Le Grand Jeu
Plan de Terra => Ville-Etat de Nexus => Discussion démarrée par: Eclipse le vendredi 06 avril 2012, 00:09:47
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On l'avait contactée bien tard. Alors qu'elle buvait, tranquillement sur sa méridienne, un de ces vins blancs français qui coûtent une fortune - une folie qu'elle s'était permise suite à un chéque où s'alignaient six zéros bien dessinés - son téléphone avait résonné dans toute sa véranda. Eclipse avait sursauté comme une enfant, tombant de son siège dans un cri suraigue. Puis elle avait répondue, enfin. Le combiné du téléphone entre les doigts, le verre encore entier entre ses doigts parfaitement manucurés. Mais le pauvre homme qui avait tenté de la joindre avait du répéter quatre fois ce qu'il attendait d'elle : un dialogue, un exorcisme, le tout dans un fort hanté non loin de Nexus. La nécromancienne jura d'être là à temps, et raccrocha dans un lent soupir. Il était temps de se préparer. Pour se sentir plus à l'aise, Eclipse enfila un habituel corset, une jupe qui mourrait à l'aube de ses genoux, des bas de dentelles finement tissés, des chaussures à petits talons. L'air étant frais, elle enfila un châle. Le tout, dans des tons pourpres et noirs. Elle se maquilla prestement, maintint ses cheveux longs grâce à deux bâtons en bois sculptés. Puis elle remplit son sac d'une multitude d'objets enclins à l'aider lors de son rituel, et sortit pour appeler un taxi.
Quand elle arriva à Nexus - usant d'un des nombreux passages entre Terra et la Terre - beaucoup se retournérent. Qui était cette silhouette, qui tintait au rythme de ses nombreux bijoux en avançant d'un pas sûr dans les rues ? Jamais on n'avait vu une personne qui dégageait une telle aura : Eclipse inspirait bien souvent crainte et respect. Son regard, noir comme l'encre, observait chaque chose sans jamais qu'elle baisse les yeux. Elle trouva assez facilement le fort, et s'y engouffra. C'était un château-fort dans toute sa splendeur, à peine restauré et plutôt angoissant. Chaque mur, chaque pierre semblait hantée par une multitudes d'esprits qui hurlaient dans le vent. Et, comme d'habitude, elle seule les entendait ... La jeune femme s'alluma une cigarette, et le mage du château vint à elle expressement. Les salutations furent rapides, et la situation fut rapidement éclaircie : Un ectoplasme puissant vivait dans ces lieux, et refusait de partir. Rien qu'à la description, la nécromancienne eut un haut-le-coeur.
- J'ai déjà eu affaire à ... ce genre de créatures, souffla t'elle.
Rien qu'à voir son visage, ce n'était pas un excellent souvenir ... Le mage l'emmena dans une pièce, où l'atmosphére était d'une épaisseur étouffante. Dans un des recoins, la jeune femme vit un homme, mais elle ne s'y attarda pas davantage. Eclipse resta le dos droit, le regard froid, avec l'allure de celle qui n'a peur de rien. Alors que son coeur battait à lui briser les côtes.
- Vous pouvez vous installer ? la questionna le mage, qui triturait nerveusement ses doigts.
- Sans soucis, je vous remercie.
Les préparatifs furent rapides : un cercle, tracé sur le sol. Des symboles, dessinés sur la peau à l'aide d'une huile odorante, dont l'odeur rappelait vaguement celle de la Mort. Des plantes, mâchées, avalées, aliénantes. Des murmures, des soupirs, de longues inspirations. Et puis la transe. Eclipse combattit pendant une temps qui lui parut interminable cet esprit, qu'elle discernait très bien : une femme, enveloppée de haine et de rage. Les mains de l'ectoplasme venait agripper sa gorge, et elle ne cessait de la combattre, essayant de parler, de murmurer quelques psaumes de son invention. Elle se prit une gifle, un coup, un autre, et manqua de s'écrouler en arrière, alors qu'elle était assise à genoux par terre. L'esprit essaye une fois, deux fois de rentrer en elle, de prendre contrôle de son corps, mais la jeune femme, aussi chétive pouvait-elle paraître, ripostait sans se fatiguer. Elle poussa un cri fulgurant quand la femme la griffa, mais ne flancha pas. Un coup, un autre, une odeur opressante, une pression sur le ventre, sur les tempes, sur les chevilles, et ... Plus rien.
Eclipse reprit sa respiration. Elle était voutée, un peu, mais ne tombait pas. Ce que pouvait admirer l'assemblée, qu'elle peinait à discerner tant sa vision était troublée par les drogues qu'elle devait avaler pour atteindre cette transe, c'était un corps épuisé, essoufflé, dont le bras droit était griffé sur toute sa longueur, et dont les joues étaient rougies par l'effort. La jeune femme prit son visage dans ses mains, ignorant la douleur qui gambadait dans son organisme, et ... tomba en arrière. Comme ça. D'un coup. Soulevant un nuage de poussière. Elle devina que le mage appelait à l'aide, puis plongea dans un profond sommeil, aussi lourd qu'une mélasse.
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*Mais qu’est-ce que je fiche ici ?* songeait-il.
Devant lui, la flamme de la bougie vacillait, et les mots sur les manuscrits ne voulaient rien dire. Parfois, il croyait discerner une ou deux syllabes, mais le tout était noyé dans le brouhaha qui constituait son esprit. Cahir n’allait effectivement pas très bien. Tout avait commencé il y a quelques heures, quand il était entré dans ce château. N’importe qui pouvait y entrer, même si les gens évitaient constamment d’y aller. Même si Cahir n’avait plus la nationalité ashnardienne, il lui était difficile de se sentir à l’aise en étant si proche de Nexus. Outre les frissons naturels qu’il éprouvait à l’encontre de Nexus, il savait que, si jamais les autorités apprenaient son identité réelle, il risquerait de voir sa tête se raccourcir de quelques centimètres.
Cahir avait rejoint Nexus en escortant une caravane marchande, où il avait illustré ses qualités de bretteur en repoussant une attaque de brigands, et quelques monstres courageux. Ou suicidaires. Arrivant dans le château, il avait dépensé une partie de ses pièces d’or à prendre l’alcool du fort. Cahir résistait plutôt bien à l’alcool, mais il avait besoin de s’abandonner dans l’alcool. Il commanda donc l’alcool le plus fort disponible. Un pichet entier, qu’on lui remit sur les grandes tables en bois où le seigneur local devait manger avec ses convives. Un feu crépitait au centre de ce hall, et Cahir buvait. De la vodka naine. De quoi réveiller les morts. Il dégustait l’alcool avec une miche de pain, versant le pichet dans une espèce d’infâme tasse en bois mal coupée. Il se serait bien écrasé là, si un homme n’était pas venu lui parler. Il avait vu la longue épée, et avait l’air assez nerveux. L’homme avait une longue robe de noble, et passait son temps à entortiller ses doigts entre eux.
« Vous… Est-ce que vous… Est-ce que vous êtes un guerrier ?
- Non… grogna Cahir, je suis un marchand de potions. »
L’homme se mordilla les lèvres, et finit par s’asseoir en face de Cahir, sans que ce dernier ne l’ait invité.
« On… Le… Le marchand que vous avez escorté m’a… Il m’a dit ce que vous avez fait… Le… Le combat contre les Kikimorrhes… Impressionnant…
- Et ? Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ? »
Cahir n’était pas particulièrement aimable, mais l’homme persista. Il avait visiblement un gros souci sur les épaules, et finit par lui expliquer qu’il était le chambellan du château, et qu’ils avaient un problème avec un fantôme. Un fantôme particulièrement puissant, ce qui fit grogner Cahir. Quoi ? On le dérangeait pour un courant d’air ?! Il secoua la tête, visiblement irrité à l’idée qu’on puisse le déranger pour de telles sottises, et répliqua rapidement.
« Vous n’avez qu’à faire un putain d’exorcisme, et me foutre la paix !
- Nous avons déjà essayé, mais… Rien n’a fonctionné… Peut-être que vous…
- J’ai un maudit mal de crâne, là, et j’ai pas que ça à faire de courir après un courant d’air…
- Vous serez payé… »
A cette idée, Cahir le regarda, relevant rapidement la tête.
« Et bien, il fallait commencer par là ! »
Lourdement, Cahir entreprit de se redresser, manquant tomber. La tête lui tournait. La vodka naine, c’était peut-être un peu trop violent, même pour Cahir. Ce dernier essaya de suivre le chambellan. Les murs et les escaliers tournaient alors qu’il s’enfonçait dans les profondeurs noirâtres du château. Il n’avait jamais aimé les châteaux. De la pierre partout. C’était froid, glauque, et sombre, et, quand une tempête se levait, el vent sifflait le long des parois. Il avança péniblement, massant son crâne. Il était maintenant rendu à travailler pour le compte de Nexus… C’était, et de loin, la pire humiliation possible pour lui. Le chambellan le guida dans une grande pièce, le conduisant près d’une table.
« Voici les notes que nous avons réuni sur ce fantôme… Mais… Vous êtes sûr d’aller bien ?
- A fond ! s’exclama l’apatride.
- Le… Le fantôme ne devrait plus tarder. Je vous en prie, nous n’en pouvons plus.
- Ouais, ouais, foutez-moi la paix ! »
Cahir regarda le bureau en bois, avec une bougie à proximité, éclairant les parchemins. Il s’agissait des notes de l’exorciste qui avait été là précédemment, comprenant des espèces de sceaux, de formules. Cahir n’avait jamais rencontré de fantômes, si ce n’est dans plusieurs cimetières de la capitale impériale. Il arrivait parfois, la nuit, quand il y traînait avec des camarades, que des fantômes jaillissent. Cahir entendit vaguement des individus s’approcher. Le mage du coin, vu sa longue robe noire, et une bonne femme. Il ne les salua pas, sentant que sa tête continuait à lui tourner.
*Bon, vivement que ce fantôme minable débarque… J’ai hâte de voir la gueule que ces culs-terreux feront, quand un ancien chevalier ashnardien aura botté le cul de leur fantôme de pacotille en étant bourré !*
Il secoua à nouveau la tête, regardant encore une fois la femme et le mage. Il n’y avait pas de gardes ici. Comme si le personnel avait fui cette partie du château. La bougie de Cahir s’éteignit soudain d’un seul coup, et les pages s’envolèrent dans les airs, fouettant son visage. Surpris, Cahir recula en arrière, et tomba sur le sol. Il sentit une subite envie de vomir le saisir, et dut se concentrer, fermant les yeux, inspirant lentement, tandis que l’ectoplasme, ressemblant à une femme, venait de fondre sur celle qui l’invoquait, l’affrontant avec cette rage typique aux femmes. Cahir en profita pour vomir, incapable de se retenir, et entreprit de se redresser, les membres tremblants.
La sorcière était visiblement tombée sur plus grosse qu’elle. Elle s’écroula sur le sol, et le mage poussa un hurlement, tandis que l’ectoplasme, silhouette blanchâtre translucide, s’envola dans les airs, en poussant un rire sinistre, avant de pousser un terrifiant hurlement. Le mage hurla de panique en s’enfuyant, et l’ectoplasme ria à nouveau. Cahir, de son côté, s’était relevé, saisissant son épée, dont la pointe traînait sur le sol.
« Hey, salope ! hurla-t-il sur un ton bourru. Arrête de gueuler, et viens par là, que je te remette à ta place ! »
L’ectoplasme se retourna.
« Infime mortel ! De quel droit oses-tu me parler ?!
- J’vais te renvoyer dans ta tombe, ma belle ! Je te laisse le choix du nombre de morceaux ! rétorqua Cahir, que l'alcool rendait légèrement vantard.
- On ne parle pas ainsi à la Comtesse Marjorie de Bophessa ! »
Le fantôme bondit sur Cahir, qui sentit une espèce de force terrifiante le soulever, l’envoyant valdinguer dans les airs. Cahir passa à travers une grande fenêtre, et s’écrasa sur une table en bois, la pulvérisant, tandis que l’ectoplasme poussa un hurlement sinistre, un rire terrifiant, en se faufilant à travers tous les couloirs du château. Complètement groggy, Cahir sentit à nouveau son estomac le démanger, et vomit une nouvelle fois. Ce fut ainsi que les gardes le retrouvèrent, sa tête baignant dans une flaque sinistre. Furieux, le chambellan ordonna qu’on balance ce « poivrot aux fers », tandis que la nécromancienne fut transportée dans les appartements royaux.
Cahir avait pourtant quelque chose qui devrait susciter un regain d‘intérêt de la part de la nécromancienne à son égard. Il savait en effet quelque chose qui était généralement crucial contre les ectoplasmes et autres fantômes : le nom dudit fantôme.
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Des appartements royaux ... Tu parles. Le matelas était aussi confortable qu'une plage de galets, et les oreilles sentaient la cigarette macérée dans de l'eau croupie. C'est cette odeur infâme qui la tira de son sommeil, dans un sursaut qui manqua de l'expédier hors du lit. La jeune femme se massa les joues, les tempes, but un verre d'eau que l'on avait déposée sur sa table de chevet, et s'éventa un moment avec l'éventail qu'elle portait encore autour du poignet. Il en était tout froissé. Dans un élan, Eclipse se redressa brusquement, mais réalisa bien vite son erreur ... Un étourdissement la plaqua sur son lit. Elle sentait ses membres qui hurlaient, ankylosés, et son estomac qui réclamait de la nourriture. Comme elle l'avait demandée, des grappes de raisin noir siégeaient dans une coupe en verre, finement sculptée, non loin de son lit. La jeune femme poussa un long soupir, tendant le bras avec délicatesse pour s'emparer d'une grappe. Aussitôt dit, aussitôt fait, le raisin fut en trois secondes en sa possession. Sauf un petit grain, insolant, qui glissa sur le plancher, roula, roula, roula jusqu'à ... une paire de pieds. Eclipse releva les yeux : le mage était là. Elle se rhabilla prestement - sa tenue était légèrement froissée - afin de reprendre contenance.
- Que souhaitez-vous ?
Sa voix était un peu enrouée, aussi toussa t'elle discrètement derrière son éventail.
- J'ai senti que vous étiez réveillée ...
- A la bonne heure ! ironisa t'elle dans un sourire. L'esprit est-il chassé ?
- Non, malheureusement non ... Nous aurons encore besoin de vos services, Eclipse.
- Soit, je vais de ce pas me préparer.
En réalité, elle ne bougea pas le petit doigt. Eclipse était encore bien affaiblie par cette attaque.
- Je me dois de vous signaler quelque chose, Mademoiselle.
- Qu'est-ce ?
- Hier soir, un homme a volé à votre secours et a ... Il est entré en contact avec l'esprit. Le dirigeant du fort l'a mis aux fers, mais je pense que vous devriez le rencontrer.
Eclipse haussa un sourcil, curieuse. Un homme avait parlé avec cet esprit ?
- Est-ce un humain ? demanda t'elle d'un ton un brin dégouté.
La nécromancienne appréciait moyennement les humains ... Alors qu'ils étaient de la même race. A la base, se chargea de clarifier sa conscience. Depuis que la jeune femme avait commencée ses activités d'intermédiaire entre les esprits et les vivants, et d'exorciste, elle ne se considérait guère plus comme une humaine.
- Oui, et un soulard semble t'il, soupira le mage.
- Parfait ! Je vais de ce pas le voir ! s'exclama t'elle en tapant dans ses mains.
Le courage lui revint aussitôt, et elle descendit vers les cachots bien rapidement, un mouchoir plaqué contre le visage - les relents des odeurs l'embarrassaient assez - dissimulant son charmant minois. Le dirigeant de ce fort refusait de laisser cet inconnu quitter les cachots, aussi devait-elle se déplacer elle-même, à talons et en jolie robe. On la siffla quelques fois, mais il suffit d'un regard noir de sa part pour qu'on se taise ensuite. Eclipse, depuis quelques temps, avait cette capacité étrange à changer ses yeux de couleurs : lorsqu'elle était enragée ou en colère, l'ensemble de son œil devenait entièrement noir. Plutôt troublant. En dix minutes, elle fut devant le cachot, et quatre secondes après, elle entra dans la cellule de l'inconnu à qui elle devait son salut, selon le mage. Le mouchoir impeccablement blanc toujours plaqué contre son nez et sa bouche, elle osa un :
- Bonsoir.
En réalité, elle ignorait tout de l'heure qu'il était.
- On m'a dit que vous me seriez d'une aide non négligeable.
Oui, elle ne faisait pas dans la dentelle ... Avec Eclipse, c'était franc, clair, net. Elle ne venait pas par gentillesse ou, pire, par compassion. Non, elle était ici par intêrét, et ne le dissimulerait sûrement pas. Même si elle était parfois infecte, elle n'était pas fausse.
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Cahir ne prit pleinement conscience de sa situation que quand les gardes plongèrent sa tête dans un bac d’eau glaciale. Une méthode infaillible contre les alcooliques. Même malgré ça, l’apatride était toujours un peu dans les vapes, et fut proprement dépouillé. On lui ôta son épée, son collier avec son pendentif en dymérite, ainsi que ses vêtements, lui laissant un simple pantalon de toile.
« Dégagez de là, les tocards ! Allez, remuez vos culs ! On vous amène un nouveau pensionnaire ! »
La porte du cachot commun s’ouvrit dans un grincement rauque, et Cahir fut proprement balancé sur un sol poussiéreux et dur. Il roula sur le sol, et entreprit de se relever, sa vision brouillée. L’apatride tenta de se relever, tituba, et alla s’asseoir contre un pilier, tandis que la grille du cachot commun se referma. Les cachots de ce fort comprenaient, outre des cellules individuelles, une grande salle commune pour les petits délinquants. Cahir commença à retrouver pied avec la réalité, ayant toutefois un violent mal de crâne. Comme si un mammouth et un oliphant se disputaient un match de boxe dans sa tête. Une main sur sa tête, il essaya de se calmer, tout en voyant un homme assez massif tenter de parlementer avec le garde.
« Allez ! Laissez-moi sortir !
- Ta gueule ! répliqua sèchement le garde. Fous-moi la putain de paix ! »
Dans un coin, un homme se tenait la tête, recroquevillé, semblant en proie à ses démons intérieurs. Cahir vit également un elfe, et tourna la tête. Un vrai asile… L’homme massif s’écarta en soupirant des barreaux, et avança vers Cahir.
« T’es là pour quoi, toi, le blanc-bec ?! »
Cahir avait la tête basse, et cet homme l’énervait. Insistant, la brute lui donna un coup de pied dans les cotes.
« Tu dors ?! T’es quoi, toi ? »
Cahir finit par relever la tête, contemplant froidement cet homme. Il y a de cela quelques années, un tel vaurien n’aurait jamais osé l’approcher de si près. Il y a quelques années, il n’aurait jamais fini dans un endroit aussi sinistre, à ce point dépouillé… On lui avait volé son épée et son collier. C’était inacceptable. Cahir regarda les gardes de l’autre côté de la grille. Ils jouaient aux cartes autour d’une table, sans vraiment se soucier de ce qui se passait dans la prison.
« T’serais pas de ces mecs-là, des fois, toi ?! Ces types qui aiment qu’on les prenne par derrière… J’peux pas les piffrer, et j’suis en rogne… Je suis au trou, tout ça parce que j’ai cogné des tricheurs. T’y crois, toi ?! Des foutus enculés de tricheurs, et c’est moi qui me retrouve en taule… Alors, ça me fout un peu en rogne. Tu t’crois supérieur à moi, p’tit con, hein, c’est ça ? »
L’homme s’énervait, et agaçait Cahir, qui entreprit de se relever. La brute l’attrapa par les épaules, et le plaqua contre le pilier. Cahir réagit en circonstance. Il frappa avec sa tête le nez de l’homme, entendant un craquement qui lui procura un bien fou, et le frappa dans le ventre, lui coupant le souffle. La brute se plia en deux, sa tête s’abaissant de manière parfaite pour se recevoir un coup de pied. Deux dents volèrent, alors que le malfrat s’écrasa mollement sur le dos. Ce fut suffisant pour les gardes.
« On se calme, là-dedans !
- Rendez-moi mes affaires !
- Bien sûr ! le railla le garde. Sa Majesté veut peut-être aussi un lit et un bon bain ?
- Rends-moi mes affaires, ducon ! »
Ce fut amplement suffisant pour que les gardes ouvrent la cellule, bien décidés à rosser Cahir. Le premier s’avança vers lui sans armes. Mauvais choix. Il tenta de la frapper avec un uppercut, que Cahir esquiva habilement, avant de répliquer en envoyant son poing dans son visage. Un coup suffisamment puissant pour sonner le garde. L’apatride poursuivit violemment, le frappant à nouveau, et le soldat heurta le mur. Un autre soldat le frappa dans le dos, mais il en fallait plus pour venir à bout d’un Corbeau Noir, même à la retraite. Chancelant, Cahir se reprit, et attrapa le soldat à la gorge, le soulevant pour l’envoyer s’écraser sur le sol. Il se reçut ensuite un autre coup dans le dos, l’envoyant par terre. Cahir s’appuya avec une main sur le sol, et utilisa ses jambes pour renverser le troisième soldat. Il se retourna, et se rua vers lui, mais se reçut un coup de pied en pleine tête, suivi d’un puissant coup de poing dans la joue, qui le sonna pour le compte.
« Forte tête, hein ? Je crois que tu as mérité une place seule, mon gars. Traînez-moi ce mec dans une cellule isolée ! »
Sonné, Cahir ne put plus s’opposer aux soldats, et récupéra ses forces, enchaîné par les mains, contre le mur d’une pièce, plongé dans la pénombre.
*Difficile de tomber plus bas… Mais ça soulage, au moins…*
Cahir resta ainsi, jusqu’à ce que des gardes viennent à nouveau le déranger. Le Corbeau Noir s’attendait presque à ce qu’ils viennent pour le frapper et le boxer, mais, au lieu de ça, il eut la surprise de voir une énigmatique femme entrer dans sa cellule. Un garde plaça une torchère dans un coin, permettant d’éclairer cette minuscule cellule. Cahir la regarda en fronçant les sourcils. Plutôt bien foutue. Mais elle n’avait pas le look de la dame de maison. Faisant un effort de mémoire, l’apatride se dit qu’il devait probablement s’agir de la femme qui avait attiré le fantôme. « Bonsoir », lâcha-t-elle. Cahir se contenta de la regarder, sans rien dire, attendant qu’elle vienne droit au but.
Elle lui parla, lui disant qu’il lui serait d’une « aide non négligeable ». Il se contenta d’un léger sourire railleur, baissa la tête, avant de plonger son regard dans le sien.
« Ça se pourrait, ouais… Vous, vous devez être la tordue qui a essayé d’invoquer ce spectre… Plus puissant que prévu, hein ? Une femme charmante, vraiment… »
Il ne se souvenait pas bien de tout, mais il avait en mémoire son nom. Et, surtout, il ne voulait pas rester dans le trou.
« J’y connais pas grand-chose en nécromancie, mais, rien qu’à voir votre tête, vous avez plus l’air d’aimer traîner dans les cryptes et les caveaux que dans les salles de bals… Je connais le nom de ce fantôme, et je sais que, pour lutter contre une malédiction, il faut savoir de quoi elle retourne. »
Cahir dévoilait ses cartes.
« Je vous donnerais son nom, et je vous aiderais même peut-être, car je n’aime pas qu’une femme me balance par une vitre, mais… Rien n’est gratuit, dans ce bas-monde. Usez de vos charmes pour me faire sortir de ce trou puant, me redonner mes effets personnels, et je vous dirais tout ce que je sais, ma chère. »
Cahir se permettait d’être railleur ; c’était tout ce qu’il lui restait. Il ferma les yeux, les rouvrit, vit qu’elle était toujours là.
« Vous attendez quoi ? Ma bénédiction ? »
Outre sa mauvaise humeur, Cahir avait une autre raison, plus personnelle, d’être désagréable. Il pouvait sentir sur cette femme l’odeur froide et cadavérique de la Mort. C’était une nécromancienne, une femme qui jouait avec ce pacte sacré qu’était la vie. Cahir ne pouvait pas supporter les nécromanciens. Même si cette dernière était plutôt belle, il n’empêche qu’elle trafiquait avec les morts. C’était malsain et glauque.
*Vivement que je me tire de ce trou-à-rats…*
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Etait-ce du ... chantage ? Certains drôles oseraient qualifier ça de simple échange de bons procédés ; une information contre un traitement de faveur. Mais pour Eclipse, c'était bel et bien du chantage. Et Dieu sait qu'elle détestait ça. La nécromancienne serra les poings, immobile face à lui, son visage n'affichant tout d'abord aucune émotion. Rien que quelque chose de glacé, propre à la mort qu'elle cotoyait. Ce bougre n'était pas aimable ? Tiens donc. Elle ne le serait pas non plus. Et puis, il l'avait traitée de tordue. De folle, en somme. Oh, que cela agaçait son ego ... Elle allait de suite annoncer la couleur à cet homme.
- Je ne suis guère altruiste.
Répondit-elle d'abord. Puis elle fouilla dans une de ses poches, extirpant une cigarette. Son exultoire à elle. Tout à coup, elle eut la sensation de recevoir une gifle en pleine figure. Elle encra son regard noir et froid dans le sien. A force de faire joujou avec les décédés et les souvenirs, Eclipse avait acquis une sensibilité aiguisée ... et incisive. Il pensait du mal d'elle, il la craignait ou la repoussait. En tout cas, quelque chose de bien peu positif. Soit. Un briquet d'argent et une légére pression allumèrent sa cigarette.
Et elle poussa un lent soupir. Elle ne pouvait qu'haïr les railleries.
- Je ne vous ferais pas sortir d'ici. Mais, d'ici peu, vous me supplierez de vous aider, croyez-moi.
Une bouffée de tabac.
- J'espère que vos appartements vous plaisent, mon cher, car vous y resterez jusqu'à ce que je le décide. Ah, et j'oubliais ...
La jeune fille quitta la pièce, sa cigarette entre les doigts, et s'adressa aux geoliers avec cette voix tranchante et caractéristique des femmes un brin pestes.
- Ne le nourrissez sous aucun prétexte.
La belle se retourna, lui adressant un sourire aussi tendre et hypocrite que possible. Un murmure :
- Nous verrons bien qui cédera le premier.
Son regard, à nouveau, glissa vers le sien. On pouvait aisément comprendre qu'il ne l'apprécie que moyennement, car on pouvait voir dans les pupilles d'Eclipse toute une foule de choses peu rassurantes, voir franchement effrayantes. Sa détermination et sa fierté étaient de marbre, croyez-moi. Elle préférait passer des journées dans la bibliothéque à rechercher qui était cette femme, plutôt que s'avouer vaincue face à un être humain. Car, oui, la nécromancienne était loin de se considérer comme une humaine.
Suite à quoi elle quitta les lieux, le son de ses talons résonnant encore un moment dans les dédales des couloirs.
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Cahir comprit qu’il avait affaire à une forte femme. Une vraie garce. De toute façon, pour être une nécromancienne, une marchande mort, elle devait forcément être une garce. Et encore, il restait poli en la qualifiant de « garce ». L’apatride avait en tête d’autres mots, bien moins polis, pour la décrire. Il ne fut qu’à moitié surpris quand elle refusa de l’aider. Tant qu’il ne la supplierait pas. Une chance pour elle qu’il soit attaché ; pour lui, elle était le genre de femmes qui avait besoin d’une bonne gifle pour se remettre les idées en place. Cahir avait suivi une éducation de militaire, le genre d’éducation où tout devait être carré, et où l’insubordination était payé à coups de taloches. Elle sortit une cigarette, manquant presque lui balancer en pleine face son tabac.
*’Tout pour me plaire...*
Un léger sourire éclaira toutefois son visage, alors que la jeune femme lui en offrait un. Un léger sourire, presque amusé, et il répondit tout simplement :
« Amusez-vous bien... Contrairement aux apparences, je crois que je suis bien mieux protégé que vous... »
Il n’avait qu’à attendre que l’ectoplasme se manifeste à nouveau. Attendre, ce n’était toutefois pas le propre de Cahir. Il n’était pas un soldat pour rien. La nécromancienne se retira, et Cahir ne pouvait pas dire ce qu’il avait envie de faire avec elle : lui donner une claque dans le dos, ou en pleine joue... Il se tourna vers les deux gardes stationnés à l’entrée de la cellule.
« Sacrée femme, hein ?
- Ta gueule !
- C’est bien ce que je me disais... »
La cellule se referma, laissant Cahir dans l’obscurité de la nuit. Levant la tête, ce dernier commença par éprouver la solidité des fers qu’il avait sur les poignets. Il força un peu dessus, pour constater qu’ils n’étaient pas énormément rouillés. Il n’aurait jamais la force physique de les briser.
*Ça m’apprendra à boire, tiens...*
Comme il avait frappé des soldats, Cahir pouvait rester en prison bien plus longtemps qu’une simple nuit. Il était passé de la case d’une simple contravention à celle d’un délit, et pouvait même être jugé. Sachant qu’il n’était ressortissant d’aucune nation, depuis que l’Empire l’avait destitué de sa personnalité, Cahir pouvait très bien rester indéfiniment en prison. Quel droit était susceptible de le protéger ? Aucun, tout simplement. L’apatride soupira. Dehors, le tonnerre s’était levé, et la pluie s’abattit sur tout le château. Les cachots étaient dans les profondeurs de la structure, et l’eau s’y infiltrait par de nombreux trous. La chance n’étant pas du côté de Cahir, ce dernier ne tarda pas à sentir des gouttes d’eau tomber sur sa tête, mouillant ses cheveux.
« J’exige de voir le prévôt... »
Les deux gardes ne répondirent pas, et Cahir soupira.
« Elle vous prend combien, pour que vous négligiez votre devoir ?
- La...
- A voir vos uniformes, on croirait avoir affaire à des soldats, mais, à bien y réfléchir, vous ressemblez plus à une espèce de vermine.
- Ferme-là ! s’exclama un garde en frappant contre les barreaux de la cellule. Ou je vais me débrouiller pour que t’sois matériellement plus en état d’ouvrir ta grande...
- Brrr... Tu ferais fureur, dans les salles d’interrogatoire, toi... »
La foudre s’abattit soudain avec fracas sur le château, frappant une cheminée. A l’intérieur du château, au-dessus des cachots puants et inondés, l’ectoplasme qui s’était manifesté par l’intervention d’Eclipse s’apprêtait à faire une autre intervention, la plus virulente qu’elle n’ait jamais fait. Elle eut lieu dans l’étroite enceinte d’une dépendance du château, la chapelle. Un seul homme se tenait à l’intérieur, priant avec passion les Dieux de l’Ordre Immaculé d’accorder leur protection. Il était le seigneur, le châtelain, et priait depuis maintenant une heure.
« Ô Seigneur, que Ta Lumière vienne balayer les noirceurs sombres des démons qui ont envahi ma maison. Je T’offre mon amour et ma dévotion pour que Tu nous protèges. Ô Seigneur, je T’en conjure, Chasse le malin qui a envahi Ta maison... »
Le puissant éclair que Cahir avait entendu s’abattit alors, et le châtelain en leva la tête, interrompant brièvement sa prière. Il contemple la massive statue d’une idole devant lui, et sentit alors un vent violent s’abattre dans l’enceinte de la chapelle, faisant souffler les bougies dans les coins. Les vitraux explosèrent brutalement, les uns après les autres, et un rire mauvais emplit toute la salle. Devant les yeux stupéfaits du seigneur, la statue en pierre se fissura brusquement, révélant de la poussière. Depuis les fissures, des araignées jaillirent alors. Noires et terrifiantes, elles jaillirent de la statue par dizaines, et cette dernière s’effondra brutalement, s’étalant sur le sol en de gros blocs disparates.
