Des années, à présent, qu’elle postait des photos et des extraits de vidéos sur son compte OnlyFans. De quoi renflouer le compte bancaire de ses parents, certes, mais surtout, lui permettre d’acheter et d’investir dans du matériel de qualité. Et par matériel, Emi pensait autant à sa lingerie, à ses accessoires et à ses jouets, qu’à ses outils techniques, comme ses objectifs, son appareil photo ou ses éclairages. En somme, tout ce qu’elle utilisait pour que ses clichés aient l’allure de véritables photos professionnelles. Après tout, qui voudrait admirer une paire de jolies fesses toutes pixelisées, dont on devinait à peine les contours derrière le flou numérique d’un appareil bas de gamme ? Pas elle, assurément.
Alors, Emi veillait à chaque détail. La lumière tombait exactement là où il fallait, la pose était étudiée, le décor choisi avec soin. Chaque cliché était une mise en scène, où elle était à la fois actrice et metteuse en scène. Ses regards, ses sourires, ses courbes racontaient quelque chose, et bon nombre d’abonnés raffolaient de son compte.
Mais voilà, depuis plusieurs mois, Emi avait décidé d’aller plus loin. Pourquoi se contenter de simples photos et vidéos préenregistrées, lorsqu’elle pouvait faire des lives, interagir directement avec ses abonnées ? Désormais, les caméras étaient braquées sur elle en temps réel, plusieurs heures par semaine. Alors, son savoir-faire se révélait sous un autre jour. Sensuel, érotique, certes. Mais plus intime. Impossible de nier, par ailleurs, qu’elle adorait cette proximité nouvelle avec ses followers. Des habitués, pour sûr, mais aussi des curieux charmés à chaque séance. C’était une intensité différente, un mélange d’excitation et de contrôle, une adrénaline qu’elle ne retrouvait pas lors de ses simples shootings photos. Enfin, nul doute qu’elle raffolait de l’argent qui tombait plus facilement.
Ce soir, c’était l’une de ses séances. La pièce était plongée dans une lumière chaude et douce, calculée pour mettre en valeur ses courbes. Sa caméra était disposée de manière stratégique, afin de capter l’angle parfait – celui qui saurait rendre dingues même les plus exigeants. Une vue plongeante sur sa poitrine généreuse. Et n’oublions pas sa lingerie, celle qu’elle avait achetée récemment, spécialement pour l’occasion. Un ensemble rouge révélateur, qui épousait parfaitement sa peau. Quelques mailles tissées, un brin de fourrure, et surtout, une paire d’escarpins, à la hauteur vertigineuse. De quoi allonger ses jambes lorsqu’elles apparaissaient à l'écran. Mais clairement, ses abonnés étaient connectés pour autre chose. Ce qu’elle n’offrait pas sur son compte OnlyFans.
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« Recoucou, mes amours ! s’exclama-t-elle, en s’installant sur son siège. »
Un fauteuil confortable, placé juste à côté de son lit. Elle filmait dans sa chambre, c’était une certitude. Emi savait que certains de ses followers adoraient cette idée, cette contiguïté, comme s’ils avaient l’impression de partager un moment unique avec elle. D’être présents, là, dans son appartement, avec elle. Tous proches de pouvoir faire ce qu’ils voulaient d’elle. Et bien sûr, elle en jouait. Si ce n’était pas pour elle, ces hommes dépenseraient leur argent ailleurs, pour une autre, de toute manière.
« Je vous ai réservé une surprise, ce soir, sourit-elle sous son masque, en se penchant en avant, vers la caméra. »
Sa voix était veloutée, douce et captivante. Un murmure prometteur. Ne parlons même pas de ses seins, qui ballottaient à chacun de ses mouvements. Et de ses cheveux, lâchés, qui caressaient ses épaules, avant de tomber en cascade sur sa poitrine, et qu’elle écartait d’un geste nonchalant à intervalles irréguliers.
Voilà qu’elle expliquait le programme de la soirée, ses mots s’égrainant entre deux tips généreux, lorsqu’elle entendit soudainement son portable vibrer, posé sur un coin de son bureau. Curieuse, elle s’en saisit d’un mouvement leste, tout en se redressant sur sa chaise, afin de retirer son masque en toute tranquillité, son visage hors du champ de la caméra. Le petit objet à l'effigie de chat, parfois si pratique pour ses jeux de mystère, s’avérait alors encombrant, la gênant pour lire ses messages. De toute façon, ce n’étaient pas ses abonnées qui allaient s’en plaindre, puisqu’ils avaient, à présent, un gros plan sur son décolleté. Et le bas de sa frimousse, dévoilant des lèvres pleines, luisantes de gloss, où quelques mèches brunes étaient coincées.
« Uhm, je suis à vous dans quelques secondes… murmura-t-elle, après avoir déverrouillé son téléphone. »
Elle en profita pour attraper un verre à portée de main, d’où une paille colorée s’échappait. Ses lèvres effleurèrent cette dernière, mais Emi n’eut le temps d’avaler qu’une gorgée de sa limonade, le message qu’elle avait reçu s’affichant à l’écran de son portable. Immédiatement, ses sourcils se froncèrent, tandis qu’elle parcourait les lignes, le cœur battant un peu plus vite. Une moue légère fleurit sur son visage, entre méfiance et perplexité. Une blague, peut-être ? De très mauvais goût, d’ailleurs, mais qui s’adonnerait à de telles extrémités ? Le ton n’était ni anodin, ni amical. Elle sentit un mélange d’adrénaline et d’inquiétude se mêler à l’excitation habituelle de ses lives, alors qu’un frisson remontait son échine. D’angoisse ? D’appréhension ? Qui sait.
