérie des Sans-Visages, des tueurs polymorphes. On les surnommait parfois « Caméléons », et ils étaient engagés par de puissantes fortunes, généralement des États, ou alors des individus assurés de toucher un héritage énorme en se débarrassant d’un proche. Ils étaient extrêmement doués, et nul doute que celui se tenant là devait l’être, afin de passer la garde attentive et vigilante de Sire Ronald Langley. Il avait réussi à pénétrer jusqu’ici, et se heurtait maintenant à Serenos.

Jamiël avait senti l’homme voler alors qu’elle méditait, et lui avait envoyé des messages télépathiques, afin de comprendre ce qui lui arrivait. L’homme s’était contenté de lui dire que la Reine était en danger, et Jamiël avait pâli sur place, avant de se rendre dans la chambre d’Elena. La jeune femme venait alors juste de se coucher, et Jamiël l’avait réveillé, avant de lui expliquer que quelqu’un venait pour la tuer, et qu’il fallait rapidement mettre sur pied un plan pour piéger l’homme. Elena avait paniqué, puis Jamiël avait ensuite ouvert le balcon de la Reine, guidant Serenos. Tout s’était enchaîné très vite. Utilisant sa magie, Jamiël avait entrepris de donner à Serenos quelques soins rapides de premier secours, avant de les dissimuler dans l’ombre. De cette manière, quand le tueur était entré, ils ne les avaient pas vus, se focalisant sur la Reine. Il portait avec lui l’épée magique de Serenos, et il avait fallu attendre qu’il se rapproche suffisamment de la Reine pour que Serenos le neutralise… Ou, du moins, tente de le neutraliser. Le Sans-Visage était coriace, et le combat était trop proche entre les deux pour que Jamiël utilise sa magie en soutien.

Le Sans-Visage finit par être défenestré, et tomba ne hurlant. Elena serra les dents en entendant un choc sourd en contrebas. L’homme était mort, et, au même moment, les gardes royaux débarquèrent massivement, pointant leurs épées vers Serenos.

« Stop ! » hurla Jamiël.

Les gardes se questionnaient déjà, et, en voyant un home au visage ensanglanté près du lit de la Reine, leur sang n’avait fait qu’un tour.

« Un Sans-Visage a tenté de porter atteinte à la vie de Sa Majesté en se faisant passer pour le Roi de Meisa. Nous avons réussi à le repousser, et à sauvegarder la vie de la Reine.
 -  Un Sans-Visage ? Mais…
 -  Le Sans-Visage a manifestement dû être aidé par des espions et des traîtres infiltrés au sein du Palais d’Ivoire. Dépêchez-vous de récupérer son cadavre. Je ne veux que seul Langley y touche ! »

Jamiël n’avait confiance qu’en lui pour obtenir des indices. Il était dommage que le Sans-Visage soit mort. Vivant, il aurait pu finir par avouer pour qui il travaillait. Certes, les Sans-Visages étaient connus pour résister à toute forme de torture, mais Jamiël savait qu’on pouvait toujours faire parler quelqu’un. Avec un peu de chance, ses poches contiendraient peut-être des informations. Les gardes royaux restaient sur place, suspicieux. Elena, lentement, était sortie du lit, et hocha de la tête en désignant la ceinture.

« Il a laissé ça… »

La main de Jamiêl se tendit vers la ceinture, et, un par un, toutes les fioles s’envolèrent. Il y avait des élixirs de soins, et de multiples poisons.

« Notre homme était bien armé…
 -  Et il avait pris votre forme… » balbutia Elena en regardant Serenos, les yeux écarquillés.

La Reine était clairement sous le choc, et Jamiël reposa les fioles, puis se pencha vers elle. Elle la prit dans ses bras.

« Tout va bien, Elena, tout va bien… »

Elena ferma les yeux en se mordillant les lèvres. Elle ne devait pas se mettre à pleurer sous les yeux de ces inconnus, ni leur demander de partir. Sa chambre à coucher était devenue une scène de crime. La Reine avait étudié le droit, et savait donc comment ça marchait. Il ne fallait pas contaminer la scène de crime, et les agents royaux commençaient déjà à en délimiter le périmètre. La Reine avait surtout peur… Venir l’attaquer jusqu’à chez elle. Dans son sein, dans son lit… Qui donc pouvait bien être derrière ça ? C’était forcément un proche… Une personne influente qui avait ses entrées au sein du Palais d’Ivoire.

« Quelqu’un cherche à déclencher une guerre entre Nexus et Meisa… On voulait accuser le Roi de Meisa… Il faut découvrir qui a commandité cet attentat. »

Les lèvres de Jamiël se posèrent tendrement sur le front de la femme, en signe de réconfort.

« Nous le trouverons, Elena, nous le trouverons. Je t’en fais le serment. »

Elena soupira à nouveau. On avait massacré toute sa famille il y a des années, et maintenant, on cherchait à la tuer, elle… Qu’est-ce que les Ivory avaient bien pu faire pour que des gens cherchent à ce point à les massacrer ?
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 01 décembre 2014, 09:49:33
[Post de piètre qualité, je m'en excuse, mais je me rattraperai]

Serenos regarda encore un moment les gardes qui s’affairaient à examiner les preuves. Seulement, voilà, il n’était pas complètement insensible à la détresse d’Elena. Il dût reconnaître qu’elle démontrait d’une maturité exemplaire malgré sa frayeur, et qu’elle se contrôlait plus ou moins bien vu ce qu’elle venait de vivre. Il se tourna vers les gardes. Ils tentaient tant bien que mal de récupérer du matériel sur le sol, mais Serenos refusa catégoriquement qu’on lui reprenne son épée. Un garde tenta même de lui forcer la main, avant que son commandant ne lui ordonne de lâcher immédiatement la propriété de la Couronne Royale d’un pays étranger. Le Roi fit un bref geste de la tête pour remercier l’homme de sa maniabilité, mais il savait qu’ils ne trouveraient rien. Jamiel avait fait des miracles avec ses blessures, malgré leur origine magique. Elles lui faisaient terriblement mal. Il pouvait dire ce qu’il voulait du manque d’imagination de Jamiel au niveau de la magie, elle savait comment punir les intrus et comment élever des barrières très solides sans avoir besoin de poster une armée pour la maintenir en place.

« Vous ne trouverez rien… Allez… Allez me chercher un de vos maîtres-espions… et les Assassins Royaux… tous… Sortez d’ici… » Dit-il d’une voix chevrotante.

Les Gardes Royaux avaient une formation spéciale, ils pouvaient pister un assassin jusqu’à son repère dans une histoire de minutes, contrer des sortilèges sans eux-mêmes pratiquer la magie et leur entrainement poussé en faisait de véritables monstres de combat, et tout ça pour leur Reine, mais ils n’étaient pas formés pour retracer des preuves venant des Hommes Sans-Visages. Langley était le meilleur homme pour ça, mais même lui ne pouvait pas comprendre l’esprit tordu des assassins. Et puis, le temps qu’ils seraient absent, il pourrait en profiter pour s’occuper un peu d’Elena. Malgré leur attitude butée et farouchement loyale à la Reine, ils n’étaient pas dupe; Elena était une enfant à leurs yeux, et elle venait d’essuyer une tentative d’Assassinat, et même qu’elle en avait été l’appât. Ce n’est pas pour obéir à Serenos qu’ils prirent leur congé, mais par égard pour leur dirigeante, pour son honneur et sa fierté. Une fois la pièce désertée, le Roi de Meisa rengaina enfin Ehredna, s’assurant cette fois de la verrouiller dans un fourreau. Une fois, pas deux, pensa-t-il, évaluant qu’il était moins à risque de la perdre à nouveau dans le palais. Malgré la douleur, il s’approcha d’Elena et mit un genou en terre pour la regarder dans les yeux, son visage se reformant lentement pour laisser place à un visage lisse et doux, décrivant à nouveau une apparence d’un jeune homme de la vingtaine avancée.

« Ne vous inquiétez pas… Elena… Quoi qu’il m’en coute… je vous protégerai… parce que vous êtes la précieuse fille de Nöly et Liam. »

Bien qu’il ne le prononce pas, il était évident qu’il ne la protégeait pas que pour cette seule raison. Elle n’était pas que leur fille, mais tout ce qui lui restait de ces deux personnes d’exception qu’il avait aimé comme sa propre famille. Et s’en prendre à Elena était une déclaration de guerre contre lui, encore plus que les répercussions de l’acte s’il avait été mené à bien. Il se releva et comme d’habitude, lorsqu’il voulait trouver une solution tout seul, il se mit à faire les cent pas. Beaucoup à Nexus prenaient Serenos pour un fou, un impulsif, et une menace. Il devait y avoir quelque chose dont il pouvait tirer avantage de cette réputation, une manière qui pourrait profiter à cette recherche. S’il était important pour ses ennemis qu’il soit la cible de la haine collective de Nexus, c’était qu’ils pensaient qu’il était plus facile de faire de Meisa un exemple qu’Ashnard, et ils n’avaient pas complètement tort; Nexus possédaient après tout une armada bien plus impressionnante que Meisa, et les pourparlers avec Ashnard n’étaient pas encore terminés, ce qui leur laissait la porte ouverte pour une campagne maritime.

Il allait proposer une idée quand un son puissant, comme le tonnerre, attira son attention vers la porte; Alessa et Scar venaient d’apparaître dans le cadre de la porte. La femme jeta à leur pied l’homme qui avait tenté de tuer la Reine, avant de s’approcher de son monarque, les pieds frappant le sol si fort qu’elle fendait le marbre de ses pieds nus. Visiblement, elle et Scar avaient été arrachés de toute urgence à leur repos, et s’il avait pris la peine d’enfiler quelque chose, la Meisaenne n’avait même pas prit le temps d’enfiler une armure, se présentant dans la chambre de la reine avec une simple chemise et un pantalon de combat. Sans même dire un mot, elle se pencha sur le cadavre, lui arrachant quelque chose de son poignet, avant de lancer sur Serenos comme un villageois lançait une pierre à un lépreux. Elle était visiblement hors d’elle, et avec raison, à ses yeux; si le Roi était de retour, il aurait dû restaurer le lien immédiatement!

Le Roi aurait pu s’excuser, mais elle n’aurait certainement pas voulu l’entendre. Il se contenta donc de hausser des épaules et se pencha sur l’objet qu’elle venait de lui lancer. Une pièce, attachée à une cordelette. Il n’y avait pas de magie particulière, mais le Roi se doutait qu’il devait y avoir quelque chose à voir si elle lui avait fait remarquer son existence, donc, il l’examina attentivement, faisant tourner la monnaie entre ses doigts.

« Rasha… ekristem… rakturnal? C’est du Langage Primaire?  demanda le Roi en se tournant vers Alessa, haussant les sourcils.
-  Nous avons trouvé les mêmes sur les cadavres en Sylvandell. Nos experts ont cru à de la fausse monnaie, mais c’est bien de l’or. On ne fait pas de contrefaçon avec de l’or.
-  Et cet homme?
-  Ronald a fait quelques découvertes…
-  Ronald? »

Alors là, le Roi était abasourdi. Il n’avait jamais entendu Alessa appeler quelqu’un par son petit nom en dehors de son cercle d’amis intimes, qui se résumait à lui-même et ses sœurs d’armes. Bien que sa curiosité, volage telle une girouette, lui réclamait plus d’informations, il jugea que c’était un bien mauvais moment pour questionner la Matriarche. Il tendit la pièce à Jamiel avant de se tourner vers Langley. Plus réservé à son égard parce qu’il ne l’aimait pas, mais alors pas du tout car, hormis Liam, il répugnait la compagnie des paladins, il mit son animosité envers lui et son groupe de côté pour écouter ce qu’il avait à dire. Après tout, s’il avait le poste qu’il occupait, c’était parce qu’il était doué à ce qu’il faisait, autrement, Jamiel aurait probablement eu tôt fait de se débarrasser de lui.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mercredi 03 décembre 2014, 01:50:29
L’attaque avait ébranlé Elena, et Serenos s’empressa de la consoler, lui assurant qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour la protéger contre ceux lui voulant du mal. Un pâle sourire s’afficha sur ses lèvres. Elle ne trouvait rien de particulier à dire. Serenos voulait la protéger, tant de gens voulaient la protéger… Mais les ennemis étaient suffisamment forts pour déclencher des cyclones, des tempêtes qui avaient massacré l’intégralité de sa famille. De nouvelles personnes arrivèrent ensuite dans ses appartements, et Elena entendit des bruits en contrebas. Regardant par la fenêtre, elle vit que le cadavre avait disparu, et que les gardes royaux regardaient aux alentours, en se demandant où il avait bien pu passer. La réponse ne tarda pas à arriver. Les deux lieutenants de Serenos entrèrent, amenant avec eux le cadavre du Sans-Visage. Elena le contempla, légèrement effrayée, s’attendant presque à ce qu’il se relève, et ne les attaque. Bien évidemment, il ne se passa rien. L’homme resta silencieux, mort, figé dans l’au-delà, dans le trépas. Le groupe se mit à l’analyser, et Elena, elle, observa un peu son visage. Son crâne était fracassé, mais son visage restait partiellement visible… Un visage quelconque, une figure qui ne lui disait rien.

En inspectant ses vêtements, le groupe trouva une curieuse pièce de monnaie, similaire à celle rencontrée à Sylvandell. La Reine tiqua un peu. Sylvandell ? Qu’est-ce que le royaume montagnard venait faire dans cette histoire ? Serenos était-il en train de suggérer que Tywill Korvander, le Roi de Sylvandell, ait recruté ce Sans-Visage afin de la tuer, elle ?

*Non, c’est impossible !*

Les espions nexusiens avaient inspecté le budget de Sylvandell, en ayant accès à leurs archives administratives. Ils n’avaient pas un budget énorme, et n’avaient clairement pas les moyens d’embaucher des Sans-Visages. La Confrérie ne s’arrêterait pas facilement. Allaient-ils envoyer un autre assassin ? Qui était suffisamment riche pour les financer ? La piste la plus probable venait d’un bourgeois, d’une guilde d’esclaves, de riches nobles…  Mais la présence de Sylvandell faussait les données. Les Meisaens parlaient de Ronald, et, au même moment, comme si l’homme avait entendu la conversation, il tapa à la porte, puis entra.

« Majesté ?! »

Elena reconnut la voix bourrue et forte de Ronald Langley, Chambellan du Palais d’Ivoire, Commandant de la Garde Royale. Il arriva, la chemise légèrement mal rangée dans son pantalon, sans son armure, et avec les cheveux débraillés. Une arrivée bien trop tardive pour le paranoïaque Messire Langley, qui amena Jamiël à hausser un sourcil. Elle vit le bref regard furtif entre lui et Alessa, et n’en dit pas plus. Les femmes sentaient ce genre de choses. Elena ne le remarqua pas, car elle était encore sous l’émotion. De fait, elle l’était même tellement qu’elle était même heureuse de revoir Ronald Langley.

« Je vais bien, Sire Langley…
 -  Je suis désolé, Majesté… Mon système de sécurité vous a fait défaut. »

Elena ne trouva rien à ajouter. Elle espérait surtout que Ronald n’allait pas être tenté de restreindre davantage ses déplacements individuels. La Reine était relativement pragmatique. Ronald la protégeait bien, mais, parfois, tous les systèmes de sécurité au monde n’étaient pas suffisants, surtout contre les Sans-Visages. Regardant le corps, Ronald grommelait dans sa barbe.

« Que vaut un système de sécurité s’il n’est pas capable de se montrer efficace contre les véritables menaces ? Votre santé est cruciale pour la pérennité du royaume, et je n’ai pas réussi à le repousser… »

La Reine déglutit silencieusement, et se rapprocha de lui. Voir Ronald dans un tel état d’abattement était une chose rare, troublante, et elle se demandait presque s’il n’allait pas lui remettre sa démission.

« Ronald, reprenez-vous ! s’exclama Elena, surprenant l’assemblée. C’est un Sans-Visage, un assassin professionnel. Vous savez comme moi combien leur Confrérie est réputée. Si vous voulez vous faire pardonner, aidez-nous à savoir qui les a embauchés, et à les supprimer ! »

Le ton autoritaire instaura autour d’elle un léger silence circonspect. Ronald finit par secouer la tête.

« Les Sans-Visages honorent toujours un contrat. Le seul moyen de les neutraliser est de trouver leur cache. Ils se terrent dans les bas-fonds.
 -  Comment remonter jusqu’à eux ? Ils ont forcément des contacts dans la ville !
 -  Les gens ne parlent pas facilement, surtout quand il s’agit de la Confrérie… Mais je ne saurais tolérer qu’ils s’en prennent à vous, Majesté. Je vais personnellement m’assurer de faire parler chacun de nos informateurs dans les bas-fonds, afin de découvrir leur repaire.
 -  Traquer les Sans-Visages ne risque pas de vous rendre populaire auprès de certaines guildes et autres négociants qui font parfois appel à leur service, Majesté…
 -  Si ces gens ont fait appel à des assassins, ce sont des meurtriers ! Qu’ils me craignent, c’est très bien ! Je ne laisserais plus ces gens tenter de me menacer. Retrouvez-les, Ronald, ou vous serez renvoyé de vos fonctions. »

Ronald la regarda, surpris… Puis hocha légèrement la tête. Ce ton catégorique, cette lueur dans les yeux. C’était bien lui qui s’exprimait à travers elle.

La fille du Lion de Nexus.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 03 décembre 2014, 06:41:48
« Si ces gens ont fait appel à des assassins, ce sont des meurtriers ! Qu’ils me craignent, c’est très bien ! Je ne laisserais plus ces gens tenter de me menacer. Retrouvez-les, Ronald, ou vous serez renvoyé de vos fonctions. »

Bien qu’il veuille le cacher, un sourire ravi se dessina sur les lèvres du Roi de Meisa en réponse aux paroles les plus franches qu’il n’eut jamais entendu venant d’une si jeune femme. La voilà qui se comportait comme une vraie Reine. Il ne lui manquait plus que le côté plus implacable de son père, avec son ton d’orage, pour qu’il puisse voir en elle le guerrier que son ami avait été. Il ne sentit plus en lui le besoin de réconforter la jeune demoiselle, qui semblait avoir repris à la fois son aplomb et sa détermination. Peut-être que cette tentative d’assassinat avait éveillé en elle une part de révolte; elle refusait de mourir, elle refusait d’être une cible, et elle exterminerait les menaces qui pèsent depuis trop longtemps sur la famille des Ivory.

« Meisa prendra sur elle la responsabilité de trouver et d’exterminer les cellules des Sans-Visages se trouvant en Nexus en coopération avec le Commandant de la Garde Royale, Ronald Langley. En tant que Roi de Meisa et concerné par cette tentative, je demande vous demande humblement, Elena Ivory, héritière légitime du Trône d’Ivoire, Reine de Nexus, de Carenhal et d’Orghan, votre bénédiction. Moi, Roi Serenos, chef de la Maison du Sombrechant, Roi de Meisa et des Îles Vivantes, héritier des Ashanshas, j’offre à nouveau mon soutien et ma coopération à la famille des Ivory. »

Aussi surprenant que pouvait être Serenos pour la jeune femme, le voir retirer de sa hanche l’épée qui avait presque fauché sa vie, mettre un genou en terre et la lui présenter en signe de soumission avait probablement eu le même effet pour tous ceux qui étaient présent. Alessa eut même un haussement incrédule en regardant alternativement le Roi et la Reine, avant de hausser des épaules, un sourire flottant sur ses lèvres, avant de se placer avec sa collègue derrière son monarque, à sa droite, et de l’imiter, levant pour sa part simplement ses mains, les paumes vers le ciel. Serenos offrait à Elena son allégeance et son amitié inconditionnelle, une alliance qui ne concernerait peut-être jamais leurs royaumes, mais qui à jamais unirait leurs deux vies, tout comme il l’avait fait avec Liam et Nöly. Il reconnaissait officieusement la légitimité d’Elena, et la reconnaissait comme l’héritière de ses deux amis, lui offrant le même lien qui avait uni le trio des années auparavant. Évidemment, cette fois, il ne comptait pas la laisser mourir.

Elena pouvait décider de prendre Ehredna, accepter l’offre de Serenos et lui rendre sa lame, acceptant cette alliance qui ne concernait officiellement qu’elle et le Roi. Ainsi, elle serait assurée que le Roi de Meisa traquerait ses ennemis pour elle, en nom propre, et qu’il serait prêt à prendre les armes pour défendre son honneur et sa lignée, comme il le fit pour ses parents. Elle gagnerait par la même occasion le droit de faire valoir cette alliance en Meisa, de rappeler à Serenos qu’ils étaient liés par le serment de celui-ci. Ce faisant, puisque tout finissait toujours par se savoir en Nexus, elle risquerait néanmoins de s’attirer l’animosité des opposants du Roi parmi les membres du Conseil, ce qui lui ferait perdre quelques supporters parmi la noblesse, et certains lui retiraient définitivement leur appui.

Elle pouvait également décider de refuser l’épée. Ce faisant, Serenos mettrait définitivement fin à ses tentatives de renouer ses liens avec la famille des Ivory, ce qui ne l’empêchera certainement pas de faire un dernier geste pour ses défunts amis pour protéger leur fille de ceux qui lui veulent du mal en traquant et en exterminant les. Perdre le soutien de Serenos aura certes l’avantage de rallier à la cause d’Elena plusieurs familles nobles de Nexus, mais elle devra faire une croix sur les potentielles alliances et accords commerciaux entre Meisa et Nexus, puisque Serenos désavouerait toute connexion ultérieure avec elle. Serenos ne volera pas à son secours, et les cercles de magie fermeraient leur porte aux savants et magiciens Nexusien jusqu’à la prochaine génération royale.