Le seigneur tenta alors de prendre les jambes à son cou, courant vers la porte de sortie, mais les bancs en bois rangés le long de la nef s’envolèrent alors dans tous les sens. Une bourrasque renversa le seigneur sur le sol, alors qu’une espèce de tornade faisait tournoyer les bancs en bois dans tous les sens, les fracassant entre eux, les envoyant se pulvériser contre les colonnes soutenant le toit de la chapelle. Hors de la chapelle, les gardes tentèrent d’ouvrir la porte, mais cette dernière se recouvrit de flammes verdâtres. Si la porte ne brûlait pas, il était impossible de la toucher sans la brûler.
« Sorcellerie ! hurla l’un des gardes. Il faut sauver notre seigneur ! »
A l’intérieur de l’église, longeant les rebords de cette dernière, d’autres flammes verdâtres s’étaient formées, se dressant dangereusement sur plusieurs mètres de hauteur, telles des griffes prêtes à fondre sur le seigneur terrorisé, dont la seule protection était la croix de l’Ordre Immaculé qu’il brandissait, hurlant au Malin de partir, n’écopant en retour que ce même rire. Un rire de femme, mais indéniablement mauvais et pervers, qui résonnait sur les murs de l’église.
-
L'appel l'avait fait frissonner. Alors qu'Eclipse était en train de se baigner, un ouvrage massif révélant les différents habitants de ces lieux posé sur le bord de sa baignoire, un frisson avait parcourut son échine. Les bougies s'étaient aussitôt éteintes, tout comme l'encens qui lui avait permis de se détendre. L'appel. La force que dégageait cette aura ne l'effrayait pas, non, mais elle avait le mérite de la motiver à quitter ce bain tranquille. Eclipse enfila une de ces nuisettes noires qu'elle appréciait tant, mettant sur ses épaules le long chale protecteur qu'elle avait acquis lors de ses premiers rituels. Il sentait la magie et la mort à plein nez, et avait survécu à pas mal de cataclysmes.
Et elle sortit de la pièce, sa sacoche entrouverte dans la main, psalmodiant des paroles étranges qui faisaient trembler les lueurs qu'elle croisait. La chapelle. La nécromancienne sentit son coeur palpiter plus vivement, et elle se pressa pour l'atteindre. C'est alors que les vitraux éclatérent. Ni une, ni deux, elle prit deux feuilles séchées qu'elle maintenait dans un bocal. Habituellement, elle en avalait un quart. Mais, cette fois, il lui faudrait perdre tout contrôle ... L'idée même l'angoissait quelque peu. Un coeur clamse souvent, après de telles doses. Au moment même où les effets grimpaient, elle entra dans l'eglise, poussant cette porte odieuse, les mains brûlées à vif, sans aucune peur ... Et s'écroula lourdement sur le sol. Son pentacle, autour de son cou, lui brulait la peau. Elle hurla au seigneur de quitter les lieux ... Et se releva.
Alors, même les gardes frissonérent, et l'esprit lui même cessa de rire. Le regard d'Eclipse était d'une noirceur effroyable : plus de globe, de pupille, d'iris, juste une vague noire. Elle respirait avec une respiration profonde et bruyante, et ses ongles étaient plantés dans les pavés. Petit à petit, sa raison la quittait, et la jeune femme au caractére extraordinairement pénible laissait place à une nécromancienne aux pouvoirs aiguisés. Quand elle ouvrit la bouche - elle n'avait pas cessée de psalmodier des incantations depuis qu'elle avait quittée sa chambre - un long hurlement sortit. L'esprit répondit. La bourrasque qui agitait les lieux menaçait Eclipse, manquant de la faire voler ... Et c'est d'ailleurs ce qu'il se passa au bout de quelques minutes. Alors que les araignées rechignaient à s'approcher de la nécromancienne, qui n'avait plus rien d'humaine, Eclipse s'envola dans les airs. Dans un cri lugubre. Tout le château l'entendait hurler, d'une voix sortie des limbes, dont le timbre restait cependant celui de la jeune femme. Même les quelques prisonniers pouvaient assister à ce spectacle auditif digne d'un concert effrayant et effroyable.
L'esprit tenta d'abord de la brûler, mais le châle subsistait. Seules ses jambes furent attaquées, léchées par ces flammes malsaines. Ceux qui pouvaient admirer le spectacle voyait alors une Eclipse que l'on lançait contre les murs, mais qui résistaient, s'efforçant de conjurer le sort. Mais, en son fort intérieur, la jeune femme savait que sans le nom de ce fantôme, elle ne pourrait rien faire. Sinon l'envoyer paître un moment, avant qu'elle ne revienne. Et c'est ce qu'il se passa au bout de dix longues minutes. L'esprit savait que, pour le moment, il ne pouvait pas s'attaquer au châtelain. Le corps de la jeune fille tomba lourdement, comme celui d'une poupée disloquée, sur les pavés. Et le calme revint.
N'importe qui serait mort. Mais mâcher de la mandragore préparée par les soins d'Eclipse pouvait rendre invulnérable une personne ... Du moins pendant un certain laps de temps. C'est le corps engourdie, les jambes incendiées, la voix brisée et les yeux rougeoyants qu'elle ouvrit les yeux, réclamant qu'on la raméne à ses appartements.
On l'installa sur son lit.
- Putain ...
La jeune femme ne pouvait que contempler ses plaies calcinées, au niveau de la paume de ses mains et le long de ses jambes. Elle n'avait même pas la force de tendre la main vers sa table de chevet pour attraper un baume qui guérirait ces séquelles douloureuses et encore brûlantes. Il fallait attendre que la raison revienne, et que ses forces soient ravivées.
- Amenez-le moi, souffla t'elle, la tête enfouie dans son oreiller.
Tout le monde savait de qui elle parlait. Tant pis pour la fierté, la douleur était bien trop importante ... Il ne demeurait d'elle qu'une sorte de poupée à la peau diaphane, portant une nuisette noire, un châle noué autour du cou, le corps recouvert d'un drap pourpre, les cheveux éparpillés sur un oreiller en satin, le regard taché de veines rougeoyantes et le souffle court. Eclipse souffla un grand coup. Jamais elle n'avait eu aussi mal de toute sa vie. Elle entendait les gardes, derrière la porte, commenter ses exploits de nécromancienne, son regard de démente et ses aventures dans cette église. Elle avait la sensation d'avoir passé une heure en Enfer.
-
De l’agitation qui avait lieu dans la chapelle, Cahir ne savait rien, mais on pouvait en revanche sentir les vibrations de la bataille qui avait lieu entre Eclipse et le fantôme. Le plafond en trembla légèrement, faisant tomber de la poussière, et les murs vibrèrent.
« Qu’est-ce qui se passe là-haut ?!
- C’est encore ce maudit fantôme ! »
Cahir espéra naïvement que les vibrations auraient pu détacher un peu les fers, mais il n’en fut rien.
« Peut-être devriez-vous aller leur prêter main-forte ? finit par suggérer ce dernier.
- Nos ordres sont de vous surveiller.
- Vous faites indiscutablement partie de l’élite de l’armée de Nexus, ironisa Cahir.
- Ta gueule. »
Cahir enrageait. De tous les châteaux de Nexus, il avait fallu qu’il tombe dans un fort rempli de cinglés. A croire que sa mauvaise étoile continuait à la poursuivre... L’agitation sembla retomber dans le fort. Impossible de savoir ce qui se passait, mais ça avait l’air assez violent. L’apatride resta là, sans trop savoir quoi faire, n’ayant de toute façon rien à faire. La pluie continuait à descendre, et il se voyait mal dormir debout. Fort heureusement, au bout de plusieurs minutes, il finit par entendre des bruits de pas, et des lumières vacillantes. Trois gardes débarquèrent, expliquant tout simplement que la nécromancienne avait demandé le « pochetron ».
Ce dernier fut détaché, et on daigna au moins lui rendre ses vêtements, mais pas ses armes.
« La confiance règne... commenta ce dernier.
- Vous avez frappé des gardes rappela le capitaine. Rien que pour ça, vous méritez d’être pendu.
- Je ne pourrais pas servir à grand-chose sans mon épée... se défendit ce dernier.
- Avec ou sans, vous ne servez de toute façon pas à grand-chose. »
Cahir soupira. Il était relativement tentant de fracasser le crâne de ce garde contre le mur, mais il s’abstint. Face à toute une garde, il n’était pas spécialement sûr de réussir à en sortir indemne, surtout sans ses armes. On lui avait au moins permis de récupérer son collier, et c’était sans doute l’arme qui lui serait la plus efficace contre un fantôme et une nécromancienne. Le pendentif de son collier comprenait en effet un cristal en dymerite, dont les effets étaient bloqués par le pendentif. S’il l’ouvrait, la dymérite permettrait de canaliser toute la magie dans son champ de proximité.
Il fut conduit dans la chambre d’Eclipse, qui était bien plus attirante que sa cellule. Cahir avait les cheveux trempés et collés sur son front à cause de la pluie. La nécromancienne semblait épuisée, et, sans attendre une invitation de sa part, Cahir alla s’asseoir sur un fauteuil.
« Vous m’avez l’air fatigué, commenta-t-il simplement. Mais, comme je suppose, et je l’espère, même, que vous ne m’avez pas fait sortir de ce trou puant pour partager votre couche, je vais aller droit au but... »
La confrontation avec le fantôme avait laissé Eclipse dans un drôle d’état. Cahir ignorait ce qui s’était passé, mais, pour que cette femme en vienne à aller le chercher, ça avait du être violent. Il savait qu’elle désirait obtenir le nom du fantôme, aussi Cahir ménagea-t-il un silence de quelques secondes, avant de finalement lâcher :
« Je crois que j’ai oublié son nom... » finit-il par dire.
Quand elle s’était présentée à lui, il était bourré, et n’avait pas spécialement fait attention.
« Le mieux est d’aller aux archives de la bibliothèque... Je finirais bien par le retrouver rajouta-t-il rapidement, avant qu’Eclipse n’ordonne qu’on le dépèce sur place. Du moins, j’espère... »
-
Je vous l'accorde, elle aurait pu hurler, le maudire, lui lancer tout ce qu'il lui passait par la main en gueulant des insanités ... Mais non. Elle n'en fit rien. Elle se contenta de pousser un très lent soupir, tout en se redressant, appuyée sur ses coudes, faisant craquer au passage toutes ses vertébres. Pas question d'utiliser ses mains pour le moment, elles étaient bien trop endolories. Sans rien ajouter à ce qu'il venait de dire, elle se glissa sur le bord de son lit, évitant à tout prix que son visage refléte la douleur qu'elle ressentait au moindre geste, et attrapa le baume. Le contact fut assez douloureux. Une simple larme sur sa joue gauche vint trahir son calvaire. Elle avait la sensation que son corps était à vif, plus fragile que jamais. Elle mit vingt secondes à ouvrir le flacon, avant d'en étaler le contenu - une créme blanche, banale, mais dont l'odeur était plus qu'exquise - sur les paumes de ses mains. Au fond, elle se préoccupait à peine du fait qu'il soit là. Elle devait à tout prix reprendre contenance. Eclipse détacha son châle.
Puis elle parla, d'une voix un brin brisée, encore fatiguée.
- Je l'espère aussi.
Miracle, elle n'était pas désagréable ! Enfin, juste un peu froide, mais cela ne changeait guère les choses. Une fois ses mains réparées, elle souleva le drap et découvrit ses jambes. Couvertes de griffures calcinées, elles étaient assez effrayantes. La douleur était encore bien là, ardente et vivifiante. La nécromancienne, alors, mit patiemment le baume le long de ses brûlures.
- Je pense qu'elle a été damnée. Les Enfers la suivent, je les reconnais. Et puis ...
Eclipse se tut, fronçant les sourcils. Elle se tourna vers Cahir.
- Je pense que cela ne vous intéresse guère, de toute manière. Passez-moi mon sac, qui est à côté de vous.
Ce sac contenait ses accessoires - pentacles, herbes, philtres en tout genre - et surtout ses vêtements. Elle n'allait pas passer la journée en nuisette.
- Rassurez-vous, je ne compte aucunement vous inviter dans ma couche. Je suis une personne raffinée, et ... Cela m'empêche de faire pas mal de bêtises. Comme coucher avec des ivrognes.
-
Visiblement, la nécromancienne n’était pas en forme. Elle était fatiguée, et, silencieusement, Cahir la regarda distraitement nettoyer son corps, passant des espèces de pommades pour essuyer son corps meurtri. L’apatride regarda silencieusement la pièce. Eclipse n’était qu’une invitée ici. Une invitée de marque, pour dormir dans une si belle pièce. Il vit un tableau représentant le fort, ainsi qu’une cheminée. C’était largement préférable aux oubliettes. Elle lui parla brièvement du fantôme. Sa théorie était qu’elle était damnée, mais, comme elle le comprit rapidement, l’apatride s’en moquait totalement. Il ne se donna même pas la peine de lui répondre. Qu’elle obtienne son fichu nom, et basta ! En temps normal, Cahir aurait peut-être été dans le lit pour profiter de son corps, mais il se voyait mal coucher avec une femme qui réveillait des cadavres. Même quand cette femme était plutôt bien foutue.
Obéissant à sa requête, il lança son sac sur son lit. Elle avait beau se prétendre forte, elle n’avait pas le corps solide d’une guerrière. Cahir ignorait ce qui s’était passé, mais il était convaincu que cette dernière pouvait tout à fait mourir contre cet ectoplasme. La jeune femme finit par le provoquer à nouveau, estimant qu’elle ne partageait pas sa couche avec des « ivrognes ». Sur ce point, l’ancien soldat ashnardien sourit lentement, et répondit :
« Je crois que j’ai sous-estimé la puissance des alcools nains... lâcha-t-il tout simplement. Si jamais vous faites une cuite, évitez la vodka naine », la conseilla-t-il.
Cahir avait toutes les raisons du monde de boire un peu. Il avait tout perdu, et était maintenant un vagabond, lui qui, autrefois, avait été un soldat d’élite, un homme à qui une grande carrière l’attendait. Quelqu’un qui aurait pu finir Général, ou même Grand Maréchal. Au lieu de ça, il errait dans des châteaux pourris, et devait converser avec des manants, tout en devant s’allier avec des nécromanciennes. Dans un coin de sa tête, l’apatride se dit, dans cette contradiction si propre aux humains, qu’Eclipse le trouvait toutefois à son goût, puisque la seule chose qui l’empêchait de l’accueillir dans son lit était son haleine. Distraitement, Cahir souffla en mettant sa main devant lui. Il avait encore la senteur de l’alcool dans la bouche.
*Et les nains prétendent boire ça comme du petit lait... Il faudra que je me méfie des racontars des demi-êtres, maintenant...*
L’apatride finit par se lever. Il aurait pu dire à Eclipse qu’il n’était pas un saoulard, mais il n’avait pas besoin de se justifier devant elle. Comme il sentait qu’elle allait se changer, il inclina légèrement la tête.
« Je vais vous laisser vous changer en paix, ma chère... Même quelqu’un qui marchande avec la Mort mérite un peu d’intimité... »
Il sentait peut-être l’alcool, mais, pour lui, elle, elle puait la mort. Certes, elle n’avait pas sur elle une odeur désagréable, mais... Disons que c’était instinctif. L’apatride sortit pesamment de la pièce, fermant la porte derrière lui pour se retrouver dans le couloir, face à un garde. Jalousement, il lorgna l’épée de ce dernier. Elle était de mauvaise facture, mais il en avait au moins une. Sans son arme, Cahir se sentait étrangement incomplet, comme s’il lui manquait une partie de son corps. L’homme s’adossa contre le mur, baissant les yeux.
-
Eclipse le regarda quitter la pièce, et s'affala sur son lit sans aucune grâce. Elle avait la sensation que son dos était en morceaux, en lamelles ... Bref, en bien mauvais état. Elle aurait donné beaucoup pour un massage. D'ailleurs, au moment même où elle se leva de son lit pour aller se préparer, elle griffona un mot sur un bout de papier, exigeant la venue d'un masseur ou d'une masseuse. Elle détestait se sentir aussi vaseuse, aussi vaporeuse. Silencieusement, elle s'habilla, enfilant un jupon en lin, blanc, et un corset toujours aussi pourpre, aux lacets blanc ivoire. Les bas, les chaussures, les bijoux se posérent sur elle mécaniquement, et elle se dirigea doucement vers sa salle d'eau. Quand elle se croisa dans le miroir, elle manqua de sursauter. Ses cheveux, qu'elle attachait normalement avec une minutie extrême, étaient lâchés, complétement décoiffés. Eclipse mit d'ailleur 5 bonnes minutes à défaire les noeuds qui s'y trouvaient, attachant sa chevelure comme à son habitude : un chignon maintenu par des pinces. Elle se maquilla soigneusement, puis remit son long châle sur ses épaules, avant de prendre sa sacoche.
Quand elle sortit de son chambre, il était encore là. Elle ne lui adressa même pas un sourire, se contentant d'un :
- Suivez-moi, je vous emméne à la bibliothéque.
Si Eclipse aimait si peu les humains, au point de les mépriser bien souvent, c'est parce qu'ils faisaient de même : une femme qui empeste la mort, on la rejette. Alors ces gens qui se moquaient si bien d'elle et la regardait d'un air hautain, elle leur rendait la pareille. Et puis, elle se sentait bien supérieure à eux, aussi. Oui, l'égo d'Eclipse, c'est quelque chose. Elle avait beau ne pas aimer la compagnie des humains, elle leur rendait service sans rechigner.
Ce qu'elle précisa, d'ailleurs, sur le chemin de la bibliothéque.
- Je peux comprendre que je vous repousse ... La mort repousse les vivants, c'est assez logique.
Vite, elle chercha une cigarette. Un plaisir parfait, et un exultoire dont elle ne pouvait se passer.
- Mais tâchez de ne pas oublier qui prend les risques, dans cette histoire. Ou dans toutes les histoires d'exorcisme, d'ailleurs ...
Sans vouloir se faire passer pour une victime - le ton de sa voix n'était d'ailleurs pas plaintif, plutôt ... autoritaire, comme d'habitude, et assez froid - elle ingurgitait de nombreuses potions & plantes, qui n'étaient pas sans risque. Elle alluma à nouveau sa cigarette.
- Vous sentez l'alcool, et je sens le tabac. Nous sommes quittes, n'est ce pas ?
Dit-elle dans un sourire aussi odieux, tout en poussant la lourde porte de la bibliothéque. C'était un endroit assez massif, où une foule d'ouvrages se reposaient dans la poussière et la moisissure. L'odeur lui piqua le nez, aussi tira t'elle une nouveau bouffée sur sa cigarette.
- Soit dit en passant ... J'aime assez peu la vodka naine. Je préfére le vin français, ou le rhum des Antilles.
Lança t'elle avant de se séparer de lui, pour déambuler entre les étagéres, cherchant un quelconque arbre généalogique, ou un ouvrage relatant les vies des différents occupants de ces lieux.
-
Elle avait beau trafiquer avec les morts la nécromancienne prit tout son temps pour sortir. Bras croisés, le corps fermé, dans une attitude qui n’encourageait guère à lui parler, Cahir l’attendit patiemment. Difficile de dire ce qu’il ressentait pour cette femme. Il la détestait, oui. Non pas parce que c’était une garce, mais parce qu’elle empêchait les morts d’avoir le sommeil éternel. Les nécromanciens invoquaient les morts, et, pour un guerrier comme Cahir, la mort, c’était l’heure du repos. Le Valhalla nordique des Terriens, ce lieu emblématique où les guerriers pouvaient enfin se reposer. Ce n’était donc pas que de la superstition... Du moins, il essayait de s’en convaincre. S’il avait envie de la gifler pour ça, il devait aussi dire que son côté « garce arrogante » n’était pas sans lui déplaire. C’était une femme typique d’Ashnard. Bien loin de la soumise qui tremblait devant son mari. Le genre de femme dont Cahir avait toujours eu envie, sans jamais oser se l’avouer. Ce n’était pas pour rien si, à une certaine époque, il préférait lorgner sur ses camarades de guerre du sexe opposé plutôt que sur sa femme, dont le seul intérêt avait été de renforcer la puissance de sa famille, et de lui fournir un héritier légitime.
*Un héritier qui a sûrement été tué ou abandonné, maintenant... A quoi sert le fils d’un apatride ? Il ne fait qu’apporter l’opprobre sur la famille... A leur place, j’aurais fait de même...*
Il se disait que ça ne lui faisait rien. Rien de savoir qu’il avait peut-être, quelque part dans Ashnard, une descendance qui vivait dans un orphelinat sinistre. Il essayait de s’en convaincre, mais n’était lui-même pas très sûr de ce qu’il éprouvait. Un fils, ce n’était pas rien non plus, après tout... Et pourquoi désirait-il tant rentrer à Ashnard, tant retrouver sa gloire perdue ? Pour sa famille ? Pour le prestige d’un nom qu’il n’avait plus le droit de porter ? Ou pour avoir la chance de retrouver son héritier, le seul qui serait à même de lui succéder ? Plongé dans ses pensées, il en sortit quand la porte s’ouvrit, relevant la tête. Il toisa Eclipse des pieds jusqu’à la tête. Elle avait visiblement pris un bain, et s’était proprement rhabillée. Elle se débrouillait pour qu’on ne remarque pas qu’elle était en piètre état, mais Cahir était un militaire expérimenté. Rien qu’à voir sa démarche lancinante, on pouvait voir qu’elle souffrait. Elle gardait la tête haute, froide et fière.
*Elle aurait du être à Ashnard... Si elle avait été une guerrière, je l’aurais sans doute formé...*
Silencieusement, Cahir la suivit, essayant de se replonger dans la situation actuelle. Elle finit par lui parler un peu, lui disant qu’elle comprenait, mais que c’était elle qui prenait les « risques ». Cahir rétorqua assez rapidement :
« Rassurez-vous, quand notre fantôme se pointera, c’est sur moi qu’elle passera ses nerfs... Il paraît que j’ai un don naturel pour agacer les femmes. »
Il plaisantait. C’était tout ce qui lui restait. Ça, ainsi qu’un cheval, une armure, une épée, et un cristal en dymerite. Le dédain, c’était son seul bouclier comme la dépression lancinante qui le guettait, cette dépression qui l’avait amené à boire comme un trou, et à finir dans les cachots. Eclipse sortit à nouveau une cigarette, se permettant une nouvelle remarque à laquelle Cahir répondit par un haussement d’épaules. Ils s’avançaient le long des sombres couloirs. A travers les vitres immenses, Cahir pouvait voir que la pluie continuait à s’abattre avec rage. Quelques éclairs permettaient de voir brièvement une région montagneuse remplie d’arbres.
Ils atteignirent les portes massives de la bibliothèque. Cahir essaya de les ouvrir, mais Eclipse fut assez rapide, et il se contenta de la suivre. La bibliothèque dégageait une odeur poussiéreuse et de moisi, qui attaqua également les narines de Cahir. Rien à voir avec la grande bibliothèque impériale d’Ashnard, qui était immense, et très bien entretenue. Cette bibliothèque semblait avoir été bâtie dans une ancienne aile délabrée du fort, et comprenait ici et là des étagères remplies de livres sans signe distinctif particulier. Ils n’étaient pas classés, et plusieurs chaises en bois avaient été rouillées par les mites, sans compter les multiples tas de poussières dans les coins et les toiles d’araignées.
Alors qu’il inspectait du regard les lieux, il entendit Eclipse commenter le vodka naine, y préférant des alcools terriens.
« Je vais confiance à votre langue », répliqua-t-il rapidement, n’ayant, pour sa part, jamais goûté les vins exotiques de la Terre.
Eclipse s’écarta ensuite, et Cahir s’avança. Il s’empara d’une chandelle, et commença à inspecter les livres. Des pages jaunies pour la plupart, et il eut même la surprise de voir une araignée débarquer entre les pages d’un gros manuscrit. Peu à peu, Cahir finit par comprendre que les livres semblaient classer dans un certain ordre, mais il n’y avait aucune moine archiviste pour les classer et les nettoyer, ce qui avait fini, au cours des siècles, par donner à cette bibliothèque cet air de vétusté. Se détachant des livres, Cahir se dirigea vers une porte en bois dans un coin, qui était fermée.
*Si je ne me trompe pas, elle doit mener aux archives...*
La porte étant ancienne, il l’ouvrit d’un bon coup de pied, fracassant la serrure. Une chauve-souris s’envola en piaillant, et Cahir entra. Il trouva rapidement ce qu’il cherchait. Un rouleau de parchemin qu’il emprunta, l’étalant sur une table. Il s’agissait des plans du château. D’autres parchemins comprenaient également des plans, remontant à chaque fois en arrière. Laissant les parchemins sur la table, l’apatride monta sur une plate-forme à l’étage. L’escalier craquait sous son poids.
Déposant la chandelle sur une rambarde, il sortit un livre, et lut le titre : « Contes et légendes ancestrales ». Vu la qualité des enluminures, le livre semblait assez récent. Regardant aux premières pages, Cahir vit le nom de l’imprimeur, Anthony ainsi qu’une dédicace écrite à la main de l’imprimeur : « Pour le fils de notre seigneur bien-aimé. Puissent ces histoires vous apporter la sagesse des Anciens. » Le livre était plutôt en bon état, ce que les enluminures et autres illustrations confirmaient. Allant à la fin, Cahir trouva même une table des matières, et commença à lire les titres des différentes contes locaux :
« I – L’ours blanc et le lièvre endormi
II – Le crépuscule des Anciens
III – La fable de l’oiseau et de l’ékinoppyre
IV – L’histoire fantastique de Lord Höllster
V – Les deux Géants et le Lion
VI – L’Énigme de l’Oie blanche
VII – Le Labyrinthe des deux Rois
VIII – La légende maudite de la Comtesse Marjorie
IX – La statue à deux Têtes »
Cahir s’arrêta en voyant ce nom. Marjorie. M-A-R-J-O-R-I-E. Il eut soudain un flash, un déclic, où il vit une espèce de sombre silhouette s’envoler vers lui, avant de l’envoyer valdinguer...
« La Comtesse Marjorie... Marjorie de... Marjorie de quoi, déjà ?! Merde, je l’ai sur le bout de la langue... »
Il se rendit au huitième conte, remuant le livre à plusieurs reprises, tandis que les planches en bois continuaient à dangereusement craquer sous son poids. Il atteignit finalement la page recherchée, et la tourna pour voir le texte. A gauche, une illustration (http://fc05.deviantart.net/fs71/f/2012/025/3/5/354f0abb1b87cbb17f62f7283d49173d-d2xgi9f.jpg), avec la mention suivante : « On dit que l’amour donne la force à un être de soulever une montagne pour sauver la personne qu’elle aime. Aucun individu ne devrait avoir la force de soulever une montagne ». Cahir consulta le conte, mais son pied heurta soudain une planche branlante. L’estrade émit un antique grincement.
« Bordel de... ! »
Ce fut tout ce que l’homme réussit à dire, avant que l’estrade ne s’effondre sous son poids. Dans un hurlement, Cahir s’écrasa violemment sur le sol, se recevant plusieurs morceaux de bois sur la tête, en lâchant le livre qui se mit à rouler sur le sol, s’ouvrant à la page de l’illustration. Un gros rat passa alors sur sa tête, heurtant son nez.
« Saloperie d’enfoiré de putain d’enculé de rat de merde ! » jura-t-il de rage, pour se détendre.
S’il jurait, c’était le signe qu’il allait bien, même si la chute l’avait un peu sonné.
-
Dés qu'il s'était dirigé vers les archives, Eclipse l'avait suivie à pas de louve. Un parchemin sous le bras, où se trouvait un arbre généalogique assez impressionnant, mais qu'elle avait parcourue rapidement, elle s'était calée derrière lui, le regardant s'activer. Ah, ce qu'elle l'enviait ... Quand elle avait de la vodka dans le sang, la nécromancienne peinait à construire une phrase correcte et pleine de sens, alors fouiner pour essayer de se souvenir de quelque chose ... Impossible. L'alcool lui servait à cela après tout : à oublier son nom, son corps, l'espace tout entier. Mais ne philosophons pas sur les vertues de l'alcool, et concentrons-nous sur ces recherches. La vie de beaucoup de gens en dépendaient, et celle d'Eclipse en premier. Quand elle vit l'estrade s'écrouler, elle ne put s'empêcher de rire doucement, ne faisant pas un seul geste pour l'aider. Ne croyez pas qu'elle soit cruelle, au point de s'amuser du malheur des autres, mais ... Ses nerfs, sa patience, et puis sa froideur s'ébranlaient quand elle était un brin épuisée.
Ainsi, elle admira le spectacle, avant de s'approcher, ouvrant des yeux ébahis en entendant ces insultes. Si la nécromancienne était une personne raffinée, élégante, aimant les belles choses, elle devait avouer avec un sourire en coin que les personnes qui usaient d'un langage cru l'amusait assez, surtout dans certaines circonstances ... Non, mais tu te calmes ? lui hurla sa conscience. Eclipse poussa un lent soupir. Foutues hormones.
- Toujours vivant, à ce que j'entends ...
Lança t'elle sans cesser de sourire, un brin moqueuse, mais sans aucune méchanceté. Puis, curieuse, elle dirigea son regard vers l'ouvrage, sur le sol. L'illustration l'intriga, au point qu'elle ne cherche même pas à s'approcher de Cahir pour l'aider à se relever. La jeune femme prit le livre dans ses mains, intriguée face à ce dessin.
- Il fut un temps où j'apprenais la voyance, grâce à ma mère ... Oh, je n'avais pas ce don, mais j'étais intriguée par toutes ces cartes, et ces dessins. Et, là ... Ce dessin ...
Ses doigts fins trottérent le long des lignes de l'illustration.
- "On dit que l’amour donne la force à un être de soulever une montagne pour sauver la personne qu’elle aime. Aucun individu ne devrait avoir la force de soulever une montagne."
Récita t'elle doucement de se permettre un :
- Naisierie stupide.
Oui, bon, je pense que vous avez compris que les relations humaines, ce n'était pas vraiment le trip d'Eclipse. Pour elle, l'amour n'était qu'une vaste légende. Quelque chose de chaud et glacé, d'enivrant et d'angoissant. Un foutu paradoxe qu'elle s'efforçait de détester.
- Quand une femme se damne pour un homme, qui ne respecte pas sa promesse et son engagement envers elle, cela peut s'avérer, disons ... corrosif. Tout autant qu'espèrer marchander avec les Enfers lorsqu'on est pas nécromancier.
Eclipse poussa un long soupir. Elle crevait d'envie de s'allumer une cigarette, tout en sachant que ce serait une très mauvaise idée. Après avoir récitée ces mots, elle ne put s'empêcher de frissonner ... Les esprits damnés adoraient venir posséder les corps d'autres personnes. Et l'idée même que cette Marjorie cherche à la posséder l'emmerdait assez. Oui, bon, elle n'avait pas peur, cela lui était arrivée plusieurs fois. Mais si vivre une possession est relativement pénible, vivre une après-possession est encore pire. Le corps est traumatisé, et se révolte à sa manière. C'est assez emmerdant, quoi.
Puis elle se tourna vers Cahir.
- Qu'en pensez-vous ? Votre mémoire vous revient ?
