-Quelle splendide soirée…Tu as vue comme le ciel est étoilé ? Il ne manquerait plus qu’une étoile filante pour faire un vœu. N’est-ce pas Kouta ?
-Oh, moi je sais déjà le vœu que j’aimerais réaliser, Lyne…Et je n’ai pas besoin d’étoile filante pour cela, seulement une réponse de ta part.
Dit Kouta, avant de tendre une petite boite noire recouverte d’un doux tissu sombre vers sa douce aimée. Avant qu’il ne l’ouvre pour dévoiler une splendide bague scintillante, Lyne étouffa un petit cri de surprise avant de porter une main vers sa bouche, le regard stupéfait par cette nouvelle. La jeune femme eut un petit hoquet avant de soupirer, sa bouche dessinant maintenant un sourire heureux.
-Oh, Kouta ! Enfin tu te décides ! Oh, Kouta, je ne sais pas quoi te répondre…Oh Koutaaaaa !
-Viens avec moi, Lyne, il commence à faire froid. On va finir cette belle soirée dans mon appartement. J’ai…quelque chose nous y attend là bas, tous les deux…rien que pour toi et moi.
-Oh, Kouta ! Grand fou !
Et, après un rapide baiser bruyant, le couple se leva main dans la main, époussetant ses vêtements avant de repartir d’un pas léger vers la sortie du parc. Le lac redevint alors silencieux, la surface aqueuse nullement dérangée par quelques vents égarés. C’est vrai que le temps commençait à se rafraîchir…L’automne n’était absolument pas propice aux balades nocturnes. Déjà, les feuilles des arbres achevaient leur misérable existence en se déposant sur le sol humide dans le but d’y pourrir en toute quiétude, ou bien venaient terminer leur course sur un lit plus doux et confortable pour y mourir.
Quelques minutes plus tard, alors que la nature semblait s’être définitivement endormie, un délicat petit bruit se fit entendre…suivit par une dizaine d’autres, tous identiques. De minuscules bulles d’air crevaient maintenant la surface du lac, remontant du plus profond de ses Abymes. Alors, comme pour mettre fin à l’harmonie de cet endroit lugubre, quelque chose en creva la surface. Des gerbes d’eau et de petites gouttes vinrent retomber tout autour, alors que l’eau du lac était maintenant agitée d’inquiétants remous.
La jeune fille prit une profonde inspiration, emplissant ses poumons d’une air qui lui avait tant manqué durant son séjour aquatique. Sa respiration était saccadée, retentissante, elle n’avait plus respiré depuis longtemps et chaque nouvelle goulée d’air meurtrissait ses poumons affaiblis tout en lui redonnant vie petit à petit. La pauvre enfant avait bien du mal à se mouvoir la tête hors de l’eau, ses cheveux trempés cascadant devant son visage et lui gâchant la vue. Enfin, par quelques efforts de brasse, elle parvint à retrouver pied sur les gravas qui recouvraient le fond du lac, continuant d’inspirer profondément.
L’eau était froide…très froide…sa peau nue était blanche, presque fantomatique, et ses membres tremblaient horriblement. Par quelques revers de mains maladroits, la jeune fille de l’eau écarta de grands pans de ses cheveux mouillés, dégageant son visage aux lèvres bleuies par le froid, tandis que ses yeux flamboyaient étrangement dans le noir. Ses lèvres tremblantes s’entrouvrirent pour laisser échapper un éternuement sonore, tandis que ses pauvres bras frictionnaient son corps sans protection, sans défense.
Rei fit encore quelques pas dans l’eau, remontant doucement vers la berge, avant de jeter les divers vêtements trempés qui avaient appartenus à leur ancienne propriétaire. Ceux-ci s’étalèrent sur l’herbe boueuse avant un grand « splach », une forme ronde et sombre grandissant autour de ce tas informe qui était en train de s’égoutter. Les pieds de la jeune fille trouvèrent enfin le sec des cailloux de la berge, sortant définitivement ses pieds gelés de l’eau glacé. Diantre…qu’est-ce qu’il faisait froid ! Ce corps n’était pas fait pour les basses températures !
Laissant des marques sombres à chacun de ses pas sur l’herbe, Rei se dirigea vers son tas de vêtements, empressés de les essorer et de les enfiler, dans l’espoir ridicule mais sincère de pouvoir mieux lutter face au mordant du froid.
(On peut dire que tu n'y vas pas de main morte. Je vais garder Lyne encore un temps dans ce cas.)
Etaient-ce des pleurs qu’elle venait d’entendre ? Malgré le froid qui lui engourdissait les sens, Rei prêta oreille, les lèvres pincées. Mais il n’y avait rien, pas même un cri étouffé ou un souffle lointain, absolument rien. La jeune fille se frappa deux fois le front avant d’éternuer de nouveau, sa peau nue retrourant petit à petit quelques rares couleurs depuis sa sortie du bain. Désormais complètement indifférente à ce qu’elle avait bien pu entendre, sachant que ça n’avait peut-être été que le bruit du vent, elle se dirigea à petit pas vers son tas de vêtement.