Si elle le désirait, elle pouvait également consulter Jamiel pour peser le pour et le contre d’une telle décision. Elle n’était encore pas très expérimentée, mais Jamiel avait, pour sa part, plusieurs années à son actif à baigner dans les intrigues de la politique et du Jeu de la noblesse. Elle savait plus exactement que Serenos ce qui découlerait d’une alliance ou d’un refus. Elle avait la confiance du Roi, car ils avaient un passé commun et des cicatrices similaires et tout aussi vives depuis la disparition de leurs amis. Elle connaissait le Sombrechant, elle connaissait Meisa et la valeur d’une telle alliance. Ronald avait aussi son propre mot à dire, s’il le désirait, puisqu’il avait depuis longtemps baigné dans le monde Nexusien. Il connaissait la mentalité des nobles, les coutumes et les différents partis impliqués dans la politique, de qui il fallait impérativement se méfier et de ceux dont la loyauté était acquise à la cause de la Reine.

Serenos resta cependant immuable, alors qu’il attendait le verdict de la Reine. Pour sa part, il espérait de tout cœur qu’elle accepte son offre. Il pensait sincèrement pouvoir la protéger des ennemis qu’il lui causerait, et que leur coopération serait bénéfique dans l’avenir. Mais il devait également penser comme un Roi, et s’il se soumettait à elle en tant qu’ami, il ne lui donnait pas encore d’autorité réelle sur Meisa. À l’époque, Liam possédait même un titre officiel en Meisa, et même que le territoire de Vrahilel –Une petite ville de Meisa qui accueillait encore aujourd’hui quelques citoyens Nexusiens et des réfugiés politiques, à la lisière de la Forêt des Mages, juste au sud de la Forêt aux Araignées – attendait encore qu’Elena accepte d’en hériter. Il espérait qu’un jour, elle nourrisse le même émerveillement que sa mère devant les trésors naturels de son royaume, qu’elle visite les lieux que sa mère et son père ont foulés de leur vivant, autre que cet énorme palais.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le vendredi 05 décembre 2014, 02:14:16
Traquer les Sans-Visages ne serait pas une partie de plaisir, mais la Reine avait raison, et Ronald le savait. L’Histoire de Nexus avait toujours été faite avec ces hommes de l’ombre, ces confréries et ces guildes sombres. L’assassinat était toujours une forme de gouvernance politique, un moyen rapide et efficace de se débarrasser de rivaux, de concurrents, ou d’individus inaptes à assurer leur fonction, mais qui, par le droit d’hérédité, étaient à leur poste. C’était un équilibre difficile à maintenir, et d’autant plus délicat que, avec les siècles, Nexus s’était juridiquement construite, en imposant de plus en plus de transparence. Le droit avait été l’arme des Ivory pour soumettre à l’autorité de la Couronne les nobles rebelles, pour rallier toutes les seigneuries appliquant chacune un droit coutumier propre à un droit national unifié. L’unification de la société passait par le droit et par une justice similaire et globale à chaque ville, la justice servant à transmettre des valeurs sociales. Un habile combat politique qui avait duré des siècles, et qui, de fait, continuait encore à durer. Le droit était une chose difficile et confuse, où théorie et pratique s’opposaient très clairement, notamment en temps de crise et de disette, comme c’était actuellement le cas. Les règles tacites régissant les relations entre riches bourgeois et puissants nobles s’appliquaient à l’égard des assassinats, et il avait toujours été admis que le Palais d’Ivoire était un asile inviolable. C’était la logique du crime organisé, conçue comme une sorte d’autorité parallèle à l’autorité légale : si la seconde autorité s’en prenait un peu trop fort à la première, alors le système s’écroulait, car les gens n’auraient plus confiance. Ronald savait que les Sans-Visages n’étaient qu’un symptôme, une émanation de la corruption galopante qui ravageait Nexus depuis des siècles, un phénomène qui s’était amplifié avec la regrettable mort de Liam et de Nöly. En abolissant l’esclavage, ils voulaient mettre fin à ce système qui gangrénait la ville, et le système, s’il avait souffert, avait su se maintenir, et avait su continuer à tisser ses liens le long de la ville, étranglant peu à peu cette dernière, agissant en marge de la loi, en-dehors des normes légales et des ordonnances royales. L’attentat de ce soir était le point d’orgue, la cerise sur le gâteau. Des individus hauts placés soutenaient les Sans-Visages, et des têtes allaient tomber.

Ronald commençait déjà à réfléchir, et à se dire qu’il fallait une ordonnance royale étendant les pouvoirs des hommes placés sous son autorité le temps que l’enquête ait lieu, quand Serenos le surprit, le tirant de ses réflexions en s’agenouillant devant Elena, et en lui tendant son épée magique, Ehredna, tout en demandant d’accepter son aide pour venir à bout des Sans-Visages. Surprise, Elena le regarda pendant plusieurs secondes, sans rien dire. Ce que faisait Serenos, ce cérémonial… Ce n’était pas qu’une simple offre, non. Elle le voyait bien. Le sang des Meisaens avait coulé ce soir, et il voulait montrer à la Reine qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour supprimer la menace. Elena comprenait cette procédure comme un serment judiciaire. Jamiël, elle, se disait juste que les hommes étaient tous les mêmes, et elle était surprise de voir Serenos agenouillé ainsi.

*Ces Meisaens et leurs serments… Ils se noieront avec un jour.*

Les serments n’étaient pourtant pas si fréquents que ça. Serenos venait de s’engager, mais tout engagement avait des contreparties… Et cela, la Reine le comprenait. Les secondes s’écoulèrent, le temps semblant comme suspendu aux délicates lèvres d’Elena, quand sa main finit par se tendre vers la poigne d’Ehredna. C’était une ambiancez assez surréaliste, un serment prêté aux pieds d’un cadavre à la tête défigurée.

« Serenos Sombrechant, Roi de Meisa, nous, Elena Ivory, Reine de Nexus, acceptons votre engagement de rendre justice en arrêtant les activités de la Confrérie des Sans-Visages. Nous acceptons votre serment, et, si vous échouez à l’accomplir, vous serez banni de Nos terres. »

Elena parlait avec un ton officiel, employant le pluriel, car ce n’était pas en son nom propre, mais en celui de la Couronne, de l’État nexusien. Elle tourna sa tête vers les différents témoins, aussi bien meisaens que nexusiens. Les mots avaient été dits, le serment était prononcé. Elena avait appliqué la propre loi de Nexus, la propre coutume. Quiconque s’engageait ne pouvait se dédire. Ehredna tapa les épaules de l’homme.

« Par ce serment, Nous vous nommons Commandeur Honoraire de Nexus, le temps de l’accomplissement de votre serment. Messire Langley !
 -  Votre Grâce…, s’agenouilla l’homme, en même temps que les autres.
 -  Qu’il soit fait note du Serment de Serenos, et que chacun des témoins en atteste la validité par sa signature. Accomplissez votre Serment, Roi de Meisa, et Nous vous offrirons notre gratitude et Notre générosité. »

Ronald connaissait évidemment la procédure, et en était ému. Il releva la tête, fier et droit. Celui qui regardait Elena n’était plus un simple chambellan, mais un paladin. Elena avait nommé Serenos Commandeur, un titre honorifique exceptionnel, que seule la Couronne pouvait délivrer. Le Commandeur était une sorte de super-enquêteur disposant de prérogatives importantes en matière d’investigations judiciaires. Néanmoins, Serenos restait un étranger, ce qui faisait qu’un autre Commandeur devait être nommé.

« Je rédigerai cette nuit un document officiel faisant de vous, Messire Langley, Commandeur de Nexus. Malgré toute la dévotion de Serenos, il est un étranger à Nexus. Vous aurez besoin l’un de l’autre pour retrouver ces assassins. Débusquez-les, arrêtez-les dans la mesure du possible, tuez-les si c’est l’ultime nécessité, mais je souhaite qu’un jugement soit organisé, et que chacun réponde de ses crimes. Jamiël, vous réunirez le Conseil Royal dès la première heure ce matin, afin qu’ils donnent leur aval à l’acte que je vais rédiger cette nuit.
 -  Oui, Majesté » répliqua une Jamiël légèrement troublée, elle aussi.

Le Conseil Royal pouvait toujours refuser d’avaliser l’acte royal, mais c’était peu probable. La Reine avait été attaquée cette nuit, ce qui faisait que la condition de circonstance exceptionnelle posée par la Cour Royale trouvait pleinement à s’appliquer.

Elena rendit à Serenos son épée.

« Vous en aurez plus besoin que moi » finit-elle par dire, sur un ton plus doux.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 09 décembre 2014, 06:05:15
« Vous en aurez plus besoin que moi, lui avait-elle dit, d’un ton doux, en lui remettant son arme.
- Vous verrez, Elena, que vous avez raison de placer votre foi en moi.

Il récupéra son arme, s’inclina vers la jeune Reine et tourna les talons, son épée à la main. Alessa songea à le suivre, mais il l’en découragea d’un geste de la main en indiquant le cadavre. Il voulait que les espions s’occupent de mener une enquête sur la provenance des potions ou sortilèges de métamorphose que les Sans-Visages employaient. Une fois que son travail en Nexus sera terminé, il les placera sur sa liste de cibles à exterminé.

Le Roi Cramoisi occupait encore une part de son esprit, et son instinct, peut-être même son don de préscience fragmentaire, lui disait que ce sombre personnage devait magouiller quelque chose, et si une alliance entre lui-même et les Gardiens du Crépuscule (le groupe qui avait ramené la Reine Sérénité, devenue la Dame Grise, à la vie) avait été conclue, leur implication dans une tentative de Coup d’État pour causer une guerre génocidaire était tout à fait possible. Mais il ne pouvait pas appuyer sa théorie de preuve; les événements qui avaient failli ravager Sylvandell et ceux qui se produisaient en Nexus n’avaient aucun lien vérifiable, et s’adonner à de telles théories lui ferait perdre du temps.*

Alessa regarda le cadavre à ses pieds, mais avant que son amant ne parte à la suite de Serenos, elle lui posa une main sur le bras, lui demandant discrètement de veiller sur son Seigneur, mais aussi d’être extrêmement prudent. Serenos était peut-être immortel, mais il n’en était pas de même pour Ronald, et elle ne voulait pas perdre son ami parce que son Roi était un homme éperdu d’amour pour une Reine défunte et désirait ardemment faire ses preuves devant la fille de celle-ci. Elle ne se risqua pas à l’embrasser, même si un sombre pressentiment lui saisissait les entrailles alors qu’elle le relâchait, lui murmurant que ce serait peut-être la dernière fois qu’elle reverrait Langley en vie, consciente qu’elle risquait de mettre son amant dans un drôle de position si elle s’autorisait autant de familiarité. Elle s’approcha plutôt de Jamiel et se plaça à son côté, détachant de sa ceinture une fiole de fortifiant; elle n’avait après tout pas eu le luxe de dormir bien longtemps, et l’amour agressif de Ronald lui donnait l’impression d’avoir lutté avec un étalon toute la journée. Ce souvenir la laissa un instant dans ses pensées, un sourire rêveur sur les lèvres alors qu’elle s’envoyait la première rasade du liquide. Le sourire fut aussitôt remplacé par une grimace de dégoût; les solutions magiques avaient le chic pour avoir un goût parfaitement infect.

La nuit était déjà avancée, peut-être vers les premières heures du matin, selon la position de la lune. En misant sur le fait que les Sans-Visages œuvraient seuls et sans superviseur, il évaluait qu’il n’avait quand même qu’une dizaine d’heures avant que les assassins n’aient vent du résultat de leur tentative d’assassinat et du fait que Serenos était sur leur piste, armé de rage, de vengeance et d’un sourire malsain; comme il était bon de se souvenir du bon vieux temps, où il traquait les ennemis de Liam, à son insu, par contre, pour les faire mystérieusement disparaître sans laisser la moindre trace.

Le Roi s’arrêta à l’extérieur du palais. Langley ayant reçu l’ordre de le suivre et potentiellement de le surveiller, il se tourna vers lui et le regarda.

« Elle a bien grandi, Langley. Elle a le courage de Liam et l’esprit de sa mère. Elle ne me fait pas confiance, mais elle n’en est que meilleure juge. »

Serenos ne se faisait pas d’illusion. Aussi affectueux qu’il soit, il n’était plus exactement l’homme qu’il était il y a vingt ans. Les Immortels n’étaient pas immuables, et même le temps finissait par les adoucir, ou au contraire, les endurcir. Il préférait que la jeune femme se méfie de lui plutôt qu’elle lui fasse aveuglément confiance; il n’était plus un homme honnête. Peut-être à l’époque où Nexus n’était pas une menace, et qu’Ashnard se sentait assez intimidé pour laisser Meisa en paix, mais de nouveaux ennemis ressurgissaient sur tous les fronts, et il craignait qu’un jour, ceux qui lui font confiance ne deviennent que des outils pour atteindre ses buts. Ce n’était pas dans cette optique qu’il avait fondé Meisa. Et peut-être qu’un jour...

***Dix Sept Ans Plus Tôt***

« Ton héritière!? As-tu perdu la tête, Serenos!?
- Liam, écoute-moi, je t’en prie! »

Le Roi de Nexus était tout simplement abasourdi. Comment Serenos, son ami, pouvait-il avoir une telle idée de confier à son enfant le devoir de diriger son Royaume, alors que Nexus s’étendait déjà d’une Mer à l’autre et était à la tête d’une des confédérations de Royaumes rivalisant aux forces de l’Empire Ashnardien? Mais l’Immortel ne semblait pas prêt de résorber son offre; il le dévisageait même avec la plus désarmante sincérité. Nöly, confortablement installée sur son trône, caressait son ventre toujours plus rond et plus gros, comme pour rassurer l’enfant que les gros bruits de l’extérieur ne devaient pas l’effrayer, adressant à Serenos et Liam un regard de reproche qui les ramena très vite à l’ordre. Le colosse qu’était Liam passa une main sur son visage, lissant sa barbe blonde de sa main avant la poser sur l’épaule de son ami.

« Pourquoi n’enfanterais-tu pas un héritier de ta propre chair, mon frère? Ma fille en aura déjà beaucoup sur les bras… et peut-être même qu’un jour… si les affinités se développent…
- Je ne veux pas concevoir un autre fils, dit le Roi de Meisa, la gorge serrée par une boule d’émotion. Après Grym et Kaelin…

Le visage de Liam s’affaissa de tristesse. Il avait entendu cette histoire auparavant, un des rares actes de confidence que Serenos n’eut jamais à faire pour démontrer sa confiance envers le Roi de Nexus.

Des années plus tôt, peut-être même avant sa naissance, Serenos comptait dans sa famille trois fils et trois filles. Grymauch était l’ainé de la fratrie et ressemblait tellement à son père, tant physiquement que moralement, qu’il s’était graduellement imposer en tant que futur Roi de Meisa, lorsque Serenos serait prêt à délaisser le pouvoir. Pendant dix longues années, Grymauch avait occupé la place de Roi-Servant de Meisa, avec comme conseiller son frère cadet Kaelin, représentant son père dans les pays étrangers, dirigeant ses troupes en son nom et apprenant les ficelles du rôle de monarque de son père, mais également des autres dirigeants de plus petits royaumes. Le candidat parfait au trône. Mais un sinistre destin s’abattit sur la famille du Sombrechant quand Xeos, le frère benjamin et l’un des responsables dans la résurrection de la Reine Sérénité, se retourna contre sa famille et se ligua avec les Ashnardiens et les Gardiens du Crépuscule. En traître, il massacra ses frères ainés et même une de ses sœurs avant que Serenos ne puisse intervenir. Talentueux magicien et plus sournois encore, le benjamin s’en tira même sans blessure grave, laissant son père dans le plus profond désespoir. On dit que c’est à cette époque que Serenos frappa Mordret dans son orgueuil, quand en représailles pour la corruption de son fils et les attaques Ashnardienne sur son territoire, le Roi de Meisa déclencha un événement tournant dans le conflit entre lui-même et Ashnard, l’Embrasement des Côtes. À l’aide d’une armada de navires chargés en poudre à canon avec des catapultes. le Roi de Meisa avait bombardé les plages du territoire Ashnardien puis les avait enflammées avec son armée de magiciens, massacrant des dizaines de milliers de citoyens Ashnardiens avant même que l’Armée ne puisse répliquer.

Mais tout ça, c’était de la vieille histoire. Liam savait simplement que Serenos prenait beaucoup plus de temps que les autres humains pour passer à autre chose. Cela faisait peut-être des décennies, mais pour un Immortel, cela devait être un épisode bien court dans sa longue existence. Il s’apprêtait à reprendre la parole, mais le petit Roi le devança.

« Je ne te dis pas qu’elle sera forcée de prendre ce rôle, Liam. Je te dis juste qu’un jour, je le lui offrirai. Si je vois en lui l’avenir de nos nations… je lui confierai mon Royaume.
-  Mais pour hériter d’un royaume magique…
- Je suis d’accord, ce serait difficile. C’est pourquoi j’ai pensé à Jamiel.
- Jamiel?
- Elle est brillante, Liam. Avec les années, elle deviendra une magicienne impressionnante. Nöly, dis-lui!

La Reine de Nexus soupira, espérant sincèrement ne pas être mêlée à ce genre de discussion. La magie, un domaine qu’elle aurait souhaité comprendre aussi bien que son amie, sans avoir le moindre don pour celui-ci, était un sujet des plus délicats.

« De quoi parle-t-il, mon amour?
- Serenos pense que Jamiel… est comme lui. Une descendante des Ashnanshi.
- Ah? Rien que ça? dit le Roi incrédule. Encore tes mythes, Serenos…
- Les Ashanshi ont bien existé, Liam, protesta Serenos, les poings serrés.

C’était un conflit de longue date; Serenos parlait des Ashanshi comme un savant parlait de ses découvertes, mais Liam discréditait immédiatement ses paroles. Serenos pouvait bien dire ce qu’il voulait pour essayer de lui faire douter, mais Liam n’était pas quelqu’un facile à persuader. Il n’était pas nécessairement étroit d’esprit, mais il avait ses convictions, et il était très difficile de le faire bouger sur sa position. Les histoires Nexusiennes étaient bien ancrées dans son esprit, et en tant qu’ancien apprenti des Paladins, il avait foi en les Dieux qu’il vénérait, et en aucun cas, les Ashanshi ne figuraient dans les enseignements de son ancien Ordre. Seule Nöly lui prêtait une oreille attentive, mais sans vouloir manquer de respect à son épouse, Liam était sûr qu’elle serait prête à écouter n’importe quelle invention de Serenos pourvu qu’il y ait une belle histoire derrière. Il ne traitait pas son ami de menteur, mais il n’y croyait pas. Les histoires de foi n’affectaient en rien leur amitié, seulement leurs discussions. Avant qu’ils ne se disputent, les deux hommes levèrent les mains en signe de paix.

« Pardon, continue, céda Liam avec douceur.
- Qu’importe ses origines, je crois que Jamiel serait capable de régir sur Meisa. Elle a un don incroyable, et son esprit…  je n’ai que rarement vu de tel –Pardon, Nöly-
- Il n’y a pas de mal, dit la Reine en riant.
- Je crois que la prochaine génération sera un excellent moment pour que Meisa et Nexus atteignent un nouveau niveau de collaboration. Meisa restera officiellement indépendante, avec ses trois conseils, mais ton enfant aura le même rôle que moi; le veto et les décisions urgentes.
- C’est irréel, Serenos…
- C’est pour ça que je t’en parle, Liam. Je ne serai pas toujours là…
- Dis-ça à ceux qui sont morts en attendant ton trépas…
- Liam! s’exclama Nöly, offusquée.
- Il suffit! tonna le Roi de Nexus, autant à l’attention de Nöly que pour achever sa discussion avec son homologue. Serenos, ce n’est pas à toi de décider ce qui adviendra de mon enfant, ni de mon royaume. Si tu veux abandonner tes responsabilités de Roi, sois le bienvenu de t’arranger de ton côté! Je ne laisserai pas mon enfant des responsabilités que je ne saurais moi-même endossé.

Liam se détourna alors de son ami et s’apprêta à partir.

« Tu ne vas quand même pas partir fâché, ce serait trop bête! Allez, on oublie tout, et on finit cette bouteille de vin, tenta de l’amadouer Serenos.
- Pas ce soir, Roi de Meisa… pas ce soir… »

Et il disparut derrière la porte. Serenos regarda sa coupe de vin et la déposa sur la table avant de se laisser tomber sur le fauteuil adjacent à celui de Nöly et se prit la tête entre ses mains, lâchant un soupir de découragement.

« Il l’a mieux prit que je pensais… commenta la Reine en passant ses doigts dans les cheveux ô combien souple de son ami.
- Pas assez à mon goût… mais je m’y attendais. Il n’aime pas laisser le travail aux autres… c’est son caractère.
- Et c’est pour ça que tu l’aimes autant.
- Pas faux, dit le Roi de Meisa en souriant, un peu plus jovial. Liam ne sera jamais comme moi; il est brave, et il affronte son destin avec la tête haute.

Il prit doucement la main de Nöly et, en tout bien tout honneur, y déposa un bref baiser de reconnaissance avant de se relever, l’aidant tout de même à se lever. Il l’escorta jusqu’aux appartements royaux, en parfait gentilhomme, un comportement qu’il n’adoptait qu’avec elle, avant de lui souhaiter la bonne nuit. Elle lui adressa un ultime sourire avant de disparaître derrière la massive porte où, des années plus tard, Serenos viendrait en secours à sa fille.