-
Des chutes, Cahir en avait connu. Certaines plus hautes que celles-ci. Ça n’avait jamais été agréable, surtout quand un rat vous marchait dessus, mais ça avait au moins le mérite de réveiller très rapidement quelqu’un. Se retournant, l’apatride finit par se relever, Eclipse préférant observer le livre.
*Et elle prend tous les risques... maugréa-t-il. ’Fichue nécromancienne..*
Elle commentait l’illustration, récitant à haute voix le proverbe. Chaque conte était un apologue, avec une morale, qui était indiquée à l’entrée. Cahir ne connaissait pas la teneur de ce compte, mais, rien qu’à lire ce proverbe, il savait de quoi ça parlerait. Une histoire d’amour qui avait du mal finir. Un grand classique, en somme. Mais quelle autre passion était suffisamment forte pour permettre de mettre en échec la mort ? Sûrement pas l’avarice ou la cupidité. « Niaiserie stupide », commenta-t-elle simplement. Il ne répondit pas là-dessus. Cahir avait bien compris qu’Eclipse était du genre à vivre seule, ou, à défaut, dans une crypte.
*On dit les nécromanciens nécrophiles, songea alors Cahir. Hum... Non... Elle a un beau trop cul pour se contenter de squelettes décrépies...*
Elle lui posa alors une question, et Cahir haussa les épaules.
« Ce que j’en pense, c’est que ce conte ressemble bien trop à ce que nous vivons actuellement pour n’être que le produit d’une simple imagination. Permettez... »
Cahir récupéra le livre, et alla le poser sur une table, à côté de la série de parchemins représentant l’architecture du château à travers les âges. Des plans, c’était toujours utile, même s’il ne voyait pas encore en quoi. Cahir commença à rapidement lire ce conte. Il concernait naturellement ce château-ci, et se tenait lors d’heureuses périodes : des fiançailles. Des fiançailles entre le jeune seigneur héritier, âgé de neuf ans, et la Comtesse Marjorie, âgée de vingt-quatre ans. Il ne fallait pas lire plus loin pour comprendre que c’était un mariage politique, décidé par les parents. Que le narrateur choisisse de commencer par là illustrait le parti pris de l’auteur. Juste après, on s’intéressait à Marjorie, qui était amoureuse de l’écuyer de son frère, chevalier. Une telle romance n’avait pas été du goût du père, qui avait déchu l’écuyer, confisqué les biens et les terres de sa famille, et fait fouetter ce dernier sur la place publique jusqu’à ce qu’il meure, dans une longue agonie, contraignant ensuite Marjorie à se marier.
Pour l’heure, il n’y avait rien de vraiment intéressant ou original. En tournant une autre page, Cahir vit alors une autre image (http://fc06.deviantart.net/fs70/f/2012/025/7/e/7e951034498d221abb40596f5b86ba08-d2x8g6m.jpg). Une robe de mariée. La Mort. Un sablier rougeâtre. Le temps et la vie... Une scène de mariage maudite... Marjorie avait difficilement accepté la déchéance de l’homme qu’elle aimait. Elle en avait pleuré toutes les nuits, ainsi que le disait le conte. Cahir soupçonnait qu’elle avait du faire plus que ça, connaissant l’élan naturel des femmes à exprimer leurs passions. Elle avait fini par recevoir la visite, lors d’une nuit d’orages, d’une femme, une « vilaine fée » qui lui avait offert la possibilité de retrouver son amant dans l’au-delà, si elle sacrifiait une vie d’importance... Comme son récent époux.
Marjorie avait accepté, et avait tué dans le lit son jeune époux. Elle avait ensuite été pendue, et son geste inconsidéré avait provoqué la disparition de toute sa famille. Fin de l’histoire. A aucun moment, leur nom n’avait été prononcé.
« Bon... lâcha Cahir. Je sais que ce fantôme s’appelait bien Marjorie, mais son nom... Hum... Bo... Bophis, Bophedor, Bolopho... Raah, putain ! »
Il frappa d’un coup sec sur la table, n’arrivant pas à s’en rappeler. Foutue vodka... Secouant la tête, l’apatride regarda Eclipse.
« Je pense que notre chère Marjorie a du aller voir une nécromancienne, ou en convoquer une dans son désespoir. Sachant que le mariage n’a pas été consommé, je pense que les parents ont du l’annuler. C’est ce que les miens auraient fait, en tout cas. Qui aurait envie d’avoir dans son arbre généalogique l’histoire d’une femme qui tue un gosse ? »
Le nom de famille de la Comtesse avait du être censuré dans cette région, et Cahir pensait que même le Comte ignorait cette histoire. Soupirant, ce dernier demanda alors à Eclipse :
« Vous pouvez m’en passer une ? J’ai besoin de me détendre... »
Cahir fumait peu, vie guerrière oblige, mais il estimait que la situation actuelle autorisait quelques exceptions.
-
Ni une, ni deux, la jeune femme planta une cigarette entre ses lèvres, l'allumant avant de lui tendre, pour ensuite s'en allumer une. C'était bien ça, son péché ... Elle poussa un long soupir, avant de s'approcher davantage de l'illustration. Elle avait lu au même rythme que lui, sans faire aucun commentaire. L'histoire ne l'avait aucunement bouleversée, au point qu'elle en vienne à se demander si elle était capable de ressentir quelque chose. Ses drogues lui niquaient les sens, mais elles lui étaient indispensables pour continuer à exercer sa "profession" sans risquer de mourir à chaque instant. Eclipse tira une large bouffée de tabac, laissant le silence s'insinuer pendant un moment.
- A cette époque, on disait qu'une femme avait deux choix, pour survivre. Se marier, ou se prostituer.
Un sourire un brin moqueur.
- Au final, c'est la même chose.
Elle fit claquer sa langue contre son palais, sa main droite tapotant l'ouvrage. Eclipse était du genre à aimer les drames - sans blague ... - et les histoires de sang, d'héritage, d'amour maudits. Au point qu'elle passait des heures, chez elle, à regarder des films où des empereurs et des impératrices conspiraient les uns contre les autres. C'était son petit plaisir personnel, disons.
- Putain, un esprit vengeur ... Oh, misére, que ces morts là sont pénibles. La rancune est le pire des défauts, chez les morts comme chez les vivants.
Une nouvelle bouffée de tabac, un nouveau silence.
- Il me faut son nom, pour la chasser. Elle reviendra plus puissante, à chaque fois, et pourra causer de nombreux dégâts, si nous n'agissons pas tout de suite.
Une myriade d'idées se bousculaient dans son esprit. Si Eclipse parvenait à connaître son nom, elle pourrait exorciser les lieux. Ce serait une vrai partie de plaisir, à n'en point douter. La jeune femme, à nouveau, tira sur sa cigarette, se détachant de l'ouvrage. Et quelque chose se passa. Enfin, sous ses pieds, en tout cas. En reculant du livre, le talon de la chaussure d'Eclipse avait heurté quelque chose. Quelque chose qui avait été libéré par la destruction de l'estrade. La jeune femme se pencha doucement, ses doigts palpant sans aucune peur les pavés infects. Une pierre avait été délogée, et son talon s'était enfoncé dedans. La nécromancienne poussa la pierre, enfouissant sa main dans le trou, et ses doigts reconnurent quelque chose. Au bout de vingt secondes, elle parvint à attraper quelque chose, qu'elle garda serrée dans son poing.
- Finalement, vous m'êtes assez utile. Je ne regrette plus de vous avoir sortit de ce cachot.
Quand Eclipse ouvrit le poing, c'était pour dévoiler un médaillon. Où le nom d'une certaine M. de Bophessa était gravé.
- Les archives ne sont pas loin des anciennes écuries, et j'ai ouïe dire qu'avant, on trouvait ici une salle d'eau, où les personnes se rafraichissaient après leur séance d'équitation ... Concernant cette chère Marjorie, ce devait être une forme d'équitation assez palpitante, d'ailleurs ... Bref. Une salle d'eau transformée par la suite en archives, dans le prolongement de la bibliothéque.
-
Cahir accepta sans difficulté la cigarette. Il la prit entre ses lèvres, et toussota légèrement. Il n’avait pas fumé depuis bien longtemps, et trouvait cela rapidement insupportable. L’odeur de tabac l’agressait, mais il n’y fit pas spécialement attention. Ça lui permettait de penser à autre chose. Eclipse soliloquait, commentant à sa manière le conte. Elle envisageait un mariage politique comme une sorte de prostitution. L’image était à la fois fausse et inexacte. Un mariage politique, c’était plutôt généralement assez chiant. Une fois la consommation faite, les époux passaient leur temps à se tromper. Cahir en savait quelque chose. Eclipse désirait le nom de cette femme, et Cahir ferma les yeux, essayant de se concentrer, mais sans réussir. Le mot était là, sur le bout de sa langue, brûlant, mais il ne parvenait toujours pas à remettre le nom.
*C’est frustrant...*
La nécromancienne heurta soudain, avec le talon, un trou entre deux planches. Intéressé, Cahir la regarda s’agenouiller. L’effondrement de la terrasse avait délogé une pierre, et Eclipse en sortit un petit objet qu’elle garda enfouie dans la paume de sa main. Elle le regarda ensuite, et se permit de lui adresser un compliment.
« Vous n’avez pas idée de ce dont je suis capable » rétorqua simplement ce dernier.
Il jeta la cigarette sur le sol, à moitié consumée, et l’écrasa du talon. Elle lui montra ensuite l’objet. Un petit médaillon doré, avec un nom gravé dessus. Un « M. » pour « Marjorie », suivi de...
*Bophessa ! Marjorie de Bophessa !*
Ce fut comme si une lumière venait d’illuminer son esprit. Bophessa ! C’était bien ça ! Il fut tenté de le dire à Eclipse, mais cette dernière se lança dans une longue tirade. Cette bibliothèque était apparemment d’anciennes thermes. Cahir hocha rapidement la tête, et désigna du doigt le médaillon.
« Bophessa... C’est ainsi que ce fantôme s’est présenté à moi... J’avais le nom sur le bout de la langue... La Comtesse Marjorie de Bophessa ! »
Il hocha la tête. Personnellement, il ne savait pas en quoi ce nom était si important, n’étant pas nécromancien, mais c’était sans importance. Eclipse avait enfin le nom de cette femme. Cahir n’avait dès lors plus qu’à partir... En tout cas, en attendant que la tempête se termine. Il s’avança un peu, avant de lâcher :
« Mais, dites-moi... Qu’est-ce qui a pu amener ce fantôme à revenir dans ce château ? Je pense que cette histoire avec la Comtesse a du se dérouler il y a des siècles... Pourquoi maintenant ? »
L’apatride la regarda ensuite, arrivant à la fin de sa réflexion :
« Si quelqu’un l’a invoqué... Il est possible que cette personne l’invoque à nouveau, si jamais vous la scellez... Si toutefois vous arrivez à la sceller. Compte tenu de votre précédent succès en l’ayant invoqué... Et, malgré vos talents, et sans vouloir vous offenser, vous n’avez pas un corps très résistant. Si elle vous balance à travers une vitre, je crains que votre dos déjà endolori nécessite des opérations médicales intenses. »
Cahir ne savait pas trop pourquoi il lui disait ça. Sans doute parce que, derrière ses airs de garce et de nécromancienne, dans un sens, elle lui plaisait.
« Mais bon, peu importe... rajouta-t-il en se dirigeant vers la sortie. J’en ai assez de ce château pourri... Chassez les fantômes si vous le voulez ; demain, j’irais là où le vent me portera. »
-
La nécromancienne écouta ses questions attentivement, tout en rangeant le collier dans une bourse en cuir, qu'elle noua à sa taille. Cet élément serait crucial ... Mais elle ne pourrait pas lui expliquer le comment du pourquoi. Des histoires d'aura, de revanches, d'esprits frappeurs, de fluides ... Tout une galaxie qu'elle connaissait sur le bout des doigts, après l'avoir étudié durant de longues années. En faire un résumé, là, en trentes petites secondes, ne serait pas consistant. Et puis, elle s'embrouillerait forcément. Comme je vous l'ai dis, Eclipse n'est pas douée pour faire du social. Elle parlait peu, fréquentait peu de gens, et s'en portait très bien. Le silence et la cigarette étaient encore ses alliées favoris. Quand il se permit un " Vous ne savez pas de quoi je suis capable ", la nécromancienne ne put retenir un sourire. Mais quand il remit en question ses capacités et sa résistance ... Là, elle fronça les sourcils. Elle n'aimait guère que l'on doute d'elle.
Aussi plongea t'elle sa main dans sa sacoche, pour en extraire un flacon de verre, où des feuilles séchées se reposaient.
- De la mandragore, préparée par mes soins. Cela vous rend immortel. Cette comtesse m'a jetée contre des murs, m'a brûlée vive, mais je suis encore debout. Je suis très endurante.
... Etait-ce un sous-entendu délicatement dissimulé ? A en voir son regard amusé, oui. Mais elle continua bien vite sur un ton plus sérieux.
- Les esprits peuvent voyager comme ils le souhaitent, entre notre monde et le leur. Il y en a partout, tout le temps, autour de nous. Certains se manifestent, d'autre non ... Et certains spectres peuvent attendre des années avant de refaire surface. Il est possible de Marjorie de Bophessa se ...
Un frisson parcourut son échine aussitôt. Eclipse eut la sensation, soudain, qu'un vent frais s'était insinué dans la pièce, et même cet homme face à elle devait le sentir. Son regard osculta chaque recoin de la pièce, avant qu'elle ne sente un nouveau souffle le long de son dos. Aussitôt, sa main se porta à son cou, où elle vint serrer un de ses nombreux pendentif, un pentacle qu'elle avait fabriquée elle-même.
- Elle m'a sentie ... Elle va revenir.
Murmura t'elle. Etrangement, on ne pouvait sentir aucune peur dans sa voix, mais plutôt une assurance presque déstabilisante. D'une pression, elle ouvrit le flacon, extirpant deux feuilles, les maintenant dans sa main.
- Restez ici. Je vous en supplie, restez ici. Ne quittez les archives sous aucun prétex ...
Un bruit sourd se fit entendre dans la bibliothéque, derrière eux. Vite, elle prit le pendentif, pour l'accrocher autour de son cou. Un autre son se fit entendre, et elle avala les deux feuilles. Les effluves de la drogue ne tarderaient pas à monter.
- Elle est dans la bibliothéque.
Bon, d'accord, il y avait peut-être une once d'inquiétude, dans sa voix, mais son regard était déjà troublé. Ses pupilles se dilataient affreusement, au point qu'il n'y ait presque plus de blanc dans ses beaux petits yeux. Alors, vite, elle poussa Cahir pour l'éloigner de la sortie, et entra dans la bibliothéque à l'instant même où une étagére venait de s'effondrer. Et tout recommença : l'ectoplasme se matérialisa rapidement. Une belle femme, froide, qui glaça d'ailleurs l'atmosphére toute entière. Après le feu, la glace ... Imaginative. Eclipse ne pouvait s'empêcher de frissonner, glacée, commençant à psalmodier à nouveau des cantiques étranges. Un des cantiques la protégeait des attaques, et l'autre se chargeait de chasser cet esprit. Maintenant qu'elle connaissait son nom ... Elle ne put retenir un sourire.
Ce qui agaça l'esprit, forcément. Qui lui balança quelques gros ouvrages au visage, cherchant à viser la nécromancienne par tout les moyens. Mais c'était perdu d'avance ... Eclipse, devenue une sorte de surdouée indestructible, les évitait gracieusement. L'un d'eux, cependant, vint la frapper à l'épaule, et l'autre en plein ventre. Un dernier acheva d'ouvrir la porte qui séparait les archives de la bibliothéque, laissant à Cahir le loisir de voir une nécromancienne en pleine action. Ce qui est plutôt effrayant, soit dit en passant. Les psaumes d'Eclipse n'étaient plus murmurés, ils étaient récités sur un ton monocorde, tandis qu'elle s'approchait de l'esprit sans ciller. La comtesse, aussitôt, la propulsa dans les airs, et la jeune fille se mangea royalement un des murs, avant de retomber lourdement sur le sol. La douleur lançait tous ses muscles, au point qu'elle peina à se relever.
Mais elle le fit. Et elle ouvrit la bouche, pour laisser un son sourd s'en échapper. A cet instant même, ce n'était plus la voix d'Eclipse, mais celle de la Mort, qui ordonnait à Marjorie de Bophessa de retourner dans l'au-delà. D'un bond, Eclipse se jeta sur le spectre, qui semblait être une personne de chair et de sang, pour lui plaquer le pendentif sur le front.
- Salue bien la Mort de ma part, Marjorie de Bophessa. Je te renvoie dans les limbes, sussura Eclipse dans un sourire.
Le reste se passa très vite. Une implosion, et le pendentif vola dans la pièce, pour atterir aux pieds de ... Cahir. La nécromancienne était retombée sur le sol, le corps marqué de traces rouges et de marques sanguinolentes.
- Ecrase-le ! Détruis ce collier ! Elle est dedans !
Hurla Eclipse, à l'intention de Cahir. S'il ne le détruisait pas expressement, l'esprit ressortirait, et lui mettrait une raclée épouvantable. Sur ce coup-là, elle devait bien avouer qu'elle devrait sa survie à cet homme. Si vous saviez à quel point cette idée l'agaçait ... Mais elle n'eut pas le temps de tergiverser : aussitôt l'ordre donné, elle tomba inerte sur le sol, son énergie réduite à néant.
-
De la mandragore... Cahir haussa les sourcils, sans rien dire. Il connaissait la mandragore. C’était le truc classique, à l’académie, pour réussir les épreuves physiques. Il y avait toujours des cadets et des novices qui se faisaient avoir par des élèves plus âgés : « Si tu veux réussir sans problème à surmonter les épreuves, une feuille de mandragore contre trois dragons d’or ». Les plus fortunés payaient, et se faisaient systématiquement avoir. La mandragore, c’était de la triche, et, pour en utiliser sans devenir dingue, il fallait avoir des prédispositions magiques puissantes. Ce n’était pas le cas de Cahir, et, quand bien même, il n’aurait jamais utilisé ce truc. La mandragore était une arme à double tranchant. Du peu qu’il en savait, elle paralysait tout le système nerveux, rendant le sujet insensible à la douleur. Mais immortelle ? Nulle chose n’était immortelle. Même les Dieux pouvaient disparaître.
Cahir resta également sceptique sur les raisons avancées par Eclipse pour justifier l’intervention du fantôme. Il n’y connaissait rien en nécromancie, mais il avait un soldat, et un soldat était, autant que c’était possible, cartésien. Un soldat, ça croyait en des certitudes, pas en des chimères. Un fantôme ne pouvait pas pour lui apparaître comme ça un beau matin... C’était peut-être l’écoulement naturel de la malédiction, un rythme cyclique... Une apparition centenaire, ou un délire dans le genre... Comment savoir ?
*Et puis, quelle importance ? Ce n’est pas ici que je veux rester... Je n’ai pas traversé tout Terra pour affronter des macchabées...*
Récupérer son épée, c’était tout ce qui comptait. Ensuite, foutre le camp. En bonus, fracasser la tête de l’un des soldats qui s’était foutu de lui. Il commença à sortir quand Eclipse lui demanda de rester. Cahir tiqua. Avait-il bien entendu le verbe « supplier » ? Pour qu’Eclipse en vienne à supplier, à le supplier, lui, c’est qu’elle devait avoir un souci. N’ayant pas entendu cette dernière annoncer que le fantôme était de retour, il s’avança vers elle, indécis.
« Et bien quoi, ne me dites pas que... » commença-t-il.
Il y eut soudain un courant d’air puissant, et la porte se referma violemment sur lui, lui défonçant le nez. Encore une fois, Cahir s’écroula sur le sol, alors que les portes se mirent à battre follement. Se redressant, Cahir recula prudemment.
*Woah ! Qu’est-ce que c’est que ce nouveau délire, encore ?!*
Il comprit que c’était le fantôme, et se rapprocha des portes, lorsque ces dernières s’ouvrirent brutalement. Cahir en profita pour bondir à l’entrée, et portant inconsciemment sa main vers la paume de son épée... Pour constater qu’elle n’était plus là... Un curieux ballet se déroulait à l’intérieur. Une espèce de tempête de givre s’abattait dans la pièce, et les livres tournoyaient dans les airs. Des pages étaient arrachées, et certains s’écrasaient violemment sur Eclipse, ou contre les murs. Cahir se reçut en plein milieu du visage un énorme dictionnaire, et heurta le mur. Des cristaux de glace filaient dans tous les sens, et il ne put que fléchir les genoux, tentant de s’avancer vers le centre d’attention du fantôme : la nécromancienne.
*Bordel... Un bon vieux combat à l’épée, ça serait quand même bien plus simple !*
Eclipse se battait avec force, Cahir devait bien lui reconnaître ça. Une vraie Ashnardienne... Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire à Nexus, celle-là ? Sa place était au sein de l’armée impériale, plutôt. Mettant une main devant son front pour se protéger, il vit un cristal de glace fondre sur lui, et l’évita en bondissant en arrière, avant qu’un autre livre ne vienne le frapper à la joue, manquant le renverser sur le sol. Il se rétablit à l’aide d’une main, alors que Marjorie prenait forme. Même dans la mort, elle avait conversé une beauté terrifiante.
Cahir en fut détaché quand Eclipse se mit à parler d’une voix caverneuse et terrifiante. Une voix aux accents tranchants et sombres, mais qui semblèrent terroriser la Comtesse. Cette dernière sembla alors se volatiliser, s’absorbant dans le médaillon qu’Eclipse avait récupéré. Ce dernier, sous une bourrasque, s’envola, et atterrit devant les pieds de Cahir. Épuisée, Eclipse lui ordonna de le briser avant que Marjorie n’en ressorte. Baissant la tête, Cahir vit en effet qu’une espèce de force cherchait à en sortir. Il releva la tête vers Eclipse.
« Et comment je... ? demanda-t-il, avant de la voir tomber dans les vapes. Et merde ! Bon... On va faire ça à l’ancienne. Désolée, ma chérie, mais les relations d’outre-tombe, ce n’est pas pour moi ! »
Levant le pied, Cahir s’apprêta à l’abattre avec force, quand il entendit derrière lui un mouvement rapide. Encore une fois, il essaya d’attraper son épée, mais ses doigts effleurèrent le vide, alors qu’il se retourna. Il vit une forme encapuchonnée, puis un flash blanchâtre. De puissants arcs électriques frappèrent avec force son torse, et Cahir poussa un hurlement de douleur en s’envolant. Il heurta violemment une bibliothèque, et s’écrasa sur le sol, son torse fumant. Sonné, Cahir tenta de se relever, le corps tremblant. Il souffrait comme un chien, et contempla son armure. Elle était rouge, brûlante. L’ébonite lui avait sauvé la vie. Sans son armure, son corps aurait calciné.
Le mage noir qui avait fait ça se penchait pour récupérer le médaillon. Cahir entreprit de se relever, s’appuyant à l’une des étagères de la bibliothèque, repoussant un livre. Le mage noir tendit une main vers Eclipse.
« Je ne peux pas prendre le risque que tu renfermes à nouveau ma précieuse création... Navré, chère collègue... »
Des liens grisâtres jaillirent alors de ses doigts, plongeant vers Eclipse pour la déchiqueter. Cahir attrapa son collier, et ouvrit le pendentif, brandissant sa dymérite. Les liens grisâtres disparurent alors immédiatement, et l’attaquant poussa un cri de surprise.
« Encore en vie ?! s’étonna-t-il.
- Il... Il en faut plus pour me tuer...
- De la dymérite... Ce château est plein de surprises... Partez d’ici. Ce combat ne vous concerne pas. La prochaine fois que nous nous reverrons, je ne serais pas aussi conciliant, et ton caillou ne te sauvera pas... »
Le nécromancien se retourna, restant éloigné de la dymérite. Soupirant, Cahir tenta de se relever pour le poursuivre, mais il tomba sur le sol. Son ventre lui faisait un mal de chien, et il resta allongé sur le dos pendant plusieurs minutes, avant de remettre la dymérite dans son pendentif. Reprenant son souffle, l’apatride entreprit de se relever, et avança vers Eclipse. Tâtant son pouls, il réalisa que cette dernière respirait encore.
*Je déteste avoir raison... Surtout quand ça fait aussi mal...*
Il souleva Eclipse. Une main posée sur sa tête, l’autre sous ses jambes, il la décolla, se faisant l’effet d’un chevalier servant. Il n’allait tout de même pas la laisser là. La bibliothèque ne ressemblait plus à rien. L’apatride retourna vers la chambre de la jeune femme. La nuit était profonde, et, soit les gardes dormaient, soit ils étaient agglutinés auprès de leur seigneur, loin de la bibliothèque. Cahir rejoignit donc sans trop de problème la chambre de la femme, ne croisant personne, et ouvrit la porte d’un coup de pied. De manière moins élégante, il balança Eclipse sur le lit, et en profita pour retirer enfin son armure. Le plastron s’écrasa lourdement sur le sol, et il contempla dans un miroir son torse. Sa peau était terriblement rouge.
Soupirant longuement, il s’affala sur un fauteuil, passant une main dans ses cheveux en sueur, et tourna son regard vers la cheminée. Se relevant, il raviva le feu qui commençait à mourir, afin de s’éclairer. Cahir avait déjà suffisamment chaud comme ça. Rallumant le feu, il remarqua ensuite un petit mot griffonné sur une table, et le lut. Eclipse avait sollicité un masseur. Il sourit. Cahir doutait qu’il y ait des masseurs dans ce trou, et, s’il y en avait, la garde était sans doute trop occupée pour ce soir. Roulant le papier en boule, il le balança dans le feu.
*Si j’avais eu mon épée...*
L’épée aurait, soit absorbé l’attaque, soit l’aurait coupé en deux. Sans cette dernière, il était aussi dangereux qu’un chaton. La récupérer allait devenir une priorité. Lentement, Cahir s’approcha d’Eclipse, hésitant à la déshabiller pour voir l’étendue des plaisirs, et s’abstint. Si elle se réveillait en le voyant lui ôter ses vêtements, elle serait capable de le tuer sur place... Il resta donc à proximité, attendant qu’elle se réveille. Son pouls battait normalement, et elle n’avait aucun signe d’une quelconque hémorragie. Partant de là, aller chercher un mage ne servirait à rien qu’à embêter Cahir.
D’autant plus qu’il avait désormais quelques raisons de se méfier du mage... Les mages dans ce château n’étaient pas légion...
-
Encore une fois, Eclipse avait eu droit à un sommeil sans rêves. Juste une ombre noire, un brin tentaculaire, qui l'avait plus apaisée qu'autre chose. Aucune notion de temps, aucune notion d'espace, rien qu'un vide apaisant. C'est le réveil qui ne fut guère joyeux ... Le corps encore engourdi par le froid, et le dos assez douloureux, elle ouvrait les yeux avec peine. Certains endroits de son corps la piquait, aussi devina t'elle qu'elle avait des plaies partout sur la peau. Un rapide coup d'oeil sur ses bras, et elle poussa un lent soupir. Dieu qu'elle était amochée ... La nécromancienne n'osa même pas remuer un seul muscle, ses yeux oscillant à droite et à gauche. Des souvenirs en rafale l'agressait ... Un nouveau soupir, et elle se releva sans douceur, faisant à nouveau craquer sa colonne vertébrale. Le goût de la mandragore et celui du tabac tachait encore son palais, aussi toussa t'elle doucement, avant de lever les yeux vers lui. Elle ne lui adressa pas un seul sourire, son visage reste inexpressif au possible. Sa main attrapa sa sacoche, d'où elle sortit un autre flacon, cette fois opaque. Quelques pilules noires s'y trouvaient, et elle en goba trois. Histoire de retrouver des forces.
Puis elle se redressa entièrement, soulevant légérement son jupon pour regarder ses jambes marquées de griffures.
- Je ... J'ai complétement oublié ce qu'il vient de se passer ...
Murmura la nécromancienne. Comme une enfant, elle se frotta les yeux, reprenant une certaine contenance.
- Dis-moi qu'il y a une bouteille d'alcool, là ... J'aurais bien besoin d'un remontant.
Continua t'elle, se permettant un sourire. Son corps était complétement endolorie. Elle se sentait comme une poupée de porcelaine, que l'on brise si facilement ... Le feu, qui crépitait dans la cheminée, achevait de la maintenir en vie.
- Je suis glacée ... Ah, putain. J'ai l'impression qu'on vient de me ...
Tuer. Non, ça, évidemment, elle ne le prononça pas à voix haute, le gardant pour elle.
- Je viens de ressusciter, on dirait.
Admit-elle dans un sourire. Son seul réflexe fut de porter ses mains à sa chevelure, pour y raccrocher quelques pinces, afin que sa coiffure ne se détruise pas. Elle jetait, de temps à autre, des regards vers Cahir, sans jamais vraiment le fixer. A ce moment, elle avait besoin de tout, sauf une nouvelle apparition.
- Je vendrais mon âme pour un peu de répit, glissa t'elle finalement dans un sourire, tout en pliant délicatement une de ses jambes, dévoilant l'entiéreté de celle-ci.
Les marques rouges disparaissaient déjà, sa peau redevenant d'un diaphane tendre. Merci à ces trois petites pilules miraculeuses ...
-
*J’ai comme une impression de déjà-vu...*
Contre le mur, Cahir s’était contenté d’observer distraitement Eclipse. Il appréhendait légèrement le moment où elle se réveillerait, car il devrait alors lui dire que la Comtesse n’avait toujours pas été renvoyée dans l’au-delà, et qu’ils avaient sur les bras un problème un peu plus urgent. Séparé de son plastron, Cahir ne portait désormais plus que sur le ventre qu’une simple chemise en coton, bien moins lourde, et qui la serrait surtout moi. Dans ce petit laps de temps avant que la belle ne daigne sortir de l’endroit où son esprit se trouvait, l’esprit de l’apatride se mit, comme à son habitude, à dériver sur d’autres lieux. Il songea surtout à ce type qui avait balancé sur lui un arc électrique. Impossible d’identifier la voix ; elle avait semblé lointaine, froide, et caverneuse. Impossible d’identifier le corps ; Cahir n’avait pas vu son visage, et avait été bien trop sonné pour se rappeler autre chose qu’une silhouette noirâtre dissimulée dans une longue robe. Ses soupçons se portaient instinctivement sur le mage du coin, car ce dernier était probablement le seul individu au château à savoir manier la magie, mais l’intuition de l’apatride lui disait que ce serait trop facile... Et puis, certains mots que l’homme lui avait dit semblaient pencher pour une théorie encore plus compliquée.
C’est alors qu’il songeait à cela qu’Eclipse finit par se redresser. Sans un mot, Cahir la regarda. Il entendit le dos de cette dernière craquer comme les os d’une grand-mère. Relevant ses affaires, elle contempla l’état assez triste de ses jambes, tout en avouant avoir tout oublié... Ce qui risquait de simplifier énormément la tâche de Cahir. Elle se frotta ensuite les yeux, dans un geste assez attendrissant, tandis que l’ancien Ashnardien restait silencieux. Lorsqu’elle demanda une bouteille d’alcool, il se contenta d’ouvrir un placard, où se trouvait une bouteille avec un petit mot griffonné à la hâte sur un papier : « Avec tous nos remerciements pour nous aider à sortir de ce cauchemar », de la part de la dame locale. S’emparant de la bouteille, qui avait été ouverte, et d’une verre, il remplit le second objet par le contenu du premier, et déposa le tout sr la table de chevet, ressemblant en ce sens à un véritable serveur.