Maintenant posée sur ses genoux, ses talons touchant ses fesses, Rei se mit en devoir d’essorer les pièces de son tas de tissus informes. Elle étira ainsi une jupe plutôt courte, un tshirt orange, jeta les collants qui étaient complètement effilés, regarda les chaussures d’un œil perplexe, contempla une culotte rose et douce d’un regard intéressé puis déposa consciencieusement ce qu’elle gardait sur l’herbe, attendant que tout cela soit un peu moins mouillé dans quelques minutes.
Alors, pour patienter, la jeune fille revint vers son ancienne demeure, le lac, dont la surface avait repris un aspect plus tranquille et plus calme. Avec la présence de l’astre du soir dans la voûte céleste, son pouvoir réfléchissant n’en était que plus exacerbé encore. Ainsi, ses yeux rencontrèrent ceux-ci d’une jeune adolescente qui l’observaient avec ce même regard curieux et embrasant.
Du bout de ses doigts tremblant, elle toucha délicatement sa chevelure d’or, écartant quelques mèches trempés pour les laisser retomber mollement sur son visage. La paume de ses mains se posèrent sur chacune de ses joues, appréciant leur délicate douceur. Et ses lèvres…C’étaient de vrais lèvres, certes bleuies par le froid, mais délicates et sensuelles…Elle laissa ses doigts continuer leur exploration, découvrant la peau de son menton et de son cou avant de descendre finalement vers sa poitrine. Elle pouvait presque enfermer entièrement ses seins sous ses mains si elle le voulait, tant ils étaient petits. Du bout de l’indexe, elle apprécia leur souplesse, dessinant de petites courbes autour, lui arrachant quelques frissons de bien être. Comme elle aimait ses seins ! Si elle n’avait pas eu aussi froid, elle aurait passé plus de temps à les chérir !
Par contre, elle avait beaucoup perdu en taille et certainement en poids. Ses cuisses et ses bras semblaient étrangement maigres par rapport à son ancienne apparence, et elle devait avoir également perdu une tête…au moins ! Une taille d’adolescente, en somme. Ce n’était pas grave. Rei avait passé tellement de temps, à souffrir de sa transformation lente et abjecte, enfermée à l’intérieur de sa chrysalide…Tout ce qui appartenait à ce corps souple et délicat lui convenait parfaitement ! Elle cligna des yeux, dégageant de nouvelles mèches gênantes qui se baladaient devant ses paupières, avant de se redresser.
Les vêtements n’étaient pas secs, ils collaient même à la peau, moulant ses quelques formes, mais c’était déjà mieux que le peu de protection corporelle qu’elle possédait. Elle enfila donc sa culotte, sa jupe et son tshirt mais négligea les chaussures qu’elle trouvait trop détruite par l’eau. Enfin, meurtrie par la fraîcheur des quelques gouttes qui se perdaient encore sur son corps, elle allait se mettre en chemin à la recherche d’une quelconque source de chaleur. Rei s’immobilisa.
Devant elle se trouvait maintenant un grand homme aux cheveux noirs et à la carrure d’athlète. Il était là, la dépassant de presque deux têtes sûrement, et la détaillant de ses grands yeux sombres. Jamais encore elle n’avait d’hommes au corps si bien dessiné par sa masse musculaire. Sa présence de colosse dégageait une telle aura…
***
Les poignets douloureux, les cheveux sales et décoiffés, les vêtements déchirés, les joues rougies par les larmes et le corps détruit, Lyne achevait de pleurer de détresse et de terreur, une subtance maintenant tiède et poisseuse s'écoulant d'entre ses cuisses.
Kouta...Kouta...Comment était-ce possible? Qu'est-ce qui s'était passé? Elle n'arrivait pas à s'en souvenir, ni même comment elle s'était retrouvée dans ce camion? Ses mains lui faisaient mal, tordus dans une position grotesque à cause des liens qui la retenaient. Dans un desespoir total, la jeune femme se mit en devoir de donner de violent coups de pieds contre les parois de sa prison, hurlant sa terreur et sa douleur dans l'espoir fou que quelqu'un puisse l'entendre.
"A l'aide! A l'aide! Aidez-moi, par pitié!"
***
Mue par ses instincts les plus primaires, la jeune fille s’apprêtait déjà à fuir pour plonger directement dans le lac, avant de se rendre compte que cet homme faisait maintenant partie de la même espèce qu’elle ! C’était une sorte d’allié, en quelque sorte…C’était pour pouvoir s’approcher de personnages comme lui qu’elle avait sacrifié une innocence désespérée. Désormais en totale confiance, tremblant comme une feuille, elle hocha de la tête avant de tendre une main timide vers son interlocuteur.