***

Serenos secoua la tête pour chasser ses souvenirs. Il descendait avec son collègue Commandeur, ou du moins Commandeur à en devenir, la Rue des Rois, le long chemin sinueux qui menait du palais royal à la Première Porte de la Forteresse, qui menait, en fait, à l’extérieur de la ville, passant par les bas-cloîtres, évidemment. Quelque chose d’autre occupait son esprit, surpassant même sa préoccupation pour le combat à venir.

« Alessa vous a appelé par votre prénom, Commandeur Langley. C’est une marque de respect et d’affection rare venant d’un membre de son espèce, un respect qu’elle ne m’accorde pas, moi qui suit son Roi. J’aimerais savoir comment vous l’avez gagné.»

Le ton de Serenos était grave, mais conservait une certaine note hautaine qui démontrait qu’il ne s’agissait pas d’une tentative d’invasion de la vie en coulisse du Paladin, mais d’une demande légitime d’un chef militaire par rapport à ses subordonnées. Il ne savait pas ce qui s’était passé entre Langley et Alessa, il n’en avait honnêtement rien à faire. Néanmoins, en tant que Roi et Alessa étant l’une des principales figures de son royaume, il voulait pouvoir compter sans regret sur elle, et si elle lui faisait des cachotteries, il serait probablement forcé de la démettre de ses fonctions. Il n’était pas le père d’Alessa, et même s’il l’avait été, il n’aurait pas été plus intéressé que cela par ses aventures derrière les portes closes.

Heureusement pour Langley, l’attention de Serenos lui fut ravie par l’apparition d’un nouvel intérêt; les bas-fonds de Nexus. À l’entrée de ceux-ci, de nombreux hommes au visage masqué, armés jusqu’aux dents, droit comme des pics, les attendaient. Serenos regarda les étrangers et leur fit signe d’approcher. Les hommes s’empressèrent de se placer devant lui et s’inclinèrent respectueusement.

« Majesté, mes hommes et moi avons fait le plus vite possible pour nous rassembler lorsque nous avons reçus vos ordres. Allez-vous bien? Nous avons perdu le lien, nous étions…
-  Il n’y a aucune inquiétude à avoir, Meisaen. Maintenant, je veux que tu me dises ce que tu sais sur les Sans-Visages. As-tu réuni des informations sur eux? Sais-tu où ils se trouvent?
-  Non, majesté. Ces hommes, qui qu’ils soient, savent masquer leur trace. Nous savons qu’ils vivent et occupent certaines demeures du bas-fond, mais nos hommes n’ont rien trouvé… ils doivent avoir une autre manière de se loger, un endroit que nous ignorons… des accès secrets… »

Serenos fit taire le Meisaen d’un geste de la main et celui-ci s’exécuta docilement, baissant la tête en signe de soumission. Décidément, Serenos était soit un monarque sévère, respecté ou alors tout simplement craint par ses sujets pour avoir d’eux une telle soumission. Peut-être que les rumeurs sur sa tyrannie avaient un fond de vérité? Serenos se tourna alors vers les bas-fonds, ses yeux commençant à luire d’une lueur dorée. Les yeux des Meisaens se mirent alors à faire de même, avec une intensité presque inquiétante, leur donnant un air très menaçant. Ils firent de même, se tournant vers les bas-fonds avec de sauter avec une incroyable agilité sur les toits et se dispersèrent.

Serenos se tourna alors vers Langley, les yeux toujours luminescents.

« Nous allons devoir faire vite. Je leur ai ordonné de fouiller les sites démilitarisés des bas-fonds. Deux d’entre eux vont retourner au palais pour protéger les accès secrets. J’espère que la vie de Nexus n’a pas nui à leur efficacité…  Je suggère que nous nous établissions quelque part le temps de repérer nos ennemis, pour coordonner notre recherche. Qu’en pensez-vous, Langley? »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le jeudi 11 décembre 2014, 02:23:32
« J’ai failli la tuer. »

Ce fut la seule explication, sibylline, que Ronald donna à Serenos pour expliquer la relation entre lui et Alessa. Ronald n’avait pas spécialement envie d’en parler, ne tenant pas à ce qu’on sache que, au moment où la Reine était attaquée par un Sans-Visage, lui-même batifolait avec la Meisaenne. C’était un comportement indigne d’un Chevalier Royal, et c’était bien pour ça que Ronald acceptait pleinement le dilemme. S’il échouait, c’est qu’il ne méritait pas d’être le Chambellan de Sa Majesté. Auquel cas, il admettait volontiers sa punition, et en profiterait pour faire pénitence. Ronald, aussi pieux et fier soit-il, n’ignorait pas toute la difficulté de sa tâche. Nexus était une ville immense, abritant des millions d’âmes. C’était l’une des plus grandes villes du monde, l’épicentre du commerce mondial. Les autorités traquaient la Confrérie depuis des décennies, sans aucune réussite. Ronald allait devoir faire jouer ses relations et ses contacts. Il était impossible, après tout ce temps, que personne ne connaisse le repaire de la Confrérie. Cette secte d’assassins était bien implantée. Tout ce qu’il fallait, c’était arriver à délier les langues.

En sortant du Palais d’Ivoire, les deux hommes avaient grimpé sur des destriers, et s’en étaient servis pour rejoindre les bas-fonds, filant le long des grandes rues de la cité-État, relativement désertes à cette heure avancée de la nuit. Ronald menait le duo, et ils se rapprochèrent d’une entrée menant aux « bas-fonds ». Ce n’était techniquement pas un terme officiel, et on n’en trouverait aucune trace dans les documents et les actes officiels. C’était un terme offensant, mais, dans la pratique, tout le monde désignait ainsi ces quartiers désoeuvrés. Ils s’arrêtèrent devant le portique menant à l’ancien quartier des Poètes, un agréable quartier constitué d’un ensemble de ruelles, de petites fontaines, et où, jadis, avant la crise économique, des artistes de rue chantaient et dansaient, faisant jouer de la lyre, vantant la beauté des étrangères venant ici. Des troubadours faisaient des spectacles comiques, des danseurs jonglaient, des équilibristes s’amusaient, des cracheurs de feu soufflaient de longues gerbes se terminant en cœur enflammé… C’était un quartier rural très vivant, constitué de marginaux, de bohèmes, d’hommes aimant la vie. Maintenant, ce quartier était triste, sinistre, fui par les touristes. Il était hanté de bordels sinistres, et les artistes de rues qui n’étaient pas partis, ou n’avaient pas été tués pour leurs dettes, étaient devenus des toxicomanes habitant dans des squats sinistres.

Ronald avait senti des individus approcher, et vit alors des espions meisaens débarquer. Pour être honnête, Ronald n’aimait pas trop ça… Les espions n’étaient jamais bien vus, a fortiori entre deux États se prétendant alliés. Néanmoins, il ne dit rien. Pour l’heure, leurs intérêts coïncidaient. Ronald resta en retrait, tandis que Serenos donnait ordre à ses hommes de retrouver les caches de la Confrérie. Un léger sourire goguenard traversa les lèvres de l’homme. Est-ce que cet homme espérait supprimer la Confrérie en une soirée ? Finalement, Serenos finit par le regarder, en lui demandant s’il n’avait pas un lieu où séjourner le temps de leur enquête.

« Oui… Je connais un endroit. »

Il se déplaça rapidement, remontant l’avenue, évitant de s’enfoncer dans les ruelles du Quartier des Poètes.

« Il fut un temps où Nexus était un royaume. Avec le temps, les différentes cités se sont rapprochées pour n’en former plus qu’une, mais il subsiste encore des héritages de cette ancienne époque. »

La cité-État était une énorme ville, et, d’un point de vue administratif, elle comprenait plusieurs mairies, chaque mairie ayant un district, toutes les mairies fonctionnant sous l’autorité centrale du Palais d’Ivoire. Les mairies se trouvaient dans les forts de la ville, chaque fort correspondant à l’une de ces anciennes villes dont Ronald parlait. Ils se dirigeaient justement vers l’un de ces forts, au cœur de la ville. Il était entouré par des douves, et donnait sur un agréable lac, le Lac-Rose, avec des cygnes, des canards, et des tortues. Un endroit assez agréable, proche des remparts du fort. Le nom du fort était donné en référence au lac : Fort-Rose… Pourtant, il n’y avait rien de rose dans ce dernier.

Ronald se rapprocha du corps de garde, et tomba sur les gardes à l’entrée.

« Le fort est fermé la nuit, étrangers ! lâcha la bougonne voix d’un garde.
 -  Je pense que vous ferez une exception pour moi, hallebardier. »

Le soldat sortit de sa petite casemate, à l’entrée du corps de garde, et écarquilla les yeux en reconnaissant la cicatrice de « Scar », un élément distinctif difficile à copier.

« Oh… Me… Messire Langley, je… Hum… C’est un immense honneur !
 -  Ce vieux sac à vin de sénéchal est-il réveillé ?
 -  Me… Messire Beauregard s’est endormi, Messire Langley…
 -  Alors, ouvrez-nous la porte, et mandez quelqu’un pour le réveiller. Nous avons à discuter. »

Troublé, l’hallebardier obtempéra. Ronald Langley était un homme très respecté au sein des garnisons, que ce soit par son haut rang, par le fait qu’il était un camarade de guerre du Lion de Nexus, parce qu’il était un paladin d’Haven, ou parce qu’il arborait sur son visage les cicatrices dues aux batailles. Langley appartenait à l’ancienne noblesse, cette noblesse faite de capes et d’épées, ceux qui, dans la répartition tripartite classique d’une société féodale, étaient appelées « bellatores »… Ceux qui se battent. Le corps de garde s’ouvrit, et le duo pénétra dans la cour du fort, une agréable cour avec plusieurs dépendances abritant des réserves. Un puits se trouvait au centre, et il y avait un mur d’enceinte, séparant la basse cour de la haute.

Autrement dit, Fort-Rose suivait la structure classique de tous les forts médiévaux :

(http://img92.xooimage.com/files/5/1/6/chateau_fort-3bbe3b4.jpg)

Ronald et Serenos larguèrent leurs chevaux à une écurie, puis passèrent par le corps de garde intérieur, afin de rejoindre les lourdes portes du donjon.

« La Confrérie se cache sous la ville, Serenos. Elle a un repaire souterrain, mais les souterrains de Nexus sont immenses. Entre les égouts, les catacombes, les grottes naturelles, les caveaux, il y a tout un réseau souterrain. Sans des informations précises pour les trouver, nous n’y arriverons jamais. »

Ils entrèrent dans le salon principal du fort, où des bougies étaient allumées dans les angles. Des armures luisantes faisaient office de décor, à droite et à gauche du vestibule, et, dans la salle principale, des blasons et des tableaux ornaient les murs.

« Le Sénéchal Beauregard est le responsable de ce fort. C’est un vieil ami. Nous avons combattu les Ashnardiens ensemble, à l’époque de Liam. Il y a quelques années, Liam l’avait chargé de mettre un terme à l’existence de cette confrérie. »

Ronald donna les informations essentielles, tandis qu’un page les conduisit dans un salon un peu plus intimiste, avec des bibliothèques, des candélabres. Les murs étaient en pierre, et Ronald entendit, au bout de quelques minutes, un peu de bruits.

« Par les Saints-Nichons de la foutue Sainte-Vierge, Langley ! Ah, mon ami ! Es-tu fonc à ce point insomniaque pour venir me voir ?! »

Une voix chaleureuse annonça l’arrivée du Sénéchal Joachim de Beauregard (http://fc05.deviantart.net/fs70/i/2014/318/6/2/war_general_by_allnamesinuse-d7xe6t5.jpg), un homme âgé, mais avec un regard clair, et un franc sourire.

« Paix sur toi, Joachim. Je suis en compagnie de Son Excellence le Roi de Meisa Serenos Sombrechant. Nous sollicitons ton hospitalité le temps d’une enquête capitale demandée par Sa Majesté à l’instant même. »

Beauregard hocha lentement la tête. Sur un ton un peu plus bas, Ronald lui en dévoila un peu plus :

« Un Sans-Visage a attenté à la vie de Sa Majesté… »

Les yeux de Beauregard s’écarquillèrent de surprise.

« Ah les jean-foutre, ah les fils de pute ! s’exclama l’homme en secouant la tête. Je comprends mieux la raison de ta venue, Ronald… Et il va de soi que vous pourrez séjourner dans ce fort.
 -  Nous aurons besoin de ton assistance…
 -  Cela va sans dire, acquiesça l’homme. J’ai enquêté sur cette secte remplie de rats et de serpents visqueux, mais il me faut le temps de retrouver mes notes. Le mieux que vous ayez à faire est de dormir ici, et nous aurons le temps d’en parler demain matin. De toute manière, il n’est pas recommandé de traquer les Sans-Visages de nuit. »

Ronald acquiesça. Il avait presque oublié à quel point le Sénéchal avait tendance à s’exprimer très naturellement, à force dans le monde très policé du Palais
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 11 décembre 2014, 07:33:05
« J’ai failli la tuer. »

Les paroles de Langley manquèrent presque de lui attirer le poing de Serenos. Cependant, deux Commandeurs nouvellement nommés se bagarrant au beau milieu de la Rue des Rois.

« Remerciez les cieux d’avoir échoué, Langley. Vous n’avez aucune idée de ce qu’il en coûte à ceux qui s’attirent ma colère. »

Le ton sombre et posé de Serenos ne contenait aucune démonstration de haine, particulièrement, mais il était chargé d’avertissement. Si Langley tenait à ne pas se mettre le Roi de Meisa à dos, il aurait intérêt à surveiller ses paroles. L’honnêteté était une vertu, mais les menaces, même honnêtes, n’attiraient rien d’autre que l’animosité. En combat loyal, Langley pourrait tenir tête à Serenos s’ils venaient à s’affronter, mais voilà, Serenos ne se battait jamais à la loyale avec un adversaire qui s’est attiré ses foudres; il se battait pour gagner, et tous les moyens étaient bons, même ceux qui incluaient l’usage de la magie. Le Roi parvint néanmoins à ravaler son mépris pour Langley et le reste de leur descente se passa sans accrocs.

Ce n’est pas pour autant que Serenos cessa de ruminer les paroles de Langley. Qu’est-ce qui a bien pu se passer entre lui et Alessa? La Meisaenne ne semblait pas être particulièrement affligée, et s’il avait réellement tenté de la tuer, il ne serait peut-être même plus là pour en parler. Mais Alessa était plus douée pour retenir ses coups que son Roi, alors, peut-être qu’il aurait plutôt une trentaine d’ecchymoses, et une sérieuse commotion cérébrale. Langley n’était pourtant pas sans lui rappeler Rickard, ou le Sournois, comme se plaisait à l’appeler le monarque des îles. Il se passa une main sur le visage en tentant de conserver son calme, car même son cheval commençait à capter les ondes purement négatives qui émanaient de lui. Colère, rancœur, et encore d’autres sentiments plus violents les uns que les autres lui étreignant le cœur et le nourrissant de leurs effets négatifs sur sa magie. Les êtres normaux, comme Langley, inconnus à la magie, ne ressentaient guère les troubles des autres, mais les animaux, instinctivement reliés à tout ce qui était surnaturel, pouvaient capter ces intentions, comme les chiens qui aboyaient sur les étrangers mal intentionnés approchant de leurs demeures, ou les caméléons qui changeaient leur couleur pour se protéger d’un prédateur. Les mages étaient dangereux pour de multiples raisons, mais ils n’étaient pas qu’un danger pour leurs ennemis; ils l’étaient aussi pour eux-mêmes, et l’immortalité du Roi avait laissé des séquelles dans son contrôle de lui-même, des plaies béantes que Nöly avait fait l’effort de panser pendant le court temps où ils avaient été ensemble.

La réponse à sa colère fut le visage de la défunte Reine. Les premiers regards, sa personnalité lumineuse qui irradiait son monde de beauté, leur seul et unique baiser, ces souvenirs parvinrent à rétablir le fragile équilibre mental de l’étrange magicien. Il se mit alors à respirer plus librement, et un sourire réapparut sur son visage. Langley n’était peut-être pas au courant des maux qui assaillaient l’esprit du Roi étranger, et il n’en avait certainement rien à faire, puisque les rumeurs le disaient comme fou, de toute façon, mais il ne pouvait rater ses changements soudains d’humeur, dont il ne pouvait peut-être discerner la cause. Bipolaire, peut-être. Mais Serenos se qualifierait plutôt de soupe-au-lait, capable de changer d’un état négatif à un autre, plus positif, avec aisance, ne requérant de stimuli qu’en lui-même. Il poussa finalement un soupir et laissa l’eau couler sous le pont; il n’avait que faire de Langley. Il n’avait que faire de quiconque, finalement, puisque tout ce à quoi il tenait n’était plus depuis longtemps, autre que Meisa.

***

Beauregard ne lui adressa qu’à peine un coup d’œil. Et Serenos qui avait causé un remous simplement car il s’était adressé à une amie avant la réponse de la Reine, les Nexusiens avaient vraiment le chic pour l’irriter. Il se contenta donc d’ignorer superbement le Sénéchal et balaya le fort du regard et se demanda combien de temps il aurait besoin pour le faire tomber s’il avait avec lui ses unités d’élite, ses magiciens et ses catapultes. Une heure, peut-être deux, dépendant de la vitesse de réaction du fort, et peut-être même une journée si les renforts arrivaient assez vite. Beauregard leur dit que cela lui prendrait peut-être un bon moment pour fouiner dans ses notes et qu’il serait plus sage et prudent d’aller se reposer. Le monarque de Meisa regarda Langley, attendant sa réponse. Lorsque celui-ci acquiesça, le Roi se détourna de lui, surpris du manque de réaction de celui-ci. Sa Reine était en danger, et ce balourd de Beauregard leur demandait d’attendre le lendemain pour trouver ses notes?

« Je vous prie de m’excuser. »

Le Roi fit volteface et s’éloigna des deux Nexusiens, à grandes enjambées, rabaissant sur sa tête son capuchon pour ne pas laisser voir à ces idiots l’épatement qui s’y trouvait. Lui qui sanctionnait ses hommes pour manque d’organisation, que ferait-il s’ils devaient prendre une demi-douzaine d’heures pour retrouver quelque chose d’importance? Je les bannirais pendant une année complète, c’est évident! Quel genre de soldats ne peut pas retrouver un rapport en cinq minutes, montre en main? Il était un chef militaire sévère, certes, car il voulait que ses subordonnés soient les plus efficaces, car ses armées ne possédaient que très peu d’effectifs, il devait donc tirer le meilleur de chaque soldat pour tenir la mesure contre les ennemis potentiels. Et Langley, avec ça, qui acquiescait. Cet homme s’était mis en tête de le faire tourner en bourrique, il ne voyait que ça!

Il trouva très vite le camp d’entrainement du fort et trouva un stand de tir à l’arc, avec une cible criblée de flèches. Il regarda celle-ci un instant, puis il récupéra un arc sur un support  et quelques flèches avant de se mettre en position. Il n’avait pas tiré à l’arc depuis des années, et il ne se souvenait même plus comment faire, car après tout, pourquoi posséder un arc quand la magie atteignait la cible sans même avoir besoin de viser? Il regarda l’arme, puis testa la corde. C’était un bon arc; il n’aurait crainte de le briser en le tendant. Il agrippa ensuite une flèche, l’encocha puis il visa la cible. Nombre d’archers inexpérimentés se lançaient dans un tir effréné, dans l’espoir d’épater leur supérieur par le nombre qu’ils pouvaient tirer sur une cible, mais Serenos n’était pas inexpérimenté dans l’art de la guerre. Il resta immobile, calme, sur ses deux jambes. Il ferma les yeux et se concentra sur ses sens, ne les ouvrant à nouveau que lorsqu’il aurait pleinement conscience du vent qui souffle, du poids de la gravité sur ses épaules, du sol sous ses pieds. Il pencha légèrement la tête vers la droite, vers l’arc, et appuya ses doigts contre sa joue, essayant de voir où la flèche se dirigera une fois qu’il aura lâché la corde. Il corrigea un peu son tir, puis expira très lentement tout en relâchant sa flèche. Celle-ci décrivit une courbe très légère alors qu’une brise de vent la poussait vers la droite, et elle perdit un brin de hauteur sous l’effet de la gravité, mais elle s’arrêta finalement sur la cible, mais pas seulement; la flèche qui se trouvait à l’endroit exact où il avait tiré se fendit de tous les côtés alors que la nouvelle prenait sa place. Le succès étant très euphorique, le Roi passa une bonne heure à tirer ses cibles très minuscules, avant d’enfin déposer les armes.

Un son de cloche attira son attention, et il leva les yeux vers la petite chapelle, qui faisait l’appel à la prière des croyants du fort. N’étant lui-même pas un homme de foi, il ne jugea cependant pas prudent de quitter le fort sans la compagnie de Langley, et il se dirigea plutôt vers la petite église, grimpant à nouveau au niveau du donjon. Il entra alors dans la chapelle. Il ne s’était jamais vraiment rendu au cours de sa vie. Si, bien sûr, lors de son premier mariage, il a si longtemps, pour faire plaisir à sa belle-famille, mais pour se recueillir, jamais. Mais comme il ne pouvait rien faire avant que cet incapable ne retrouve ses « notes » ou que ses propres agents ne reviennent pour l’informer de leurs trouvailles, puisqu’il n’allait quand même pas explorer seul les souterrains de la ville. Il aurait pu les explorer à l’aide de son esprit, mais avec son expérience du dernier Sans-Visage qu’il avait croisé, il savait qu’il n’était pas facile de les détecter sur le plan astral. Peut-être qu’ils avaient été l’objet d’une ablation magique comme part de leur initiation, ou un truc du genre.