« Je crois que votre chambre est plus approvisionnée que la mienne. »
Elle avoua ensuite avoir... « Ressuscité ». Littéralement ? Non... Il devait plutôt s’agir d’une forme d’expression abstraite... Quoique, avec une nécromancienne, il fallait s’attendre à tout. Revenait-elle réellement d’entre les morts ? Si tel était le cas, Cahir était en train de discuter avec un foutu macchabée sur pattes, hypothèse suffisamment glauque pour l’amener à estimer qu’il préférait finalement ne pas savoir ce que cette phrase impliquait. Il se mit à avancer un peu dans la pièce, observant l’état de la cheminée, du feu qui crépitait. Ce dernier avait l’air bien parti, et Eclipse avoua ensuite vouloir un peu de répit... Une manière polie de dire qu’elle voulait qu’il dégage ?
« Je crois que vous avez surtout besoin de dormir un peu... L’usage intensif de feuilles de mandragore n’est pas requise, même pour une femme qui semble, comme vous, trop têtue pour mourir. »
Il se retourna vers elle, délaissant la vue des flammes qui dansaient, et se rapprocha du lit.
« Tout ne s’est pas passé exactement comme prévu dans la bibliothèque, avoua-t-il finalement, choisissant prudemment ses mots. Il y avait une inconnue dans l’équation qui s’est dévoilée... En manquant me transformer en torche humaine, au passage. »
Son plastron noirâtre et brûlant déposé dans un coin suffisait à le montrer. Cahir réalisa alors qu’il aurait été facile pour Eclipse de réaliser qu’il n’était pas qu’un simple vagabond, ne serait-ce qu’en observant le plastron. L’ébonite n’était pas un matériau qu’un simple rôdeur pouvait avoir. Une autre armure plus traditionnelle, comme une armure de plates, n’aurait pas pu absorber aussi bien l’attaque magique que l’ébonite. Se massant la nuque, l’apatride poursuivit :
« Je crois que quelqu’un a permis à notre fantôme de venir ici pour embêter le seigneur local... Soit c’est ça, soit c’est un nécromancien qui, comme nous, a profité du fait qu’il y ait un fantôme dans le coin pour venir le protéger. Et je pense à un nécromancien, car il vous a nommé ‘‘collègue’’ après m’avoir balancé contre une bibliothèque, et tenté de vous achever... »
Continuant ses explications, l’apatride se frottait les mains, légèrement nerveux. Pour lui, c‘était un aveu de faiblesse ; il n’avait pas été en mesure de détruire Marjorie, ni de stopper le nécromancien. Certes, l’homme l’avait pris pas surprise ; certes, il n’avait pas son épée, mais ces excuses ne justifiaient pas son inutilité. Parler de son propre échec était toujours un peu délicat.
« J’ai réussi à le faire fuir en sortant ma dymérite, mais je crois que ça ne marchera qu’une seule fois. Je vais tâcher de récupérer mon épée, pour éviter ce genre de désagrément. Si vous voulez que je vous envoie le guérisseur du château, quand il en aura fini avec le seigneur, n’hésitez pas. Pour le reste... N’escomptez pas obtenir un masseur... Enfin, je peux toujours me rendre utile, au cas où, mais je ne crois pas qu’il y ait un masseur dans le personnel qui soit disponible pour cette nuit. »
Sur ce, Cahir se dirigea vers la porte. Elle avait demandé du répit, après tout. Et lui avait besoin de récupérer son épée... Et de disposer d’une chambre, aussi. Un nécromancien avait tenté de le tuer. Il y avait de quoi remettre en perspective bien des situations. L’apatride n’aimait pas spécialement qu’on tente de mettre fin à ses jours.
-
Ainsi, il comptait quitter les lieux ... Eclipse poussa un doux soupir. Elle n'avait guère besoin de dormir, surtout après la prise de ces pilules miracles. La nécromancienne manqua de dire :" Nous aurons tout le temps de dormir quand nous serons morts ", mais la phrase serait immédiatement mal digérée. Disons qu'elle collait un peu trop au contexte. Et puis même si, habituellement, la jeune femme appréciait la solitude, elle devait bien avouer que ce soir, elle rêvait d'être accompagnée. Un verre d'alcool et des pensées en pagaille ne font jamais bon ménage, surtout dans un environnement aussi peu rassurant que ce fort. La seule chose dont elle rêvait, c'était une alcôve : un lieu où elle oublierait tout, de manière temporaire, histoire de s'offrir un peu de répit. Et ce répit, elle ne voulait pas en profiter seule.
De sa main droite, elle remit en place un de ses bas, et de l'autre, elle attrapa le verre. L'alcool acheva de la réchauffer, et surtout de la réveiller. Et puis, cela lui donna un peu de courage pour prononcer quelques mots :
- Restez ... S'il vous plaît.
Eclipse n'était pas du genre à demander aux gens, habituellement, plutôt à ordonner. Mais elle savait qu'elle avait face à elle une forte tête, comme elle. Si l'idée aurait pu la contrarier hier, elle l'amusait assez aujourd'hui. La nécromancienne appréciait quand ça faisait des étincelles ... Vite, elle servit un autre verre, pour lui tendre, tout en s'installant en tailleur sur le lit. Elle pouvait sentir que quelques méches rebelles s'extirpaient hors de sa coiffure si soignée.
- Je n'ai pas sommeil, et puis ...
Elle prit une légére inspiration, détachant son châle pour découvrir ses épaules, son cou. Si le cou était rempli de colliers de toutes sortes, sans doute autant que les poignets, c'était pour cacher des traces de morsure. Certains spectres étaient plutôt violents, et ne parlons pas des quelques vampires qu'elle avait eu le plaisir de croiser ... Bref.
- ... Il ne faut pas me proposer un massage, et tenter de s'enfuir. Je vais vraiment finir par croire que je vous repousse.
Un sourire, un brin innocent. Un peu trop, d'ailleurs, pour une femme comme elle.
-
Main sur la poignée, Cahir s’apprêta à l’ouvrir, quand il entendit Eclipse lui demander de rester. Interloqué, Cahir s’arrêta sur le pas de la porte, et, pendant une brève seconde, hésita. Il finit par se retourner. Assise en tailleur, Eclipse lui offrait une coupe de vin. Souriant légèrement, Cahir vint délicatement s’asseoir sur le rebord de ce grand lit, et prit le verre, l’acceptant de bonne grâce. Elle expliqua qu’elle n’avait pas sommeil. Cahir non plus, pour être honnête. Il fuyait le sommeil, pour être exact. Lorsqu’il dormait, Cahir était agressé par des cauchemars. Guère agréable. L’apatride but un peu de vin, et Eclipse lui avoua alors n’être pas contre l’idée d’un massage par ses soins. Elle défit son châle, et, malgré la cascade de bijoux, ici et là, Cahir put apercevoir des espèces de traces de griffures, des cicatrices.
*Dommage qu’elle ait un corps si frêle... Ceci dit, si elle avait un corps plus musclé, elle serait peut-être moins attirante... Peut-être...*
Elle lui fit un délicat sourire, et Cahir hocha la tête.
« Soit... répondit-il. Disons que vous me repoussez autant que vous m’attirez. »
Une réponse énigmatique, assez paradoxale, mais qui était, du point de vue de Cahir, la meilleure manière d’expliquer ce qu’il ressentait. Un curieux mélange d’attirance et de dégoût. Cahir fut encore une fois tenté de partir. Il ne devait après tout rien à cette nécromancienne. Et, par-dessus le marché, il devait récupérer son épée. Sa belle épée en acier valyrien qui croupissait quelque part dans ce château sinistre. Ce ne fut pourtant pas ce qu’il fit. L’apatride reposa le verre, fixant Eclipse dans les yeux, puis descendit sur son corps, passant de sa poitrine à son ventre pour observer ses longues jambes. L’une de ses mains alla tout doucement se poser sur l’un des mollets d’Eclipse, éprouvant son corps. Ferme. Tendre. Doux. Le délicat corps d’une femme, avec cette peau si attirante... Il en fut légèrement troublé, et se reprit, retirant ses gants.
« Je n’ai pas reçu une formation de masseur, pour être entièrement honnête, mais les femmes qui ont eu la chance de recevoir mon doigté ne s’en sont jamais plaints... J’imagine que je vais devoir m’occuper de votre dos, au moins au début... »
C’était une réplique qu’on pouvait interpréter à sa sauce, car l’apatride lui-même n’était pas sûr de savoir ce qu’il voulait. Un simple massage, ou autre chose ? Il n’était pas sûr de pouvoir désirer se rapprocher un peu plus d’une femme qui semblait plus attirer par le monde des morts que par celui des vivants... Il attendit qu’elle s’allonge sur le dos, révélant un dos en piteux état. Malgré les onguents, les baumes, et autres potions, il était strié ici et là de cicatrices. Cahir posa ses mains sur les hanches d’Eclipse, s’avançant un peu plus dans le lit, et commença à promener ses mains.
Surprenant. Il s’était attendu à une peau glaciale, mais celle d’Eclipse était au contraire plutôt chaude. Ses doigts se promenèrent sur les cicatrices, sur ces espèces de fissures, et il frotta avec ses pouces, remontant en passant par la colonne vertébrale, avant de descendre en utilisant ses autres doigts par les hanches, évitant de trop descendre, ou remontant pour titiller la nuque d’Eclipse. C’était un regroupement nerveux, après tout, soit un endroit particulièrement sensible, qu’il se mit à caresser lentement, continuant à se promener, enfonçant parfois ses pouces dans sa belle peau, ou promenant ses ongles le long de son corps.
« Ma foi... Je me dois bien d’admettre que votre dos est plus attirant que ce que j’avais craint... »
Il espérait que son massage le serait aussi.
-
La réponse la satisfaisait assez. Ce paradoxe attirance-répulsion l'intriguait, et elle devait bien avouer qu'elle adorait cette dualité. Sans un mot, elle s'allongea sur le lit, le visage enfoui dans ses coussins. Elle s'attendait à un massage assez peu agréable ... Mais il en fut tout autre. Chaque pression sur sa peau, chaque effleurement même, lui procurérent un plaisir infini. La nécromancienne ferma même les yeux un moment, un sourire glissant le long de ses lèvres. Mmh, que c'était agréable ... Cela faisait bien longtemps qu'on ne l'avait pas massée ainsi. Et puis, les répliques de Cahir l'amusait assez. Eclipse devait bien avouer qu'elle était friande de ce genre de sous-entendus. Aussi ne répondit-elle pas de toute suite, imaginant une réponse satisfaisante, et savourant le contact de ces mains sur son dos. Un nouveau frisson l'agita, auquel elle répondit par un soupir de plaisir non feint.
Là, elle se sentait vraiment bien. Et elle se doutait que cela n'irait qu'en augmentant ...
- Et je dois avouer que vos mains me font le plus grand bien, bien plus que je ne l'espèrais, répondit-elle dans un murmure.
Avec toute la grâce qu'elle possédait, elle se redressa doucement sur ses coudes, le laissant lui masser encore le dos un moment.
- Alors pourquoi priver le reste de mon corps de vos ... massages ?
Doucement, elle se tourna, pour lui faire face, son corps restant encore allongé sur ce matelas si peu moelleux. Doucement, sa main effleura la sienne, goûtant encore à sa chaleur. Puis elle se redressa, le dos droit, appuyée sur un de ses bras, et son index vint caresser le cou de Cahir, doucement, avant de s'envoler.
- Qu'en dites-vous ?
Un sourire, encore, sur ses lèvres. Et celui-ci n'est guère innocent, croyez-moi.
-
Les soupirs qu’Eclipse poussa ne semblaient pas feints, et arrachèrent à Cahir un léger sourire amusé. Il n’était qu’un masseur amateur. Un masseur aurait plus talentueux aurait sans doute pu sentir les multiples zones érogènes du dos d’Eclipse, mais Cahir n’en était pas capable, se contentant de frotter son dos un peu partout, la sentant frissonner. Elle le complimenta également, avant de se redresser un petit peu, sortant sa tête des coussins, et Cahir continua. Mine de rien, c’est ainsi qu’il avait séduit sa première conquête. Une poète qui croyait les soldats incapables de la moindre douceur. Il l’avait massé pour lui prouver le contraire. Ça avait été un massage catastrophique, mais il l’avait fait rire.
Eclipse finit par se redresser, après avoir sorti une phrase qui avait surpris Cahir, à tel point qu’il en arrêta son massage, alors que la jeune femme se retourna. Avec son dos nu, le devant l’était aussi, et il loucha sur la poitrine de la jeune femme, sentant quelque chose brûler dans son bas-ventre. S’humectant les lèvres, l’apatride comprit qu’il n’avait pas rêvé, et qu’elle lui avait vraiment proposé d’aventurer ses mains ailleurs. L’invitation était, pour le coup, relativement explicite, et Cahir ne savait pas trop quoi faire. Cette femme était relativement belle, mais c’était aussi une femme qui marchandait avec la Mort...
*Mais est-ce qu’elle est aussi imprégnée que ça de la Mort ? A ce qu’on dit, les nécromanciens ne ressentent aucun plaisir physique, et les femmes sont aussi sèches qu’un grain de sable dans le désert...*
Eclipse avait pourtant apprécié ce massage, ce qui semblait remettre en cause bien des choses qu’on disait sur ces gens. A moins qu’elle ne simule... Hypothèse toujours envisageable, quand on connaissait le talent naturel des femmes pour l’hypocrisie et le mensonge. Cahir était plongé dans ses pensées, quand il sentit les doigts d’Eclipse se promener sur son cou, manquant le faire chavirer. Cette bosse entre ses jambes... Dans le chariot qui l’avait emmené à Nexus, il n’y avait qu’une femme, et, sans être un premier prix de beauté, elle était suffisamment belle pour tenter Cahir... Le tenter, seulement, car son mari était du genre à bien la surveiller.
Elle lui sourit, ensuite. L’apatride étudiait chacun des mouvements de cette diablesse, et déglutit, avant de se reprendre. Il glissa une main sur la base d’une des jambes d’Eclipse, la remontant lentement pour caresser avec son pouce l’aine de cette dernière.
« J’en dis que c’est une idée très tentante... »
Sa main remonta pour caresser la joue de la femme, son pouce frôlant légèrement ses lèvres, appuyant très rapidement dessus, comme pour chercher à se faufiler dans sa bouche, avant qu’il ne reprenne, sa main se retirant pour caresser la nuque de la femme :
« Tant que cela vous relaxe, mes doigts sont prêts à se glisser n’importe où sur votre peau... »
-
Diablesse ... C'était peut-être un terme parfait pour parler d'Eclipse. Une créature imprévisible, charmeuse et inquiétante à la fois. Il fallait bien croire qu'elle était bien vivante, par moments. Surtout dans ce genre d'instants ... La jeune femme frissonna en sentant sa main se glisser contre elle, s'aventurant sur des endroits de son corps bien plus sensible que son dos. Tout cela commençait réellement à l'enchanter. Mais, même dans ce genre de moments, Eclipse restait pleinement consciente de ses actes ... Et quand on connait son côté joueur et félin, on peut s'attendre à bien des choses. L'index de la jeune femme se posa sur la joue de Cahir, appuyant pour lui indiquer doucement qu'il devait tourner la tête. Ses lèvres effleurérent les siennes, mais se posérent finalement à la commissure de sa bouche, pour y poser un baiser frais. Avant qu'elle ne se décide à le regarder dans les yeux, se reculant doucement.
- Je n'en doute pas, murmura t'elle sans lâcher ce sourire.
Même là, elle conservait cette assurance inébranlable.
La jeune femme se redressa alors davantage, une de ses mains se glissant dans la nuque du soldat, l'autre se posant doucement sur sa clavicule, à l'aube de son torse. Lentement, elle se rapprocha de lui, ses lèvres restant à une mince distance de celles de Cahir. Elle pouvait sentir sa poitrine effleurer le buste du soldat, délivrant une onde de frissons sur tout son corps.
- Montrez-moi donc vos talents ... Je saurais vous faire part des miens.
Souffla t'elle, alors qu'elle s'approchait pour l'embrasser doucement. Elle en profita même pour mordre très doucement la lèvre inférieure de cet homme. Eclipse n'est pas une sauvage, qu'allez-vous croire ? Elle ne vous saignera pas à blanc, bien au contraire. Et puis, elle n'avait pas comme seul "talent" celui de bavarder avec les décédés. Non, non, c'est une jeune fille pleine de ressources.
-
Elle approcha ses lèvres des siennes, et Cahir en resta figé comme une statue de cire. Ses yeux oscillaient entre le regard troublant de la nécromancienne et sa belle bouche. Une main se glissa au milieu du dos de cette dernière, l’autre glissant sur sa hanche, attrapant sa délicieuse peau. Cette femme ne s’en rendait peut-être pas compte, mais elle ébranlait plusieurs des convictions de Cahir sur la nécromancie. L’homme n’était pas du genre à écouter les racontars, mais il avait lu des traités et des essais sur la question, où les auteurs affirmaient bien des choses sur ces individus, choses qui venaient d’être balayées en un souffle sur ses lèvres. Il sentit la bouche d’Eclipse frôler ses lèvres, comme une tacite invitation, et il en soupira lentement, sentant l’organe entre ses jambes se dresser... « Ton serpent de pierre se réveille, beau guerrier ». Elle l’appelait ainsi. La poète. Le serpent de pierre, prêt à cracher ce venin qui pouvait la tuer, si jamais elle venait à devenir enceinte... Le risque... Il avait adoré ça, à l’époque, et un sourire ravi éclaira ses lèvres alors qu’Eclipse, se redressant, se rapprochait de lui.
Elle posa ses mains sur son corps, et il raffermit ses prises sur le sien. Elle avait un délicat corps de poupée, un corps svelte et fin. Pas étonnant qu’elle soit couverte de cicatrices. Là, entre ses bras, son souffle accéléré heurtant son visage, elle semblait incroyablement fragile. Leurs lèvres semblèrent s’attirer mutuellement, alors qu’il pouvait sentir contre son torse les deux belles bosses que constituaient la poitrine de cette femme. Voilà bien autre chose qui lui avait manqué... Sentir ces deux bosses de chair, avec les deux petites pointes, heurter son corps. Il tira sur son corps, et remonta la main dans son dos pour attraper la nuque d’Eclipse, caressant ses cheveux, celle sur sa hanche se glissant derrière son dos.
« Si vous insistez... » souffla-t-il avant de l’embrasser.
Il ne l’embrassa pas sur la commissure des lèvres, mais en plein sur la bouche. Et, que les Dieux le maudissent, mais c’était terriblement bon ! Elle avait des lèvres superbes, un goût qui n’avait rien à voir avec l’haleine putride des cimetières, et, pour être honnête, c’était sûrement l’haleine de Cahir qui sentait le plus, s’il restait encore des relents de la vodka naine à l’intérieur. Ce fut un baiser assez tendre, sensuel. Si quelqu’un les observait, il aurait presque eu l’impression de voir deux amants en train de s’embrasser en cachette. L’apatride n’était cependant pas dupe. Il sentait les dents d’Eclipse s’enfoncer à l’intérieur de sa bouche. Il en avait délicieusement gémi, avant d’avancer sa langue pour caresser ces belles petites dents. Se prenait-elle pour une vampire ? Mais il devait admettre que c’était agréable, et sa main agrippa un peu plus solidement sa nuque.
Se déplaçant légèrement, Cahir fit grincer le lit. Ce n’était sûrement pas le lit recommandé pour ce genre de massage, mais il se voyait mal débouler dans la chambre du Roi pour profiter de son grand lit solide. Il prolongea le baiser pendant un certain temps, utilisant son nez pour respirer, et finit par renverser Eclipse sur le lit. Cette dernière atterrit en plein milieu, sa tête s’écrasant sur les oreillers, et Cahir s’aplatit sur son corps, avant de s’appuyer sur l’une de ses mains, relevant son corps pour ne pas l’étrangler. Il lui adressa un sourire léger, et caressa avec un doigt les belles lèvres d’Eclipse.
« Je sens effectivement que trouver le sommeil risque d’être très difficile... »
Ses doigts descendirent sur la gorge d’Eclipse, caressant le milieu de sa gorge, pour glisser vers l’une de ces deux bosses. Il caressa avec ses doigts l’un des seins d’Eclipse. Du bout des doigts, il décrivit des cercles autour du téton, s’écartant parfois de ce centre, ou y revenant, se contentant de simplement le frôler.
« Je pense que je vais exercer mes talents sur cette partie de votre anatomie... Ils m’ont l’air d’en avoir grand besoin... »
-
... Grands dieux. Eclipse la froide, la solitaire, était en train de perdre l'esprit. Elle se transformer une femme presque normale. Presque. Cette jeune femme qui maitrisait si bien les morts, n'en venait même pas à se maitriser elle-même. Au simple contact de ses lèvres, chaque fois qu'elle sentait l'ombre de ses mains contre sa peau, la nécromancienne pouvait entendre son coeur battre plus fort, et tout son corps s'électriser. Quand il l'embrassa, elle se laissa complètement fondre. Oui, elle était comme ça, quand même : sensible et passionnée. Et ce genre de baiser aussi tendre que fou, la laissait toute chose. Ses bras se nouérent autour de son cou, comme si c'était là son seul repére, comme s'il n'y avait plus aucun esprit dangereux dans les environs. Chaque fois qu'elle sentait son étreinte se raffermir, c'était tout son corps qui soupirait de plaisir.
Aussi, elle se laissa tomber sur le matelas, souriant à sa remarque. Il ne lui restait guère que son jupon, ses dessous et ses bas ... Mais en quoi était-ce gênant ? A sa remarque, elle se redressa légérement, sa bouche venant tout contre son cou, y déposant de lents baisers. Puis ses lèvres remontèrent jusqu'à son oreille, pour y embrasser le lobe, et murmurer :
- Je n'attends que ça ...
Sa main revint contre sa clavicule, pour se plaquer contre sa nuque. Et elle l'embrassa, comme lui l'avait embrassé. Avec une sensualité, une passion qu'on aurait jamais pensé voir en Eclipse. Elle se sentait plus en plus tiède, rien qu'en sentant son souffle contre elle.
Puis elle cessa un instant le baiser, plaçant une limite fine entre leurs lévres, testant sa patience. Sa bouche était un sourire, aussi joueur que délicieux.
- Je ne compte aucunement m'assoupir, rassurez-vous.
Souffla t'elle dans un sourire. Pour appuyer ses mots, sa main vint glisser jusqu'au bas du ventre de Cahir, avant de remonter doucement contre sa joue.
-
Pour une soirée qui avait plutôt mal commencé, on pouvait dire que le final valait le coup. Cahir avait été balancé par une fenêtre, jeté aux oubliettes, et avait manqué être tué. Par ce paradoxe que seul l’esprit humain pouvait réussir à faire, il se retrouvait maintenant à embrasser les lèvres d’une femme dont la profession le repoussait entièrement, et à tâter avec ses mains l’épaisseur de ses seins. Il y avait de quoi en perdre son latin, mais, tout ce que Cahir arrivait à se dire en ce moment dans son esprit, c’est :
*Comment diable une femme qui honore les morts peut-elle avoir des lèvres si passionnantes ?*
Eclipse embrassait plutôt bien, et le corps de cette dernière tremblait d’un désir qui avait tout de vivant, d’une saine et heureuse chaleur, d’un plaisir qui témoignait d’un indiscutable appétit envers la vie. Cahir classa cela dans la longue et interminable liste des incompréhensibles mystères et paradoxes concernant le beau sexe, et répondit avec envie à son nouveau baiser, en profitant pour pétrir ce sein qu’il caressait avec ses ongles, le serrant entre ses doigts, tandis que sa virilité continuait à le tirailler, se réveillant avec la force et l’impatience qu’on lui connaissait. Elle tapait contre les longues jambes de cette superbe femme, ce qu’elle dut sentir, car elle finit par approcher ses doigts de cette zone. Pendant un instant, Cahir se mit à craindre, ou à espérer, qu’elle irait s’occuper de cette partie de son anatomie, mais elle se contenta visiblement de simplement le titiller, tout en lui assenant qu’elle ne comptait nullement s’assoupir.
« Dans ce cas, je n’aurais pas le plaisir de pouvoir vous réveiller... » se contenta de répliquer Cahir.
Leurs lèvres se frôlaient, et ce fut la langue de Cahir qui parcourut la quelque poignée de centimètres qui les séparaient. Il caressa cette superbe et si délicate bouche, enfonçant le bout de sa langue à l’intérieur. C’était chaud et humide, et en même temps assez douloureux, surtout au niveau de l’entre-jambes. Il frottait son nez contre celui de l’envoûtante dame, remontant le long de ce dernier, tout en desserrant un peu le sein qu’il comprimait, retournant tout simplement le caresser.
Ayant de plus en plus chaud, Cahir finit par se redresser, faisant craquer le lit, le temps d’enlever sa chemise. Son ventre était toujours aussi rouge, trace des arcs électriques qui s’étaient abattus dessus, et on pouvait aussi voir, ici et là, quelques griffures et cicatrices. Il y en avait bien moins que sur celui d’Eclipse, mais suffisamment assez pour confirmer qu’il n’était pas un garçon de café. Il portait toujours autour du cou son collier en dymérite, et choisit de le retirer, le posant néanmoins précautionneusement sur la table de chevet.
Avec son torse nu, il profita encore mieux des seins de la jeune femme lorsqu’ils s’enfoncèrent contre sa poitrine. Perdant une main dans ses longs cheveux, il l’embrassa pour de bon, fourrant sa langue dans sa bouche, s’écrasant sur elle, remuant légèrement son corps. Le lit émit de nouveaux gémissements, son serpent de pierre sifflant entre les jambes d’Eclipse. Le baiser dura suffisamment longtemps pour fortement émoustiller Cahir, qui joua avec la langue d’Eclipse, et explora l’intérieur de sa bouche, s’attardant sur les formes de ses dents. Relevant la tête, Cahir utilisa sa main glissée dans les cheveux de la nécromancienne pour tirer sur son visage, et embrassa son cou, le léchant, glissant ainsi vers l’un des seins, lui offrant une paire de baisers.
Son ventre était bouillonnant, provoquant parfois quelques soupirs, l’amenant à relever ce dernier. Cette douleur confirmait que Cahir aurait du, non pas se trouver à embrasser le sin de cette femme, mais à recevoir des bandages autour de sa large brûlure. Mais il tenait ici à faire ce qu’il avait envie de faire, et non ce qu’il devait faire. De toute manière, Eclipse aussi aurait dû se reposer et panser ses plaies, plutôt que faire du sport de chambre.
*Nous sommes deux mauvais jeunes gens...* songea Cahir, cette idée lui insufflant un frisson de virilité parfaitement juvénile.
L’homme s’attarda ensuite sur l’un des seins d’Eclipse, l’embrassant et le mordillant, généralement en se concentrant sur l’un des tétons de la femme. Ses propres mains tremblaient dans le dos de cette femme, et il avait de plus en plus envie de déchirer les quelques vêtements qu’il restait à la nécromancienne.
*M’est avis qu’à ce train-là, c’est ce qui risque de se passer...* se dit Cahir pour lui-même.
-
Deux mauvais jeunes gens ... L'idée l'amusait beaucoup, elle y avait aussi pensée. De ceux qui se pensent immortels, capables de tous les vices ... Un domaine dans lequel elle excellait. Et lui aussi, semblait-il. Le baiser la fit littéralement palpiter, au point que sa peau si douce devienne aussi ardente qu'un brasier. Les caresses qu'il lui offrait, le contact de sa bouche sur la sienne, puis sur sa poitrine ... Son coeur aller bondir, elle le sentait bien. L'excitation était déjà trop montée en elle pour qu'elle s'apaise. La nécromancienne, dans des gestes lents, se cambrait sous ses attentions. Jusqu'à ce qu'elle se reléve doucement, sa bouche revenant chercher la sienne. Un baiser qu'elle savoura avec une lenteur exquise, avant que sa main ne vienne contre son torse, à nouveau. Il avait une peau si tiéde, bardée de souvenirs. Eclipse prit le temps de savourer son contact, faisant taire un instant le baiser.
A l'instant même où elle venait mordiller à nouveau sa langue, sa main descendit en flèche, pour venir desserrer sa ceinture. Ses doigts ne se trompaient pas. Quelques secondes après, ils venaient ouvrir lentement son pantalon, afin que sa main frêle et douce puisse s'y glisser.
Un baiser, encore. Si elle ne disait plus un mot, elle ne quittait plus ce sourire devenu complétement aguicheur, celui d'une femme pleine de désir. Ce qu'elle était, là, à cet instant prècis. Ainsi, sa main caressa avec une infinie douceur le membre qu'elle avait devinée dur, tout à l'heure, dans l'étreinte. Une de ses jambes vint doucement se replier, pour venir se poser contre celle de Cahir. Elle s'y frotta doucement, faisant glisser peu à peu le jupon qui entourait sa jambe, pour ensuite dévoiler l'entièreté de sa jambe, qui portait encore un de ces bas en dentelle qu'elle chérissait. Quant à cette main qui semblait ne connaître aucune peur, elle effleurait, puis caressait son sexe. Et les baisers qu'elle délivrait trahissaient déjà son excitation.
Le lit craquait doucement, sous leurs étreintes. Elle aimait assez cette idée ... Sa bouche se détacha un instant de la sienne.
- Ne nous trouvez-vous pas trop vêtus ... ?
Ce sourire qui s'accentue, et ce baiser qui reprend. Eclipse est bien vivante, n'en doutez plus un instant.
-
Il crut défaillir quand elle alla s’attaquer à son sexe. Ses doigts caressèrent avec dextérité ce membre, le faisant frémir. Ciel, ce que ça pouvait être bon... Difficile de croire qu’une simple caresse pouvait le mettre dans un tel état fébrile, mais c’était pourtant le cas. Il sentit cette dernière frotter sa jambe contre lui. Des gestes délicats, mais tellement excitants... Comme son sourire. Clair, beau, tendre, il se perdrait dans l’alignement de ces dents, dans ces yeux sombres qui brûlaient d’une envie fiévreuse. Il l’embrassait sans se retenir, ne comptant plus les baisers qu’il lui prodiguait, glissant ses mains à hauteur de cette espèce de jupe, la serrant entre ses mains moites. Elle lui posa une question à laquelle il répondit en tirant sur ce jupon, manquant le déchirer. Se disant qu’elle n’apprécierait peut-être pas, il glissa ses doigts sous ce jupon, remontant tout le long de ce vêtement, et tira dessus, faisant glisser l’habit le long des jambes de cette dernière. Il finit par le lui ôter, et jeta ce vêtement sur le sol, tandis que lui-même s’empressa de se débarrasser de son pantalon. La ceinture ayant été défaite, l’ôter ne fut pas très compliqué, faisant à nouveau grincer le lit. Il n’avait dès lors plus sur lui qu’une espèce de sous-vêtement peinant à retenir la bosse qui constituait sa virilité.
« Voilà qui est un peu mieux... » glissa-t-il.
Il posa ses mains sur le bas du ventre d’Eclipse, caressant sa peau nue, et retourna une nouvelle fois l’embrasser. Comme s’il était devenu accroc au contact des lèvres de la nécromancienne. Sa main glissa le long du dos de cette dernière, effleurant son postérieur pour frotter les bas sombres de cette femme. Utilisant son autre main, il tira sur son propre sous-vêtement, qui le gênait plus qu’autre chose, et finit tant bien que mal par finir presque totalement nu, à l’exception de ses chaussures.
