Discuter avec une IA permettait d’éviter la plupart des comportements humains typiques, comme la suspicion, le doute, le déni, les questions inutiles... Orion savait que l’IA réagirait de manière intelligente et logique. Elle venait directement à elle, n’ayant pas, en ce sens, le comportement-type du pirate, qui, soit venait pour améliorer artificiellement son score et pouvoir impressionner les autres, soit cherchait à plomber une partie. En toute logique, l’IA lui répondit donc, en supposant qu’Orion disait vrai, car elle ne voyait pas pourquoi la femme irait inventer une telle histoire :
« Et quel genre de menace pourrait bien peser sur mon monde virtuel exactement ? Je surveille en permanence les territoires du supercalculateur ainsi que le réseau informatique de Tekhos. Si quelque chose doit se tramer, ça ne peut être que sur le format papier, loin des e-mails anonymes. »
Son analyse n’était pas fausse, ni orgueilleuse. Orion n’avait pas réussi à pirater par elle-même les programmes de sécurité de Virtual Terra. Il avait fallu les affaiblir en supprimant certains pare-feux, à l’aide d’Anna. En pensant à elle, Orion se dit qu’elle était probablement dans la ville, à attendre les prochaines instructions d’Orion, afin de neutraliser la cellule de Tchekov. Les pare-feux défectueux avaient du être réparés, ce qui faisait qu’elle n’avait aucune soupape de sécurité. Cependant, elle n’était pas inquiète. C’était sa mission : empêcher les diminels d’agir, les appréhender, et les neutraliser. Elle y songeait, lorsque l’IA arriva au bout de son raisonnement.
« Mis à part les sénatrices de Tekhos, je suis la seule entité habilitée à de me rendre dans le cœur du Supercalculateur. Si menace il y a, ça ne peut venir que du coté des sénatrices. »
Les Sénatrices... Orion pencha la tête sur le côté, et ne tarda pas à lui répondre.
« Votre Sénat n’est pas impliqué. C’est une histoire assez compliquée, mais, pour résumer, je fais partie d’une agence qui vient d’un autre monde. Nous pourchassons des criminels particulièrement dangereux, et mon équipe et moi pensons que l’un de ces criminels, un anarchiste, cherche à développer dans votre monde virtuel un virus qui lui permettra d’atteindre votre cœur, et de vous désactiver. Ce faisant, d’après mes calculs, ceci plongera Tekhos dans une situation de black out, propice à l’effondrement de votre système libéraliste. »
C’était très synthétique. Tchekov était un anarchiste soviétique, quelqu’un qui, fondamentalement, voyait le capitalisme comme l’incarnation du Mal, la domination bourgeoise sur la majorité. Tchekov était aussi à moitié fêlé, et interprétait donc le marxisme à sa manière.
« Tchekov et moi venons d’un monde où la technologie, au moins en ce qui concerne l’informatique, est plus évolué. Il a amené avec lui un spécialiste en informatique, afin de télécharger un virus, qui se répandra dans votre monde virtuel. Et, contrairement à moi, il n’a pas triché pour venir ici. Nous pensons qu’il est venu avec plusieurs de ses alliés, et qu’ils sont dans un appartement privé au cœur de Tekhos Metropolis. J’ai pour tâche de vous prêter main-forte, car je pense que le virus ne tardera pas à entrer en application. »
Orion continuait à en parler, sachant qu’elle pouvait tout à fait noyer l’IA sous un flot d’informations. Elle lui parla ainsi de termes assez techniques, décrivant le virus. Tchekov était assisté de Volotov, un pirate dont la spécialité était de concevoir des virus hybrides. Le Double-V, ou « virus Volotov », était un mélange entre un vir-A et un trap door. Le vir-A désignait des virus dont la particularité était de s’infiltrer dans un système, afin d’en modifier les fichiers, de manière assez discrète, jusqu’à corrompre totalement le système. Quant au trap door, son objectif était de permettre à celui qui utilisait le virus de pouvoir ainsi accéder au cœur d’un système. Concrètement, le Double-V corrompait le système afin d’affaiblir la sécurité, et permettait ainsi la mise en place d’une porte secrète qui permettait d’accéder au cœur de la machine. Schématiquement, un trap door ressemblait à ceci :
(http://img91.xooimage.com/files/a/b/e/trap1-3baab27.jpg)
Orion se mit à parler à nouveau :
« Avez-vous repéré des bugs anodins ? Des monstres qui ne se chargeaient pas correctement, des textures qui déconnaient, ce genre de choses ? »
Le plus important était de repérer quel était le secteur de Virtual Terra qui était contaminé, car ceci permettrait de localiser le virus, mais aussi d’aiguiller Anna vers le bon bâtiment gérant ce secteur. Si elle-même n’avait pas réussi à pirater Virtual Terra sans une intervention manuelle, il était impossible que Volotov ait réussi.