La chapelle était vide. Tranquille, même. Il regarda la porte, et la referma doucement derrière lui avant de s’installer sur un des sièges. Nöly priait souvent… comment faisait-elle, déjà? Ah, oui… elle joignait toujours les mains… Ce qu’il fit, levant ses mains devant lui et croisant les doigts ensemble. Il s’accouda au siège devant lui. J’ai déjà communié avec les morts autrefois… mais les esprits ayant pleinement vécu leur vie ne laissait aucune trace de leur passage dans le monde astral. Ils gagnent immédiatement le monde du repos… Mais Nöly disait que…

« Nöly… j’ignore si tu m’entends… si tu le peux… salue Liam de ma part. Ou cogne-le pour être décédé avant moi. »

Il s’imagina un instant Nöly l’entendre, et faire exactement ce qu’il lui avait demandé, et un sourire lui vint aux lèvres, pour un bref moment, avant qu’il ne recommence.

« J’ai rencontré Elena, aujourd’hui. Nöly… elle te ressemble beaucoup. Ses cheveux, sa posture, même son petit sourire forcé ressemble au tien. Mais elle a le caractère de Liam, ça oui. Tu te rends compte, elle a même menacé Langley de le démettre de ses fonctions! Tu y crois, à ça? Du Liam tout craché. »

Il perdit alors son sourire.

« Tu me manques, Nöly. Tu me manques tellement. Ces seize années… je ne me suis jamais rendu compte à quel point le temps passait aussi vite. Tu as été comme une brise de vent sur mes brûlures… tu m’as apaisé, et peut-être as-tu soulagé quelques douleurs... J’ai peur, tu sais? Peur de redevenir le monstre d’autrefois. Peur de n’avoir plus peur de rien. Depuis la mort de Grym et de Kaelin, je me sens si las, si vide. »

Il continua de parler, seul, comme si Nöly se trouvait juste à côté de lui, qu’elle l’écoutait. Il ne savait pas si les morts pouvaient entendre ce qui se passait dans le monde des vivants, s’ils y portaient simplement attention. Peut-être que les Hommes du Nord ont raison et qu’une fois mort, c’était une fête éternelle avec de la bonne viande et de la bière qui nous attendait, et que les soucis n’étaient plus qu’une chose du passé. Une fois sa petite discussion privée avec la Reine de Nexus terminée, il s’attaqua ensuite à Liam. Là, par contre, il se défoula. Il lui reprocha ses bêtises et son manque de sérieux, lui reprocha de ne pas l’avoir invité sur le bateau le jour du naufrage, et encore des centaines d’autres trucs. Mais plus il s’efforçait de lui trouver des défauts, moins il croyait lui-même à ses paroles, et finalement, il coucha sa tête sur le dossier du siège, marmonnant tel un ivrogne dans son sommeil.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le lundi 15 décembre 2014, 02:05:36
« Qui est ce pourceau ? » s’étonna Beauregard en le voyant partir.

Langley se contenta d’hausser les épaules. La colère de l’homme à l’idée de ce qui avait pu se passer entre lui et Alessa l’avait surpris, et avait été un test. Ronald savait ce qu’on disait sur Serenos. Il savait l’instabilité de son esprit, il savait la dangerosité de ses pensées. Ferait-il un bon allié ? Un soutien efficace dans leur traque des Sans-Visages ? Ronald en doutait. L’homme ne connaissait pas Nexus, et agissait selon ses pensées, en pensant que Nexus était sienne, parce qu’il avait été l’ami de Liam et de Nöly. Ronald avait été plus que ça : il avait été le compagnon de guerre de Liam. Il lui avait sauvé la vie bien des fois, et réciproquement. Ensemble, ils avaient affronté des cohortes de monstres sauvages, des démonistes qui avaient cherché à réveiller des démons, et ils avaient combattu les Ashnardiens. Ils avaient fait partie des cavaleries venant en renfort pour protéger les superforts, plongeant dans une indescriptible mêlée face à un ennemi maint fois supérieur en nombre. Ronald se souvenait des tempêtes magiques dans lesquelles les hommes des deux camps plongeaient quand les mages ashnardiens se réunissaient ensemble pour lancer des sorts colossaux, qui dévastaient la région, créant des éclairs meurtriers et ravageurs qui s’abattaient dans toute la région, engendrant des incendies. Ils lançaient des météorites meurtriers qui provoquaient de violentes déflagrations, faisant ressembler les zones de combat à des champs de guerre infernaux. Ronald et Liam s’étaient retrouvés dans un cratère, Liam blessé à l’épaule, et Ronald, avec son épée, avait pourfendu les Orcs les chargeant. Il s’en rappelait encore…

Les morts s’empilaient autour d’eux, et sa lame avait transpercé le ventre d’un Orc, tandis qu’un autre bondissait sur lui. Sa masse s’était abattue sur son crâne, défonçant le heaume de Ronald, le faisant chanceler. Il était tombé dans la fange, et un carreau d’arbalétrier avait atteint l’Orc, laissant à Ronald suffisamment de temps pour sortir de sa ceinture une dague, et s’en servir. Il l’avait planté dans le genou du monstre, le faisant hurler, et un troisième avait débarqué, offrant son dos à Liam. Blessé à la jambe, le Lion avait eu le temps de lever la main, et d’envoyer des arcs électriques qui avaient frappé le dos de l’Orc, calcinant sa peau, le surprenant suffisamment pour que Ronald attrapa une rapière et l’égorge. Le sang de l’Orc avait éclaboussé son visage, et le deuxième Orc, blessé, mais pas moribond, avait hurlé, et son autre jambe avait frappé Ronald au torse, l’envoyant s’étaler contre les cadavres de soldats morts. Joachim avait surgi alors, et, alors que l’Orc levait en hurlant sa masse dégoulinante de sang, le bout de la hallebarde du soldat avait transpercé la poitrine de l’Orc, à hauteur de son cœur…

Ce souvenir revint le temps d’un clignement de yeux,n et Langley haussa les épaules.

« Un homme qui a fait un serment judiciaire envers la Reine.
 -  Ça explique son empressement…
 -  Et le mien. Elena m’a nommé Commandeur, mais, si j’échoue, je démissionnerais.
 -  Hum… »

Les Sans-Visages… Joachim savait de quoi il s’agissait, mais il connaissait aussi la fierté de son vieux camarade de guerre, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

« Les paladins et leur sens de l’honneur… Très bien. Mais crois-en mon expérience, il ne sert à rien d’être trop hâtif. Repose-toi, c’est la seule chose qui importe.
 -  J’espère juste que Serenos ne fera rien de stupide.
 -  De stupide… Comme traquer la Confrérie des Sans-Visages ? »

Un léger sourire orna les lèvres de Ronald. Il se rendit ensuite dans l’une des chambres du fort, plus petite, bien moins luxueuse que celle qu’il avait au Palais d’Ivoire. Cette absence de confort ne le dérangeait pas. C’était même l’inverse. Il avait toujours détesté l’abondance de luxe. Ronald restait dans l’âme un paladin, mais il avait fait serment envers Liam… Serment de protéger sa fille si jamais Liam n’était plus là pour le faire. Un serment fait sur le champ de bataille, alors que tout espoir semblait perdu. Et il comptait ne pas faillir à ce serment. Il le devait à Liam. Il le devait à Elena. Il le devait à Nexus… Et il le devait au Griffon.

*
*  *

Un jour grisâtre se leva sur Nexus. Ronald se leva aux aurores, et se rendit sur les remparts, humant l’air frais de la ville. Il était toujours très matinal, et en profitait pour parler avec les gardes, le long des remparts du Palais d’Ivoire. Observer la mer depuis les remparts du donjon était probablement la chose la plus belle qu’il soit disponible de faire au Palais d’Ivoire. Ici, à Fort-Rose, la vue du lac Rose était un peu moins magistrale. Il y avait quelques îles au centre, des promenades, et il put voir des cygnes. Les gardes semblaient ravis et honorés de pouvoir discuter avec le chambellan, et, surtout, avec un ancien paladin.

« Alors, vous avez combattu à Altenberg ? lui demandait-on.
 -  Est-ce vrai que vous avez affronté Coehoorn durant ce siège ?
 -  D’où vient votre cicatrice ? »

Des questions auxquelles il répondait avec plaisir, dans la mesure du possible, avant de retourner vers le donjon.

Ronald revit Joachim quelques heures après.

« Mes hommes ont arrêté cette nuit un certain revendeur, un trafiquant de fisstech, Tilam. Il croupit dans mes geôles, et, d’après ce que je sais, Tilam est en affaire avec les Sans-Visages. Il est l’une de vos meilleures chances de les retrouver. »

C’était ce qu’on appelle un début de piste, mais Ronald ignorait où se trouvait Serenos, et, en attendant son arrivée, il en profitait pour prendre un petit-déjeuner dans le grand salon du donjon, tout en parlant avec Joachim de Beauregard de choses et d’autres concernant leur passé mutuel.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 21 janvier 2015, 03:44:07
Contrairement à ce que pensait Ronald, Serenos n’avait aucunement l’intention de se mettre seul en chasse. D’une part parce que tout bon chasseur ne traquait jamais une proie s’il ne savait pas où la trouver, et d’autre part parce qu’il devait limiter au maximum les incidents diplomatiques, déjà que sa nomination en tant que Commandeur honoraire allait probablement faire couler beaucoup d’encre dans les prochaines semaines. Les Espions Meisaens n’étaient toujours pas de retour, ni n’avaient cherché à lui transmettre une information par la pensée. S’ils n’avaient pas été aussi bien entrainés, ce dernier détail l’aurait même inquiéter, mais comme tout bonne unité d’élite, ses serviteurs savaient qu’il était plus prudent de réduire au strict nécessaire l’usage des divers moyens de communication, de peur d’être interceptés et de révéler des informations qu’ils préféraient ne pas transmettre à des ennemis. Ce n’est pas pour autant que le Roi se permit de rester oisif; les humains comme Ronald avaient besoin de leur sommeil, mais Serenos avait depuis longtemps supprimé chez lui le besoin de sommeil, un choix qu’il regrettait souvent, par la même occasion. Oh, le repos était toujours possible, autrement, sa démence aurait depuis longtemps pris le dessus, mais il n’avait pas ce besoin à satisfaire, ce qui lui permettait de très longues veilles.

Après sa prière, le Roi avait immédiatement pris le chemin du Donjon, sans pour autant passer par l’intérieur de la forteresse, mais plutôt par l’extérieur; à l’aide seule de ses ongles et doigts puissants, il escalada le mur et grimpa jusqu’à atteindre le toit le plus élevé de la fortification, et il s’y installa en lotus. À ses pieds, il pouvait encore distinguer les gardes qui faisaient leur tournée, mais tant qu’ils ne levaient pas les yeux vers lui, il pourrait travailler en paix. Il relaxa alors tous ses muscles et prit une longue et grande inspiration, avant d’expirer tout doucement, et il répéta l’exercice jusqu’à ce que ses pensées soient rivées sur le rythme de sa respiration. Et des pensées, il en avait beaucoup. Des doutes encore plus. Il redressa le dos et enfin, il ouvrit son esprit au monde. Ouvrir sa conscience n’était pas un don aisé à maîtriser, simplement parce que s’ouvrir revenait à se rendre très vulnérable aux assauts mentaux ennemis. Dans le milieu militaire, par exemple, les mages devaient plutôt se concentrer à protéger leur esprit qu’à l’ouvrir. Mais Serenos ne s’inquiétait pas outre mesure; il comptait bien faire aussi vite que possible pour trouver ce qu’il cherchait, avant que ses opposants ne détectent sa présence.

Il étendit de ce fait son esprit à l’entièreté de la Cité-État. On ne disait pas du Roi de Meisa qu’en son royaume il était omniscient sans la moindre raison. Il avait affuté ce don pour pouvoir repérer les esprits dangereux habitant son royaume, un don qui ne s’est pas toujours révélé des plus performants, compte tenu des derniers événements, mais il ne pouvait pas nier son utilité. Le monde lui apparut alors sous un tout nouveau visage, avec des esprits colorés des nuances blanches, grises, bleues et parfois voilées de ténèbres. Autant dire qu’en Nexus, cette dernière catégorie s’était énormément développée depuis le trépas de Liam. Le Roi captait un grand nombre d’esprits corrompus, percevant également leurs pensées. C’est ainsi qu’il put savoir qu’un viol se produisait dans les locaux de la milice civile, qu’un petit groupe de truands s’apprêtaient à s’attaquer à un commerce laissé sans surveillance, qu’une mère était en train d’accoucher dans sa maison avec sa famille, et d’autres petits événements qui étaient somme toute très communs à la ville de Nexus. Mais il devait concentrer sa recherche sur le véritable objet de sa présence dans l’esprit collectif; les assassins qui avaient été payés pour s’en prendre à la fille du Lion, ou même à celui qui les payait, si la chance était de son côté. Soudainement, une pensée volage passa dans son esprit. Elena. Il ne l’avait même pas quittée depuis quelques heures qu’il s’inquiétait déjà pour elle. Refusant de céder à la tentation de l’épier, il redoubla d’efforts dans sa traque aux ennemis. Ce n’est que lorsqu’il passa près du palais que son esprit détecta enfin quelque chose.

« Tiens tiens… mais qui va là? » se demanda-t-il en examinant plus attentivement ce qu’il avait détecté.

Résorbant son esprit pour se concentrer sur un point unique, il perdit par la même occasion sa vue d’ensemble sur Nexus. Son sujet n’était pas quelqu’un qu’il connaissait. Ou du moins, il ne le pensait pas. Mais l’esprit, lui, semblait garder quelques souvenirs de lui, et de l’animosité. Sans surprise, celui qu’il examinait n’avait suivi aucune formation pour se protéger des assauts magiques, et donc, aucune barrière ne gardait son esprit. Il put donc s’inviter sans problème dans la conscience grande ouverte et la fouilla. La complexité de l’esprit humain ne permettant pas de simplement soutirer des informations, il dût se contenter des bribes d’information qui circulaient ici et là. Cet esprit-là avait tellement de préoccupations qu’il processait plusieurs dizaines de pensées. À l’aveuglette, Serenos contraint son propre esprit à s’emparer d’une seule pensée, n’importe laquelle. Et il l’eut; Thénérim. Un nom. C’est tout ce qu’il avait besoin pour travailler. Il retira alors son esprit de celui de sa victime et regagna prestement son corps.

Pour lui, à peine quelques minutes venaient de passer, alors que quatre bonnes heures s’étaient déjà écoulées. La nuit était déjà bien avancée. Il voulut aller réveiller Ronald pour lui poser ses questions, mais en se rappelant ce que celui-ci avait dit au sujet d’Alessa et surtout ce que le Roi considérait comme de la désinvolture pour leur travail, le monarque rabroua cette idée, préférant rester seul jusqu’au matin plutôt que s’entretenir avec cet homme. Liam lui parlait souvent de Ronald Langley, de son vivant, et Serenos avait toujours été un peu envieux envers le meilleur ami de celui qu’il considérait comme le sien. Lui qui se voulait droit et noble nourrissait pourtant des sentiments aussi noirs que le plus simple homme, et il abominait ce côté trop humain de lui-même. Peut-être était-ce pour cela qu’il ne voulait pas lui accorder le moindre succès. Pour être meilleur que lui. Ah, si son père le voyait, il aurait bien honte.

Le Roi planta un crochet à la toiture à ses pieds et agrippa une corde enroulée dans une bobine attachée à sa ceinture et descendit la tour en rappel. C’était Arthuros qui lui avait présenté ce gadget, et il devait admettre qu’il était bien pratique; malgré sa capacité de voler, les gens finissaient toujours par faire un cas de ses apparitions soudaines, et il se résolvait à utiliser plus souvent des méthodes plus « normale ». Une fois au sol, il percut un mouvement dans les fourrés. Un Meisaen.

« Quelles sont les nouvelles?
- Quelque chose de sombre s’est approché de Nexus dans les dernières semaines, mon Roi. Il y a des traces de Corruption dans les bas-fond… Pardonnez mon arrogance, Majesté, mais je vous implore de ne pas vous mêler de cette enquête… Quelque chose de sombre œuvre aux côtés de ces assassins.
- Je note vos préoccupations, mais ce n’est pas la première fois que je suis confronté à la Corruption. Trouvez-en la source et je m’en occuperai une fois que j’aurai réglé le cas des Hommes Sans-Visages.
- Comme vous le voudrez, sire… »

Les Meisaens avaient le droit de parler de leurs inquiétudes au Roi, surtout quand elles étaient justifiés, mais il était de connaissance générale que le Roi n’en faisait toujours qu’à sa tête. D’une manière ou d’une autre, il ne démordrait de cette histoire que si le cœur lui en dit, et l’informateur se volatilisa. Serenos rajusta sa capuche sur sa tête et se dirigea vers le donjon. On tenta bien de lui demander de s’identifier, mais l’emblème Meisaen se trouvant sur le dos de son manteau suffisait à le faire reconnaitre, et il gravit les marches sans trop de problème. Il entra dans la pièce, captant quelques bribes des paroles de Beauregard, et s’approcha d’eux, mais ne poussa pas la familiarité à s’assoir.

« J’ai sondé la Cité-État. Je crois avoir repéré un des commanditaires de l’attentat. C’est une piste très floue, mais j’aimerais qu’on enquête sur une famille Nexusienne… les Thénérim. Aussi… mes agents ont repéré des traces de Corruption. »

Sommairement, il leur relata son implication avec les Thénérim. Du temps de Noah Ivory, l’arrière-arrière-grand-père de Liam, c’était une famille noble, prestigieuse même, pour avoir des liens de sang direct avec la famille des Ivory, leur arbre généalogique remontant plusieurs  générations, du temps d’Hector Ier Ivory, lorsque celui-ci maria sa septième fille au Duc de Thénérim, un petit duché qui avait fortement participé aux efforts de guerre. Or, lors du règne de Noah, les Thénérims étaient de mèches avec les Ashnardiens, coopérant avec leurs agents dans l’espoir de prendre un jour le contrôle du Royaume. Or, ils avaient tenté de faire chanter Serenos à les assister dans leur sabotage en kidnappant le jeune Kaelin, un prince Meisaen étant alors un otage dans la maison Royale Nexusienne et garantie de bonne entente entre les deux contrées, mais Noah avait découvert les magouilles de ses cousins suite aux aveux de la plus jeune fille des Thénérims, et Serenos avait même eu le feu vert pour les traquer et les capturer pour récupérer son fils.

Suite à cela, il expliqua également ce qu’était la Corruption. Il ne parlait bien entendu pas d’un phénomène politique très répandu, mais bien d’un problème d’origine magique. Selon ses théories, la Corruption était lié à l’usage de la magie noire. il y avait toujours eu un ou deux abrutis doué d’un talent magique qui se laissaient gagner par l’appât du gain ou simplement par la perversion qui accompagnait l’usage des plus sombres applications des arts mystiques, mais ils étaient le plus souvent appréhendé par un Paladin ou une troupe de Templiers, un Ordre un peu moins reconnu et surtout moins aimé en raison de la violence extrême et la discrimination qu’ils infligeaient à tous ceux qui développaient un talent magique, même des plus moindres. Ces petites frappes n’avaient que très rarement l’occasion de créer la moindre Corruption. Alors que lorsque celle-ci était provoquée par un magicien expérimenté dans les arts occultes, elle devenait quelque chose de particulièrement inquiétante. Comme un miasme, la Corruption n’avait aucune forme matérielle, tout en étant pourtant bien présente. En sa présence, les gens commençaient à se comporter de façon beaucoup moins civilisée, cédant aux pulsions des plus belliqueuses aux plus bêtes.

La Corruption, s’abstint-il par contre de révéler, risquait de devenir beaucoup plus commune dans l’avenir, si l’Étoile continuait de briller dans les cieux. Pour Serenos, c’était un signe, mais pour ces hommes, ce serait les lubies d’un vieux magicien se prenant pour un prophète. « Ils ne croiraient même pas un véritable prophète s’ils en auraient eu un devant les yeux. » Songea-t-il. Il posa enfin les yeux sur Joachim et baissa humblement sa tête pour le saluer.

« Paix sur vous, Sénéchal Beauregard. Je tiens à vous présenter mes excuses pour ma conduite de la veille. J’étais fourbu et blessé dans mon orgueil suite à la tragédie qui a failli s’abattre sur la jeune Reine par ma négligence. Je crois avoir raté l'occasion de me présenter moi-même, alors, permettez-moi de me présenter. Je suis Serenos Sombrechant, Roi de Meisa, et un collaborateur de la Reine. »

Le ton de Serenos s’était beaucoup adouci. La méditation avait aussi cet effet sur lui; il retrouvait une certaine sérénité à chaque fois qu’il s’ouvrait à ce monde. Il aurait volontiers voulu présenter ces mêmes excuses à Langley, mais il doutait que cela soit nécessaire; le Commandeur le prenait déjà pour un grand malade mental. Ses excuses lui auraient fait le même effet que des mots à un sourd.