Dans un geste tout simplement pervers, Cahir remonta sa main pour caresser un peu plus attentivement le postérieur d’Eclipse, ce qui lui arracha un sourire lorsqu’il vint pincer ce morceau de chair :
« Je crois que j’ai affreusement envie de masser cette partie-ci de votre anatomie, ma chère Eclipse... »
Il respirait lourdement. En soi, Cahir n’était pas essoufflé, mais c’était le résultat de son érection, de ce plaisir violent et totalement imprévisible qui semblait l’écraser. Ses joues étaient rouges, alors qu’il ne savait plus où donner de la tête. Que ce soit ses yeux, ses lèvres, ou la forme de sa poitrine, même ses épaules, cette femme était tout simplement exquise. En plus d’être une garce, elle avait un corps qui correspondait.
Que demander de plus ?
-
Quand le jupon ne fut plus qu'un vague souvenir, Eclipse eut la sensation que tout s'accéléra. Les peaux qui se pressent, les souffles qui s'embrasent ... Sa tête lui tournait presque. La respiration de son amant l'immolait littéralement. Et quand ses mains s'emparérent de ses fesses, pour les pincer délicieusement, la nécromancienne ne put réfréner un soupir, surpris et séduit. Sa main, celle qui attisait son membre, vint se caler contre sa nuque, tandis qu'elle lui volait un baiser enflammé, à nouveau, sa langue venant taquiner la sienne avec une infinie douceur. Quand elle se redressa, ce fut pour se plaquer davantage contre lui, son buste ondulant contre le sien au rythme de ses baisers. Décidement, celui qu'elle considérait tantôt comme le dernier des ivrognes était plein de ressources.
La bouche d'Eclipse glissa vers sa joue, pour revenir vers son oreille, tandis qu'elle l'enlaçait de son bras libre, faisant de lui son seul appui.
- Faites donc, mon cher ... Et je saurais m'occuper d'une partie de la vôtre.
A cette réplique, sa cuisse effleura doucement le membre de Cahir. Qui savait ce qu'une femme comme Eclipse pouvait réserver à un homme ? Oh, et puis, après tout, la belle ne cherche qu'à s'amuser. Et, à ce stade là, il aurait été impossible de faire marche arrière ... n'est ce pas ?
Un baiser, à nouveau, pressant et passionné. Et une étreinte, encore. Sa main, dans sa nuque, ne peut s'empêcher de glisser pour caresser le haut de son dos du bout des doigts, offrant un paradoxe parfait : baiser enflammé et douce caresse. A croire que la personnalité de cette chère nécromancienne est imprévisible ...
( Ouhlalala c'est court. Pardon pardon éè )
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Elle confirma, et Cahir eut un nouveau frisson, un nouvel élan de désir pour son corps. Une main désormais bien posée sur le postérieur de cette dernière, il répondit à son nouveau baiser. Comme aimantées, leurs lèvres revenaient constamment, se croisant et s’entremêlant par le biais de leurs langues. Cahir ne se faisait aucun doute sur la détermination de cette « partie » que les lèvres d’Eclipse avaient mentionné. A son corps défendant, il devait bien admettre qu’il ne pensait pas que cette dernière serait... Et bien, pour dire les choses simplement, aussi chaudes que la braise.
*Mais ce n’est pas pour me déranger, loin de là...*
Il rompit le baiser, et retourna à nouveau Eclipse, déposant ses lèvres sr sa nuque, avant de glisser le long de son dos, suivant sa colonne vertébrale. Malgré les ecchymoses, les zébrures, et les cicatrices qui, ici et là, décoraient ce dos, l’embrasser était assez agréable. Il descendit ainsi, sans s’arrêter, vers le bas du dos de la nécromancienne, et alla même au-delà. Quelques baisers heurtèrent le tissu de chair qui enserrait son bassin, recouvrant son postérieur. Cahir relava sa tête, respirant lentement, lourdement, ressentant en lui un désir incontrôlable, une soif électrique qu’il n’avait pas éprouvé depuis longtemps.
Ses mains se glissèrent sur ce morceau de tissu, tirant dessus, pour le retirer. Il le fit lentement glisser, du bout des doigts, le long des bas de cette femme envoûtante, pour l’ôter, remontant ensuite ses mains le long des bas d’Eclipse. Voilà peut-être des vêtements qu’il ne retirerait pas. Il aimait sentir cette texture le long de ses doigts. Il remonta ses mains jusqu’au milieu du corps d’Eclipse, observant cette petite partie. Difficile de dire ce qui pouvait être si fascinant là-bas ; c’était quelque chose d’instinctif, de naturel, et il commença à les masser avec ses mains, chaque main s’occupant d’une des fesses. Il les remua, les pétrit, sentit le lit émettre de nouveaux craquements, glissant ses pouces dans cette étroite fente noire, cette raie séparant les deux. Il se penchait parfois pour les embrasser, pour lécher et mordiller ces monceaux de chair, et continua sur ce rythme pendant plusieurs minutes, avant de la retourner à nouveau.
A genoux sur le lit, ses genoux placés à gauche et à droite des jambes de la nécromancienne, Cahir l’observa silencieusement, sa poitrine se soulevant et s’abaissant. Il ressentit tout d’un coup le désir de la pénétrer, là, comme ça, lorsque ses yeux s’attardèrent sur cette petite fente partant entre ses jambes. Une fissure rose, qui le fit déglutir, tant elle était attirante. Il finit néanmoins par retrouver la parole, et regarda Eclipse, lui parlant d’un ton hésitant, lent, exprimant ce plaisir qui l’oppressait progressivement.
« Je... Je crois que c’est à votre tour de me montrer l’étendue de vos talents... »
-
... Il ne fallait pas le lui dire deux fois. S'il avait littéralement réveillé le corps de la jeune femme, pas de doute qu'elle comptait faire de même ... Et peut-être pire. Souriante, les joues rosies, le souffle haletant, Eclipse se redressa doucement sur ses coudes, ses mains prenant appui avec délicatesse sur son torse. Elle ne disait plus rien, non, mais son regard parlait pour elle : deux billes noires scintillantes et amusées. Une dernière fois, elle plongea son regard dans le sien, ses doigts glissants le long de son torse avec une lenteur aliénante, pour revenir caresser son sexe, l'attisant davantage. Les gestes se faisaient déjà plus explicites ... Et ce n'était qu'une début.
Si c'étaient, jusque là, ses doigts les plus habiles, Eclipse comptait bien prouver que sa langue n'était pas en reste. Dans un souffle, sa bouche fondit sur son membre, sa langue lui prodiguant tout d'abord quelques longues caresses. Puis elle captura doucement entre ses lèvres le bout de son sexe, avant de le laisser entrer doucement à l'intérieur de sa bouche. Ses mains retournérent taquiner le bas de son ventre, tandis qu'elle adoptait un rythme lent et précis, un vas-et-vient qui testait merveilleusement la patience de son amant. S'ils étaient tout les deux tiraillés par l'envie, elle comptait bien jouer avec ça. Au fur et à mesure, le rythme s'accéléra. Elle s'arrêtait parfois pour asséner quelques coups de langue le long de son sexe, pour ensuite reprendre ce rituel.
A l'instant même où Eclipse cessa, ses mains retrouvérent appui sur son torse, l'invitant à se laisser tomber en arrière sur le lit. Ce qu'il fit, d'ailleurs, car elle ne lui laissait guère le choix. La nécromancienne se retrouva sur lui, ses genoux encadrant son corps. La suite n'était pas dure à deviner. La jeune femme se positionna à califourchon sur lui, dirigeant de sa main le membre endurci vers son sexe. Et, en un éclair, elle s'empala sur lui, le dos cambré sous la vague de désir qui l'avait noyée. Puis elle se pencha, féline, vers lui, sa bouche effleurant la sienne.
- Suis-je assez ... talentueuse pour vous ?
Murmura t'elle dans un sourire, tandis qu'elle commençait à onduler du bassin très lentement, tout contre lui, le dos cambré, sa bouche à quelques centimètres des lèvres de Cahir. Non, non, elle ne l'embrasserait pas tout de suite ... Elle voulait juste le voir craquer, que ce soit lui qui vienne l'embrasser.
-
Ce fut au tour d’Eclipse de donner le tempo. Son regard brillant, ses yeux d’encre, semblèrent plongés dans l’âme de Cahir, comme pour lui montrer qu’ils étaient sur la même longueur d’onde. Le désir était partagé, et ce fut à la diablesse d’agir. Ses délicates mains vinrent emprisonner le membre de Cahir, ce qui lui fit l’effet d’un véritable coup de fouet. Le serpent était réveillé, prêt à mordre, et Cahir se retrouva assis sur le lit, basculant en arrière, s’appuyant sur ses mains, observant, muet, la jeune femme se pencher vers son sexe. Il en soupira lentement, et lorsque ses lèvres vinrent se mélanger à ses doigts, sa tête se dressa, il soupira, et serra les draps, écartant lentement ses jambes.
« Ha ! » se contenta de soupirer ce dernier.
Il la laissa faire, incapable de ne serait-ce que tendre le bras pour caresser cette longue chevelure, pour l’encourager à poursuivre. Il n’y avait tout simplement pas besoin de l’encourager ; ils étaient sur la même longueur d’onde. C’était amplement suffisant. Lentement, elle enfonça dans sa bouche son sexe. Sentir cette cavité chaude, humide, ses belles dents, cette langue agile et gluante, heurter sa virilité manqua le faire chavirer. Il était Cahir, un ancien soldat d’élite, un guerrier qui avait terrassé seul des dragons, survécu à des sièges, survécu à une rencontre avec un fantôme, à des arcs électriques qui auraient du le transformer en torchère, mais là, dans ce lit, il était la chose de cette femme, prisonnier de ses simples lèvres. Toutes ses forces l’abandonnaient, toutes ses convictions, comme des remparts balayées par une tornade de désir. Elle le poussa sans difficulté.
Cahir chut sur le lit, entendant, vaguement, ce dernier craquer une énième fois. Il vit le plafond, l sommet de sa tête basculant dans le vide. Quelques mèches de cheveux vinrent gêner son regard. D’une main, il bascula ses cheveux en arrière, et vit la tête riante de la nécromancienne remplir son champ de vision. Elle alla s’asseoir sur lui, et il en poussa un cri muet, sentant son membre s’engloutir dans le corps de cette femme. Ses mains serrèrent à nouveau le lit, les couvertures moites, les draps silencieux.
Le lit donna le rythme de cette délicate et lente danse. Cahir reprenait son souffle, remontant ses mains sur les hanches d’Eclipse, jusqu’à capter son regard, s’y raccrochant pour ne pas partir à nouveau. Elle se pencha vers lui, leurs lèvres s’effleurent, et il l’empêcha de repartir, attrapant ses cheveux dans sa main, lui souriant. Si elle était talentueuse...
« Au-delà de mes espérances », parvint-il à lui répondre.
Il l’embrassa ensuite. Un baiser sauvage et passionné, où ses dents raclèrent les lèvres d’Eclipse, tandis qu’il la maintenait contre lui, son autre main se posant sur le bas de son dos pour la maintenir. Il prolongea le baiser pendant plusieurs secondes, s’imprégnant de son goût, et finit par la relâcher, la repoussant pour qu’elle se dresse fièrement sur lui, en conquérante. Elle était entreprenante. Il aimait ça. Il lui sourit à nouveau, remontant ses mains pour caresser la poitrine de la jeune femme.
« Je vous en prie, dansez sur moi... Je vous rendrais la pareille ensuite... » lança-t-il.
-
Danser pour lui ... L'idée lui plaisait assez. Suite à ce long baiser, qui l'avait d'ailleurs toute émoustillée, elle se redressa. Eclipse aimait assez sentir contre elle la poigne d'un homme ; que ce soit cette main dans ses cheveux quand il l'embrassait, ou celle au creux de son dos, qui la maintenait. Le rapport de force, et ce jeu animal, voir parfois bestial, n'était pas pour lui déplaire. Quand elle se redressa, donc, et qu'elle sentit les doigts de Cahir tout contre sa poitrine, la nécromancienne ne put s'empêcher de rejeter son visage en arrière, un instant. Des frissons de plaisir fourmillaient le long de son corps, l'animant d'une énergie toute nouvelle ... Et franchement dévastatrice. Ses mains se posant d'abord sur celles de Cahir, elle commença à remuer son bassin. Des gestes lents, circulaires, qui déclenchaient en elle de vagues frissons électriques. Il s'agissait de prendre son temps.
... Puis elle se montra plus franche. Ses mouvements de bassin se firent plus amples, tandis qu'elle passait une main dans ses cheveux décoiffés, avant de la poser sur le torse de son amant, y prenant un doux appui. Elle maintint le rythme un moment, sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration embrasée. Parfois, son visage se renversait un instant en arrière, pour y prendre un souffle plus frais, ses yeux se fermant même pour davantage savourer ces sensations. Et Eclipse joua une nouvelle fois la carte de l'imprévisible. Ses deux mains s'appuyant sur son torse, elle délivra des ondulations plus fortes, plus puissantes, plus violentes. Une de ses mains vint même griffer doucement le torse de Cahir, sans pour autant le saigner. Non, non, il fallait jouer, pas tuer.
- Mmh ... Plus fort ...
Murmurait-elle sans vraiment s'en rendre compte. Ainsi installée, elle peinait à maintenir un rythme plus puissant. Dans un souffle, elle se pencha à nouveau vers lui, sa bouche venant embrasser, mordiller son cou, non sans cesser sa délicieuse danse. Puis elle revint l'embrasser, savourant le contact ardent de ses lèvres. Oh, s'il savait à quel point elle avait envie de lui ... Elle se sentait inépuisable, tant le plaisir qu'il lui offrait l'électrisait.
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Elle se dressa sur lui, et Cahir se laissa faire, frissonnant à chaque fois que le corps d’Eclipse ondulait sur le sien. Il lui suffisait de la voir pour constater à quel point elle était excitée. Était-ce parce qu’il était un bon amant ? Cahir n’y croyait pas trop ; elle était sans doute comme lui, tout simplement. En manque. Même si elle était excessivement belle, il se dégageait d’elle une aura qui ne devait pas forcément attirer les autres gens. L’empreinte de la Mort était sur elle, mais ça ne l’empêchait pas d’être une femme pleine de passions. Elle était tout simplement très paradoxale. Parfois, sa tête se basculait en arrière, comme pour la laisser exprimer en silence le bonheur qu’elle ressentait. Cahir était aussi très excité, mais il pensait que ce qu’il ressentait était bien inférieur à ce que cette femme éprouvait. Ses mains caressaient parfois ses lourdes mains qui tiraillaient ses seins, ou glissaient sur son corps.
A nouveau, ils s’embrassèrent. Elle le griffa, même, la faisant de plus en plus ressembler à une petite sauvage. Cahir ne saigna pas, soit parce qu’elle n’avait griffé que très légèrement, soit parce que sa peau était assez résistante. Sentir les longs ongles pointus de la femme sur son torse l’élança à nouveau, lui donnant envie d’avoir un rôle plus actif. Plus fort... Elle voulait qu’il y aille « plus fort ».
*Ma foi, elle a affaire à un soldat après tout... Délicieuse petite femme...*
Il la regarda avec un léger sourire de désir, et se releva soudain. Le lit se mit à craquer violemment. S’aidant de ses avants-bras, Cahir se redressa. Son dos se tendit en l’air, ses jambes restant allongées, Eclipse sur lui. Il l’attrapa par le dos et la nuque, l’embrassant, et la poussa, inversant les rôles. Eclipse s’écrasa sur le lit, et Cahir la suivit, retournant la pénétrer. « Plus fort »... Ça, c’était le rôle d’un homme ! D’un soldat, qui plus est ! Il s’écrasa sur elle, utilisant ses avants-bras pour ne pas l’étouffer, et retourna gober ses lèvres dans un baiser sauvage et ardent, commençant à donner des mouvements de reins, pour enfoncer son membre. Il relevait ensuite son bassin, pour s’abattre à nouveau en elle.
« N’ayez pas peur d’utiliser vos ongles sur moi, ma chère... Je ne suis pas un paysan ; mon corps peut endurer vos jolis doigts... »
Cahir lui embrassa le cou, mordillant sa belle peau, et s’enfonça à nouveau en elle, amplifiant ses mouvements, se fiant aux grincements, plus ou moins sonores, du lit, pour savoir où il en était. « Plus fort »... Cette simple et brève demande revenait dans sa tête, l’incitant à ne pas la ménager.
-
Ce fut une chute des plus délicieuses ... Son corps tomba sur le matelas dans un soupir, et ses bras revinrent contre la peau de Cahir : une main se glissa dans son cou, et l'autre sur son dos, y prenant un appui. Elle eut à peine le temps de réaliser, que déjà le rythme reprenait de plus belle ... Les coups de bassin agitaient son corps, autant que les baisers l'essoufflaient. Et pourtant, elle ne cessait d'en redemander. Sa bouche n'avait de cesse d'embrasser soit les lèvres de Cahir, soit son cou. Quand elle sentait une vague de plaisir, qui annonçait le pire, s'abattre contre elle, Eclipse nichait son visage dans le cou de son amant, et resserrait sa prise sur son dos, le griffant légérement. Qui aurait pu imaginer qu'une femme de la stature, de l'allure d'Eclipse puisse demander qu'on y aille " plus fort " ? Et pourtant ...
Un baiser, à nouveau, tandis qu'elle peinait à dissimuler ses soupirs de plaisir. Les coups de reins faisaient grimper en elle des sensations qu'elle avait presque oubliée, avec le temps ... Dans un geste lent, ses jambes se redressérent, pour venir enserrer la taille de Cahir, ses bas se frottant à sa peau à chaque vas-et-vient qui faisait tant grincer ce lit.
- Je vais finir par croire ... Que nous allons briser ce lit.
Souffla t'elle dans un sourire, avant de revenir lui voler un baiser. Si Cahir écoutant bien, il pouvait entendre que ses soupirs se transformaient en doux gémissements, qu'elle ne cherchait même pas à cacher. Sa main revint trouver appui au niveau de l'omoplate de Cahir, pour venir glisser le long de son dos, étreignant et griffant même doucement sa peau. C'était si bon ... Non, Eclipse n'irait pas jusqu'à dire que cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas amusée ainsi, mais ses dernières expériences étaient plutôt féminines ... Alors croyez bien qu'elle avait envie d'un homme pour donner le change.
Un soupir, encore, et elle se cambra doucement contre lui, son visage revenant se nicher contre son cou, balayant sa peau de son souffle.
-
Elle se serrait contre lui, elle l’enfermait, ses barreaux chauds et tendres l’entourant. Le long de sa taille, il sentit les jambes de cette dernière, les frémissements de son corps, les pincements de ses délicats doigts. Qu’elle soit nécromancienne, noble dame, Reine, ou simple prostituée, tout cela n’avait alors plus la moindre importance pour Cahir ; elle était simplement une femme qui le désirait, et ceci l’amenait à la combler autant qu’il le pouvait. Il se perdait en elle, dans la chaleur de son corps, dans la douceur de sa peau, dans les profondeurs de son être, remontant et redescendant, glissant et se perdant. Même les grincements du lit, sur lesquels il se fiait au début, devenaient accessoires. Tout ce qu’il espérait, c’était qu’aucun garde ne viendrait les déranger. Il voulait rester seul avec elle, seul pour cultiver son plaisir.
Les mains d’Eclipse glissaient sur son dos, le martelant, ne faisant que l’encourager. Plaçant une main derrière sa nuque, sr ses cheveux, il avait utilisé l’autre sur le rebord du lit, s’en servant comme d’un appui supplémentaire pour se plonger en elle. Il sentait les délicieux seins de cette femme s’enfoncer contre son torse, et se plongeait en elle. Son antre était humide, tendre. Il sentait son sexe plongé là-dedans, et c’était... Sur le coup, Cahir ne voyait aucun mot pour décrire ça, ou il en voyait trop pour que ces derniers lui plaisent. Intense. Violent. Profond. Bon. C’était à la fois tout ça et plus. Son membre durci le contentait autant qu’il le faisait souffrir. Jouir lui apparaîtrait comme une libération, un moyen de soulager cette bosse énorme qui drainait toute son énergie.
« Tant... Tant que c’est vous que je ne brise pas... Tout ce putain de château peut bien s’écrouler », lui répondit-il entre deux soupirs.
La sueur ruisselait progressivement sur son dos, son ventre était en feu. Sa peau irritée continuait à toucher de plus en plus le corps d’Eclipse, ce qui, d’un point de vue médical, n’était pas vraiment recommandé. Mais Cahir s’en fichait pas mal. Ses cheveux étaient retombés en avant, obscurcissant un peu sa vision. Défaits, ils étaient trempés, que ce soit à cause de l’eau qu’il avait reçu dans les cellules, ou de la sueur que son corps en feu répandait. Il soupira longuement. Les minutes défilaient, et il sentait le courant approcher. Ce moment où il aurait l’impression que son sexe cracherait des litres et des litres de sperme, tant il se sentirait soulagé.
Il se faisait de plus en plus violent. Il avait après tout une carrure de soldat, un corps massif, et entraînait parfois le bassin d’Eclipse dans ses mouvements, la soulevant légèrement, avant de la renvoyer heurter le lit, continuant à mettre au défi les lattes en bois ancestrales qui soutenaient ce dernier. Mieux valait en effet que Cahir ne pense pas à l’état des lattes ; vieilles, elles étaient déjà fissurées avant même que les deux amants ne commençaient leurs ébats.
« Haaa... Bon sang... soupira-t-il. C’est... Encore meilleur que dans mes souvenirs, haaa... »
-
Ce courant, en elle ... Il allait imploser. Une de ses mains se décida à lâcher son corps, pour tomber sur les draps. Draps qu'elle serra entre ses doigts fins, son buste se cambrant encore. Chaque mouvement qu'il faisait en elle ne faisait qu'accentuer le plaisir, pour le mener à son paroxysme. Déjà, elle perdait doucement ses esprits, signe qu'elle allait imploser. Plus les gestes étaient puissants, plus son plaisir s'accélérait. Il n'y avait plus guére de soupirs, mais des gémissements qui trahissaient son plaisir. Quelque chose qu'elle ne pouvait guère contenir. Quand il parla à nouveau, elle prit l'initiative de l'embrasser. Encore. Et son coeur, qui semblait vouloir sortir de ce corps, tant il battait fort. Elle le devinait, en elle, qui s'enfonçait plus vite, plus fort ...
Elle ne saurait bientôt plus se contenir. D'ailleurs, elle le prévint dans un sourire :
- Vous allez bientôt ... Mmh, me briser.
Un sourire qui ne descend pas, et la sensation qu'un seul courant passe en eux, et les électrise entièrement. Sa peau, contre la sienne, et leurs souffles dans les airs ...
Une première vague vint la frapper, lui arrachant un cri de plaisir non feint. Eclipse ne pouvait guère calmer ses orgasmes ; aussi se laissa t'elle complétement aller entre ses bras. Une seconde vint la gifler de plein fouet, tellement forte qu'elle ne put même pas crier de plaisir, tant c'était puissant. Aah, cela faisait tellement de bien ... Sa main, dans le dos de Cahir, raffermit sa poigne. Et la troisième, l'ultime, la fit se cambrer violemment tout contre lui, dans un lent soupir. Dieu, que c'était bon ... Plus d'esprit, plus de pensées, plus de fantômes. Rien qu'un profond plaisir.
-
Se mouvoir en elle... Il ressentait à nouveau les pouvoirs que seul ces plaisirs délicats et intenses pouvaient procurer. Plus rien d’autre n’avait d’importance. Passé, présent, futur... Fantôme, démons... Aucune importance. Ils étaient dans les tréfonds de l’esprit de Cahir, et la seule chose qui, outre son plaisir, avait de l’importance, c’était celui d’Eclipse. Au pieu, un homme trouvait généralement très facilement le chemin vers la jouissance, mais une femme... Combien de fois avait-il du affronter les sarcasmes de certaines femmes avant de les mener au lit... Les soldats avaient chez certaines femmes cette curieuse réputation d’être de bons guerriers, mais de mauvais coucheurs. Vu comment Eclipse se trouvait, il fallait croire que cette réputation était loin d’être fausse. Cahir essayait de faire durer le plaisir, afin qu’elle s’abandonne la première. Une femme, ça pouvait jouir plusieurs fois d’affilée sans trop de problème. Un homme, c’était plus compliqué. Une fois que le sexe avait craché son sperme, un deuxième tour de piste était compliqué. Et si, en ce moment, Cahir était intimement convaincu qu’il pourrait lui faire l’amour toute la nuit, il se doutait que, lorsque le plaisir commencerait à redescendre, il s’écroulerait.
*On ne peut pas trop m’en demander non plus, compte tenu de ce qui m’est tombé dessus...*
Dans un murmure, Eclipse lui avoua alors qu’elle allait se « briser ». Ceci l’excita, et il dut se contrôler pour ne pas tout lâcher. Il continua à onduler en elle, mais ne la sentit pas vraiment jouir. Il baignait déjà dans une espèce de mare blanchâtre. Ça, il pouvait bien sentir qu’elle mouillait. C’était humide et tendre, très confortable. Il n’avait qu’à fermer les yeux pour essayer de visualiser sa sexe, imaginant un morceau circulaire piégé dans une espèce de sombre grotte aux parois humides, une grotte dont les stalactites et les stalagmites humides glissaient sans arrêt.
Il finit par jouir, peu de temps après qu’Eclipse ne finisse pas se briser. Lui aussi se brisa, et se cramponna contre le corps d’Eclipse, fermant les yeux, comme si une vague venait de l’engloutir. Tout son corps se tendit comme une corde de violon. Quelques secondes d’éternité où il ne ressentit rien, où il n’entendit rien, où il ne perçut rien. Ce fut une myriade, une délicate poignée, quelques secondes imperceptibles, le temps d’un battement de cils, mais, durant ce battement, il jouit, et se perdit. Le temps se suspendit, comme si la ligne du temps se heurtait à un mur, et, ensuite, les sensations revinrent.
Son souffle, pour commencer. Cahir se mit à respirer longuement, comme s’il avait couru un marathon avec son armure.
La sueur, ensuite. Il y en avait partout sur son dos, sur le lit, sur le corps d’Eclipse, sur ses cheveux, sur ses bras, glissant. Cette sueur impliquait une vive chaleur, qui était surtout concentrée sur son ventre. Il en gémit de douleur, et dut s’écarter du corps d’Eclipse. Être sur elle, c’était très agréable, mais son ventre continuait à le faire souffrir. Il se coucha à côté d’elle, sur le dos, et observa le plafond. Il y avait quelques toiles d’araignées dans les coins, des lézardes, des fissures. Il ne dit rien pendant plusieurs minutes, éparse. Son sexe était trempé. Il s’était soulagé en elle, et espérait vaguement qu’elle ne tomberait pas enceinte. Il se dit qu’une nécromancienne avait sûrement un tour dans son sac pour lutter contre ça. La jeunesse féminine ashnardienne utilisait bien des potions pour être temporairement stérile. Son coeur battait lourdement dans sa poitrine, et il finit par tourner sa tête vers elle. Il attrapa l’une de ses mains, avec tendresse, pour embrasser ses doigts, ses élégants doigts qui lui avaient griffé à plusieurs occasions le dos.
« Je... Je crois qu’à partir de maintenant, je remettrais à sa place le premier malotru qui dira que les nécromanciennes sont frigides... »
Il libéra les délicats doigts de la jeune femme.
« Vous m’avez achevé... » finit-il par dire.
-
C'était dingue, comme tout s'était arrêté. Brusquement, là. Tout avait cessé. La vague de plaisir était passée, et elle avait tout emmené avec elle. Eclipse se passa une main dans les cheveux. Ils étaient trempés. Un soupir, et elle ne put s'empêcher de sursauter quand il prit sa main. Leur alcôve venait littéralement d'exploser. Quand il parla, elle ne put s'empêcher de sourire de manière tout à fait naturelle. Un de ces sourires francs qui manquait tant à son visage. On disait partout que les nécromanciennes étaient frigides, et que les nécromanciers vivaient une vie ascétique. Dieu que c'était faux ... La jeune femme passa à nouveau sa main dans ses cheveux, envisageant de se laver. Elle détestait être sale et couverte de sueur. Quant au fait qu'il ait joui en elle ... Eclipse s'en foutait pas mal. Une plante, et le souci serait réglée.
- Les nécromanciers sont les pires, croyez-moi. Ils fréquentent trop la mort. Cela leur apprend à ne pas négliger la vie.
Admit-elle dans un sourire. Puis elle se redressa doucement ses coudes. Elle avait l'impression de ne plus avoir aucun os ... Aussi se laissa t'elle tomber à nouveau sur le lit, qui grinça une ultime fois.
- Je viens de réaliser quelque chose ...
Souffla t'elle, avant d'accéder à ses cigarettes. Oui, si elle n'avait pas la force de se lever, elle gardait celle de choper son sac, d'attraper son paquet, d'en extraire une clope, de l'allumer et de s'allonger à nouveau. Allez donc la comprendre. Elle tourna un instant son visage vers lui.
- ... J'ignore comment vous vous nommez.
-
Que son premier réflexe soit de fumer une cigarette après avoir fait l’amour fit légèrement sourire Cahir. Il la laissa faire, sans rien dire, se contentant de lentement reprendre son souffle. Elle lui affirma que les nécromanciens étaient, s’il avait bien compris, des chauds lapins. Cahir n’en avait rencontré que quelques-uns au cours de sa vie, mais, à les voir, on pouvait sensiblement en douter. Quoiqu’il en soit, il ne pensait pas qu’une nécromancienne comme Eclipse puisse exister. Comme quoi, on en apprenait tous les jours...
Restant allongé sur le dos, reprenant son souffle, laissant son ventre lui faire moins mal, Eclipse lui demanda alors... Son nom. Mieux vaut tard que jamais, dans le fond... Cahir réfléchit rapidement, avant de lui répondre, très simplement :
« Cahir » répliqua-t-il.
C’était son prénom, mais son nom... Son nom importait peu. Il n’avait plus le droit de le porter, et n’avait d’ailleurs même plus de nom à proprement parler. Quand l’Empire l’avait déchu de sa personnalité, il avait aussi été privé de tous les attributs qui découlaient de cette personnalité : le droit à un patrimoine, le droit à la protection militaire et juridique d’Ashnard, et le droit d’avoir un nom de famille. A vrai dire, en quittant l’Empire avec son épée, son armure en ébonite, et le collier en dymérite, il avait commis un vol, car ces biens revenaient normalement à l’Empire. Mais Cahir n’avait pas pu s’en séparer. Ces trois objets lui avaient sauvé la vie à bien des reprises. Y penser lui rappela qu’il n’avait toujours pas son épée.
Progressivement, Cahir revenait ainsi à la réalité. Son épée, le nécromancien, ce château sinistre qui était hanté par une sombre malédiction...
« Cahir, répéta-t-il alors. Ni plus. Ni moins. »
On sentait dans ses mots un ton lourd. S’il avait perdu son nom, ce n’était pas de bonne grâce. Cahir avait d’ailleurs failli se pendre après le prononcé du jugement. C’était sa mère qui l’en avait empêché, en lui disant que, normalement, il aurait du être exécuté, mais que son père avait usé de toute son influence pour commuer cette sanction en un bannissement à vie. Pour Cahir, mourir aurait été plus agréable, et, quand il l’avait dit à sa mère, il s’était attendu à recevoir une gifle, mais elle avait tout simplement pleuré. Et, pour autant qu’il s’en souvienne, lui aussi avait versé des larmes. Des serviteurs l’avaient, dans l’obscurité de la nuit, conduit dans des villages longeant la capitale impériale. Il y avait rencontré son père dans une grange. Il lui avait parlé, lui avait expliqué ce qui s’était passé, et lui avait remis son équipement, en le sommant de ne plus jamais revenir.