« Si Tilam est de mèche avec les assassins, il y a à parier qu’il ne sera pas de ce monde bien longtemps. D’expérience, les assassins professionnels ne voient pas les places fortes comme de véritables obstacles, des geôles encore moins. Nous devrions nous presser. »
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le samedi 24 janvier 2015, 02:13:32
ELENA IVORY

« Nommer un souverain étranger Commandeur honoraire sans en référer au Conseil n’était pas...
 -  Je sais tout cela, Arnaud ! »

Le Grand-Duc Arnaud de Maizière (http://fc02.deviantart.net/fs31/f/2008/203/1/c/The_Duke_by_arventur.jpg) ne dit rien pendant quelques secondes, observant la jeune femme assise avec une robe courte et un châle sur son fauteuil. Derrière elle, une grande baie vitrée montrait la baie de Nexus, avec cette côté escarpée et creusée de hautes falaises. Le soleil était en train de se lever, paresseusement, des jets dorés et orangés venant éclairer le Palais d’Ivoire et toute la ville. Elena avait peu dormi cette nuit, et elle n’était pas surprise que son premier rendez-vous matinal, avant même la cellule d’urgence avec le Conseil, soit avec Arnaud de Maizière. Le Grand-Duc était un homme calme, réfléchi, avisé, et, surtout, loyal.

Quand les parents d’Elena étaient morts, et que Jamiël avait pris sur elle-même le choix de laisser la Reine héritière au monastère de Saint-Antoine, Arnaud de Maizière, qui siégeait alors déjà au Conseil Royal, avait agi en sa faveur, soutenant ce point de vue, face à une cohorte de conseillers voyant d’un très mauvais œil l’ingérence d’un monastère mélisain dans les affaires de succession nexusiennes. On avait parlé d’un « acte de trahison », d’une « atteinte à la souveraineté de la cité-État », voire d’un « putsch mélisain ». Depuis cette époque, il restait imprimé dans l’esprit de ces conseillers l’idée qu’Elena n’était pas vraiment une patriote, qu’elle préférait soutenir les intérêts des Mélisains plutôt que les siens... Bref, qu’elle était influençable et faible... Et le fait qu’elle coupe la parole d’Arnaud signifiait qu’elle était préoccupée, sincèrement préoccupée.

« Ils verront cela comme une preuve de votre insuffisance à gouverner, Elena. Je ne dis pas ça pour assombrir votre journée, mais pour que vous prépariez votre défense.
 -  Hum...
 -  Dites-vous bien qu’ils savent ce que nous savons sur Serenos. Ils savent que ce dernier a séjourné à Sylvandell, État qui reste, malgré votre peluche, un État ennemi et belliciste, connu et réputé pour ses multiples atteintes au droit international et au respect de la souveraineté des autres nations. »

La « peluche » d’Arnaud était un cadeau qu’Elena avait reçu quand elle était revenue du monastère de Saint-Antoine. Les souverains du monde entier avaient alors tenu à se rappeler leur présence à celle de la Reine, envoyant des cadeaux ou des consuls. De Sylvandell, elle avait reçu un cadeau et une lettre. Le cadeau était un dragon en peluche, et la lettre était écrite de la plume de la Princesse héritière, Alice Korvander. Une main jeune, innocente, que personne d’autre qu’elle (et Adamante, bien entendu) n’avaient lu. Elena avait toujours cette lettre, entreposée dans un petit coffret, en compagnie d’autres lettres, et le dragon en peluche trônait dans sa chambre. C’était celui de la Princesse de Sylvandell, « son ami le plus précieux » à l’époque où elle avait rédigé la lettre... Une femme qu’Elena n’avait encore jamais eu l’occasion de voir, mais qui lui inspirait espoir dans le but de parvenir, un jour, à mettre fin à la guerre.

« Je ne tiens pas à laisser une tentative d’assassinat sur ma personne impunie, Arnaud...
 -  Et c’est compréhensible. Cette confrérie distille trop longtemps son venin acide dans les rues de la ville, et est soutenue depuis trop longtemps par des nobles qui voient en eux un moyen efficace de réguler les choses... Un père voulant se débarrasser d’un héritier trop présomptueux, une femme voulant récupérer l’héritage en tuant son mari... Les Sans-Visages existent depuis des siècles, mais, depuis quelques années, ils deviennent de plus en plus présomptueux, et de plus en plus influents. Ils sont liés au crime organisé, et ce dernier gangrène la ville. La crise qui nous accable vient en grande partie de là, Elena. L’insécurité, la corruption, les trafics de stupéfiants, les overdoses qui se multiplient, la prostitution illégale qui explose... Mais ils ne vous pardonneront pas d’avoir nommé un Meisaen Commandeur. Il faudra être ferme, Elena.
 -  Je n’ai pas pour habitude de me montrer faible...
 -  Mais vous avez pour habitude de vous montrer avec Adamante... »

Elena se crispa sur place, serrant ses poings.

« Adamante est...
 -  Peu importe ce qu’elle est, vous affrontez des gens de mauvaise foi ! Des gens qui utiliseront n’importe quel prétexte pour vous décrédibiliser ! Adamante est une femme dont je ne remettrais jamais en doute la loyauté et la probité, mais elle est avant tout perçue par vos adversaires politiques comme une Mélisaine... Une étrangère. Il vous faudra venir sans elle, et leur rappeler que vous avez choisi Serenos parce qu’il enquête sur ces gens depuis l’épidémie de peste qui a ravagé Meisa, et qu’il ne dirige pas cette investigation, qui se trouve entre les mains de Sire Langley. Voilà ce qu’il faudra leur dire, une version à laquelle vous cramponnez. »

Arnaud parlait rapidement, d’une voix forte et efficace. Il était un véritable orateur, quelqu’un qui savait comment lire et comment interpréter les signaux qu’une personne émettait quand on lui parlait, afin de savoir si la personne vous écoutait, vous comprenait, et ce qu’elle faisait. Il avait toujours coutume de dire que ce n’était pas parce qu’une personne hochait la tête qu’elle vous écoutait.

« Ne haussez pas vainement le ton, contentez-vous d’adopter un ton ferme. Restez assise pendant que nous serons debout, et interdisez-nous de nous asseoir. Exposez d’entrée de jeu vos choix, prenez-les en faute, et regardez soigneusement chacun de nous. N’oubliez aucun angle mort, montrez-leur que vous gérez la situation, que vous avez été attaquée, et que des têtes sauteront si cette confrérie n’est pas démantelée dans la semaine. »

Elena hocha la tête, puis, après quelques secondes, son visage se fendilla d’un léger sourire.

« Envisageriez-vous de devenir mon oncle, Arnaud ? »

Le Grand-Duc se tut quelque peu... Puis haussa les épaules.

« Je ne fais que vous conseiller, Elena. »



RONALD LANGLEY

Les Thénérim... Ils avaient siégé au Conseil royal jadis. Une famille qui avait profité de l’expansion économique de Nexus pour se lancer dans l’achat compulsif de multiples guildes et titres de bourse, et s’en servir pour s’enrichir. Cette famille avait fait partie des principales familles ayant développé et encouragé le commerce international, envoyant ses hommes pour sécuriser les grandes routes commerciales en multipliant les fortins et les auberges fortifiées. Lorsque Nexus avait vraiment commencé à commercer avec les autres puissances étrangères, et ce avant même qu’Ashnard ne soit autre chose qu’une rumeur lointaine venant de l’Est, il avait fallu affronter de multiples bandits, brigands, et autres forbans venant attaquer les caravanes marchandes. Pour sécuriser les routes, les nobles nexusiens avaient bien dû envoyer des hommes, et c’était ce que les Thénérim avaient fait. Ils avaient construit des fortins, se rémunérant en prenant une commission sur chaque vente, et en élaborant des taxes auprès de chaque fortin et de chaque auberge fortifiée. Ils avaient aussi bénéficié de subventions publiques, sur une instigation de la Reine de l’époque, afin d’encourager le commerce international. Les Thénérim avaient ainsi gagné en influence, et avaient même fondu une fédération commerciale, la Corporation Thénérim, regroupant de multiples guildes et sociétés commerciales.

Leur règne avait tourné cout quand, comme Serenos le leur rappela, Noah Ivory avait appris qu’ils étaient des traîtres. Les Thénérim avaient eu la folie des grandeurs, et un appât du gain toujours plus fort. Ils commerçaient avec Ashnard, dont la menace préoccupante avait conduit Nexus à se lancer sur les voies de la guerre, quand l’Empire avait commencé à attaquer des royaumes alliés. Sous couvert d’envoyer des ressources alimentaires ou médicales, les Thénérim envoyaient des cargaisons d’armes, graissant la patte des fonctionnaires chargés de vérifier l’exactitude entre les bons de commande, détaillant avec précision le contenu des cargaisons, et la cargaison à proprement parler. Une fraude qui avait été éventée. La Corporation Thénérim en avait pâti, et la famille s’était vue condamnée par la Cour Royale, certains membres à des peines d’emprisonnement, la famille entière à une lourde amende.

« Talim est une petite frappe, quelqu’un qui a un lourd casier judiciaire, parsemé de petits délits et d’infractions mineures, expliquait Joachim en descendant les marches menant au cachot du fort. Agressions, rixes, état d’ébriété sur la voie publique, détention et usage de stupéfiants... Il a toujours réussi à échapper à des peines d’emprisonnement lourdes en délivrant des informations... S’il a quelque chose à dire, ce ne devrait pas être trop difficile de le faire parler. »

Ils descendaient un étroit escalier gris, en colimaçon, pour rejoindre les douves. Les prisons de Fort-Rose se trouvaient partiellement sous le lac, dans des grottes naturelles hermétiquement closes. Parfois, les parois étaient suintantes d’eau, justement en raison du lac. Des torches étaient allumées dans les coins, et ils avancèrent dans des couloirs étroits, avec des geôles à gauche et à droite. Beaucoup étaient vides, mais d’autres étaient remplies. Un geôlier les guidait rapidement, jusqu’à une cellule dans un coin.

« V’là le renégat... »

En chemin, Joachim leur avait expliqué que ses hommes avaient arrêté Talim à un entrepôt de marchandises, où il était en train de voler des fournitures, probablement pour le marché noir. Talim était là, sale et puant, comme on pouvait s’y attendre de la part de personnes hébergées dans les geôles. Une barbe sauvage poussait sur son visage.

« Talim !
 -  Votre Grâce ?! Que signifie cet enfermement ? Je...
 -  La ferme ! Mes hommes t’ont surpris en train de rentrer par effraction dans l’un des entrepôts de la guilde des Lombards.
 -  C’est là pure calomnie, je...
 -  Tu auras l’occasion de t’exprimer à l’audience. Je te présente Sire Ronald Langley, et Sa Majesté le Roi Serenos Sombrechant de Meisa. Ils ont été mandatés par Sa Majesté la Reine Ivory en personne pour remonter la piste de la Confrérie des Sans-Visages. »

À ce nom, Talim écarquilla les yeux, et recula précipitamment. Lui qui s’était relevé trébucha en heurtant avec l’un de ses talons une flaque d’eau, et ses fesses heurtèrent le sol.

« Qu-Quoi ?! N-Non... Je... Je ne veux pas de conciliation, cassez-vous ! Foutez-moi la paix !! »

Ronald hocha lentement la tête, la mine sombre.

Il allait visiblement falloir rendre leur ami un peu plus coopératif.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le dimanche 25 janvier 2015, 10:54:40
[Bon, je vais faire une [grosse] entorse à la règle de la cohérence, mais puisqu’il me faut un personnage pour la partie avec Elena, je vais utiliser de mon droit de rôliste et faire apparaître un personnage que je réservais pour plus tard. Je te demande pardon d’avance. J’assume que la Chambre du Conseil de Régence a plusieurs accès, mon personnage arriverait par l’entrée destinée aux diplomates, par exemple]

(http://i38.servimg.com/u/f38/13/46/97/89/7ca57011.jpg)

Andaraniel Sombrechant

« Ma Reine, est-ce que tout va bien?
- Pour l’amour du ciel, Arthuros, vous êtes encore plus envahissant sur ma santé que mon mari!
- Votre condition est très…
- Je suis parfaitement au courant de ma condition, mon ami. Et j’aimerais que vous cessiez de vous inquiéter.

De toutes les personnes qu’Arthuros aurait pu appeler pour représenter le Roi, il n’y avait finalement que la Reine de Meisa elle-même qui avait assez d’influence et de pouvoir pour pouvoir demander à être présente à une réunion du conseil. Sachant pertinemment que la promotion de Serenos au titre de Commandeur allait causer du chaos et faire balancer le pouvoir, il s’était arrangé avec Jamiël pour rétablir temporairement un relais de transport magique entre Meisa et Nexus pour que cette dame unique en son genre puisse se déplacer jusqu’au Royaume sans encombre et surtout très rapidement. Arrivée très tôt dans la journée, la Reine Andaraniel de Meisa, une femme aussi réputée pour son intelligence que sa grâce, avait obtenu de la conseillère d’Elena de représenter son époux et les Meisaens devant le conseil, d’une part pour rassurer le Conseil que Meisa n’avait aucun intérêt ni aucune responsabilité dans la catastrophe s’étant produite la nuit précédant la veille, et aussi pour appuyer la décision de la Reine de nommer le Roi de Meisa en tant que Commandeur.

Malgré son titre de Reine, l’union entre Serenos et Andaraniel n’avait rien de romantique. Contrairement à Liam et Nöly, le couple parfait et harmonieux malgré le caractère politique de leur mariage, Andaraniel était la conscience même de Serenos, et le couple se disputait plus souvent qu’autrement. Même si Serenos respectait Andaraniel pour ses capacités en tant que Reine et régente de Meisa en son absence, leur mariage était teinté d’une tension assez facile à expliquer; ni l’un ni l’autre ne ressentait d’amour dans cette union. Ce n’était pas vraiment de la faute de Serenos, qui avait bien tenté de la courtiser dans les premières années de leur mariage, ni celle d’Andaraniel qui faisait un énorme effort pour tolérer le comportement à la fois extravagant et impulsif de son mari, mais entre eux, rien n’accrochait, à un tel point que leur union n’avait aucune chance de porter fruit; ils ne partageaient même pas la Chambre Royale, que Serenos avait d’ailleurs cédé à la Reine par courtoisie. Malgré leurs comportements complètement différents, ils œuvraient ensemble pour que la paix perdure en Meisa, et sans la Reine, qui sait comment le Royaume aurait tourné.

« Où est mon idiot de mari, d’ailleurs? s’enquit-elle, braquant son regard sur celui de son agent.
- Il pourchasse actuellement les responsables de l’assassinat
- Encore en train de jouer les héros, maugréa la Reine. Quand apprendra-t-il que ce n’est pas son rôle de jouer les détectives?
- Pour sa défense, ma Reine, permettez-moi de vous rappeler que son nom est entaché par l’apparence que l’assassin a prise… »

La Reine remua la main pour faire comprendre à Arthuros qu’elle comprenait cette part de l’histoire, mais qu’elle n’en avait rien à faire. S’accoudant contre la fenêtre de sa diligence, elle regarda la ville lui passer sous le regard. Elle eut un vague sourire, soufflant un peu de brume sur la fenêtre avant d’y faire un bref dessin, l’effaçant immédiatement la seconde d’ensuite. Elle recula ensuite puis se tourna vers Arthuros, qui se jouait nerveusement avec les mains.

« Cessez donc, maître Espion… ce comportement est très agaçant.
- Je n’y peux rien, ma Reine, s’excusa l’homme en arrêtant ses gestes. Et si une guerre se produisait?
- Alors, c’est que j’aurai échoué, et pour une fois, mon abruti de mari servira à autre chose qu’à me faire déplacer d’un hémisphère à l’autre pour ses bêtises! »

Bien qu’elle parla rudement du Roi, il était évident pour l’Espion que la Reine s’inquiétait pour lui. Elle pouvait paraitre dure, mais elle n’ignorait pas ce que vivait Serenos, et elle espérait sincèrement le délester un peu de son fardeau. L’immortalité semblait lui peser terriblement, ainsi que la solitude. Peut-être que s’attirer des ennuis était une manière pour lui de combattre sa mélancolie, de trouver un brin d’excitation dans un monde qui lui semblait terne. Malgré tout, elle ne pouvait se laisser gagner par ses besoins; elle était Reine pour une raison, et elle comptait bien la remplir. Entre ça et retourner vivre dans sa famille, en Autegenterie, elle préférait de loin ramasser les dégâts de Serenos. Au moins, son intelligence servait à autre chose qu’à écrire réciter des poèmes interminables; les Autegentes n’avaient que rarement l’occasion d’exploiter un autre talent que l’art, car dans son pays, c’était les hommes qui occupaient tous les postes d’importance… ou simplement travaillaient.

Emportée dans ses pensées, ce fut l’arrêt soudain du véhicule qui l’arracha à sa contemplation. La Reine ajusta sa robe et se redressa avec l’aide de son compagnon, qui l’aida à descendre du transport en bon gentilhomme. Andaraniel jeta un bref coup d’œil à l’architecture du Palais d’Ivoire et sourit. Le Palais Doré aurait fait un très bon nom, finalement, se dit-elle alors qu’elle gravissait les marches, suivie d’Arthuros et de deux Meisaennes. Il était rare de les voir ainsi habillées, mais les subordonnées d’Alessa avaient enfilé un uniforme noir masculin pour accompagner la Reine, conscientes que leur tenue de combat, peut-être un peu indécente pour l’esprit Nexusien, risquait de porter préjudice à leur souveraine. Une fois à l’intérieur du palais, quelques hommes en uniforme accueillirent la Reine étrangère. L’homme en tête de file avait un énorme sourire, visiblement ravi.

« Votre Majesté!
- Sir Hector! Ma foi, comme vous avez grandi! »

Le Chevalier mit poliment un genou en terre devant la Reine, et lui tendit une main, dans laquelle la Dame glissa la sienne. Posant un bref baiser sur le dos de la main, le Chevalier se redressa, toujours souriant. C’était un brave jeune homme qui, pendant ses jeunes années, agissait en qualité de messager entre Nexus et Meisa, ce qui lui avait permis de rencontrer la royale demoiselle. Elle-même âgée d’une quarantaine d’année, elle n’en paraissait qu’à peine la demi-vingtaine, le Chevalier ressentait quand même un embarras à se faire complimenter sur sa croissance par une dame elle-même si jeune.

« Nous avons été assigné à votre escorte pour vous accompagner jusqu’à Sa Majesté, avant le début de la séance avec le conseil.
- Fort bien, c’est la raison de ma présence. »

Offrant galamment son bras à la Reine, le Chevalier l’invita à le suivre, pendant que ses hommes se joignaient aux Meisaennes pour surveiller le périmètre de l’importante Dame. La Reine posa dignement son bras sur celui du Chevalier et le suivit dans les méandres du Palais d’Ivoire, commentant par moment ce qu’elle en voyait. Elle fut surprise du nombre de serviteurs qui s’affairaient dans tout le palais, demandant même si ce n’était pas un peu excessif, mais le Chevalier la rassura; les serviteurs étaient contraints de travailler aux niveaux inférieurs car toute la garde s’était déplacée pour surveiller les chambres des hôtes de marque et pour assurer la sécurité de la Reine de Nexus.

« Comment va Elena? La pauvre enfant doit avoir eu la peur de sa vie!
-  Notre Reine contrôle la situation de son mieux… sans l’intervention de votre mari, qui sait ce qui lui serait arrivé. Le Roi Serenos semble toujours se pointer aux moments les plus problématiques. »

Quand il n’est pas celui qui les cause, voulut rajouter la Reine, mais elle s’en mordit les lèvres. Rabaisser le Roi n’était pas dans les intérêts de sa cause. Elle n’était pas là pour cela. Et même que le fait que certaines personnes étaient reconnaissantes au Roi était dans leur intérêt. Leur marche ne dura que quelques minutes avant que le jeune chevalier ne l’abandonne, indiquant la position de la Reine Nexusienne de la main. Il lui demanda s’il était nécessaire de la présenter, mais la Reine de Meisa lui fit signe qu’une telle chose n’était pas nécessaire, et l’homme prit son congé. Attendant que les gardes se soient éloignés, Andaraniel s’approcha finalement de son égale Nexusienne.

« Elena… »

Une fois près d’elle, elle fut sincèrement frappée par la beauté de la jeune Reine, couvrant instinctivement ses lèvres d’une main pour masquer la stupeur qui s’y dessinait. Elle n’avait rencontré que deux fois Nöly et Liam, quand elle était bien jeune, une fois pendant la visite de ceux-ci en Autegenterie, la seconde étant le jour de la naissance d’Elena, quelques jours à peine après son mariage avec Serenos, et fut complètement désarmée pour sa ressemblance avec la défunte Reine. Remise de sa surprise, elle s’approcha un peu plus de la demoiselle et l’examina de plus près, se penchant un peu pour pouvoir avoir la tête à son niveau

« Je suppose que vous n’ignorez pas qui je suis, même si la dernière fois que je vous vis, vous n’étiez encore qu’un nouveau-né… je suis Andaraniel, la Reine de Meisa. J’ai entendu beaucoup de nos invités vanter votre beauté et votre ressemblance avec vos parents… mais vous êtes encore plus ravissante que je l’imaginais. »

Plutôt que l’inconfort habituel que pouvait provoquer les louanges d’une étrangère, le sourire bienveillant de la Reine de Meisa inspirait surtout le calme et la paix; elle n’était que des plus sincères. Son air s’assombrit de quelque peu, maintenant qu’elle se rappelait de la raison de sa visite.

« Horrible histoire qui fut la vôtre, ma pauvre enfant… Je remercie la providence d’avoir ramené Serenos, mon mari, en Nexus. Quel chagrin aurait été le nôtre s’il vous était arrivé malheur.  Comment vous portez-vous? »

***

Serenos Sombrechant

« Talim !
 -  Votre Grâce ?! Que signifie cet enfermement ? Je...
 -  La ferme ! Mes hommes t’ont surpris en train de rentrer par effraction dans l’un des entrepôts de la guilde des Lombards.
 -  C’est là pure calomnie, je...
 -  Tu auras l’occasion de t’exprimer à l’audience. Je te présente Sire Ronald Langley, et Sa Majesté le Roi Serenos Sombrechant de Meisa. Ils ont été mandatés par Sa Majesté la Reine Ivory en personne pour remonter la piste de la Confrérie des Sans-Visages.
- Qu-Quoi ?! N-Non... Je... Je ne veux pas de conciliation, cassez-vous ! Foutez-moi la paix !! »

C’était risible. Presque trop pour Serenos, qui ne put réprimer un sourire mêlé à une moue dégoûtée. La lâcheté avait quelque chose qui lui faisait le même effet qu’une bonne blague, surtout chez ceux qui avaient assez de cran pour plonger dans le monde obscur du crime et de l’arnaque. Visiblement, Langley savait qu’il allait devoir cuisiner l’homme avant de pouvoir lui soutirer la moindre information, mais le Roi de Meisa savait qu’il y avait une toute autre méthode pour contourner le problème. Le seul hic, c’était que les interrogatoires magiques n’étaient pas, mais alors pas du tout, populaire chez les Nexusiens, parce qu’entrer dans l’esprit d’un être vivant pouvait avoir des répercussions très graves sur la victime, qui pouvait finalement être disculpé de ses crimes pour ne plus être « la personne qui était supposée être condamnée », et Ronald préfèrerait certainement une méthode plus directe, qui ne risquait pas de foutre en l’air l’esprit de son suspect. Mais rien n’interdisait Serenos de faire démonstration de ses talents d’intimidateur pour assouplir le pauvre bougre. Mais est-ce que Langley était prêt à faire ce qu’il devait pour lui soutirer ce qu’il voulait?  Serenos, par contre, l’était.

« Où sont-ils, Talim? » demanda le Roi d’une voix calme.
- Allez-vous faire voir chez la Reine, connard! AH! »

Serenos leva un index vers l’homme, qui fut plaqué d’un coup brusque contre le mur de sa cellule. Ce n’était encore rien de bien méchant, mais le Roi de Meisa n’hésiterait pas à s’imposer comme un dérangé mental s’il pouvait arracher les informations qu’il voulait de cet homme. Plutôt que de se laisser aller dans les joyeusetés, il posa son regard brillant d’une lueur dorée sur Langley.

« Faites votre travail, Ronald. Je préfère vous laissez tenter votre propre méthode avant d’user de la mienne. Je te conseille d’être très gentil avec le Commandeur Langley, Talim, parce que ce serait dommage que je m’occupe de cet interrogatoire. »

Relâchant son sortilège, le Roi se détourna de sa future victime et s’adossa contre la porte de la cellule, croisant les bras sur sa poitrine en fixant Langley, ses yeux perdant leur couleur jaune pour reprendre leur bleu royal naturel. Serenos avait simplement établit un fait sur leur prisonnier; la magie ferait partie intégrante de son supplice s’il ne répondait pas aux questions de Langley. Le monarque pensait que le paladin n’avait certainement pas gagné sa position sans se salir les mains, et la torture, même s’il était fort probable qu’il n’en tire aucun plaisir, était le genre de saloperie que son métier exigeait. Serenos se tourna alors vers de Beauregard.

« Que sait-on de lui, à part ce qu’il fait? Est-ce qu’il a une famille, des amis? Toutes les munitions sont bonnes à prendre. »

Il ne prononçait pas ces paroles avec sadisme, car lui-même n’était pas très chaud à l’idée de devoir user de méthodes aussi déloyales, mais tout le temps qu’ils perdaient à faire parler ce type ne serait jamais gagné à nouveau, parce que plus le temps passait, plus ils risquaient de mettre de la distance entre eux et leurs proies, et vu la difficulté de cette chasse, ce serait à éviter au possible. Entretemps, il était très curieux de savoir si les Thénérims étaient vraiment responsable de cet attentat. Il n'avait capté que ce nom, avec une intention néfaste très présente, mais il n'y avait rien de sûr. Peut-être que Talim en savait quelque chose, mais vu l'homme qu'il avait sous les yeux, il doutait qu'il ne soit quoi que ce soit de plus qu'une espèce de sous-fifre qui assistait les Sans-Visages en échange d'un peu d'argent pour arrondir ses fins de mois et pour se débarrasser de ses créanciers. Il y avait un nombre croissant de ce genre de personne, décidément.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le mercredi 28 janvier 2015, 02:14:58
ELENA IVORY

«  Il me paraît clair que le système de sécurité mis en place par Langley s’est révélé défaillant, et incapable d’assurer votre sécurité, Majesté.
 -  Si vous entendez aller jusqu’à confier un garde dans mes toilettes, Comte Juvert, j’oppose d’entrée de jeu mon veto. »

Le Comte Juvert ne dit plus rien, replongeant le nez dans ses dossiers. Même si l’heure était très matinale, quand Elena était arrivée dans la Chambre du Conseil, cette dernière était déjà pleine. Ce n’était qu’un tour de chauffe. La réunion de crise serait longue et houleuse, et, pour assurer sa défense, Elena était assistée du Capitaine Luria (http://fc03.deviantart.net/fs70/f/2014/282/5/0/tempest___project_black_sheep_by_gpzang-d825e03.jpg), l’une des élèves de Sire Langley. Aussi belle que forte, la juvénile femme était un garde avec qui Elena s’entendait plutôt bien, et elle n’était pas surprise que Ronald l’ait délégué à sa défense. Discrète et silencieuse, bras croisés dans le dos, elle écoutait la première conversation entre Elena et son Conseil.

Sans surprise, le baron de Rochefort se révélait le plus incisif. Il se trouvait en ce moment à Nexus. Le maître de Château Caladan (http://img97.xooimage.com/files/d/9/d/castle-caladan-3fc7cb9.jpg), un puissant fort côtier, était quelqu’un avec qui il fallait compter. Son fort se chargeait de réguler le commerce maritime, mais aussi de sécuriser les côtes, notamment en affrontant les pirates et autres menaces aquatiques avec lesquelles Nexus devait composer. Cependant, Elena savait aussi que la loyauté de Rochefort était sujette à caution. Elle ne lui accordait qu’une confiance très modérée, et il insista sur la sécurité, et sur le fait de savoir si Ronald Langley méritait toujours son poste de Connétable du Palais d’Ivoire.

« Nous avions laissé Langley organiser à sa façon la défense et la sécurité du Palais, en lui vouant une grande confiance. Lui seul s’occupait de savoir qui pouvait rejoindre la garde, notre rôle étant secondaire. Nous lui avons fait confiance, et il n’a pas été à la hauteur de cette dernière. Je rappelle qu’il est de la compétence du Conseil de nommer le...
 -  La question n’est pas là, mes chers Conseillers... Ronald Langley a et conserve toujours mon confiance. Cependant, vous avez tort, Baron de Rochefort. Certes, Messire Langley a un rôle central dans la défense et la gestion du palais, mais il n’est pas le seul à s’en occuper. Je m’interroge plutôt sur la capacité d’un Sans-Visage à pouvoir remonter dans l’enceinte du château sans jamais croiser une seule personne susceptible de percer son déguisement, ou aucun garde... »

Ce qu’Elena sous-entendait était que quelqu’un l’avait aidé à rentrer. Le Palais d’Ivoire était connu, non seulement pour son ancienneté, mais aussi pour sa multitude de passages secrets. Si Ronald en avait fermé bon nombre, il en subsistait encore certains, ne figurant sur aucune carte, généralement des couloirs et des corridors dérobés bâtis par des Rois pour leur permettre, en des périodes où l’Ordre Immaculé exerçait une forte influence, de rejoindre leurs maîtresses. Ces couloirs étaient maintenant utilisés pour des fonctions qui prêtaient beaucoup moins au sourire. Ce qu’Elena sous-entendait, en définitif, c’était que quelqu’un, parmi les gens assis à cette table, l’avaient trahi. Rochefort n’était pas dupe, et ne dit donc rien.

Conformément à ce qu’Arnaud avait suggéré, Elena avait ordonné à tous ses conseillers de rester debout pendant plusieurs minutes, avant de, finalement, leur donner l’ordre de s’asseoir. Il y avait plusieurs responsables religieux, des représentants de guildes, et beaucoup de nobles. L’unique sujet à l’ordre du jour était la tentative d’assassinat sur la personne de la Reine, et les réponses à y apporter.

« La Confrérie des Sans-Visages agit sur l’ordre de puissants... Ne peut-on pas soupçonner la main de l’Empire d’Ashnard ?
 -  Quel intérêt les Ashnardiens auraient-ils à plonger Nexus dans le chaos ? La ville s’embraserait, et ils ne récolteraient que les cendres... Ils leur seraient plus utiles de s’attaquer à nos stratèges, à nos chefs de guerre... »

Elena était d’accord avec cette analyse.

« Toute la question, intervint de Meizière, est en effet de trouver le mobile... Qui aurait intérêt à ce que vous mouriez, Majesté ? »

La question donnait la réponse en elle-même. Ceux qui y avaient intérêt se trouvaient autour de cette table. Les Ivory en moins, les grandes familles nobles pouvaient alors espérer conquérir le Palais d’Ivoire, le Trône. Elena les laissa méditer sur cette phrase, déclarant une suspension d’audience, puis sortit dans un salon de repos. Il y avait des fauteuils rembourrés, des petits foutes, des canapés, plusieurs cheminées, des tableaux... Un simple salon où les conseillers royaux se détendaient l’esprit, et discutaient entre eux, ou avec leurs cabinets, de ce qu’il convenait de faire. Chaque Conseiller royal disposait de son propre cabinet, et c’était souvent au sein de ce cabinet qu’on trouvait les décideurs.

Elena, elle, se rendit près d’Adamante, en compagnie de Luria. Impossible de deviner quoi que ce soit dans le regard de Luria, mais Elena n’était pas assez naïve pour ne pas savoir qu’elle et Adamante étaient des amantes. La Mélisaine était une femme pleine de vie, animée par une passion sulfureuse et vibrante. Elle y réfléchissait encore, quand des bruits de pas attirèrent son attention. En tournant la tête, Elena aperçut une femme qu’elle reconnut pas tout de suite... Avant d’y voir la femme de Serenos, la Reine de Meisa... Andanariel Sombrechant. Belle et resplendissante, avec un port altier, la Reine de Meisa venait donc de rejoindre le Palais d’Ivoire. Elena avait reçu un pigeon voyageur annonçant la venue de la Dame.

« Je vous souhaite la bienvenue à Nexus et au Palais d’Ivoire, Reine Andanariel, et ce même si j’aurais aimé que ce soit en de meilleures circonstances. »

Reine Andanariel, oui, car la femme l’avait appelé d’emblée par son prénom. Aussi, plutôt que de l’appeler par son nom de famille, Elena choisissait son prénom. Elle lui offrit un sourire charmant, et Elena comprit qu’Andanariel semblait... Plus posée que son mari. Elle lui demanda comment elle allait, et Elena répondit rapidement :

« Ma foi, après avoir rencontré un Sans-Visage cette nuit... On peut dire que je me porte bien. J’ose espérer que ma prochaine nuit sera plus agréable et plus reposante... »

L’humour était toujours un moyen de désamorcer une situation, peu importe le contexte.

« Je veillerais scrupuleusement sur vous, Majesté, répliqua alors Luria, sur un ton calme et neutre.
 -  Je vous fais pleinement confiance, Capitaine Luria. »

Elena se retourna alors vers Andanariel.

« Et vous-même ? Que nous vaut votre présence matinale ici ? Si vous cherchez votre mari, je crains de devoir vous aiguiller ailleurs. Le Roi de Meisa s’est personnellement engagé à retrouver les Sans-Visages, et à les traîner devant la justice. »

Autant dire qu’il allait être difficile de le voir.



RONALD LANGLEY

Talim était une petite frappe. Ce n’était clairement pas le caïd de quartier. Dès qu’il avait l’occasion d’amaigrir sa peine en dénonçant ses complices, il le faisait. C’était un bon client, car, même si ses avocats promettaient sans cesse qu’il allait se réhabiliter, et tenir compte de ses erreurs, Talim finissait toujours à nouveau à la barre. Le fait qu’il soit à ce point hostile au dialogue signifiait que les Sans-Visages méritaient leur réputation. Devant la question de Serenos, Joachim répondit rapidement :

« Talim n’a jamais connu ses parents. Je suppose que sa mère était une pute, et son père un chevalier, quelqu’un qui n’avait nulle envie d’une telle lignée. Il a été abandonné à un orphelinat, et a toujours été un enfant turbulent. Il était régulièrement puni par ses maîtres à l’orphelinat, et a, depuis lors, développé une peur noire de la prison. Il est claustrophobe, et, paradoxalement, il est toujours dans les ennuis et les trafics jusqu’au cou. »

Talim était l’un des fruits de la crise économique, l’un des cadeaux pourris de Nexus. Ronald acquiesça lentement.

« Talim, la Reine a été attaquée... Si tu ne nous aides pas, tu seras accusé de complicité de tentative de régicide. Les plaidoiries des avocats commis d’office n’y suffiront pas, cette fois. Tu seras incarcéré à Eternum.
 -  Vous... Vous ne pouvez pas faire ça, je n’ai rien à voir là-dedans ! »

La peur des Sans-Visages, ou celle d’Eternum...

« Tes options sont plutôt limitées. Aide-nous, donne-nous un nom. Les Sans-Visages ne le sauront jamais.
 -  Ils savent tout, Messire ! Ils savent tout ! Ils le sauront, et... Ils m’enfermeront avec leurs rats, et... Et...
 -  Nul n’est omniscient, Talim ! La réputation de la Confrérie est forte, mais ils ne sont que des hommes. Leurs représailles sont hypothétiques. Ton incarcération à vie à Eternum, en revanche, est une certitude si tu ne nous aides pas. Tu seras enfermé dans une petite cellule, continuellement plongé dans l’obscurité, une pièce froide, étroite, avec des lasers qui te scanneront, des menottes magnétiques... Tu seras tellement privé de lumière que, les fois où on allumera les lampes, la lumière t’asphyxiera, et brûlera ta cornée desséchée... »

Le portrait était très peu reluisant, mais Ronald eut l’effet escompté. Déglutissant sur place, Talim se redressa, et enroula à nouveau ses doigts décharnés autour des barreaux de la cellule.

« Les Sans-Visages... Okay, okay, ils... Ils ont un repaire dans les profondeurs de Nexus... Mais... Ça, j’le connais pas. En revanche, il y a cette dame... Vous savez... Le bordel aux lampions... »

Joachim hocha la tête.

« J’y étais une fois, pour convoyer du matériel... J’connais les bruits qui y courent. Le bordel est tenu par une matronne, qui enferme ses filles, et ne les laisse pas sortir de son refuge... Mais y a un mec qui vient voir l’une des filles... On dit que c’est un Sans-Visage. Qu’il est amoureux de cette fille, ou qu’il veille sur elle, ou j’sais pas trop quoi... C’est ma seule piste ! »

Ronald le regarda silencieusement. Le « bordel aux lampions » était un bordel des bas-fonds, « La Noble Caresse ». Un bordel réputé, et qui était tenu par une ancienne mère supérieure. Elle avait été bannie de l’Ordre après qu’on ait appris qu’elle utilisait son couvent pour accueillir des toxicomanes et des filles de joie, les faisant côtoyer avec les nonnes et les sœurs. Outré par ce comportement, qu’il voyait comme une tentative de corruption, l’évêque avait banni la mère supérieure, qui avait ensuite fondé « La Noble Caresse ».

« Tu n’as rien de plus à nous dire ?
 -  M’envoyez pas à Eternum...
 -  Ça, ça dépend de toi, et de ce que tu as à nous dire... »

Talim secoua la tête. Ronald était sûr qu’il y avait encore autre chose, mais c’était déjà un début.

Une piste possible.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le vendredi 06 février 2015, 06:01:39
« Je vous souhaite la bienvenue à Nexus et au Palais d’Ivoire, Reine Andanariel, et ce même si j’aurais aimé que ce soit en de meilleures circonstances. »

Andanariel ne put s’empêcher de sourire davantage devant cette phrase. Elle s’abstint de lui dire que peu importe où Serenos passait, les circonstances n’étaient jamais joyeuses, ce qui nécessitait justement qu’elle se présente elle-même pour couvrir ses arrières. Le Roi de Meisa étant l’élite des aimants à problèmes en tout genre, elle devait souvent comparaitre en son nom pour rassurer les dirigeants et autres politiciens méfiants sur les intentions de l’étrange monarque du Royaume oriental qui, bien qu’il ne le démontre qu’assez étrangement, n’avait jamais en tête de déclencher une guerre. Elle ne savait pas si les doutes s’étaient déjà élevés contre Meisa, mais elle était certaine que le sujet n’allait pas tarder à sortir. Beaucoup de méfiance provenait des Royaumes continentaux par rapport à son époux, dont le caractère changeant, imprévisible, pouvait lui attribuer quelques mauvaises idées, mais elle ne laisserait pas les doutes forger une décision fâcheuse. Au niveau militaire, Meisa était encore une contrée plutôt jeune, qui ne devait encore sa puissance défensive qu’au nombre toujours croissant de magiciens, ainsi qu’aux créatures dangereuses qui avaient prêté serment à Serenos et lui seul.

Elena lui demanda alors comment elle se sentait, ainsi que le motif de sa visite, aussi directement et franchement que possible. Là, c’était bien du Liam qu’il y avait en elle. Serenos lui avait beaucoup parlé du très populaire et tristement défunt Roi de Nexus, pendant leurs quelques soirées qu’ils s’accordaient en tant que couple. Si elle n’était pas réellement intéressée par les histoires du passé de son mari, il les racontait avec une telle passion et tant d’énergie qu’elle n’arrivait quand même pas à l’arrêter ou même à oublier ses paroles, et elle en retenait également l’estime et l’affection que son mari avait pour son semblable. Sans même jamais avoir posé les yeux sur l’ancien Roi, elle parvenait quand même à se le représenter sans mal avec les louanges, et aussi quelques reproches, dont Serenos couvrait le nom de celui-ci. Elena lui apparut rapidement comme une femme à la fois douce, franche et très intelligente, et contrairement à l’Immortel, Andanariel était une très bonne juge de caractère.

« Si vous pouvez me permettre d’être franche, je l’ignore encore, Reine Elena. Je comptais me présenter officiellement en tant que représentante de Meisa, mais je crains d’avoir raté la session du Conseil. »

Ce qui est d’ailleurs très regrettable , songea la Reine Meisaenne, qui aurait bien souhaité savoir ce qui se disait pendant cette assemblée d’urgence. Elle ignorait encore tout ce qui pouvait transpirer de la tentative d’assassinat contre Elena, mais Arthuros étant un expert à recueillir et rassembler des informations, elle n’ignorait pas que l’assassin arborait les traits de son mari pendant sa tentative de meurtre. Selon le Conseiller et Maître-Espion, il y avait là matière à causer un conflit. Serenos était un sorcier, et la magie, en politique, était une arme à double tranchant, car bien qu’elle facilite beaucoup de choses, elle attisait grandement la méfiance, surtout que Serenos conservait jalousement bon nombre de secrets et découvertes d’importances sur le plan magique. Dans les multiples scénarios dressés par Arthuros, celui que les Conseillers aient un traître dans leur groupe qui cherchait à monter sur le trône au travers de la guerre qui aurait résulté de la tentative d’assassinat semblait le plus probable. Et tout bon traître savait comment trouver une échappatoire. Selon Arthuros, le traître cherchera à semer le doute sur Serenos, en mettant l’accent sur les rapports révélant son caractère changeant, ses actes antérieurs révélant une prédisposition à la folie, ainsi que les nombreux usages universellement condamnés de la magie qu’il avait fait au cours de son très long règne pour monter les autres conseillers contre le Roi et causer la guerre qui, finalement, était son but final, la mort de la Reine n’étant qu’un moyen plus facile et plus rapide d’atteindre ce même but.

Soudainement, sa mémoire lui rappela qu’elle avait devant elle une personne qui était aux premières loges lors de cette réunion exceptionnelle du Conseil, et son regard se braqua sur les magnifiques yeux bleus d’Elena. Optant pour l’honnêteté contre les jeux de la politique, elle s’adressa à elle sur un ton à la fois doux et solennel.

« Majesté, j’aimerais savoir ce qui se dit au sujet de mon mari au Conseil. »

Il n’y avait bien sûr aucun intérêt pour Elena de révéler la moindre information à la Reine étrangère. Andaraniel n’avait pour sa part aucun gain à avoir à taire son souci, car si elle ne posait pas la question, elle n’aurait probablement jamais la réponse à moins que le Conseil n’accepte de la recevoir dans leurs discussions et que l’un d’entre eux échappe des paroles qui lui permettraient d’identifier le possible responsable de l’attentat. En plus d’être Reine, elle était une très fine auditrice et savait, la plus grande part du temps, tenir sa langue lorsqu’elle se savait dans une situation précaire. Elle osait espérer que Serenos s’était fait une alliée d’Elena par son sauvetage, ou du moins que la Reine de Nexus avait suffisamment d’estime en Serenos pour lui fournir les informations dont elle aurait peut-être besoin plus tard pour conserver la paix relative entre les deux contrées.