Cahir avait les yeux dans le vague. Replongé dans son passé, il était absorbé dans les souvenirs. Il avait fallu quitter l’Empire, et, s’il était venu à Nexus, c’était pour y trouver un moyen de se faire réhabiliter, des exécutions à faire, des informations à obtenir, n’importe quoi qui pourrait permettre au Conseil impérial de casser sa punition, et le réhabiliter.
« Peu importe, lâcha-t-il, sans savoir si Eclipse avait parlé ou non. Nous avons d’autres soucis pour le moment... »
Sa tête s’écrasa alors en arrière, sur l’un des oreilles. Seul le feu de cheminée éclairait désormais la chambre. Les nuits étaient froides, mais Cahir venait après tout de faire l’amour. Sa chaleur corporelle était suffisamment élevée pour lui permettre de ne pas se glisser dans les couvertures. Il s’attendait à ce que sa nuit soit difficile et éprouvante.
Elles étaient toujours difficiles et éprouvantes.
-
D'autres soucis ... A cette simple pensée, la nécromancienne roula des yeux. Il était vrai qu'elle avait un esprit à anéantir, un mage à calmer, et puis sa demeure à retrouver. L'idée la rassura, d'ailleurs. D'ici peu, elle pourrait rentrer chez elle, et elle se permettrait même de ne rien foutre pendant plusieurs jours. Des vacances ... Elle s'imaginait déjà trainant dans les bars, finissait un peu ivre dans le lit d'une personne qu'elle connaissait à peine, et puis tout oublier. Encore. Elle se permettrait peut-être même de fumer quelques joints, pendant ces vacances, bien décidée à n'offrir aucun répit à son corps.
Elle n'avait même pas relevée en entendant son nom, mais trouva qu'il lui allait assez bien. Un frisson frais traversa la pièce ; le corps d'Eclipse avait tendance à se refroidir vite, aussi releva t'elle le drap, pour s'enfouir dedans. Les nuits étaient effectivement glacée. La nécromancienne se releva, appuyant son dos contre e bord du lit. Son regard oscillait entre sa clope, et Cahir.
- Ne me dites pas que vous êtes épuisé ...
Lança t'elle dans un sourire. Oui, Eclipse était du genre insomniaque. D'une main, elle souleva le drap, pour se diriger doucement vers ce qui était sa salle de bain. L'eau du bain était encore chaude - les maléfices qu'elle connaissait étaient plutôt utiles - et elle accueillit cette idée dans un sourire ravi.
Elle se posa dans l'encadrement de la porte, le regardant.
- Vous restez ici à ressasser vos soucis, ou vous tentez de les oublier un peu ?
-
Elle eut la bonne grâce de ne pas être curieuse. De toute façon, il ne l’imaginait pas curieuse. Ce n’était pas son style, et Cahir se replongea, silencieusement, dans son passé. On pouvait tout à fait dire qu’il était un homme du passé, en ce qu’il restait accroché à un passé hypothétique, un passé qu’il ne pourrait objectivement plus jamais retrouver. Il avait été sacrifié pour les intérêts de l’Empire. Un coup politiquement impeccable, qui avait permis d’obtenir la soumission d’un puissant royaume commercial et de permettre à l’Empire de raffermir sa mainmise sur le littoral, d’augmenter sensiblement ses capacités militaires navales. Si Cahir avait été à la place du Maréchal qui avait eu cette idée, il l’aurait avalisé sans hésiter. Un sacrifice, un seul soldat disparu, et on pouvait sauver des millions d’autres soldats. Les Dieux avaient voulu que ce soldat soit Cahir.
Vaguement, il tourna la tête vers Eclipse quand elle lui demanda s’il était fatigué. L’était-il ? L’amour le fatiguait, parfois. Mais il pouvait compter sur son inflammation à l’estomac pour l’empêcher de dormir. Elle, elle serait bel et bien là pour lui gâcher cette nuit...
*Récupérer mon épée... Trouver un apothicaire pour soigner ça... Il y en a probablement un dans le village à proximité... Égorger ce nécromancien... Trouver des informations sur Nexus... Et tout ce que je trouve à faire, c’est coucher avec une femme... Il y aurait de quoi en écrire un roman...*
Eclipse ouvrit une porte à la dérobée. Sûrement... Sûrement quoi ? Les toilettes ? Ouais, ça devait être ça... Il l’observa silencieusement, juste histoire d’observer son derrière, puis contempla à nouveau le plafond, jusqu’à ce qu’elle vienne lui demander de venir. Venir où ? Dans les chiottes ? Elle voulait qu’ils pissent ensemble ?!
*Non... A moins que ça ne soit une lubie propre aux nécromanciennes... Bordel, mon cerveau fonctionne au ralenti, ou quoi ? Des chiottes... Ça doit être tout, sauf des latrines !*
Il se redressa alors avec un léger sourire, et lança, dans un élan de virilité typiquement masculin :
« Ma chère Eclipse, il n’y a dans ce monde que deux choses qui peuvent me mettre à terre : une épée dans le ventre... »
Il se rapprocha d’elle, et lui vola un baiser, avant de voir une espèce de grande baignoire. Il ajouta alors :
« ... Et la vodka naine. »
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Loin de là, dans les méandres sinistres du fort, dans des lieux où personne n’allait, personne sauf les habituelles goules et noctules qui hantaient les catacombes et les cryptes funéraires, le nécromancien avançait. Sa silhouette noirâtre se confondait à merveille dans l’obscurité ambiante et la puanteur des lieux. Il descendit un antique escalier en colimaçon, atteignant des ruines encore plus profondes, des cryptes et des crevasses qu’on ne retrouvait plus que sur d’anciens plans. Il s’avança sans inquiétude pour les occupants de ce château, mais avec une angoisse bien plus prononcée pour celui à qui il allait parler.
Il se rendit dans une petite pièce, face à un autel et un grand miroir, et commença le rituel habituel. Le nécromancien glissa l’une de ses mains squelettiques dans son torse, et en sortit le cœur de celui qui se tenait là auparavant. Un exercice difficile les premières fois, mais, avec des herbes maudites, on pouvait tout faire. Il contempla ce cœur palpitant, et le posa sur l’autel, et prononça la sinistre mélopée. Des mots si honnis qu’on disait que même les Dieux se recouvraient les oreilles en les entendant.
Très rapidement, le miroir se mit à prendre vie, et il revit le Maître. Le Maître entouré de ses disciples. Le Maître, juché sur son trône massif, et qui absorbait des âmes. Le Maître, dont les yeux étincelants, rouges, se fixèrent alors sur l’homme qui demandait audience.
« La voici, Maître... »
Le Maître ne dit rien, et le nécromancien ouvrit le médaillon. Le fantôme de Marjorie en sortit, et poussa des hurlements terrorisés.
« Chercherais-tu à me fuir, créature ? C’est moi qui t’ait conçu... Reviens vers ton géniteur » susurra ce dernier d’une voix sinistre.
L’âme de Marjorie disparut entre les doigts du Maître, et le nécromancien fixa, muet, son Conseil (http://www.marketwallpapers.com/wallpapers/9/wallpaper-52573.jpg).
« Il... Il y a eu des complications...
- Des complications que tu n’as pas su résoudre ? »
C’en était assez. Le nécromancien se sentit happer, et son âme, ou ce qu’il en restait, fut également absorbé par le « Maître ». Ce dernier fronça ses yeux démoniaques, et comprit ce qui avait tracassé cet individu. Il ouvrit alors les doigts, et Marjorie reparut... Sauf que ce n’était plus vraiment Marjorie. Comme tous les autres, elle faisait désormais partie du Maître, et n’était qu’une émanation de ce dernier. Il ne dit rien, car il n’avait plus besoin de parler. Marjorie traversa le passage, retournant dans le château. Alors, toutes les robes noires qui entourèrent le « Maître » se disloquèrent, révélant des squelettes qui tombèrent en poussières, et passèrent à travers le Portail, qui se referma ensuite, livrant passage à d’antiques nécromanciens, des nécromanciens qui avaient tant joué avec la Mort qu’ils étaient eux-mêmes devenus des esprits, dont le seul point d’ancrage dans ce monde était l’inflexible volonté de celui qu’ils surnommaient « Maître », et qui les envoyait sur Terra à la recherche d’esprits pour renforcer son pouvoir. Il se faisait appeler « Maître », mais il aurait été plus juste de l’appeler l’ « Exilé ».
« Volez, créatures... Volez, êtres qui avaient brisé les lois fondamentales des Dieux... Accomplissez ma volonté, et offrez-moi la force d’accomplir la Synthèse. »
-
Quand il s'approcha d'elle, et qu'il l'embrassa, Eclipse sentit l'once de fatigue qui faisait battre ses paupières s'évaporer. Non, non, elle comptait bien squatter le 7e ciel encore quelques temps ! La nécromancienne attrapa la main de Cahir quelques secondes, avant de la lâcher pour entrer dans la salle d'eau. La baignoire était appuyée contre un mur, et avait des proportions plutôt colossales. Même si elle n'était pas d'une finesse et d'une élégance royale, elle plaisait pas mal à la jeune femme ; aussi s'installa t'elle tranquillement dans l'eau, ne prenant même pas la peine d'ôter ses bas. Non, ce serait plus amusant de les conserver. Le contact du tissu et de l'eau ne la gêna pas plus que ça, et elle se laissa enrober par l'eau chaude. Un nuage de vapeur flottait de manière insolite dans la pièce, tandis qu'elle poussait un soupir de soulagement.
Mine de rien, le contact de l'eau, ça la faisait toujours vibrer. L'eau dans laquelle elle se trouvait - et dans laquelle elle espérait que Cahir la rejoigne vite - n'était pas transparente, mais rendue opaque par le savon. On aurait presque dit du lait. La comparaison la fit sourire.
- ... Croyez-moi, cela fait le plus grand bien !
Bon, là, elle aurait rêvée d'une clope. Fumer en prenant un bain était, à son sens, un des plus grands plaisirs de l'être humain. Et ne parlons pas du verre de vin ... La nécromancienne s'étira doucement pour attraper le savon qui trainait non loin d'elle.
- Accepteriez-vous de m'aider ?
Demanda t'elle en minaudant, charmante et joueuse. Ce numéro de charme - " Vous pourriez me laver le dos ? " - était bien connu, mais il avait toujours assez bien fonctionné. Et puis, elle aimait bien cela.
-
Il la suivit dans la salle de bains, un léger sourire amusé éclairant son visage. Pour avoir une chambre avec une baignoire aussi énorme, il ne s’agissait sûrement pas d’une chambre de bonne. Ironique... Oui, la vie ne manquait pas d’une certaine ironie. On avait offert à Cahir une cellule, et à Eclipse une chambre d’invitée de marque. Des vapeurs de fumée s’échappaient de l’eau, suggérant qu’elle était chaude. Comme Cahir doutait que cette baignoire dispose d’une chaufferie intégrée, il devait sûrement s’agir d’un pouvoir magique. Eclipse avait décidément bien des ressources.
S’adossant contre le mur, Cahir regarda la jeune femme pénétrer dans la baignoire... Avec ses bas ? Oui, avec ses bas... Excentrique jusqu’à la fin. Mais bon, comme ses bas lui allaient bien, Cahir n’allait pas s’en plaindre. Lui, en revanche, choisit de se débarrasser de ses bottes. Elles ne supporteraient pas l’eau aussi bien que les bas de la nécromancienne, et, lentement, Cahir se décolla du mur, pour se rapprocher de cette baignoire, comme enivré. Imaginer Eclipse dans cette eau chaude... Il réalisa qu’il avait une autre érection, et il n’y avait rien pour la cacher...
*Bah, je n’ai pas à en avoir honte... Je suis sûr que c’est ce qu’elle voulait, après tout... Je ne sais pas si je dois la détester encore plus ou non...*
Cahir s’approcha de la grande baignoire, et remarqua qu’Eclipse avait attrapé le savon, et lui demanda de l’aider. Souriant lentement, ce dernier commença par enjamber la baignoire. Il était derrière Eclipse, et mit ses pieds dans l’eau. Le contact de l’eau chaude le fit frissonner, lui rappelant qu’il n’avait pas eu un vrai bain depuis longtemps. Vie spartiate oblige, Cahir était souvent forcé de prendre un bain dans les rivières et dans les lacs, n’allant que rarement dans des thermes publiques. Son corps était, partant de là, plus habitué à sentir l’eau froide. Par conséquent, ressentir l’eau chaude lui procura un bien fou, si bien qu’il faillit déraper. Se rétablissant, il se plongea dans l’eau, écartant ses jambes pour les glisser de part et d’autre du corps d’Eclipse, son membre tendu s’enfonçant dans le bas de son dos.
L’apatride attrapa le savon, et commença à promener sur le dos d’Eclipse.
« Ça, c’est dans mes cordes... Et un homme se doit bien d’aider le beau sexe chaque fois que c’est possible, après tout... »
Cahir promena le savon le long du dos d’Eclipse, descendant pour remonter, traçant de longues lignes. Elle avait vraiment un corps superbe... Comme quoi, il ne fallait parfois pas grand-chose pour que quelqu’un change totalement d’avis sur une personne. Cahir finit par reposer le savon, et préféra promener ses mains, recouvertes du savon, les glissant sur toutes les extrémités du dos de la femme, remontant jusqu’à sa nuque, caressant à plusieurs reprises cette partie du corps. Il déposa ensuite un baiser sur l’une de ses omoplates.
« J’avais oublié à quel point c’était bon... avoua-t-il. Madame est-t-elle satisfaite ? Ou désire-t-elle que son masseur en toutes circonstances aille s’occuper d’autres parties de son corps ? »
-
Dieu, qu'elle pouvait aimer ce genre de choses ... Elle sentait tous ses muscles se détendre, prêt à reprendre du service. Eclipse est du genre inépuisable, je vous l'accorde. A force de passer des journées entières, endormie, parce qu'ayant consommée trop de plantes étranges, elle avait fait ses réserves. Et puis, s'il l'épuisait, elle pourrait encore s'endormir ... Pour mieux se réveiller. C'était un cycle qu'elle maitrisait à merveille. Aussi poussa t'elle un lent soupir de bonheur, quand il s'occupa de son dos. Elle se sentait tout à fait apaisée. Quand il était venu tout contre elle, elle avait bien sentie que son membre était encore endurci, et n'avait même pas su dissimuler un sourire. Elle était aussi amusée qu'une adolescente qui découvre les arts de l'amour. Et puis, ces mains, sur sa nuque ... Mmh. De lons frissons agitaient son échine. Elle adorait cela. Sa nuque était sans doute l'endroit le plus sensible de tout son petit corps.
Sa proposition la fit sourire, encore, tandis qu'elle se cambrait doucement.
- Vous le faites si bien ...
Glissa t'elle en souriant. Il était vrai qu'elle adorait sentir les mains de cet homme se balader sur l'ensemble de son corps. C'était grisant, excitant ... Elle pouvait presque sentir son corps trépigner d'impatience.
- Continuez, je vous en prie.
Le ton n'était pas impérieux, mais plutôt sensuel. Sa voix était un souffle mielleux. La nécromancienne tourna doucement la tête vers lui, du mieux qu'elle le pouvait, l'invitant à l'embrasser. Encore.
-
Elle lui avoua qu’il le faisait bien… Curieusement, Cahir n’avait pas des mains de masseurs. Il n’avait pas de longs doigts fins, élégants, et bien manucurés, mais des mains de soldat. Elles n’étaient pas sales, mais elles portaient sur elles la marque des lames, des boucliers tenus. Elles étaient lourdes, grosses, avec quelques discrètes cicatrices. Cahir ignorait quel effet ses caresses faisaient. Rugueux, aurait-il tout simplement dit. Mais bon, Eclipse aimait, et c’était l’essentiel, après tout… Cahir aimait aussi la masser, surtout dans un bain si chaud. Tout son corps frissonnait de plaisir. Eclipse tourna la tête vers lui, parlant sur un ton vibrant de désir.
*Elle a de l’endurance, cette femme… Hey, c’est qu’elle parviendrait presque à m’épuiser, à force !*
Cahir plongea sa main gauche dans l’eau, enlevant tout le savon, et releva sa main, avec un léger sourire. Ses doigts allèrent caresser délicatement les lèvres d’Eclipse, son ongle glissant sur le contour de ces dernières. Il promena assez lentement son doigt, savourant les lignes de cette bouche, et finit par glisser le bout de son doigt, laissant Eclipse l’avaler.
« Je ne comptais pas m’arrêter, rassurez-vous… »
Retirant son doigt, il le remplaça par sa langue, la blottissant contre lui, glissant sa main sur sa nuque, dans ses cheveux humides. Ce fut un nouveau baiser, assez tendre, assez long, qui accrut l’érection de Cahir. Son membre grattait assez douloureusement contre le postérieur d’Eclipse, glissant le long de son dos. Rompant le baiser, il se pencha un peu en arrière, et retourna s’emparer du savon massant désormais le devant du corps d’Eclipse, le corps de la nécromancienne plongé entre ses mains. Sa main gauche caressait l’estomac d’Eclipse, remontant sous sa poitrine, caressant parfois ses seins, tandis que la main droite, avec une tendresse qu’on n’aurait jamais pu soupçonner chez un soldat, remontait le long du bras d’Eclipse, s’arrêtant sur sa main, afin de tracer avec son ongle des ronds sur sa paume, remontant ensuite jusqu’à son épaule. Eclipse était du coup également plus ou moins allongée sur le ventre de l’apatride.
Lorsqu’elle tournait la tête, il allait l’embrasser, ou se contentait d’embrasser sa longue chevelure. Sa main gauche, elle, s’occupait de plus en plus des seins d’Eclipse, mais sans vraiment chercher à l’exciter. Le plaisir monterait tout seul. La chaleur allait dans ce sens, tout comme l’érection de l’ancien Ashnardien.
« Je pourrais caresser et embrasser votre corps pendant des heures… » lui glissa-t-il, sincère.
-
( Pardon pour le retard ... Crise d'inspi et maux de têtes pénibles. )
Le compliment, sincère, la fit presque rougir. Pour lui, qui la regardait comme une femme morbide au début de leur rencontre ... Maintenant, elle était désirable. Elle était maintenant une femme, une créature doucereuse qui accroît l'excitation des hommes d'un seul regard, d'une seule caresse. Et Dieu sait que cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas considérée ainsi. Par une des lucarnes de cette salle de bains, on pouvait entendre la pluie, qui faisait chanter la vitre. Des saccades, des trombes d'eau venait de faire taire le silence. Eclipse adorait ce simple son, et la scène devint brusquement fabuleuse à ses yeux. L'eau du bain, la pluie battante, ce corps contre le sien, et puis ces soupirs qui trahissaient le plaisir qu'elle ressentait. Quand ses doigts batifolaient sur son corps, elle ne pouvait pas empêcher quelques sourires de se glisser sur ses lèvres. De longues vagues de frissons agitaient sa peau, sans même qu'elle puisse les retenir.
Et puis ses baisers ... Ils attisaient son envie, son désir. Encore un baiser, puis un autre. Jouer le rôle du petit bout de femme gourmande, c'était plus que plaisant. Ses mains fines venaient, de temps à autre, caresser ces mains du bout des doigts, ou étreindre ses bras. Mais l'une d'elle, sans doute plus joueuse, n'hésita pas une seule seconde à se glisser dans l'eau, pour venir effleurer son buste de bas en haut. Puis, carrément en bas, sa main cherchant la naissance de son bas-ventre, puis son membre. Elle le sentait contre elle depuis un moment, et ne pouvait s'empêcher de venir le caresser aussi. Chaque fois que ses doigts revenaient titiller son sexe, cela augmentait l'envie qu'elle avait, l'envie de le sentir en elle encore une fois.
- Encore ...
Un murmure. Un sourire. Un baiser plus fort. Délicate, puis passionnée, Eclipse était définitivement difficile à cerner. Le jeu n'en était que plus amusant, après tout. Elle se cambra à nouveau, toujours dos à lui, ses mains cherchant à guider son sexe, à nouveau, vers le sien. Même si, dans sa position, c'était quelque chose d'assez complexe .... Mais elle ne doutait pas qu'il comprendrait le message.
-
Il avait le sentiment que la nécromancienne était de plus en plus heureuse et excitée. Son petit massage, tout en douceur, devait sans doute lui faire de l’effet, et plusieurs éléments montraient le plaisir qu’elle ressentait. D’une part, la main de la jeune femme caressait son membre de temps en temps. Et c’était assez agréable, tout en étant aussi irritant. L’érection de Cahir était de plus en plus insistante, et le faisait donc de plus en plus souffrir. Il soupira lentement sous ce contact. D’autre part, le mot qu’Eclipse poussa, un « Encore » qui était une délicieuse invitation. L’apatride continua donc à caresser les seins de la femme, et, comme elle s’amusait à caresser son membre, il décida de lui rendre la pareil.
Cahir délaissa donc cette agréable poitrine, répondant à chaque fois aux baisers d’Eclipse quand elle tournait la tête. Il devait avoir de bonnes lèvres, vu le nombre de fois qu’elle revenait dessus. La main de Cahir glissa des seins de la jeune femme pour atteindre son ventre, descendant pour gratter son nombril, continuant à viser un peu plus bas. Dehors, il pleuvait. Encore. La pluie allait probablement encore s’abattre pour une bonne partie de la nuit.
*Fichu pays de merde… Ce pays est si triste qu’il faut que les nécromanciennes, d’habituelles si rigides, daignent se vêtir d’un parfum de sensualité pour atténuer la morosité ambiante…*
L’apatride descendit sa main pour caresser le bassin d’Eclipse, dessinant des cercles autour de sa fente, sans s’y attarder, allant plutôt insister sur l’aine de la jeune femme, remontant ensuite, glissant ses doigts sur le sommet de ses jambes, tout en l’embrassant sur les cheveux.
« Et là ? Désirez-vous également y sentir mes doigts ? »
Cahir se sentait d’humeur taquine… Alors qu’il venait de jouir, et de laisser parler son plaisir, celui-ci revenait, vorace, ardent, surprenant. S’il avait été plus suspicieux, il aurait même pensé qu’elle l’avait drogué avec un sortilège quelconque… Mais la réalité était plus simple. A force d’être dans la privation, Cahir sentait paradoxalement sa perversité se développer. Et cette nécromancienne attisait ce feu sans vraiment le vouloir. Elle repoussait l’apatride autant qu’il l’attirait, et, dans un certain sens, il lui trouvait un charme mystique, qui l’amenait à renforcer son désir à son encontre.
-
Un charme mystique ... Oui, c'était sans doute ce qui pouvait le mieux décrire Eclipse. Un charme mystique, inexplicable, aussi inquiétant qu'attirant. Mais elle ne comptait pas disserter sur ce qu'elle pouvait avoir de charmant. Non, elle était bien trop occupée à savourer cet instant, là, au creux de cette baignoire. Les mains de son amant se faisaient plus aventureuses, venant caresser la naissance de son ventre, la douceur de ses jambes, toute une zone diablement sensible à ce genre de traitements. Elle n'en pouvait plus, de subir tant de frissons, simplement au contact de ses mains. Elle pouvait sentir son coeur battre plus vite, plus fort, et son corps s'embraser littéralement. Elle ne désirait que son corps, ses lèvres, sa peau toute contre la sienne ... Le reste, elle n'y pensait pas, n'y pensait plus, et n'y avait d'ailleurs jamais pensé. Eclipse tourna la tête, dans un lent soupir, pour venir goûter à nouveau à la saveur de ses lèvres tièdes. Son corps tout entier remuait doucement au contact de ses mains, venant se frotter doucement contre le sien. Ses mouvements étaient aussi délicats que légers, et traduisait clairement son envie. A croire que la jeune femme était infatigable ...
Et elle n'avait même pas besoin de drogues, pour cela.
- Je le désire ... plus que tout.
Ce n'était plus une voix, mais un murmure aussi sensuel que brûlant. Sa main vint se poser sur la sienne, doucement, la guidant vers son ventre, son nombril, puis plus bas encore, sans jamais le forcer. Non, cela ne lui ressemblait pas ... Je vous l'ai dis, Eclipse est délicate, avant tout.
- Et pas que tes doigts, beau soldat.
Un sourire, aussi charmant que joueur. Oui, elle était passée au tutoiement, comme ça. Une pulsion, sans doute. Le désir, assurément.
-
Beau, il devait probablement l’être. Soldat, en revanche, il ne l’était pas. Ou plus. Elle guidait ses doigts sur son ventre, et il la laissait faire, caressant sa délicieuse peau, ses jambes frottant contre les bas d’Eclipse. Cette femme était exquise, procurant en lui un plaisir insoupçonnable. Un léger sourire, il glissa donc ses doigts sous l’estomac de cette étrange perle, frottant les pourtours de ses lèvres intimes, ne s’y aventurant pas encore. Il préférait jouer un peu, et prendre son temps. La nuit était pour eux. Dans ce château décrépi, poussiéreux, moisi, aux angles couverts par des toiles d’araignées, le hasard avait voulu que la personne la plus intéressante, la seule qui soit vraiment de taille à lui faire accepter son infortune, soit une commerçante de la mort. La vie avait un sens de l’ironie détestable.
« Je ne suis plus un soldat souffla-t-il dans son oreille, son majeur se glissant désormais en elle, dans cette étroite et tendre grotte dont il ne se lassait pas. Plutôt un solitaire vagabond. »
Lentement, il enfonçait son doigt. Ce n’était qu’une lente introduction. Elle avait clairement exprimé son intention, et Cahir la partageait. Son érection se renforçait, tapant contre le fessier de la femme, glissant sur le bas de son dos, provoquant des frissons de plaisir et de douleur à la fois. Il avait suffi d’un seul mot pour que le passé revienne le frapper. « Soldat »... Une situation similaire. Un homme et une femme dans une baignoire. Lui prenant son bain, elle le rejoignant. Espiègle, rieuse, joueuse, mutine. Il n’avait jamais manqué de qualificatifs pour la décrire. Et elle n’en avait jamais manqué non plus. Chaque fois qu’elle sentait ses érections, elle se penchait vers ce pensionnaire, vers ce « serpent de pierre », prêt à mordre.
Cahir chassa cette vision guère désirée. Il n’était pas dans le luxueux manoir familial, dans les hauteurs de la capitale impériale. Et il n’était pas en compagnie de celle qui portait son enfant, mais d’une nécromancienne. C’était comme si sa vie s’était détériorée. L’endroit, un château misérable, qui semblait prêt à être arraché de ses fondations à la moindre tornade. Lui, un vulgaire vagabond, qui n’était plus rien. Et elle, une nécromancienne, une femme qui vivait de la mort. Tout était différent, en pire. Ou presque. Ce plaisir qu’il ressentait, cette chaleur qui naissait dans son bas-ventre pour se propager dans tout son corps, était enivrante, plus forte qu’autrefois. Assez logique, dans le fond ; le sexe était l’une des rares choses qu’on n’avait pas pu lui retirer.
*Plonge-toi, et noie-toi dedans, au moins jusqu’au lendemain...*
Remontant sa main, il approcha son majeur des lèvres d’Eclipse, le glissant dans sa bouche. Il n’avait pas fait que prendre de l’eau, mais aussi un liquide. Il la laissa y goûter, remontant son autre main pour presser l’un de ses seins. Se plonger ne serait fort heureusement pas trop difficile. Il joua avec le téton de cette belle femme, le pressant, le titillant.
« Ça a l’air bon... » glissa-t-il à nouveau.
Cahir tourna sa tête, et scella à nouveau les lèvres d’Eclipse d’un léger baiser. Elle avait toujours aussi bon goût, et il en eut un léger soupir, avant de lentement bouger. Il devait sûrement faire un confortable coussin, mais ce n’était pas dans cette position qu’il pouvait faire ce qu’il avait envie de faire. Il se retira du dos d’Eclipse, se calant à côté d’elle. La baignoire n’était pas énorme, et son corps racla contre la paroi, mais il réussit à aller sur elle. Il caressa de l’un de ses doigts le pourtour de la bouche de cette femme. L’époque où il avait eu envie de la gifler, et où elle le considérait avec mépris, semblait appartenir à un autre monde. Son regard glissa ensuite le long du corps de la femme. L’apatride n’eut ensuite qu’un mouvement à faire, et retourna se perdre en elle.
-
Eclipse en était venue au point où le simple son de sa voix éveillait bien plus de choses en elle qu'elle n'aurait plus le penser. Lorsqu'il glissa ces quelques mots, tandis qu'elle suçait ce doigt qu'il lui offrait. Il avait sa saveur à elle, et elle fut surprise de constater qu'elle était salée. Cela lui rappela ces nuits qu'elle passait dans les bras d'autres femmes, peaux contre peaux, murmures contres cris aigus. Mais là, dans ce murmure, elle trouva une montagne de frissons et un souffle de désir. Qui la terrassa. Elle se laissa couler entre ses doigts, comme cette eau opaque et tiède. Eclipse vint l'embrasser, alors. Encore une fois. Cette chaleur, cette saveur qu''elle commençait à connaître, à apprécier.
C'est à l'instant même où leurs corps se firent face, où elle put croiser son regard, où elle sentit ses doigts contre ses lèvres, où il entra en elle, qu'elle sembla prendre vie. Dans un long frisson. Ses bras se refermérent sur le corps du vagabond, et elle se serra contre lui, plus fort encore. Sa poitrine se retrouva comprimée contre son torse, à nouveau, et les doigts d'une de ses mains se perdirent dans sa chevelure. Le temps s'est arrêté. Un soubresaut, et elle commença à remuer son bassin avec une lenteur et une sensualité incroyable. La nécromancienne revint chercher ses lèvres, pour lui offrir un de ces baisers chauds et puissants, qui n'a aucune retenue, aucune morale.
- Mmmh ...
Un de ces soupirs appréciables et torrides vient de s'extirper d'entre ses lèvres. Ce qu'il avait offert à son corps, ces caresses tendres et affolées, l'avait rendue plus humaine qu'elle aurait pu l'être un jour. Il y avait le danger, la passion, la folie, qui les enveloppait, attisant ce désir.
- C'est très bon, murmura t'elle dans un sourire charmeur, comme pour répondre à son ancienne déclaration.
-
Se perdre dans le corps d’une femme était définitivement une chose merveilleuse. La nécromancienne avait un corps fascinant, envoûtant. Et il se dégageait d’elle un charme hypnotique, une aura de désir qui emportait Cahir. Le guerrier pouvait venir à bout d’un Bullvore, mais il suffisait d’une femme belle et de quelques charmes pour qu’il ait l’impression de perdre tous ses moyens. Une vague de plaisir le submergea, l’étouffa quand il s’enfonça en elle, quand son sexe tendu, son serpent de pierre, cracha. Il sentit une main se glisser dans ses cheveux, et rouvrit lentement les yeux. Il vit la poitrine de la femme, sa gorge, ses lèvres, ses joues... C’était comme si un charme l’avait envoûté. Il la trouvait aussi belle qu’une nymphe, aussi désirable qu’une succube. Comment diable avait-il pu se méfier de cette femme ? Son corps bouillonnait de chaleur et de cette douceur féminine dont l’apatride avait toujours raffolé.