***
Serenos Sombrechant

 « J’y étais une fois, pour convoyer du matériel... J’connais les bruits qui y courent. Le bordel est tenu par une matronne, qui enferme ses filles, et ne les laisse pas sortir de son refuge... Mais y a un mec qui vient voir l’une des filles... On dit que c’est un Sans-Visage. Qu’il est amoureux de cette fille, ou qu’il veille sur elle, ou j’sais pas trop quoi... C’est ma seule piste ! »

Les oreilles de Serenos le chatouillèrent étrangement sous la mention d’un évident cas de séquestration et de prostitution forcée dans les bas-fonds. Malgré les nombreuses failles dans le système judiciaire de Nexus, un tel établissement aurait déjà dû  être démantelé et la matrone sous les verrous, ou même exécutée. Mais c’était certainement simplement sa hargne envers les esclavagistes qui lui murmuraient de tels propos; il n’y avait que Meisa, en fait, qui condamnait sérieusement l’esclavage. Il sentit monter en lui une bouffée de colère grimper en lui, jusqu’à ce qu’il entente la suite; le Sans-Visage. Un sans-visage amoureux. Le truc pas banal, déjà. Les Sans-Visages étaient entrainés pour oublier les attaches pour ne jamais être compromis dans leurs missions, et un parent vivant, une amourette ou n’importe quel genre de lien avec d’autres personnes étaient fortement découragés, mais il y avait toujours quelques têtes de mules, des sentimentaux, qui ne pouvait complètement se détacher de toute forme de lien, que ce soit matériel ou sentimental. Dans l’esprit du roi, la suite était claire; il allait trouver cette fille, la capturer et s’en servir pour attirer sa proie le plus près possible. Prenant soudainement conscience de ce qui venait de se former dans son esprit comme plan, le Roi leva une main et la posa contre son front, où quelques gouttes de sueur d’excitation avait commencé à naître. Mais ça ne va pas, la tête? À quoi pensais-je donc? Se remontra-t-il. Il avait certes beaucoup de défauts, mais s’en prendre à des femmes, ou du moins à des femmes sans défense, n’était pas dans ses nombreux défauts. Il marmonna quelque chose d’incompréhensible dans son langage natif qui, traduit, était une série de jurons qu’on adressait normalement à une personne n’ayant que très peu de sens moral et commun.

Donc, pour résumer dans sa tête, le bordel « La Noble Caresse » avait une petite chance de compter dans ses rangs une fille qui, par un procédé que le Roi ne parvenait à s’imaginer, a réussi à gagner l’affection d’un Sans-Visage et ce malgré son entrainement. Celui-ci passe régulièrement au bordel, rôdant dans les environs pour s’assurer que rien de fâcheux n’arrive à sa protégée. S’il parvenait à trouver cette fille et à faire venir le sans-visage à lui, il pourrait le capturer et lui faire avouer la position de ses semblables sans devoir retourner chaque coin de terre du territoire Nexusien, et une fois qu’il aura trouvé les Sans-Visages, que ferait-t-il? Les emprisonner n’aurait absolument aucune conséquence pour eux, puisqu’ils peuvent aisément s’évader des prisons les plus hautement sécurisées de ce monde. Non, la seule fin qui les attendait, après l’interrogatoire qu’il leur ferait subir, ce serait la mort, mais pas la mort libératrice; il n’avait pas beaucoup de notion dans la nécromancie, mais il s’y connaissait suffisamment pour torturer des âmes pendant toute l’éternité. Parce qu’ils étaient mauvais? Non, fit une voix dans sa tête. Il redressa soudainement celle-ci, ses sens aux aguets, à la recherche de la source. Ils ne font qu’obéir aux ordres. C’est simplement toi qui te plaît à faire souffrir les gens, des serviteurs aux maître. Tu n’as que faire des gens, Serenos. Tu es comme moi. Cette voix s’estompa aussi rapidement qu’elle était venue, laissant le Roi dans la plus grande confusion. Lorsqu’il put enfin se concentrer sur son entourage immédiat, il se rendit compte que Langley ne posait plus de questions. Laissant de côté les fantômes de son imagination, il avait de lui-même quelque chose à dire à Talim. Du coup, il s’approcha, passant à côté de Langley, avant de s’agenouiller près du misérable petit être.

« Sais-tu ce que je suis, Talim? »

Il ne s’attendait pas à une réponse immédiate, et il enchaina donc immédiatement.

«  Je suis un de ceux qui manipulent la magie aussi librement que d’autres respirent. Un sorcier. Et l’avantage d’être un sorcier, c’est que mon domaine est celui de l’esprit, de la conscience, et j’ai l’impression que tu tentes de m’envoyer sur une fausse piste, pour sauver ta peau, et gagner du temps. Mes menaces te sembleraient creuses si j’en prononçais, donc, laisse-moi te faire expérimenter ce que tu vas subir si tu nous as menti. »

Il posa alors un doigt sur le front de Talim, et une étincelle de magie éclata entre la peau du Roi de Meisa et celui de sa victime. L’espace d’un instant, tout sembla calme, jusqu’à ce que les yeux de Talim virent complètement au noir, incluant tout son globe oculaire. Ses yeux restèrent ainsi pendant dix bonne secondes, et sa respiration se fit sifflante, avant de reprendre leur normalité. Serenos venait de lui faire vivre, pendant ces dix secondes, l’expérience la plus traumatisante qu’il put penser pour cette genre de vermine; l’obscurité totale, l’impression d’être coincé et de ne pouvoir respirer qu’avec difficulté. Dix secondes, certes, mais il tenait à lui faire comprendre que ces dix secondes, il pouvait les reproduire sur une bien plus longue durée. Eternum serait une bénédiction comparativement à ce que lui infligerait Serenos; être prisonnier dans son esprit, condamné à ressentir le stress de la séquestration dans un endroit clos, sombre et étroit.

« As-tu autre chose à me dire, Talim? Et surveille ta langue; je ne suis pas Langley. Je n’hésiterais pas. »

Lorsque Serenos était dans ce genre d’état, il était préférable que personne ne se mette dans son chemin, mais Langley et de Beauregard ignoraient beaucoup de choses à son sujet, il ne serait pas étonnant qu’ils tentent de l’arrêter; la magie pouvait-elle réellement permettre une telle sauvagerie? Serenos était-il vraiment capable de faire une telle chose à un autre être vivant? Oui, certainement. Et personne, pas même une racaille, ne méritait un tel sort. S’ils ne tentaient pas de l’arrêter, il risquait de briser définitivement le jeune homme, mais s’ils intervenaient sans prendre garde à leurs gestes, qui sait comment ce Roi réagirait?
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le lundi 09 février 2015, 01:14:20
ELENA IVORY

Même une session extraordinaire du Conseil nécessitait des moments de pause. Des moments requis pour s’entretenir avec les membres de son cabinet, discuter avec eux de ce qui avait été dit, de la nouvelle stratégie à adopter... Les réunions du Conseil étaient des moments sportifs et difficiles, où chaque participant exposait son point de vue, et venait pour défendre ses propres intérêts. C’était officiellement une manière de s’assurer que tous les intérêts soient respectés dans la mesure du possible, chacun d’entre eux s’appréciant au regard d’un intérêt supérieur, l’intérêt public, celui de la Nation. Chacun cherchait à protéger son bout de terre, tout en sachant qu’il faudrait parfois faire des concessions.

Ici, la conversation tournait autour des Sans-Visages, et tous les conseillers devaient chercher le meilleur moyen d’éviter de se retrouver incriminés là-dedans. La Reine était déterminée à user de son pouvoir et de sa notoriété pour supprimer du paysage nexusien cette confrérie sinistre qui se croyait tout permis depuis longtemps.. En un sens, il était dommage qu’il ait fallu une tentative d’assassinat sur sa personne pour qu’Elena obtienne la légitimité nécessaire auprès du Conseil de Régence pour venir à bout des Sans-Visages. Elle voulait se débarrasser de cette secte depuis des années, et elle avait enfin trouvé une occasion de le faire... Ce serait une goutte d’eau dans l’océan de la misère nexusienne, mais toujours ça de pris.

Andanariel Sombrechant ne tarda pas à lui expliquer qu’elle ignorait totalement ce qui se passait, ce qui amena Elena à se demander ce qu’elle pouvait bien faire d’elle. Son mari ne l’avait visiblement pas informé de ce qui venait de lui arriver, ce qui amenait à se poser des questions sur leur couple. Pour le coup, la Reine s’avouait vaincue sur ce sujet. De fait, elle ignorait jusqu’à ce matin que Serenos était marié... Difficile, partant de là, d’estimer leur relation, et elle soupçonnait plutôt un mariage politique, qu’un mariage reposant sur l’amour... Surtout si on prêtait attention aux rumeurs concernant les idylles lointaines entre Serenos et sa propre mère.

Elena revint au moment présent, et s’adressa donc à la Reine de Meisa.

« Votre mari s’est engagé à traquer une dangereuse confrérie d’assassins qui a tenté de mettre fin à mes jours hier, dans la nuit... La Confrérie des Sans-Visages, des assassins professionnels.
 -  Nous soupçonnons qu’ils ont été envoyés par quelqu’un cherchant à provoquer un incident diplomatique majeur entre Meisa et Nexus, et que la mort de plusieurs ressortissants meisaens survenue également hier soir est liée à cette sinistre affaire. »

Pour la Reine de Meisa, tout cela devait être assez lourd à avaler... Difficile de savoir qui en voulait autant à Nexus, mais Elena avait bien sa petite idée... Une idée qu’elle voulait encore conserver pour elle-même, faute de preuves suffisantes pour pouvoir l’exposer à quelqu’un d’autre qu’Adamante.

« Nous espérons pouvoir obtenir l’idée des commanditaires de la confrérie en les traquant... Le Roi Serenos les poursuit avec l’aide de Messire Ronald Langley, qui est chargé de ma protection depuis des années, et en qui j’ai la plus grande confiance. »



RONALD LANGLEY

« La Grande Caresse », un harem cadenassé par une matronne, un Sans-Visage venant voir en douce une fille... Ronald ne croyait pas du tout à l’hypothèse de l’amoureux en cachette. Il avait du mal à s’imaginer un Sans-Visage tomber amoureux de quelqu’un, mais... Et bien, même si Ronald n’y croyait pas, ça restait une théorie malgré tout. Un Sans-Visage restait un être humain malgré tout, quelqu’un avec un passif, un vécu, des émotions... Nul être n’était parfait en ce monde, nul être n’était totalement insensible. Il y avait des failles chez cette confrérie secrète, des ouvertures, fines, étroites, cachées... Mais elles étaient là, et il fallait les trouver... Talim leur avait donné quelque chose à manger, et Ronald était convaincu que cette fille était un début. Toute la difficulté, maintenant, était de pénétrer dans l’établissement en question.

Serenos n’en avait cependant pas encore fini avec leur source, et il était bien décidé à le faire parler. Ronald tourna la tête vers lui, et le vit poser sa main sur le front de Talim, à travers les barreaux... Et les pupilles de Talim se dilatèrent, devenant toutes noires pendant quelques secondes. Difficile de se méprendre... C’était de la magie noire, et Ronald eut un frisson, et posa sa main sur le pommeau de son épée. Le sort ne dura que quelques secondes, et, quand il se rompit, Talim tomba sur le sol, et se mit à fuir en hurlant, paniqué, filant vers le fond de la cellule.

« Putain, vous êtes tarés ?! Tirez-vous, foutez-moi la paix ! J’vous ai dit tout ce que je savais, lâchez-moi, tirez-vous ! »

Ronald serra les dents, et posa sa main sur l’épaule de Serenos, le poussant. En fait, il envoya l’homme heurter le mur, et planta son regard dans le sien, conservant sa main sur son épaule.

« Hey ! Vous allez vous calmer, mon vieux ! Nous ne sommes pas à Ashnard, le droit existe ici ! Vous vous calmez ! Si je vous revois encore user de magie noire sur un prisonnier, vous allez le sentir passer ! Elena ne nous a pas confiés une telle autorité pour abuser de notre pouvoir ! »

Ronald parlait sur un ton ferme, tandis que le sénéchal, en retrait, restait plus méfiant. Il s’était toujours méfié de Meisa, et encore plus du Roi, qu’il voyait, de loin, comme un tyran absolu... Quelque chose qui n’était très acceptable dans la philosophie des Nexusiens. Quant à Ronald, il se disait qu’Elena avait peut-être fait une erreur en confiant à Serenos le titre de Commandeur... Mais c’était encore Ronald qui était responsable de l’opération.

Inutile d’espérer obtenir quoi que ce soit de Talim maintenant, le petit numéro de magie noire de Serenos l’avait paniqué, et il était prostré dans un coin, gémissant et couinant. Si Serenos avait voulu saboter l’enquête, il n’aurait pas pu s’y prendre mieux !
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mardi 17 février 2015, 17:22:24
« Votre mari s’est engagé à traquer une dangereuse confrérie d’assassins qui a tenté de mettre fin à mes jours hier, dans la nuit... La Confrérie des Sans-Visages, des assassins professionnels.
 -  Nous soupçonnons qu’ils ont été envoyés par quelqu’un cherchant à provoquer un incident diplomatique majeur entre Meisa et Nexus, et que la mort de plusieurs ressortissants meisaens survenue également hier soir est liée à cette sinistre affaire. »

Assez étonnamment pour ses interlocutrices, la Reine ne sembla pas plus choquée par la nouvelle que cela. Certes, la mort des Meisaens l’affligeait, car en tant que femme aimant profondément ses sujets, elle s’attristait que ceux-ci puissent avoir une fin aussi violente qu’abrupte, mais c’était le risque que ces hommes et femmes prenait à quitter le giron sécuritaire du Royaume, et c’était de plus leur propre décision. Elle savait que ce n’était pas la faute du gouvernement de Nexus, du coup, elle n’avait aucune raison de s’en prendre à Elena.

« Nous espérons pouvoir obtenir l’idée des commanditaires de la confrérie en les traquant... Le Roi Serenos les poursuit avec l’aide de Messire Ronald Langley, qui est chargé de ma protection depuis des années, et en qui j’ai la plus grande confiance.
- Et les seuls à pouvoir réellement bénéficier de votre disparition et d’un conflit entre deux contrées sont les membres de la noblesse ou les conseillers, songea Andanariel.

Les Meisaennes derrière Elena se lancèrent des regards entre elles. Visiblement, elles-mêmes commençaient à s’inquiéter sur ce qui résulterait si Nexus se déchainerait sur Meisa, et leurs visages s’assombrirent. Elles savaient que si une guerre était inévitable, alors, Meisa ne se défilerait pas, car il en allait de la fierté des Meisaens, qui avaient fui Nexus, Ashnard, Sylvandell et encore bien d’autres royaumes pour vivre en paix, loin des préjudices et des oppresseurs. Les Meisaens étaient un peuple de réprouvés, d’anciens militaires, des magiciens, des descendants d’esclaves, des familles entières qui, sans l’arrivée de Serenos et l’avènement de Meisa, seraient aujourd’hui encore oppressés par la pauvreté, la discrimination et le système des classes implacables de ces sociétés, et ils ne laisseraient jamais un pays étranger venir faire sa loi chez eux.

Il était de connaissance générale que Nexus et Ashnard étaient incontestablement les plus grandes puissances du continent, autant par leur superficie et leurs économies que pour leurs armées, qui représentaient, séparément, déjà plusieurs dizaines de fois l’effectif militaire de la plupart des petits royaumes qui parvenaient encore à résister à l’assimilation et/ou la fédération de ces grands pouvoirs. Si Nexus décidait d’entrer en guerre, il lui faudrait certainement pas plus de deux bonnes journées pour raser le pays, s’il n’y avait pas déjà une énorme tension entre le Royaume et l’Empire qui contraignait le premier à affecter ses troupes à un large nombre d’avant-postes. Il y avait également un nombre croissants de petits royaumes qui se réunissaient sous la bannière d’une superpuissance pour conserver une certaine autonomie, bien que leur souveraineté était remise entre les mains de ces mêmes superpuissances, ce qui pouvait aisément augmenter les effectifs de ces gens. En contrepartie, Serenos avait depuis des siècles développé les points forts de Meisa, à savoir sa magie et sa diversité ethnique, et Andaraniel s’était même assurée d’ouvrir les portes de Meisa aux jeunes esprits sensible à la magie ainsi qu’aux érudits.

La belle Reine resta silencieuse un moment. Il était clair que les conseillers cherchaient tous à couvrir leurs arrières, pour éviter que la Reine ne trouve quoi que ce soit les reliant aux crimes, qu’ils soient effectivement coupables de cet acte ou non, que ce soit directement ou indirectement.

« Tous les nobles ont quelque chose de semblables; ils sont très fortunés, mais seulement certains ont un trésor assez conséquent pour que leurs finances, même les plus extravagantes, passent inaperçues. Les Sans-Visages, à ce qu’on m’a dit, demandent un financement si abominable que la trésorerie d’un petit royaume ne suffirait même pas à leur accorder un service de basse qualité. Parmi vos conseillers… lesquels sont assez fortunés pour se permettre leurs services? »

Les Sans-Visages n’acceptaient aucune promesse de paiement, tout se faisait d’avance, sans la moindre garantie de succès, puisque leurs tentatives ne s’arrêteraient pas tant que leur cible ne sera pas six pieds sous terre, quitte à sacrifier tous leurs membres dans ces mêmes tentatives.

Consciente que la prochaine session du Conseil n’allait pas tarder, la Reine de Meisa s’excusa pour avoir trop parlé et ainsi importuner la Reine. De toute façon, au teint de la Reine, il était clair qu'elle n'était pas en très grande forme, elle avait besoin de se reposer au plus vite.

« J’espère qu’après vos réunions, nous aurons le temps de parler plus cordialement, Reine Elena. J’espère que mon mari mènera son combat aussi bien que vous menez le vôtre… »

Avec une révérence des plus courtoises comme il convenait de faire lorsqu'on demandait son congé, la Reine s'éloigna alors avec ses Meisaennes. Des femmes qui se tenaient devant Elena, seule resta Alessa, la Meisaenne présente depuis le début de cette histoire, qui s'était jointe à ses sœurs dans la plus grande discrétion. Elle regarda Andaraniel partir avec un brin d'inquiétude, concernée par la santé de la femme de son Roi, mais elle devait absolument parler à Elena, et donc, elle reporta son regard sur le sien.

 « Mon Roi m'a fait parvenir un message pour vous, Majesté. Apparemment, le Seigneur Langley serait bientôt capable d'appréhender un Sans-Visage. Si l'opération se passe bien, ils devraient pouvoir vous fournir des informations sur vos agresseurs très bientôt. Je n'en sais pas plus, mais mon Roi pense qu'il y a encore des Sans-Visages au Palais. S'il vous plait, Majesté, ne relâchez pas votre vigilance; l'ennemi peut être n'importe qui, même un visage amical. »

 La dernière partie de ce message s'adressait visiblement aux protectrices de la Reine, mais également à celui qui se tenait près de celle-ci, le Grand-Duc de Maizière. Il était de la nature de ces sauvageonnes de se méfier de tout le monde lorsqu'elles pressentaient un danger, mais elle ne possédait ni le droit ni l'autorité suffisante pour prononcer ses propres méfiances, mais si elle avait pu, elle lui aurait certainement fait une fouille digne des moins scrupuleux Contre-Espions. Le regard d'Alessa se reporta brièvement sur la jeune Luria, qu'elle jaugea en tentant de se faire une idée d'elle, ignorant évidemment qu'elle avait été entrainée par Langley lui-même et formée pour être capable de protéger la Reine en son absence, et donc, bien qu'elle salua sa forme physique, elle s'inquiéta à savoir si elle était réellement capable de remplir son rôle. Elle aurait bien voulu qu'Elena lui confiasse sa sécurité plutôt qu'à cette jeune personne, mais non seulement n'avait-elle aucune raison de lui faire confiance, mais se présenter avec une étrangère au Conseil aurait probablement causé d'autres distractions qui aurait fait trainé les discussions en longueur. Plutôt que de prononcer des paroles qu'elle aurait certainement regretté, elle se contenta de saluer la Reine d'un coup bref au niveau du cœur ainsi que d'une courbette, faisant deux pas à reculons pour ne pas lui tourner trop rapidement le dos, se redressa et s'éloigna.

 

***


« Hey ! Vous allez vous calmer, mon vieux ! Nous ne sommes pas à Ashnard, le droit existe ici ! Vous vous calmez ! Si je vous revois encore user de magie noire sur un prisonnier, vous allez le sentir passer ! Elena ne nous a pas confiés une telle autorité pour abuser de notre pouvoir !

- De la magie noire? Ce n’était qu’une manipultion de l’esprit, Langley, une illusion si vous préférez. Vous croyez vraiment que je m’aventurerais à souiller le peu qui reste de bon en moi pour une sous-merde comme Talim? Non, Langley, je n’userai pas des plus sombres facettes des arcanes. Pas ici, pas devant vous, et certainement pas sans nécessité. Droits ou pas, Talim est une nuisance, une faille, et un danger potentiel, mais pas assez pour que je trempe dans le domaine de l’Ennemi. Par contre, si pour m’assurer qu’il vide complètement son sac, je dois devenir l’incarnation même de sa peur, je n’hésiterai pas un seul instant. Si je laisse la moindre pierre derrière sans la retourner, qui sait ce que nous risquons? Contrairement à ce que vous semblez croire, je ne suis pas votre ennemi, Langley. Vous allez donc me relâcher. Maintenant.

Le regard de Serenos était calme, et aussi pénétrant que celui de Langley, quoi qu’il n’était pas impossible d’y déceler un certain détachement; il ne craignait pas Ronald, parce qu’il ne s’était pas attaché à lui. Son ton de voix était calme, toutefois, il était facile d’y noter une pointe de menace qui promettait des conséquences s’il n’obtempérait pas. Sans chercher à lui faire le moindre mal, il repoussa lentement celui qui le plaquait ainsi contre le mur, usant de la force nécessaire pour lui faire lâcher prise, mais sans se laisser aller à des excès de violence. Il sentait bien peser sur lui le regard des geôliers, de De Beauregard, qui partageaient le mépris et la peur visible de Langley par rapport à la magie et à ce qu’il pouvait en faire. Il ne détourna pas le regard, bravant ces yeux accusateurs avec la même prestance que devant n’importe quel obstacle.