Il fit des ondulations, des coups de rein, remuant l’eau, la faisant déborder, ses doigts se perdant également dans la longue chevelure de la femme. Ses yeux sombres étaient semblables à deux espèces de noirâtres bijoux fascinants. Oui, cette femme était désirable. Et les soupirs qu’elle poussait... Cahir en frissonnait, voyant sa belle bouche remuer lentement, expirant le plaisir qu’elle ressentait. Elle se tortillait lentement sous lui, et lui annonça que c’était bon... Une précision superflue ; ses soupirs l’exprimaient. Étrangement, l’entendre soupirer l’excitait plus que de l’entendre parler. C’était... Plus authentique, plus vrai, et il se contenta de serrer les dents, avant de continuer ses mouvements.
Son sexe s’abaissait et se relevait, dans cette mécanique classique, guère compliquée, et qui était, par une incompréhensible alchimie propre à la nature, l’une des plus agréables choses existantes. Cahir se plongeait en elle, et l’embrassa fiévreusement, se crispant contre elle, grattant le dos de cette femme, la plaquant contre le fond de la baignoire, continuant à faire envoyer de l’eau par-dessus bord. L’apatride ne disait rien. Il ne savait pas quoi dire, et n’avait de toute manière pas envie de parler. Quand il rompait son baiser, c’était pour l’embrasser sur les joues, ou pour tirer la tête de la nécromancienne en arrière, afin de se goûter à son cou. Cette femme était exquise, et il aurait bien aimé continuer à l’embrasser ainsi.
Néanmoins, au fur et à mesure qu’il continuait à la pénétrer, qu’il continuait à remuer son sexe, il ressentait une dose de frustration grimper, se mélangeant à une dose de plaisir, les deux augmentant simultanément, le forçant à être de plus en plus rapide, de plus en plus brutal et profond, à aller dans les profondeurs de son être, et à perdre le contrôle. Difficile de penser à autre chose qu’à leurs sexes entremêlés. Cette idée remplissait tout son être, et faire autre chose relevait de plus en plus de l’impossible.
-
Que l'eau déborde, si cela lui chantait ! Eclipse n'en avait cure. C'était même plutôt beau, toute cette eau qui s'évadait. Même si la jeune femme y prêtait très peu d'attention. Ses bras étaient serrés autour du cou de son amant, qu'elle couvrait de baisers du mieux qu'elle le pouvait. Il se perdait en elle, elle se laissait fondre tout contre lui. Ses lèvres écarlates se logèrent un instant dans son cou, croquant la peau avec ce qu'il faut de douceur violente. Ses griffes onglérent sa peau. Elle sentait son poids sur elle, et son membre qui entrait, sortait, entrait, sortait, faisant grimper un plaisir inouï en elle. Depuis combien de temps n'avait-elle pas goûté à ces plaisirs ... Bien trop longtemps. Et elle se rattrapait plutôt bien. Quoi que l'on dise, il fallait l'admettre : aucune nécromancienne n'aime la mort plus que la vie. Surtout cette vie-là, qui palpite entre les cuisses et les doigts. Un baiser, encore. Un coup de rein, encore. Elle-même faisait remuer son bassin en rythme, offrant plus d'élan à leurs ébats déjà brutaux. Eclipse appréciait son contact, sa poigne, sa manière de baiser, d'embrasser. Tout lui allait. A défaut des fantômes, elle était aux anges.
Ni une, ni deux, une de ses jambes se redressa, pour venir entourer sa taille. La baignoire n'était pas très petite, mais son dos ripait contre elle. Agaçant. Aussi prit-elle une décision : elle se redressa doucement, son index se posant un moment sur la bouche de son amant. T-t-t. La nécromancienne le renversa, lui sur le dos, elle sur lui. Elle pouvait au moins lui faire ce plaisir. Prendre un peu les rênes. Et le laisser jouir au rythme de ses propres coups de bassins. Aussi se retrouva t'elle, à nouveau sur lui, ses lèvres retrouvant les siennes, son bassin ondulant délicieusement sur lui. Qu'elle danse, qu'elle danse, oui. Même si la baignoire était ... assez peu encline à ce genre de positions, elle faisait tout pour qu'il se sente bien. Excès d'altruisme. Profitez-en, c'est rare, venant d'elle.
Alors commença une jolie danse : des coups de reins doux, très doux, qui devenaient plus profonds à chaque fois. Qu'il empoigne ses fesses, ses seins, qu'il agisse à sa guise ! Elle-même prenait son pied. Le chevauchant ainsi, s'agitant comme une petite diablesse, qui aurait pu la prendre pour une froide nécromancienne ?
-
Couper l’eau n’était pas compliqué. Tourner un robinet ne demandait, ni une préparation mentale forte, ni un entraînement physique régulier. Et l’eau, à vrai dire, commençait à bien monter. Elle lui était indifférente, et son unique centre d’intérêt, à vrai dire, se résumait à cette femme qui était à moitié habillée, et qui jouait avec la Mort. Une nécromancienne. Qui aurait pu croire qu’il s’en taperait une ? Les nécromanciens, disait-on, sentaient la Mort. Mais son corps, pour ce qu’il en voyait, ne sentait rien de tout ça. Curieusement, il respirait de vie, de cette vie qui vous donnait envie de la croquer à pleines dents. Elle était chaude, désirable, ardente. Il était dans ce paradoxe que c’était elle qui lui rappelait les plus simples, mais aussi les plus exquises, joies de vivre. En d’autres temps, il s’en serait damné, au nom de sa fierté. Mais, en ce moment, il se contentait de subir, et la laisser agir à sa guise, la laisser le chevaucher. Lui, le guerrier, le fort, le puissant. Il lui avait suffi de tomber sur une nécromancienne pour voir toute la nullité de son jeu, et se plier. Elle l’avait rencontré dans les cachots, et il avait eu envie de lui tordre son joli petit cou. Maintenant, il n’avait qu’une envie : le baiser. Il n’y avait qu’une femme pour vous donner de telles envies, d’un extrême à l’autre.
Dressée sur lui, elle le dominait, le chevauchait, et lui sentait tout son corps fondre dans une eau merveilleusement chaude, leurs corps se scellant sous la surface de l’eau, une surface qui continuait à grossir, les remplissant, semblant conforter cette idée qu’ils étaient noyés dans une bulle de douceur et, dans une certaine mesure, de sauvagerie. Vu le trou pourri dans lequel ils se trouvaient, cet instant volé était à saisir, et à en profiter pleinement. N’ayant plus grand-chose à faire, Cahir se contentait de subir, et, surtout, de tenir. A chaque rebond de cette femme, à chaque fois que son corps glissait sur son sexe, il sentait des frissons le parcourir, comme des messages électriques remontant le long de son corps pour filer dans son cerveau, lui intimant de se décharger, de se vider. Et lui devait tenir tête, devait empêcher son corps de répondre au message de souffrance que la tuyauterie émettait. Le plombier devait continuer à prendre son café. Il se forçait à ouvrir les yeux, à observer cette femme, la trouvant, sous le voile du sexe, aussi belle qu’une diva. Une créature délicieuse pour laquelle il aurait pu se damner.
Ses mains s’étaient rapidement posées sur un endroit qui, en étant attirant, ne dérangerait pas la femme dans sa danse. Son bassin, et, de là, ses fesses, qu’il pressait. L’originalité de cette femme allait de pair avec sa beauté. Elle était rentrée dans le bain avec ses collants, et continuait avec eux. Il les sentait contre ses jambes, et ce simple détail, sans qu’il ne puisse vraiment se l’expliquer (mais, à vrai dire, il y avait beaucoup de choses que Cahir ne s’expliquait pas dans ce château, jusqu’à l’existence même de cette grange poussiéreuse), suffisait à l’exciter. Il la tenait contre lui, et soupirait parfois lourdement, sans excès, voulant surtout se régaler des soupirs de la jeune femme. Pour le coup, il n’avait pas à se demander si elle était heureuse ou non. La manière dont elle avait pris les devants en témoignait. L’eau, quant à elle, commençait à déborder, s’étalant sur le sol, chaque secousse d’Eclipse la renversant. Mais lui aussi n’en avait cure. Il se contentait de la caresser, à hauteur de son postérieur, de l’observer, de la contempler, admirant chaque détail, chaque ligne, chaque courbe. Une nécromancienne... Peut-être n’était-il pas si borné que ça, finalement ?
L’eau remontant à hauteur de son cou, titillant ses cheveux, Cahir était placé entre un choix cornélien : délaisser de ses doigts cette superbe pièce, ou s’y cramponner. L’hésitation fut de courte durée, et, se servant du postérieur de la jeune femme comme appui, crispant du coup ses doigts sur elle, il se redressa légèrement, faisant remuer l’eau, provoquant de petites vaguelettes, et en balançant une bonne partie sur le sol, afin de porter son visage à hauteur des seins de la femme. Il en attrapa un, remontant l’une de ses mains vers le milieu du dos pour favoriser son appui. Il y a longtemps, il aurait sans doute déjà joui. Mais ça faisait longtemps que l’apatride n’avait pas eu la chance de goûter au corps d’une femme. Et c’était une nécromancienne. Deux bonnes raisons de prolonger le plaisir.
-
Se damner. Mh, c'était bien le terme. Le petit bout de femme fière qu'elle était aurait pu se damner pour que cet instant dure toujours. Oubliés, les fantômes hurlants. Oubliés, les coups qu'elle s'était mangée il y a peu. Il n'y avait que ces mouvements de bassin, longs, langoureux, qui subsistaient. Lorsqu'il se releva, elle prit sa tête dans une de ses mains, ses doigts se nouant dans ses cheveux. Le contact des deux corps brûlants, trempés, l’émoustillait. Qui sait si elle n'avait pas déjà perdu la raison. Son autre main glissa sur son épaule, ses omoplates, s'y tenant comme si sa maigre vie en dépendait. Eclipse s'essoufflait, tout contre lui. Et cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas goûté quelque chose d'aussi bon. Pour elle qui, parfois, préférait la gent féminine, elle devait avouer que cette brutalité, cette puissance, lui manquait parfois. Ses coups de reins se firent plus pressants, en réponse aux siens. Elle allait se perdre, bientôt, elle le savait. Tomber dans un plaisir parfait. Ce n'était plus qu'une foutue question de secondes.
- Mmh ... Je ... Ah !
Et voilà, quand on parle du loup. C'était beau à voir, mine de rien. Et à ressentir, c'était dévastateur. Un corps qui se cambre, des gémissements qui se muent en cris sourds, un souffle qui se coupe. La jeune femme se laissa aller, serrée contre lui, son corps ne fatiguant pas. Jusqu'au bout, elle remua entre ses bras. Jusqu'à ce que le plaisir l’achève complètement. Alors, sa poigne fut moins rude, et son souffle mit un long moment à ne plus être aussi haché. Eclipse se baissa, l'embrassant, cherchant ses lèvres avec une douceur infinie. Il n'y avait qu'elle pour passer d'un état à un autre. Petite créature versatile.
- Je pense que ... Je suis morte.
Un sourire. Les termes étaient assez douteux, pour une nécromancienne. Mais bon, on ne la change pas, Eclipse.
-
Dans cette baignoire remplie, Cahir flottait. Dans tous les sens qu’on pouvait donner au principe du flottement. Il avait du ml à avoir pied avec le sol, son corps étant légèrement soulevé du fait de l’eau qui commençait à aller à ras bord, tombant sur les planches en bois du sol. Il était maintenu par le haut par cette femme, essayant à sa manière, de donner des coups de reins, même si, compte tenu de sa position, c’était surtout elle qui imposait son rythme. Lui se contentait de jouer avec l’un de ses seins, tel le jeune enfant qui s’attaquait aux seins de sa mère à la recherche du lait maternel. Faute de lait, le liquide que Cahir convoitait se situait en réalité un peu plus bas, et était déjà recherché avidement par un membre. Il couchait avec cette nécromancienne, se laissait dominer par elle. Une situation qu’il n’aurait jamais cru possible, mais qui, pourtant, par on ne sait quel miracle, était en train de s’accomplir. Elle dansait sur lui, remuait, le possédait, envoûtante. Comment une marchande de mort pouvait-elle être aussi attirante ? Mais, à dire vrai, Cahir aussi n’était-il pas, à sa manière, un marchand de mort ? Et, dans le fond, de quel droit un apatride pouvait-il juger un nécromancien ? Il la sentait venir, l’entendait, caressait son dos, et lui-même se sentait proche du point de rupture.
Cahir ne sut jamais qui atteignit le point de rupture en premier. Pour lui, ce fut comme une délivrance. Il grognait, éructait, tant son sexe le faisait souffrir. Ce n’était pas agréable, plutôt comme une irrépressible envie. Il y avait quelque chose qui voulait sortir, et, quand le sperme jaillit hors de son sexe, ce fut comme une intense libération. Libre et épanoui, il ne prit même pas conscience que la nécromancienne atteignait également son orgasme, ne songeant qu’à... Qu’à rien, en fait. Son esprit était complètement détaché, et sa tête se bascula légèrement en arrière, yeux clos, ses lèvres s’entrouvrant pour libérer un long soupir de plaisir. Il bascula en arrière, et ne rouvrit les yeux que pour embrasser la femme. Dans un sursaut, il songea enfin à couper l’eau, avant que tout le château ne débarque pour comprendre les origines de cette inondation. Le robinet de l’eau se tut, et le silence s’imposa, troublé rapidement par les bruits de leurs corps, les mouvements de l’eau. Il l’embrassa avec tendresse, caressant ses cheveux. Ce baiser, c’était une forme de récompense pour ce moment offert. Ils avaient ouvert une parenthèse de plaisir, mais toute parenthèse s’ouvrait pour se refermer.
Sa remarque le fit sourire. Maniait-elle l’humour, en plus ? Elle était toujours sur lui, mais ça ne la dérangeait pas. Lentement, Cahir bascula son corps en arrière, faisant remuer l’eau, et s’allongea, l’observant, dressée sur elle. Eclipse... Qu’est-ce qui ne l’étonnait pas chez elle ? Il n’aurait su le dire. Jusqu’à son nom... Inhabituel, tout simplement.
« Vraiment ? finit-il par dire, entre plusieurs soupirs, l’eau chaude n’améliorant en rien la rougeur qui remplissait son corps. Je ne pense pas que ce soit vraiment un problème pour toi, ma chère, non ? »
Allongé là, Cahir se sentait serein et détendu. Il ferma brièvement les yeux. Ses mains, posées sur les hanches d’Eclipse, s’écartèrent un peu pour se poser sur les accoudoirs de la baignoire. Et là, il recommença à soupirer, soulevant son torse. Le sexe, c’était bon, mais aussi épuisant. Il avait presque failli l’oublier. Encore un peu, et il irait jusqu’à la remercier.
-
L'épuisement. Il se faisait sentir, dans ce petit corps frêle. Même si elle restait sur lui, le regardant sans parler, les mains appuyées sur son torse, Eclipse se serait bien endormie. Oui, là, dans ce bain, lovée contre lui. La jeune femme solitaire changeait parfois de visage. Elle détestait, habituellement, dormir avec une personne. Son lit était à elle, son corps endormi aussi. Aussi, qu'on la touche ou que l'on tire sur les draps l'agaçait pareillement. Mais là, elle s'en foutait. Peu importait. L'eau était chaude, au moins autant que leurs corps, et tout allait bien. Elle était crevée, c'était la seule ombre au tableau. Elle allait lui suggérer de se diriger vers le lit quand tout bascula. Car oui, ce genre de moments était aussi bons qu’éphémères. Et quelque chose grondait encore dans les tripes de cet hideux château, à mille lieux de son manoir. Un vent frais fit passer un lent frisson sur sa peau. Vivement, la jeune femme quitta le bain, inspectant les lieux. Oui, elle était nue, et cela la gênait assez, aussi attrapa t'elle un peignoir en soie blanche. La silhouette de son corps trempé se dessinait dans le tissu, collant à sa peau. La nécromancienne se planta au centre de la pièce, un moment, les bras croisés sous sa poitrine.
Et il ne se passa rien. Eclipse prit son visage dans ses mains.
- J'avais cru entendre ...
Elle fit claquer sa langue contre son palais, et expira violemment de l'air, agacée.
- J'aimerais que cesse cette paranoïa. Mh, fausse alerte.
Ce n'était qu'un courant d'air, venant de la fenêtre. L'isolation était loin d'être exemplaire. Ce brusque retour au réel eu le mérite de la stresser. Son corps, si détendu, venait de redevenir une boule de nerfs. Elle appuya son dos contre le mur opposé à la baignoire, gonflant ses joues pour les vider ensuite. Une manière comme une autre d'évacuer la pression.
- Ce fantôme me rendra folle.
-
Les bienfaits de l’eau chaude... Fermant les yeux, Cahir soupira légèrement, se sentant à son aise. Que demander de plus ? Il avait l’eau chaude, et la belle femme. Il ne manquait plus qu’une baignoire un peu mieux, et du vin. Le bon vieux vin rouge nexusien était l’un des plus fameux de Terra. Rien à voir avec l’alcool ashnardien. Seul le plus hypocrite des patriotes ashnardiens aurait vanté les qualités de l’alcool fabriqué dans les distilleries ashnardiennes. Il se serait volontiers endormi ici, et s’apprêtait à tendre ses mains pour inciter Eclipse à se servir de son torse comme oreiller... Quand cette dernière se redressa, et sortit de l’eau. Cahir fronça les sourcils. Il n’avait rien entendu et rien perçu... Et il n’y avait aucun bruit de pas.
« Un problème ? »
Elle ne répondit pas, et il vit les yeux de la femme s’écarquiller, alors qu’elle s’enroulait d’une serviette, couvrant son délicieux corps nu. Elle ne portait plus que ses collants, trempés. Sourcils froncés, Cahir essayait de comprendre ce qu’elle avait, lorsqu’elle lui expliqua que c’était une « fausse alerte ». Il entreprit alors de se redresser, et sortit à son tour de l’eau, nu, son misérable sexe pendouillant entre ses jambes. Que trouvait-on de plus ridicule au monde qu’un sexe qui n’était plus en érection ? Heureusement que le reste du corps de Cahir suffisait à rattraper cette petite verge qui pendouillait misérablement, épuisée. Il se rapprocha d’elle, et prit une serviette à son tour, se frottant les épaules et la nuque.
« On se débarrassera de ce fantôme, ne t’en fais pas. »
Il espérait que sa visite à la librairie demain lui fournirait des éléments de réponse. Il y avait tant de choses qui lui échappaient, et la petite crise d’Eclipse lui rappela cette situation. Un fantôme, et probablement quelqu’un qui l’avait invoqué. Une malédiction ? Peut-être... Mais Cahir savait qu’il y avait généralement quelqu’un derrière une malédiction. La malédiction spontanée tenait généralement de la mystification. Si toutes les injustices de ce monde créaient des malédictions, il y aurait plus de fantômes que d’êtres vivants.
« J’aurais adoré continuer à batifoler dans l’eau, mais je crois qu’il va falloir se montrer raisonnable.... »
L’apatride hésitait. Trouver une chambre, ou dormir avec elle ? Il faisait preuve avec elle d’une délicate et troublante attention, alors qu’elle était une nécromancienne. Comme quoi, le sexe rapprochait les gens, et c’était surtout vrai pour Cahir, qui n’avait pas fréquemment l’occasion de pouvoir faire l’amour,
« Tu veux que je passe la nuit avec toi ? Je ne te cache pas que ce serait... Préférable pour moi. »
-
Dormir ensemble. Ce n'était pas une mauvaise idée. Eclipse referma doucement le peignoir si fin qu'elle portait, avec une pudeur inutile. La fierté de la nécromancienne n'avait plus aucune valeur, à ce niveau là. Et elle ne se voyait pas dormir toute seule dans ce lit qui portait leurs odeurs. Si elle n'était pas une sentimentale, ce genre de détails lui gangrenait volontiers l'esprit. Elle lui répondit d'un hochement de tête, se frottant énergiquement les bras. La jeune femme n'avait pas forcément froid, mais occuper ses mains était devenue une nécessité. Oui, elle était anxieuse. Ces fantômes occupaient à nouveau son esprit. Elle était besoin de repos. Du bout des pieds, elle se dirigea vers la chambre, le regard vissé sur le sol. Eclipse qui devenait calme. Décidément, elle était bien lunatique.
La nécromancienne s'installa sur le lit, s'asseyant pour mieux retirer ses bas. Elle remonta son peignoir, doucement, lui faisant face. Quand cette action prit fin, elle resta assise, les paumes de ses mains sur ses cuisses. Eclipse le regarda un moment, sans rien dire, respirant avec un calme certain. C'était histoire d'apaiser son corps éreinté, surtout.
- Je ... veux que tu passes la nuit avec moi.
Déclaration suivie d'un hochement de tête.
- Et demain, je détruirais de mes mains ce putain de fantôme.
Ses mains, plaquées sur ses cuisses, se resserrèrent en deux petits poings cruels. Elle retira son peignoir, dévoilant son corps nu, si pâle, parfois rougis par les coups à certains endroits. Cela ne la gênait plus. Elle avait appris à accepter que son métier était dangereux. Vêtue, on aurait pu la prendre pour une simple femme, un peu frêle. Nue, on voyait la véritable Eclipse.
Ni une, ni deux, elle se glissa sous la couette, un peu fraîche. La jeune femme roula dans le lit, lui laissant une place. Éprouver la douceur d'un lit après autant d'agitation était salvateur. Elle se tourna une, deux, six fois, finissant par s'installer en position foetale, lui tournant le dos. Qu'il n'y voit pas un rejet ; s'il avait l'idée de nouer ses bras autour d'elle, elle n'en serait que plus heureuse. Si bien qu'elle se redressa sur un de ses coudes, un moment, pour le regarder.
- Serre-moi contre toi.
Un p'tit murmure, une douce supplication, plutôt qu'un ordre, avant qu'elle ne retourne dans sa position de base, les yeux mi-clos. Elle voulait s'endormir dans les bras de quelqu'un. Putain oui, ça lui ferait du bien.
-
Dormir dans un lit... A bien y réfléchir, ce serait nettement préférable à ses nuits à la belle étoile. Des nuits nerveuses et agitées, surtout quand on était seul, car on n’était jamais à l’abri de maraudeurs, ou de bêtes sauvages. Il fallait trouver un bon endroit pour se coucher, en ne dormant que d’un œil. Au moins, ici, il ne risquait pas d’être réveillé par le tranchant froid d’une lame sous sa gorge. Et, en prime, il dormirait même avec une belle femme. Que demande le peuple ? Cahir esquissa un léger sourire, et se rapprocha de la femme, rentrant dans sa chambre. Perturbée, Eclipse avait ôté ses bas trempés, et il s’écoula un long moment avant qu’elle n’accepte qu’il dorme avec elle. Il comprit qu’elle avait du peser le pour et le contre.
« Ne vous inquiétez pas, je ne ronfle pas » lâcha-t-il, comme pour essayer de détendre l’atmosphère.
Eclipse avait ôté son peignoir. Demain serait une autre journée. Il fallait que le duo se renseigne sur cette malédiction, afin de comprendre comment la conjurer. La nécromancienne fila sous la couverture, et lui laissa un peu de place. Étrangement, Cahir se sentait un peu gêné et honoré à l’idée de dormir dans un lit. Les soldats ne dormaient pas dans de confortables lits, mais sous des tentes puantes, au milieu de la sueur, des insectes, des grognements et des renâclements, le sommeil rythmé par les bruits de pas des patrouilles extérieures. C’est ainsi qu’un soldat se devait de dormir, pas dans un lit douillet, avec une délicieuse femme à côté de lui. Il rejoignit malgré tout la dame, sentant rapidement sa gêné disparaître, au profit d’éléments physiques et matériels : des frissons de plaisir remontant depuis ses jambes jusqu’à son dos. Le lit était confortable, et rappelait cruellement à Cahir son manque de sommeil. En même temps, dormir dans une cellule n’était jamais très facile, surtout quand on était suspendu.
Il se retourna vers la nécromancienne, qui s’était tournée un certain nombre de fois dans le lit. En souriant légèrement, Cahir se rappelait son ancienne femme, qui avait toujours pour manie de s’entortiller dans le lit... Une autre raison de préférer les lits de camp. Il la prit doucement, l’amenant à se retourner. Leurs regards se croisèrent, et il avança un peu plus ses mains, en posant une sur sa nuque. Eclipse était toute frêle, et il n’eut aucune difficulté à la prendre, et à la plaquer contre son torse trempé.
« Ne t’en fais pas, Eclipse. »
Il se coucha lentement sur le dos, Eclipse sur lui, la tenant entre ses bras, et vint délicatement lui caresser le dos. Ce n’est pas parce qu’on était un soldat qu’on était forcément une brute épaisse dénuée de la moindre sensibilité, et Cahir sentait la nervosité d’Eclipse. Il ne la comprenait pas. Traiter avec les fantômes, n’était-ce pas son domaine ? Il était convaincu qu’elle devait lui cacher quelque chose, qu’il y avait quelque chose qu’elle soupçonnait, et que lui n’avait pas compris. Il lui frottait donc le dos, afin de l’aider à se détendre, savourant cette peau douce et chaude. Le sommeil gagna aussi assez rapidement l’apatride.
*
* *
Rêve ou réalité ? La nuance, parfois, est subtile. L’homme dormait toujours, et des flammes bleues léchaient le lit, enveloppant les deux éphémères amants. La pièce était plongée dans la pénombre absolue, à l’exception de ce corridor de petites flammes. Rien ne pourrait réveiller Cahir, mais ce n’était pas lui que le visiteur cherchait à réveiller. Nimbé dans l’obscurité, il observait la femme se trouvant sur lui, sentant un curieux sentiment l’envahir. Une sorte de plaisir... Un sentiment troublant, qu’il décida de partir.
« Eclipse... » lâcha-t-il d’une voix d’outre-tombe.
L’homme n’avait aucune réelle apparence. Il avait bien un corps, mais ses mains étaient noires, rabougries, décharnées. Quant à son visage, il était dissimulé dans l’ombre, et c’était sans doute mieux.
« Il ne se réveillera pas... » poursuivit-il, faisant allusion à son amant, à ce mystérieux homme.
Les flammes bleues étaient discrètes, faibles, éclairant simplement le couple.
« Tu empestes la vie, Eclipse, c’est si décevant... La peur, je la perçois... Mais elle est l’apanage des vivants, pas de ceux qui ont domestiqué la Mort. Comme toi... »
Le nécromancien connaissait Eclipse. C’était bien pour ça qu’il venait la voir. C’était une visite de courtoisie, en quelque sorte.
-
Sommeil de plume. Après s'être assoupie, la tête posée sur le buste de Cahir, Eclipse fut réveillée. Elle avait un sommeil assez léger, même quand elle était épuisée. C'était en majeure partie pour cette raison qu'elle vivait seule : quand elle voulait se reposer, il fallait que personne ne la dérange. Jamais. Un rien pouvait la tirer de sa torpeur. C'est pour cette raison que la voix qu'elle entendit la réveilla brusquement. Ses paupières se séparèrent l'une de l'autre, tandis qu'elle se redressait, appuyée sur un de ses coudes. La nécromancienne regarda les flammes bleues sans ciller, nullement effrayée. Elle avait juste la gueule dans le brouillard. La jeune femme se frotta les yeux, étouffa un bâillement, chercha la source de cette voix. Il n'y avait rien, dans l'air, qui annonce le danger. Pas de pressentiment. C'était pour cela qu'elle restait aussi calme, d'ailleurs. Eclipse n'écoutait que son instinct, qui ne la trahissait jamais. Elle s'installa en tailleur, la couette autour de la taille. Elle distingua, dans la pénombre, deux mains noires. Un nécromancien. Décidément. Chassez le naturel, il revient au galop. La jeune femme répondit à ses remarques par de petits sourires.
- Je sais bien qu'il ne se réveillera pas.
Souffla t'elle, à voix basse.
- Oh ... Il est normal d'avoir ses faiblesses, voyons. Je ne suis pas plus une science exacte que toi.
Continua la nécromancienne en cherchant, à tâtons, ses cigarettes. Ses cheveux détachés et ondulés coulaient sur ses épaules. Elle fit le choix de les rabattre sur une seule des deux. La droite. Cigarette allumée en un souffle brûlant.
- Je n'ai pas peur.
Elle avait relevée les yeux vers lui, le ton cinglant. Personne n'aurait osé la contredire. Une bouffée de tabac.
- Je n'ai jamais eu peur. Ni des vivants, ni des morts, ni de quoi que ce soit. Je suis Eclipse, et je n'ai besoin de personne.
Articula t'elle finalement, le visage fermé. Ses traits ne trahissaient que son assurance. Si elle s'était laissée effrayer, un peu plus tôt, soyez sûr que c'est une erreur qu'elle ne referait plus. Plus jamais. Elle même s'en voulait d'être faible, parfois. Mais comme on le lui disait si bien, si l'on tombait sept fois, il fallait se relever huit fois.
-
Éclipse alluma une cigarette, et se mit à fumer. Cahir, lui, dormait d’un sommeil magique, comateux. Il aurait été impossible de le réveiller, à moins de lui verser de l’eau sur la figure. Les flammes bleues enveloppaient Éclipse, tandis que le visiteur restait dans l’ombre, invisible, méconnaissable. Une odeur de tabac se répandit dans la pièce. Les flammes ne dégageaient aucune odeur, ni chaleur.
« Domestiquer la Mort pour la dominer... Voici le souhait de tous ceux qui désirent devenir nécromanciens... Lutter contre l’Équation dualiste... »
Le mystérieux visiteur restait dans l’ombre. Y avait-il une raison particulière pour qu’il ne se montre pas ? Peut-être n’avait-il aucune apparence physique à montrer. Les nécromanciens flirtaient avec la Mort, flirtaient avec tout ce qui était lié, comme les fantômes, les malédictions mortelles, les goules, les maisons hantées. L’Équation dualiste, c’était ce rapport fondamental entre la vie et la mort, la première s’effaçant au profit de la seconde. Une équation qui connaissait ses limites dans la nécromancien, avec la non-vie, avec ces âmes qui, sans être vivantes, n’étaient pas totalement mortes non plus. Si le nécromancien avait décidé de se montrer à elle, c’était bien pour pouvoir lui parler. Il n’était pas surpris qu’elle soit si décontractée, et, pour être honnête, il aurait été énervé qu’elle prenne peur. La peur de la mort était la peur à l’origine de toutes les peurs. Domestiquer la mort, c’était lutter contre cette peur, et donc, in fine, écraser la peur.
« Je t’ai sentie approcher... Et je ne comprends pas pourquoi tu aides ces gens... »
Il prononça ce mot avec un mépris évident.
« Ni pourquoi tu t’adonnes à des plaisirs qui ne nous intéressent pas... »
Il faisait référence à la séance de sexe qu’Éclipse avait eu avec Cahir. Pour lui, la nécromancie consistait à se désintéresser de la vie au profit de la mort. Or, le sexe, c’était la célébration de la vie, dans sa forme la plus pure et la plus primitive. Il aurait plutôt compris un accès de rage et de violence, mais... Du sexe ? Dans la même logique, il ne comprenait pas ces nécromanciens qui cherchaient à chasser les fantômes, au lieu de les protéger. Les fantômes et les ectoplasmes étaient une forme de succès du mélange entre la vie et la mort. Transcender la vie et la mort, afin d’aboutir à une nouvelle forme d’existence, voilà ce que tout bon nécromancien devrait rechercher.
« Tu ne m’auras pas avec ton dédain et ton calme, Eclipse... Et, en voulant aider ces couards, tu te dresses face à quelqu’un qui n’aime pas l’opposition. J’ai réussi à le convaincre de t’accorder un sursis provisoire, mais il te détruira, si tu persistes. Un monde nouveau se dresse, et essayer de défendre l’ancien monde est aussi vain que vouloir stopper l’écoulement de la marée. Tu prétends que tu n’as besoin de personne... Mais les mots sont du vent, on ne saurait s’en contenter... »
Un couteau à la lame bleue apparut en l’air, devant Eclipse, lame pointée vers le bas.
« Prouve-moi qui tu es, et tranche-lui la gorge... »
-
S'il y avait bien une chose qu'Eclipse détestait, au-delà même des êtres humains et de leur capacité à perdre du temps et à bavasser pour rien, c'était qu'on lui fasse la leçon. Et qu'on lui donne des ordres, au passage. La nécromancienne respectait ses semblables, oui. Parce qu'il le fallait bien. Parce qu'elle faisait partie d'une catégorie de personnes qui, à son sens, valait bien mieux que les autres. La nécromancie était l'art ultime, l'adéquation parfaite. La jeune femme était à son apogée, maîtrisant ses pouvoirs, ses potions, ses esprits. Et là, un homme se permettait de lui faire la leçon ... ? Eclipse grimaça, sans s'en cacher. Elle avait bien le droit de baiser. Putain de foutre de dieu, aurait-elle pu hurler, elle avait le droit de prendre un putain de pied, surtout après qu'un fantôme lui ai mis sur la gueule toute la journée. Et il la réveillait, ce con. Eclipse soupira lourdement. Bon.
L'arme ? Oubliée. 'fin, elle la prit par le manche, pour la faire tournoyer entre ses doigts un moment. Elle n'avait aucune envie de tuer Cahir. Pas question. Ce n'était pas de l'amour, ni des sentiments, parce qu'elle en était foutrement incapable ... Mais question de principes. On ne faisait pas la morale à Eclipse.
- Tes préceptes ne m'intéressent pas.
Elle écrasa sa cigarette dans un cendrier, et planta le couteau dans le lit, brutalement. Pulsion.
- Tu n'as aucun ordre à me donner. Je ne suis plus une enfant.
La nécromancienne crachait ses mots avec dédain, oui.
- Et je t'ai dis que je n'avais pas peur ! Qu'il m'envoie ses monstres, son bestiaire tout entier, je n'ai pas peur.
Réveiller Cahir à force d'exclamations ? Osef. Eclipse était enragée. Pour un peu, elle se serait levée du lit. Mais non, elle restait assise, agitant ses mains, ses épaules, son buste tout en s'exprimant, sans jamais baisser le regard. Elle était forte. Elle ne ploierait pas, ou le ferait en se battant jusqu'au bout. Elle faisait partie de ces gens qui oscillaient entre vie et mort. Crever serait faire un choix définitif. Elle voyait les choses ainsi, la p'tite. Et ne comptez pas sur elle pour perdre ses moyens.
- Sors d'ici, laisse-moi dormir. Tu m'importunes.
Furent ses derniers mots, la main encore posée sur le manche de l'arme, plantée dans le lit. Son regard était noyé de rage. Et de sommeil.
-
Fut-il chagriné ou déçu qu’il ne le montra pas. Il avait connu Eclipse jadis, et c’était au nom de cette lointaine amitié qu’il était revenu vers elle, afin de lui faire une proposition. Une offre devant laquelle aucun nécromancien digne de ce nom n’aurait refusé, la possibilité de court-circuiter enfin l’Équation fondamentale, de transcender la Vie elle-même. Elle l’avait refusé, le lui crachait à la gueule. Il y avait de quoi en être déçu, furieux. Jadis, ses émotions l’auraient probablement trahi. Une vague de colère magique aurait sans doute traversé la pièce. Au lieu de ça, et en réalité, il éprouvait surtout de la pitié pour elle. Le monde était comme une roue qui avançait à toute allure, et il n’y avait que deux manières d’appréhender la roue : soit on se cramponnait à cette dernière pour réussir à courir avec elle, soit on glissait, et on se faisait aplatir, disparaissant alors dans les limbes de l’Histoire. Lui avait choisi d’attraper le coche, de filer sur le train, d’adhérer à l’évolution, et pas elle. Elle s’y refusait. Il ne pouvait pas lui en vouloir, elle avait toujours été comme ça, dans ses souvenirs. Une femme qui n’en faisait qu’à sa tête, une créature de passion. C’était son charme, mais aussi ce qui signerait sa perte.
« Tu ne pourras pas vaincre ce fantôme », énonça-t-il calmement, sans aucun timbre de colère dans la voix.
Il l’avait dit avec un calme platonique, comme s’il énonçait une vérité générale. Les flammes bleues vacillèrent, et le nécromancien disparut, ainsi que les flammes. Même le couteau se transforma en poussière, et il ne resta bientôt plus rien que l’obscurité. Le temps, comme s’il avait été suspendu, reprit ses droits. On put entendre les animaux, une chouette hululer, des craquements dans le sol. Cahir soupirait fort, indifférent à ce qui venait de se passer. Il n’était qu’un simple humain, il n’avait rien à voir avec la nécromancie. A aucun moment, il n’avait perçu les vibrations magiques, ni la colère de son amante. Il se contentait de dormir, du repos du guerrier, de celui qui savait que demain ne serait pas une journée calme, et qu’il aurait besoin de toutes ses forces.
La nuit fut donc pour lui assez paisible, et il se réveilla aux premières lueurs de l’aube, fidèle à la tradition du militaire qui se réveillait toujours avant que le coq ne caquète. La grasse matinée ? Ce n’était pas pour lui. Même quand il était à Ashnard, son père exigeait qu’il se réveille tôt. Un militaire n’est pas une feignasse qui passe son temps à péter dans le lit, ainsi qu’il le disait quand sa mère arguait que, pour l’équilibre de leur enfant, il faudrait mieux le faire dormir plus. Cahir se réveilla donc, avec l’envie d’en démordre, et d’aller renvoyer ce fantôme là où était sa place : dans sa tombe.
-
Si lui s'éveilla tôt, ce fut loin d'être le cas pour Eclipse. Après que le nécromancien se soit évanouit dans la nuit, elle était restée immobile, les yeux écarquillés, dans le lit. Un pâle frisson avait agité son corps, si bien qu'elle s'était réfugiée sous la couette. Mais dormir lui avait été impossible avant un long moment. Pourquoi prétendre qu'elle ne saurait vaincre ce fantôme ? La jeune femme n'avait jamais connu l'échec, même dans les pires situations. Les exorcismes, tiens. C'était toujours une horreur, que d'invoquer un démon qui squattait le corps d'une personne. Les coups étaient vifs, les hurlements assourdissants. Mais là, elle sentait que c'était différent. Il y avait quelque chose. Le nécromancien l'avait autant intrigué qu'agacé. Comment pouvait-on lui reprocher d'être vivante ? Ah, elle n'aimait pas tous ses collègues, surtout ceux de la vieille école. Il lui avait fait froid dans le dos, mais elle s'était reprise. Pas question de flancher. Elle était Eclipse. Forte, invaincue, téméraire. La peur était un luxe qu'elle ne pouvait plus se permettre. Et ce fut sur ces bonnes paroles qu'elle parvint à trouver le sommeil.
Elle s'éveilla dans un soupir, remuant comme un petit serpent. Eclipse ne connaissait plus les courbatures, à force de s'agiter sans cesse. Même ces ébats ne l'avaient pas épuisée, aussi le réveil fut-il agréable. Son premier réflexe fut de s'allumer une cigarette, tandis qu'elle gardait la couette plaquée contre son buste. Pudeur matinale, s'cusez. La nécromancienne regarda Cahir un moment.
- Un nécromancien est venu, cette nuit, pour me mettre en garde.
La jeune femme passa une main dans ses cheveux décoiffés, les coinçant sur une de ses épaules. Ils coulèrent sur l'aube de son sein droit.
- Il voulait me tester. Il voulait que je t'égorge.
Elle secoua la tête. Le ton de sa voix était léger.
- Certains de mes collègues sont d'un pénible ... La mort plutôt que la vie, se détacher de tout, ne jamais avoir peur, et cetera. Misère.
Yeux levés au cieux, dans un rictus moqueur.
- Nous sommes tombés sur un gros morceau, et je ne vais en faire qu'une bouchée.
Bon, ça, elle l'avait murmuré, les yeux plissés. Il ne fallait pas la chercher, ni taquiner son ego. Eclipse était bien plus forte qu'elle n'en avait l'air.
-
Cahir traîna un peu dans le lit, se surprenant à flâner. Sa vision devint assez rapidement normale, et il tourna la tête vers Eclipse. Elle dormait paisiblement à côté d’elle, et il se permit pendant un certain temps de l’observer, un léger sourire sur les lèvres, perdu dans ses pensées. Il avait fait l’amour avec une femme. Une nécromancienne, certes, mais une femme quand même. Pour lui, c’était suffisamment intéressant pour qu’il se permette de se le redire. Il se retourna à nouveau, et entreprit lentement de s’extirper du lit. Nu, il enfila un simple sous-vêtement, afin de ne pas être surpris si des domestiques entraient dans la chambre. Il s’approcha de la fenêtre, et écarta les rideaux. A travers une vitre crasseuse, il vit la campagne environnante. Un ciel grisâtre dominait une région faite de collines et de montagnes au fond. On pouvait voir les chaumières du village où il devrait se rendre, ainsi que des serfs qui s’avançaient le long du chemin en pente menant au château. C’était un temps morose, annonciateur d’une forte pluie à venir. Un temps qui convenait plutôt bien à l’atmosphère générale régnant dans ce château. On pouvait voir les rayons de soleil qui tentaient difficilement de percer à travers la couche de nuages dominant au-dessus de leurs têtes.
*Quel temps de merde...*
Il se retourna en entendant Eclipse remuer, et se rapprocha d’elle. Elle ne tarda plus à se réveiller, et le salua en lui annonçant qu’il avait failli mourir cette nuit. Pendant un bref moment, il se demanda si elle était sérieuse, avant de se dire qu’il imaginait mal une nécromancienne rire. L’apatride en était troublé, car il n’avait rien senti. Soit cette partie de sexe l’avait bien trop détendu, soit il y avait de la magie dans l’air... Cahir avait en effet un sommeil assez léger, et il se mordilla les lèvres pendant que la femme lui parlait. Elle lui expliqua que le nécromancien avait voulu la mettre à l’épreuve en lui demandant de l’égorger, et qu’elle avait refusé. Elle lui expliqua qu’il existait des nécromanciens plus attirés par la Mort que par la vie.
« Charmant, dit-il lentement. Merci pour ma gorge, elle m’est précieuse. »
Ce n’était pas vraiment le réveil auquel il s’attendait, car il lui provoquait des frissons dans le dos. Qui était donc ce nécromancien ? En tout cas, sa présence confirmait ce qu’il pensait. Le fantôme n’était pas apparu spontanément, il y avait quelqu’underrière lui. Quelqu’un qui avait visiblement cherché à prévenir Eclipse, sans doute parce qu’il tenait à elle, et qu’il était persuadé que s’entêter la tuerait. Cahir aurait pu rebrousser chemin. L’ennemi était dangereux, et ce château pourri ne méritait pas qu’il risque sa vie pour lui. Cependant, l’idée-même de partir lui faisait horreur, car ce serait une fuite. Et il n’était pas un lâche. Cette idée était pire que tout. Cahir préférerait être mort plutôt que d’être un lâche. C’était puéril et stupide, il en avait conscience, mais c’était ainsi. Il ne comptait pas se changer.
« Dans ce cas, je crois qu’il va nous falloir relever l’invitation de notre mystérieux visiteur, et en savoir plus sur ce fantôme, avant de l’envoyer rejoindre les morts. »
C’était aussi simple que ça.
-
Le lit s'anima d'un grincement tandis qu'Eclipse se redressait. Elle avait cette même hargne, dans le regard. Non, elle n'abandonnerait pas. Cette visite nocturne avait réveillé l'envie du défi, ce goût pour l'aventure. Encore quelque chose qui la mènerait à sa perte. Le danger ne l'effrayait nullement, l'adrénaline pulsant dans son palpitant. D'une main, la jeune femme retira la couette, pour attraper sa tenue. Un corset, qui appuyait sur son ventre et ses seins, redressant au passage sa jolie poitrine. Colliers, encore. Une culotte, des bas, une longue jupe, comme d'habitude. Tout trainait autour du lit, la jeune femme n'avait qu'à se baisser pour ramasser. Elle termina ses préparatifs en posant son châle sur ses épaules. Avant de s'écrouler sur le lit, dans un long, très long soupir. Ses cheveux, diffus, s'éparpillaient sur la couette. Elle n'était même pas coiffée. Sa gueule d'ange resta un moment immobile, tandis qu'elle regardait le plafond sans vraiment penser.
Petit grognement.
- ... Je ne sais pas si retourner à la bibliothèque serait très constructif.
Eclipse fit claquer sa langue contre son palais à trois reprises, avant de se redresser sur ses coudes. Elle regarda Cahir un moment, puis entreprit de se coiffer, ses doigts fins glissants dans ses cheveux.
- On m'a parlé d'un étage de ce château qui est ... Ah, putain de noeud, où est ma brosse ?
La jeune femme s'empara de ladite brosse.
- C'est un recoin de ce château qu'on dit hanté. Au dernier étage. C'est condamné, mais ce problème peut se régler. Y faire un tour ne serait pas une mauvaise idée, mh ?
Sourire charmant. Elle avait toujours aimé ce genre d'expéditions. Coiffure terminée. Elle reposa la brosse à cheveux, cherchant ses chaussures des yeux.
- Il suffit de sortir de cette chambre, de prendre l'escalier jusqu'en haut. Une porte fermée nous fera face. Je peux faire sauter le verrou très facilement. Ça ne m'étonnerait même pas que les anciennes possessions de notre fantôme y soient.
-
A la bibliothèque, Eclipse et Cahir avaient trouvé un livre sur un conte, et son projet initial avait été de se rendre au village pour essayer d’en apprendre plus sur ce livre. La nuit passée avait quelque peu occulté cet objectif, et, maintenant qu’il venait d’apprendre que leur sommeil avait été dérangé par la présence d’un être dangereux, l’apatride était dans une situation différente. Pour l’heure, il se disait qu’il allait devoir dormir en ouvrant son pendentif, qui renfermait un cristal en dymérite, et qui permettait de neutraliser la magie. Dieu seul sait pourquoi il n’avait pas eu la clairvoyance, hier, de le faire... Et, à peine cette question lui traversa-t-elle l’esprit qu’il en eut la réponse, en voyant la femme se rhabiller rapidement, récupérant ses vêtements dispersés ici et là.
*Les femmes... Elles nous font perdre la tête...*
En lui faisant l’amour, Cahir en avait oublié les précautions les plus élémentaires : s’assurer de ne pas être surpris en dormant. Il fallait croire que le jeune homme vieillissait, et devenait négligent. Il se sermonnait mentalement de son amateurisme, qui aurait pu lui coûter très cher, si Eclipse n’avait pas décidé de l’épargner. Il en était même partiellement surpris. Est-ce que sa performance sexuelle avait suffisamment ravi Eclipse pour qu’elle ne daigne pas le tuer ? Ou est-ce qu’il se trompait sur son compte ? Même après lui avoir fait l’amour, Cahir voyait toujours elle une négociante de mort, plus attirée par les morts que par les vivants, et ce même si elle lui avait vigoureusement prouvé le contraire hier. Il était dur de lutter contre les préjugés, surtout ceux qu’on vous inculquait depuis l’enfance.
Perturbé, il la laissa parler, lui suggérant de se rendre à un étage du château condamné, et qui est « hanté ». Cahir avait les bras croisés, et hocha lentement la tête, réfléchissant rapidement.
« Soit, répondit-il sobrement. On ne perd rien à y aller. »
Cahir récupéra son épée. Une protection bien illusoire contre un fantôme, mais elle faisait presque partie de lui. A cette idée, il se rappela qu’il devrait aussi aller dans les écuries, voir son cheval. Une autre partie de son patrimoine auquel il tenait beaucoup. Il devait s’assurer que la bête était bien nourrie, et que la présence du fantôme ne la perturbait pas trop.
*Une autre chose que j’aurais du faire hier soir...* se rappela-t-il.
Secouant la tête, légèrement bougon, il ouvrit la porte de la chambre. Fort heureusement, il n’y avait aucun garde, ni domestique. Dans la mesure du possible, Cahir tenait à éviter qu’on ne vienne les déranger, surtout s’ils savaient qu’ils comptaient se rendre à un étage condamné. Il était toutefois probable que les gardes ne tarderaient pas trop à venir leur demander des explications sur ce qui avait eu lieu dans la bibliothèque. Raison de plus pour se dépêcher. Étouffant un bâillement, Cahir longea le couloir, et trouva rapidement l’escalier mentionné par Eclipse. Il était digne de ces vieilles maisons ancestrales : des planches en bois qui craquaient sous ses pas, des toiles d’araignées dans les coins, des lézardes, et une forte poussière qui laissait suggérer que peu de gens montaient au-delà de l’étage d’Eclipse.
Plus l’escalier montait, plus il devenait étroit, jusqu’à approcher d’une grille en fer. Le duo se tenait alors au pied d’une petite tour conduisant au dernier étage, face à un étroit escalier en colimaçon, où les marches en bois étaient remplacées par des marches de pierre. Cahir posa ses mains sur la grille, essayant de la secouer. Elle était solide. Impossible de la briser manuellement. En revanche, ce palier ne comprenait pas qu’une grille, mais aussi un couloir, qui filait dans l’étage.
« Vous pouvez ouvrir ça ? » demanda-t-il à Eclipse.
-
Déambuler dans des lieux hantés ... Mmph, cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait plus joué à ce genre de jeux. Le souffle glacé du souvenir et de la mort s'insinua dans sa nuque, et elle toussa pour le disperser. Si les êtres vivants 'normaux' n'avaient que de légers pressentiments, les nécromanciens pouvaient être étourdis par la présence de spectre, de fantôme, de la mort en général. Elle fit taire un frisson. Ce n'était pas de la peur, non. Juste une réaction physique qu'elle connaissait très bien, qu'elle domptait même plutôt habilement. Mais après avoir passé une nuit à s'envoyer en l'air, gambader parmi les ectoplasmes, hein, ça faisait pas vraiment le poids. Elle sortit de sa sacoche une petite boite en fer, d'où elle extirpa une sorte de pâte. D'un tour de main, elle l'inséra dans la serrure. Allumette, on se recule, on ferme les yeux sinon ça pique. La serrure émit un craquement, explosant littéralement devant eux. La porte s'ouvrit dans un grincement sinistre. Décidément. Eclipse fut la première à entrer. Il faisait très sombre. Elle s'empressa de fouiller dans sa sacoche.
- Ce n'est pas par ... Enfin, ce n'est pas pour vous remercier de quoi que ce soit, que je ne vous ai pas tué.
Dit-elle simplement. Les flacons claquèrent les uns contre les autres, produisant un doux tintement. Si avant, ce son l'agaçait, elle n'en avait cure désormais. Le tintement de ces objets signifiait le commencement d'un jeu. Un cache-cache avec les esprits. La nécromancienne se tourna vers lui, faisant valser un flacon rond entre ses doigts.
- Je ne vous dois rien. J'ai refusé de vous assassiner parce qu'une vie reste une vie. Ce n'est pas quelque chose que l'on gâche.
Au moins, ça avait le mérite d'être clair. Elle ouvrit le flacon, histoire d'en boire une gorgée. Silence. Son buste s'agita, dans un hoquet. La jeune femme ouvrit prestement la bouche. Une balle lumineuse, ronde, aux contours agités, s'éleva dans les airs, flottant au même niveau qu'Eclipse. Elle ne perdait décidément pas la main. Ses doigts remontèrent jusqu'à ce petit soleil portatif, et elle lui asséna une pichenette. Hop, la balle sauta littéralement, faisant le tour des lieux. C'était un palier, aux murs léchés par l'usure, dont les pierres semblaient prêtes à se briser. Le bois craquait sous leur poids. On discernait, face à eux, une porte, et un couloir commençait sur leur gauche.
Un frisson agita à nouveau son échine, lui arrachant un léger couinement. Eh bien.
- Mh, ça doit faire des années que personne n'est venu ici ... Je ne sens aucune vie.
Souffla la nécromancienne, se tournant vers lui. Aucune peur, dans son regard. Mais une assurance inflexible.
- Par quoi commençons-nous ?
La balle ensoleillée dansa entre la porte et le couloir, attendant une réponse quelconque.
-
La grille s’ouvrit dans un sinistre grincement, à vous donner des frissons dans le dos. La magie... Cahir devait bien le reconnaître, c’était souvent pratique. Ils grimpèrent dans l’étage fermé, abandonné, et l’homme serrait nerveusement son pendentif. Sa dymérite... Il avait honte de l’admettre, mais ce cristal magique serait sûrement bien plus utile que son épée. Tout en montant, il essayait de se rappeler les propriétés magiques de l’acier valyrien, acier qui constituait sa lame. Avec certaines huiles et runes, l’acier valyrien pouvait trancher les ectoplasmes. L’inconvénient, c’est qu’il n’avait pas, à disposition, d’une huile de ce style, et il n’y en avait pas dans ce trou. Cependant... Hier, l’idée lui aurait fait horreur, mais, maintenant... Il avait couché avec cette femme, et elle le surprenait avec sa connaissance et son équipement. Peut-être avait-elle les potions qui lui permettraient de concocter son huile ? Alors qu’il y réfléchissait, il vit la femme avaler quelque chose, une fiole qu’elle lui avait brandi sous le nez, avant que quelque chose ne sorte de sa bouche. Une bulle de lumière, qui se mit à les envelopper, montrant l’entrée de l’étage. Il y avait une porte, et un couloir, qui partait en angle sur la gauche.
« Hum... A dire vrai, c’est plutôt moi qui vous doit quelque chose. »
Il n’ajouta rien, et s’avança un peu, continuant à réfléchir. Le bois craquait sous ses pas, et il s’engagea dans le couloir, lentement. L’endroit était sinistre. Le papier était jauni, délavé, et il y avait de nombreuses lézardes le long des murs, ainsi que plusieurs toiles d’araignées dans les coins. Un endroit très poussiéreux, et sombre. Plusieurs portes étaient détruites, permettant de voir des pièces silencieuses, avec des fenêtres condamnées. Cahir entendit de petits bruits rapides et précipités, apeurés.
« Un vrai trou à rats... »
Le couloir conduisait à une porte fermée, que Cahir ouvrit. La porte en bois poussa un antique grincement, et manqua tomber. Elle s’ouvrit sur une grande pièce, un salon avec une cheminée, et une énorme peinture. C’était une belle peinture à huile représentant une jeune femme, dans une robe bleue foncée, avec des colliers. Le reste de la pièce se composait de morceaux de bois brisés, de bibliothèques renfermant des livres poussiéreux, et de meubles endommagés. Il y avait même un énorme lustre sur le plafond, entièrement recouvert de toiles. Cependant, le regard de Cahir restait concentré sur l’énorme toile. Il regarda les mains de la fille, et y trouva une bague avec des signes dessus. Cette bague était un sceau.
« Cette fille était une noble nexusienne... Et pas n’importe laquelle. C’est le sceau des Ivory. »
Les Ivory, la famille royale de Nexus. Cette fille... Ce n’était pas la reine actuelle, mais elle lui ressemblait... Du moins, d’après ce que Cahir savait de la reine de Nexus. Elle avait des yeux bleus acérés, un regard fier qui portait loin. Qu’est-ce qu’une peinture représentant une Ivory figurait ici ? Cahir continuait à observer le tableau, cherchant des détails, des informations, quand il sentit un frisson, comme s’il y avait eu un coup de vent. Il regarda autour de lui, mais ne sentait rien. Pourtant, il avait clairement l’impression qu’il y avait quelqu’un. Est-ce que Cahir délirait ? Est-ce qu’il avait des visions ? Il ne sav ait pas quoi penser, et se retourna vers Eclipse.
Il faillit dire quelque chose, quand il perçut quelque chose dans son dos. En se retournant, il vit, avec surprise, que la peinture avait quelque peu changé. Les beaux yeux bleus de la femme avaient disparu, laissant à la place deux trous noirs, avec des traînées de sang qui en sortaient. Quelqu’un lui avait arraché les yeux.
*Le fantôme... Il est là !* songea-t-il.
-
Eclipse le suivit, silencieuse. Elle s'y connaissait peu, en vieilles histoires. Surtout concernant Nexus. Elle ne s'y rendait que périodiquement, et s'y intéressait très peu. Tout ce que la jeune femme savait de cette contrée, c'est que la magie pullulait, et les fantômes aussi. Beaucoup de nécromanciens avaient à se rendre à Nexus, pour parfaire leur instruction. Elle, elle y avait échappée, bien heureusement. Les terres où se pratiquait l'esclavage, putain, elle détestait. C'est quand elle allait ouvrir la bouche pour lui demander des explications qu'elle le sentit. Le spectre. La morte. Elle revenait. La bulle de lumière vibra, comme prise d'un violent frisson. Mon dieu, non, non ... Son corps se remettait tout juste de ses plaies, ce serait suicidaire de remettre ça. Eclipse jeta un oeil vers Cahir, gonflant ses joues, excédée. Pas de peur, dans son regard. Juste une sorte d'agacement, à l'idée d'avoir encore mal, de devoir encaisser, se battre.
- ... Dieu que les fantômes sont chiants.
Une fois cette phrase prononcée, Eclipse vola. Ah, pas de son plein gré. Elle se mangea la peinture, son dos heurtant violemment le mur. Son corps retomba sur le sol, dans un hoquet, tandis qu'elle portait la main à son sac. Elle serra entre ses doigts les feuilles magiques, qu'elle prenait pour mieux encaisser la douleur. A peine eut-elle le temps de les avaler qu'un feu s'alluma dans la cheminée, la faisant sursauter.
Une pression, sur ses jambes. On cherchait à l'attirer vers les flammes. Ses doigts griffèrent le sol, elle couina. Putain, il fallait que les effets montent, montent ... Et le fantôme apparut, face à elle, debout, le regard noir et vide. Eclipse se redressa sur ses coudes, s'agitant comme une belle diablesse. L'ectoplasme riait, son visage fendu d'un large sourire moqueur. La nécromancienne enrageait.
- Salope ! Ne m'abîme pas !
... Et elle bondit. Sur le fantôme. Habituellement, quand un humain cherchait à atteindre un spectre, il passait au travers. Pas les nécromanciens, qui apprenait à maîtrisait l'art de saisir les morts. Dans un cri sourd, la jeune femme s'empara du fantôme, enragée, le regard noir. Vraiment noir. Plus de pupille. Plus de globe. Juste un voile noir. Mais elle n'eut pas le dessus bien longtemps. Le fantôme inversa brusquement la situation, la poussant brutalement en arrière. Le dos d'Eclipse rencontra la cheminée.
- CREVE !
Pour un fantôme, elle avait de la voix. Eclipse put sentir une pression autour de sa gorge, tandis que le spectre dirigeait sa tête ... vers la cheminé. Putain non.
- Cahir ! Aide-moi, merde, aide-moi !
-
Et le fantôme attaqua. Il ne se manifesta pas physiquement, mais il était pourtant là. Du vent jaillit de nulle part, renversant Cahir. Il se reçut une lame qui l’envoya heurter l’une des bibliothèques, la brisant en mille morceaux. Des morceaux de verre glissèrent contre son dos, et il regretta de ne pas avoir mis son armure, tandis que des morceaux de bois lui tombaient dessus. Cependant, entre un humain insignifiant et une nécromancienne, le choix du fantôme était vite fait. Sentant les pointes dans son dos, Cahir gémissait, tandis que des flammes bleues jaillirent comme par magie de la cheminée. Secouant la tête, l’apatride tentait de sortir des restes de la bibliothèque, en entendant quelque chose d’étonnant : Eclipse couinait. Il n’aurait jamais cru qu’un nécromancien soit capable de ça, ce qui signifiait que sa chère nécromancienne si sûre d’elle commençait à sentir le halo froid de la peur. Elle essayait de combattre le fantôme, mais sans véritable succès. Cahir, en secouant la tête, vit une espèce de forme vaguement humanoïde, blanchâtre, qui flottait. Moins qu’un corps, il s’agissait plutôt d’un visage grimaçant qui ressortait d’une tornade bleuâtre, lui permettant d’apercevoir, ici et là, une robe en triste état. Il entendit un rire d’outre-tombe, perçant et sinistre.
*Putain, mais sors de là !* s’encouragea-t-il.
Il entendit un accent sinistre jaillir de la bouche du fantôme, alors qu’Eclipse, redevenant la femme en détresse, l’appelait à l’aide. Elle était traînée vers les flammes. Le feu jaillissait hors de la cheminée, léchant le bois, mais sans créer d’incendies. Et, à travers les flammes, Cahir croyait voir des formes noirâtres, et percevait des rires... Et des sifflements, des quolibets, et des pleurs lancés au ciel. Et Eclipse était traînée vers les flammes. L’homme réussit à sortir des restes de la bibliothèque, et se mit à quatre pattes, avant de cracher du sang. Sa vision s’obscurcit, alors qu’il vit des gouttes de sang sur le sol. Toute la pièce vibrait dangereusement, et il parvint à se relever, tenant dans ses doigts son pendentif.
« Je commence à en avoir ras-le-cul de me faire balancer d’un bout à l’autre ! »
Cahir s’avança vers Eclipse, et sentit la pièce trembler Les lattes de bois s’arrachèrent du sol autour de lui, ainsi que les planches de bois condamnant les fenêtres. Elles foncèrent sur lui, et il s’en reçut une en pleine tête, l’envoyant s’écraser sur le sol.
« Sorcière ! rugit le fantôme, d’une voix caverneuse. Brûlée, violée, massacrée !! Mes yeux, où sont mes yeux ?! Rends-les moi, pétasse ! »
Cahir se releva. Il saignait de la tempe, et secoua la tête. Il tenait le pendentif dans sa main, et l’ouvrit. Une lueur blanche jaillit de la dymérite, et le feu disparut automatiquement, ainsi que les liens entravant Eclipse, tandis que le fantôme se mit à pousser un hurlement déchirant. Cahir vit la jeune femme s’éloigner rapidement de la dymérite. Il la pointait vers elle, en soupirant, sa vision se troublant.
« Qui ?! Qui t’a réveillé ? Qui t’a fait ça ?!
- Aaaah... »
Le fantôme grognait et sifflait.
« Ils paieront ! Ils mourront tous, et je me régalerai de leurs âmes ! Mes yeux, ils m’ont volé mes yeux, haaaaa ! Ils ont souillé mon âme, ce sont des MEURTRIERS ! »
Cahir avait mal au dos. Le fantôme disparut, et la dymérite cessa de vibrer. Il cracha encore un peu de sang. Son dos ressemblait à celui d’un hérisson, avec de nombreux éclats de verre pointés dans son dos. Il finit par tomber sur le sol.
« Aaaah, putain... Saloperie de fantôme... »
Cahir respirait lourdement, et entendit des bruits de pas précipités. Il faut croire qu’ils avaient été moins discrets que prévus, vu que la garde était en train de monter.