Il savait ce que Langley percevait de ce qu’il venait de faire. La magie noire était un art à part, une application de cette force incommensurable et mystérieuse pour causer des souffrances à autrui. Mais sans être bénéfique, ce qu’il venait d’infliger à Talim n’avait, en soi, rien de maléfique. Il lui avait simplement fait comprendre ce qui lui arriverait s’il s’avisait de trahir. Et là, ce ne serait même pas lui qui s’occuperait de son châtiment; Langley serait probablement assez en colère pour lui trouver la plus petite cellule d’Eternum,

« J’ai failli à mes amis une fois, Langley, et ces dernières décennies, j’en ai souffert à un point que vous ne sauriez imaginer, enfant que vous êtes. Vous n’avez aucune idée de ce qu’ils représentaient pour moi. Elle m’a redonné mon cœur, et il m’a redonné ma fierté. Et je les ai perdus. Si j’avais été aussi rigoureux dans le passé, peut-être aurais-je pu les sauver. Peut-être qu’ils seraient encore là, et Elena aurait encore ses parents pour l’aimer, Jamiel aurait encore sa meilleure amie, Nexus aurait encore ses puissants souverains, et la paix aurait peut-être été possible. »

Dans le regard de Serenos, Langley put voir à quel point il regrettait. Ce qu’il avait fait à Talim semblait mauvais, certes, mais Serenos ne l’aurait pas brisé. Il ne l’aurait pas non plus torturé gratuitement, alors que d’autres « tyrans », comme se plaisait si bien à le considérer Ronald, lui aurait infligé les pires supplices connus. Mais tous les jours qui passaient, il se blâmait de ce qui était advenu du couple royal qui avait régné sur Nexus, car il croyait, au fond de lui-même, qu’il aurait pu y faire quelque chose, que ce soit vrai ou faux. Se détournant du Commandeur, se penchant pour agripper la garde d’Ehredna, qui lui avait glissé de la ceinture sous l’assaut abrupte de l’homme, il se réarma, mais ne démontra aucun signe d’hostilité qui aurait pu laisser présager qu’il aurait cherché à s’en prendre à Ronald.

« Je vais à la Noble Caresse. Je vous laisse le soin de gérer la méthode de vous emparer de ce sans-visage, puisque mes méthodes ne vous plaisent pas. Mes hommes et moi encercleront le périmètre, et nous nous tiendrons prêt à intervenir. Soyez prévenus, Langley, que si vous décidez d’endosser la responsabilité de cette mission, il vous faudra composer avec ma présence, ou me tuer. Comme le second est impossible - et croyez-moi, j’ai essayé- je vous conseille de vous faire une raison. »

Il posa l’espace d’un instant le pied sur la première marche de l’escalier, s’apprêtant à partir, mais il s’immobilisa un instant. Un silence lourd s’installa pour une bonne minute, alors que le Roi cherchait les mots justes qu’il voulait formuler. Ses lèvres remuèrent discrètement pendant un instant alors qu’il marmonnait une prière, avant de relâcher un long soupir, relâchant la tension de ses muscles. Sans se retourner, il ajouta :

« Vous avez raison, cependant, Commandeur. Ce pouvoir, ce droit que m’a accordé Elena… m’en servir ainsi, cela ne se reproduira plus. Mais comprenez bien que ce n’est pas par crainte de vos représailles. Mais je ne souillerai pas le nom de la Reine si je peux l’éviter. Je vous prie de m’excuser. »

 Sur ces mots, il gravit les escaliers menant vers la sortie, veillant bien à ne plus croiser personne. Après les quatre premières marches, il se volatilisa sous les yeux de Langley et De Beauregard, probablement suite à l’usage de sa magie, bien que les bruits de ses pas et la poussière déplacée par ceux-ci continuent de se faire entendre et voir pendant son ascension. Serenos ne pensait pas être dans le tort, il avait agi au meilleur de sa connaissance en s’attaquant brièvement à un esprit vulnérable qu’imprimer dans le corps et la chair de Talim les rudes traitements d’un interrogatoire tel qu’il les avait subis pendant les trois longues années où Mordred et ses hommes l’avaient retenus dans ses cachots. Difficile d’ailleurs d’oublier les coups de l’Agiel de Denna sur son corps, Agiel qu’il portait d’ailleurs à sa ceinture dans un étui en cuir après l’avoir volé à la Mord-Sith pour l’empêcher de s’en servir contre lui et l’empêcher de fuir le joug de Mordred. Encore une chose qu’il se refusait à utiliser contre un autre être vivant, mais qui avait son avantage de posséder, même seulement en guise de trophée.

 Une fois dehors, il s’informa mentalement auprès de ses hommes pour obtenir d’eux la position de la Noble Caresse. Grâce au Lien, un sortilège aussi ancien que puissant qui unissaient les Meisaens à leur Roi actif, ou à la Reine lors de son absence, il était beaucoup plus facile pour lui d’organiser une battue, des recherches ou même une guerre que cela aurait pu l’être pour des gens avec des moyens plus conventionnels. À l’image de l’internet Tekhan, il lui permettait de transmettre des pensées, des images et des événements issus de sa mémoire, mais aussi d’en recevoir, et donc, ses hommes, qui habitaient Nexus depuis des années, parvinrent sans trop de mal à lui fournir la position exacte de ce bordel. Sans demander quoi que ce soit à personne, et surtout sans se laisser percevoir, il s’envola dans les cieux et se déplaça à grande vitesse pour atteindre les environs du bordel, où il prit position. En quelques minutes, ses hommes l’avaient déjà rejoint.

« Que devons-nous faire, votre Altesse?
- Pour le moment, rien. Langley croit pouvoir gérer la situation tout seul, je vais donc le laisser agir à sa guise. Pendant ce temps, je veux que vous surveillez les environs. Mêlez-vous à la foule, évitez au maximum les contacts visuels avec les civils et vous-mêmes pour ne pas éveiller les soupçons. Je veux que vous soyez prêt à intervenir si les choses devaient mal tourner.
- Après tout ce que vous avez fait pour Nexus, ces ingrats ne vous font toujours pas confiance, mon Roi! Pourquoi vous donner la peine?
- Je ne le fais pas pour Nexus, figure-toi. Je le fais pour Elena, pour honorer une promesse. Vous comme moi savez quelle valeur nous devons accorder à une parole donnée.
- Un serment brisé envers un est un serment brisé envers tous. récitèrent les Meisaens en même temps. »

 Un sourire nostalgique naquit sur les lèvres de Serenos devant cette petite marque de patriotisme qu’était la récitation du Code. Meisa n’avait pas beaucoup de lois, comparativement aux autres royaumes, mais le Code avait une importance capitale au sein de la communauté. Les Meisaens juraient uniquement sur le Code lorsqu’ils se promettaient des choses entre eux ou à un bienfaiteur. Il passa une main affectueuse sur la tête de l’homme qui avait pris sa défense avec une affection sincère, avant de le relâcher. Revenant à ses propos, il leur expliqua que Ronald ne devra pas être retenu de quelque façon que ce soit. Il leur précisa néanmoins que leur fonction n’était pas de se mêler directement des affaires nexusiennes, que seulement Serenos pouvait agir en tant que représentant de la Reine, car déjà la présence de Meisaens formés au combat était une raison suffisante pour causer une dispute diplomatique, il ne fallait pas que son peuple ne se retrouve dans les méandres de la justice.

« Votre tâche sera de surveiller le Sans-Visage s’il venait à s’échapper, et de le Marquer si jamais il tente de se volatiliser sous une autre apparence, pour qu’on ne le perde pas. Ce sera à Langley de procéder à son arrestation.

- Et vous, Majesté?
- Que croyez-vous que je vais faire? Rester là et attendre. C’est ce que Ronald veut, après tout. Je ne lui prêterai main forte que lorsque la situation le forcera à admettre que mon aide lui est avantageuse. Allez, partez, maintenant.»

Le Roi leva la main pour congédier ses hommes, qui se redressèrent pour ensuite se disperser dans toutes les directions, certains sautant de toits en toits comme des voleurs, une vue très commune dans les bas-fonds, et d'autres se mêlèrent à la populace, voyageant au sol, dans les rues et ruelles de ces quartiers mal famés. Une fois seul, le Roi fit parvenir son message à Alessa, à travers le Lien, un message qu'elle déballerait plus tard à la Reine de Nexus avant de se diriger à son tour vers la Noble Caresse, passant pour sa part par les rues. Tout comme les Sans-Visages, Serenos possédait également quelques capacités d’altération physiques, et il décida d’en faire usage car, le temps de passer dans une ruelle déserte, il modifia son apparence pour arborer un tout autre visage. La Dame de Lorient, son alter-ego féminin. Il ne l’empruntait pas souvent, et généralement lorsqu’il passait dans les villes Ashnardiennes où son visage était non seulement connu mais surtout recherché, mais aussi lorsqu’il ne voulait pas être identifié. Sous cette apparence, il lui était non seulement plus facile de passer inaperçu, mais en plus, cette apparence lui apportait un nouvel angle d’approche des situations.

Une fois son visage et son corps modifié, il était clair pour elle qu’elle ne pouvait pas simplement entrer dans ce bordel vêtu des riches vêtements qui appartenaient au Roi de Meisa, aussi fit-elle disparaître son manteau et sa tenue de combat. Nue comme un ver, elle ne perdit pas un instant pour fermer les yeux et former dans son esprit une image. Elle se représenta elle-même habillée d’un pantalon noir et d’une belle paire de bottes de marin, avec une ceinture représentant un oiseau noir. Elle fit ensuite apparaître un soutien-gorge qui vint soutenir sa poitrine puis un chemisier blanc aux manches souples, au bout desquelles apparaissaient deux gants de cuir noir, comme il convenait à une duelliste. Pour couronner le tout, elle altéra la forme d’Ehredna pour lui donner l’apparence d’un sabre de cavalerie, au grand déplaisir de l’esprit Ashansha qui y résidait, démontré une étincelle électrique qui lui pinça le doigt. Retirant prestement sa main et la secouant pour chasser la douleur qui la prenait d’un coup, la jeune femme tenta de réconforter sa compagne de toujours.

« Aie! Mais enfin, c’est pour la bonne cause, hanmyh. Ce ne sera que temporaire, je te le promets. »

Hanmyh était un mot d’amour en Ashansha qui se traduisait simplement par « mon/ma bien-aimé(e) », et on le réservait surtout à la famille et les amis les plus proches, ou par défaut à l’être aimé. La Dame de Lorient caressa affectueusement le pommeau de son arme, malgré le caractère ronchon de celle-ci, puis fit apparaître un autre vêtement, une grande cape de voyage, pour masquer son corps. Rabattant sa capuche sur sa tête, elle sortit finalement de la ruelle, pivota sur la droite pour ensuite marcher en direction de la Noble Caresse d’un pas décidé. Pendant qu’elle marchait, elle se demandait comment elle allait aborder l’établissement; elle pouvait aussi bien se faire passer pour une cliente. Malgré ses habitudes d’accepter surtout des hommes, elle doutait que la matrone cracherait sur une bonne petite bourse d’or. Il ne lui fut pas très difficile de retrouver la Caresse; imaginez un établissement modérément correct dans un bas-quartier. Avoir des esclaves avait cet avantage; inutile de les payer, ils s’occupaient de récurer les murs et le toit de l’établissement. Comme toute bonne matrone, la directrice de cet établissement avait horreur de la saleté, et pour s’éviter les foudres de leur maîtresse. La Dame de Lorient se souvint très vite pour quelle raison elle abominait autant les esclavagistes et les propriétaires d’esclaves; tant de boulot, des conditions de vie misérables et des demandes toujours plus exigeantes tous les jours. L’esclavagisme ne datait pas d’hier, mais la condition des esclaves n’avait jamais été sérieusement prise en compte par les gouvernements, puisqu’officiellement, les esclaves sont des biens échangeables, de la marchandise, et non pas des êtres conscients et sensibles à part entière.

Mais elle n’était pas là pour ça. Elle poussa simplement la porte du bordel, et entra. Alors qu’à l’extérieur, c’était plutôt tranquille, l’intérieur était autrement moins chaleureux. Il y régnait une chaleur presque oppressante et une odeur nauséabonde. L’odeur de la décadence et de la luxure. C’était bien un bordel. Le Roi de Meisa contint son mépris pour se trouver une place. Quelques femmes, presque nues, les pieds portant des chaines à la mode Ashnardienne pour signaler qu’elles étaient bien des esclaves, se promenaient entre les clients. Elle nota la présence d’escaliers, menant probablement aux chambres, ainsi que de quelques hommes armés. Des gardes. Enfin, de gardes, ils n’avaient que le nom, puisqu’ils semblaient bien profiter de leur fonction en s’entourant de jeunes mignonnettes. La Dame de Lorient trouva simplement un siège tranquille dans un coin, et fit venir à elle une des esclaves, l’asseyant sur ses cuisses, rabattant doucement sa capuche pour dévoiler deux pupilles aux iris dorées.

« Dis-moi… connais-tu la Fille à l’Ange Gardien? »

Elle avait évidemment monté ce nom d’elle-même. La fonction d’un ange gardien étant de protéger une personne à qui il a été affecté, peut-être qu’une de ces jolies dames avait déjà entendu parler d’accidents ou de disparitions qui semblaient frapper ceux qui manquaient de respect à une des filles du bordel. La Dame de Lorient en profita pour également analyser l’endroit. Hormis les gardes, il n’y avait rien de particulièrement intéressant au niveau de la sécurité. Ces bougres n’intervenaient probablement pas si les filles se faisaient brutaliser, mais s’attaqueraient certainement aux mauvais payeurs, ce qui fit germer une idée dans sa tête au cas où Langley aurait besoin d’une diversion.
Titre: Re : Un temps pour guérir [Partie 3] [PV]
Posté par: Elena Ivory le vendredi 20 février 2015, 01:28:22
ELENA IVORY

Elena n’eut pas trop l’occasion de discuter avec Andanariel. Elle ne sembla pas plus affectée que cela par la mort de quelques compatriotes meisaens, ce qui, au moins, permettait d’éviter un incident diplomatique, qui n’aurait été qu’un problème supplémentaire parmi tous ceux qu’Elena rencontrait déjà. Elle hocha la tête quand Andanariel lui expliqua de rechercher les ennemis potentiels parmi les nobles les plus fortunés. C’était un bon conseil... Même si elle le savait déjà. Toute la difficulté venait du fait que tous les conseillers royaux étaient tous suffisamment riches pour recourir aux Sans-Visages. En ce sens, le critère de l’argent était insuffisant. Ils avaient tous d’importantes parts sociales dans les grandes guildes commerciales nexusiennes, de véritables sociétés dont le capital pouvait rivaliser avec celui des mégacorporations tekhanes. Elles avaient la main sur d’immenses empires commerciaux s’étalant bien au-delà des frontières de Nexus, et se faisaient des bénéfices immenses. Les entreprises avaient depuis longtemps transformé Nexus en une oligarchie, assouplissant la fiscalité, diminuant l’impôt pour leur permettre d’engranger des bénéfices considérables, au détriment de l’intérêt de la Nation.

La Reine meisaenne finit par partir, et, avant qu’Elena ne puisse retourner vers la salle, afin de reprendre les négociations, elle fut abordée par Alyssa, une autre Meisaenne, qui l’encouragea à se méfier, soupçonnant une autre attaque possible des Sans-Visages.

« Votre sollicitude me va droit au cœur, mais j’ai pris toutes les précautions requises pour éviter que le pire ne m’arrive. »

Adamante veillait sur elle, tout comme Luria. Avec Luria, Elena n’avait pas grand-chose à craindre. Elle lui faisait presque plus confiance qu’à Ronald Langley, Luria étant moins stricte que lui, et bénéficiant avec elle du charme de la jeunesse. Cependant, elle était ravie que l’enquête avance, et, avant qu’Alyssa ne se retire vers sa suite, elle s’adressa encore à elle :

« Vous remercierez votre Roi pour son aide. »

Il communiquait plus rapidement que Langley, mais elle avait foi en lui. Langley vivait maintenant depuis des années à Nexus, et, même s’il ne s’était pas fait que des amis en réformant la Garde Royale, il connaissait bien des recoins de Nexus. Il avait ses entrées, et elle lui faisait confiance pour remonter la piste de ces Sans-Visages. Ce n’était qu’une question de temps avant que Ronald ne les démantèle, Elena en était convaincue... Sur cette bonne note, elle retourna donc dans la Chambre du Conseil, et, assez rapidement, les portes se fermèrent à nouveau.



RONALD LANGLEY

Une tension palpable montait entre Ronald et Serenos. Le Chambellan savait les rumeurs qu’on disait sur Meisa, sur la santé mentale d’un souverain, aussi bien vu comme un Roi que comme un tyran. Il savait que Nöly lui avait toujours accordé le bénéfice du doute, là où Liam avait été un peu plus austère, voyant d’un assez mauvais œil une personne qui semblait concentrer sur sa tête tous les pouvoirs, et dont son règne ressemblait dangereusement à un culte de la personnalité. Liam s’était toujours méfié de Serenos, mais il s’était rapproché de lui, à l’époque, parce que Meisa, du fait de sa position, constituait un bon moyen d’attaquer Ashnard sur le flanc, et aussi parce que les tensions croissantes entre l’Empire et Meisa conduisaient Nexus à voir en lui un allié potable... Mais Ronald se méfiait des personnes absolutistes, celles qui considéraient que la fin justifiait les moyens. Il lui assura n’avoir pas usé de magie noire, mais, vu l’état de Talim, Langley en doutait. De base, toute forme de magie visant à vicier l’état mental d’un prisonnier était illégal, et tout témoignage, ou toute preuve obtenue sur la base d’une manipulation mentale résultant d’un sortilège magique était rejetée des débats, et ne pouvait être considérée comme une pièce valable.

Serenos partit ensuite, se dirigeant vers la « Noble Caresse », et Ronald sentit qu’il allait encore faire des conneries.

*Je crois qu’il n’est pas très familier avec le concept de souveraineté...*

Ronald regarda l’homme prostré dans sa cellule, puis Joachim.

« Vous lui faites vraiment confiance, Ronald ?
 -  Nullement... Mais il me faut respecter les décisions de la Reine. Je pense qu’il tient vraiment à elle. C’est le reste qui m’inquiète.
 -  Et vous le croyez immortel ? »

Le paladin s’accorda le temps de la réflexion, puis haussa les épaules :

« J’ai rencontré et occis bien des démons et des créatures se prétendant invincibles. Les Dieux eux-mêmes ne sont pas immortels. Nul être ne l’est en ce monde. »

Le sénéchal acquiesça lentement.

« Je vais me rendre à ce bordel, je crains le pire... »

Il sortit du château, grimpa sur un cheval, et s’élança vers « La Noble Caresse ». Bien que situé dans les bas-fonds, cet établissement était très agréable, et attirait généralement une bonne clientèle. Le bâtiment était reconnaissable par le lierre qui l’entourait, ainsi que les lanternes rouges à l’entrée. L’intérieur était cossu, avec des bougies, des chandelles, des teintures en soie, des couleurs chaudes et vives, avec des scènes de sexe qui avaient lieu, aussi bien en public, que dans des chambres. Érotisme et sensualité se mélangeaient à de la pornographie, à l’encens, et à quelques discrets accords de musique, ainsi qu’à des rires et des gloussements.

(http://img110.xooimage.com/files/b/f/3/00697a-preview-4a01740.jpg)

L’établissement se composait de plusieurs grands salons, ainsi que de chambres, à l’étage, et au sous-sol, le sous-sol abritant les plaisirs les plus osés. Contrairement à ce qu’on pouvait initialement, une atmosphère de liberté régnait dans cet harem. Ronald connaissait la liberté sur la « Caresse », ainsi que sur la femme qui tenait cet établissement : Mère Caitlin Lockwood (http://img110.xooimage.com/files/6/f/8/dame-caitlin-4a01758.jpg), la « Matronne ». Elle était effectivement une ancienne nonne, et avait été rejetée quand elle avait estimé que défendre des prostituées, des droguées, et d’anciennes esclaves, était plus important que soulager les problèmes de cœur des riches héritières, ou se complaire dans la contemplation des idoles et la lecture des Saintes Écritures. En accordant l’absolution et en offrant l’hospitalité de l’église à des traînées, le diocèse de Nexus avait fini par la renvoyer. Femme forte, qui n’avait jamais accepté l’autorité du couvent, Caitlin avait fondé son propre harem. On disait que cette vieille chouette, aussi dure que douce, était une redoutable voyante. Elle était aveugle, ce qui ne l’empêchait pas de veiller scrupuleusement sur son harem.

Chaque femme était libre au sein du harem. Elles portaient des corsets à dentelle, des gants, des masques, exhibant leurs chevelures, leurs cous gracieux, s’embrassant entre elles, faisant l’amour avec des clients. L’une des femmes à qui Serenos demanda « la Fille à l’Ange Gardien » lui sourit. Ayant une belle frange, et un masque dissimulant ses yeux, elle portait un corset rouge avec des rayures verticales noires, et des gants noirs en soie. Elle se pencha vers Serenos, et l’embrassa sur les lèvres.

« Ici, Madame, rien n’est gratuit... Si vous voulez voir une fille en particulier... Il faudra en payer le prix... »

La « Caresse » n’était pas qu’une entreprise, c’était aussi une famille... Et, au sein d’une famille, on se serrait naturellement les coudes. Faire parler ces femmes ne serait pas facile... Surtout sans annoncer de contreparties financières.