Tapotant distraitement ses doigts sur son bureau, Emi jeta un coup d’œil aux commentaires qui défilaient sous son absence momentanée. Ses abonnés commençaient à s’inquiéter, à poser des questions, à réclamer son attention. Pouvait-il s’agir de l’un d’entre eux ? Était-il sur le live, là, maintenant ? Peut-être bien. Peut-être pas. L’un dans l’autre, c’était mal la connaître de croire qu’elle se laisserait marcher sur les pieds aussi facilement. Il n’était pas encore né, celui qui pourrait la faire chanter ou lui dicter sa conduite. Bientôt, un sourire léger, malicieux et résolument assuré, fleurit sur ses lèvres. Ses yeux brillèrent d’un éclat espiègle, tandis qu’elle se penchait légèrement vers la caméra, sans jamais dévoiler davantage que la partie basse de son visage.
« Chaton, voyons, tu ne sais pas avec qui tu joues. Tu vas te brûler les ailes. »
La connexion fut coupée avant qu’elle ne puisse émettre la moindre objection, ou même essayer de négocier. Bien qu’elle se doutait qu’il aurait refusé toutes ses tentatives de l’amadouer. Emi avait beau avoir plus d’un argument en sa faveur, son maître chanteur ne semblait pas vouloir se suffire d’une petite séance privée, bien au contraire. Un voyeur ? Un exhibitionniste ? Pour lui avoir demandé de se rendre à la fontaine centrale, presque dévêtue, avec un œuf connecté enfoncé en ses chairs intimes, nul doute qu’il avait quelques fantasmes à assouvir. Et Emi était sa victime, pour l’heure. Son jouet, sa cible.
S’y était-il essayé avec d’autres camgirls ? Qui sait. Emi pourrait mener son enquête, plus tard.
L’inquiétude avait beau l’avoir saisie un instant, c’était davantage la colère qui faisait bouillonner son corps, à présent. En réalité, les objectifs de son inconnu lui importaient peu. Emi ne comptait pas se laisser faire aussi facilement. Rusée, elle saurait retourner cette situation à son avantage, d’une façon ou d’une autre. De même, à l’issue de cette « relation », cet idiot finirait par lui manger dans la main, complètement accro à tout ce qu’il ne pourrait trouver ailleurs. Et alors, ce serait le moment parfait pour lui rappeler, avec calme et cruauté, qui tenait vraiment les rênes.
C’est avec cette pensée en tête qu’elle finit par se coucher, loin d’appréhender le lendemain. Au contraire, Emi y voyait plutôt la possibilité de confronter, de visu, son maître chanteur. Parce qu’il serait forcément dans les environs., quelque part. À elle de le traquer, de le dénicher…
Et pourquoi pas, de reprendre le contrôle du jeu.
Le lendemain, Emi était à l’heure au point de rendez-vous. Habillée d’un ensemble blanc audacieux, elle avait joué la carte de la provocation, pour lui montrer qu’elle n’avait aucune intention de se laisser intimider. Son haut, extrêmement court, s’arrêtait juste en dessous de sa poitrine, laissant deviner les courbes généreuses de ses seins sous un tissu légèrement transparent, excepté au niveau des tétons, soigneusement dissimulés. Sa jupe, plus longue qu’il ne l’aurait souhaitée, restait d’une finesse troublante : on devinait facilement qu’elle ne portait aucune culotte, tant par la légère transparence du tissu que par la manière dont il épousait le galbe parfait de ses fesses à chacun de ses pas.
Une ceinture noire et dorée cintrait sa taille avec élégance, tandis que des talons assortis, dans les mêmes teintes, allongeaient ses jambes et soulignaient la finesse de sa silhouette.
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Depuis son arrivée, elle n’avait pas manqué de remarquer les regards appuyés sur elle. Des hommes, des femmes, mais Emi ne s'en souciait que peu. Installée au bord de la fontaine, elle observait tranquillement les passants, à la recherche de son inconnu. Dire qu’elle n’avait même pas de prénom ou de pseudonyme pour le nommer. D’un geste désinvolte, elle repoussa quelques mèches de cheveux qui glissaient sur son épaule, laissant tomber son regard sur la fontaine comme si elle n’attendait rien… Alors qu’en vérité, elle attendait avec attention le moment où l’œuf se déclencherait, preuve certaine qu’il était dans les parages.
La frustration était à son comble – autant physique que psychique. Physique, car tout son corps ne désirait qu’une chose, retirer l’œuf enfoncé entre ses chairs, pour s’adonner à des activités et des plaisirs beaucoup moins chastes. Psychique, parce qu’elle avait espéré démasquer son maître chanteur, et qu’en réalité, cette attente s’était soldée par une grosse déconvenue. Un autre jour, peut-être. Les opportunités se présenteraient à nouveau, surtout s’il comptait poursuivre son chantage, continuer à la tourmenter. Et son petit doigt lui soufflait qu’il n’en avait pas terminé avec elle.
Toute personne normalement constituée s’attendrait à ce qu’en rentrant chez elle, Emi fasse taire cette frustration. D’autant plus qu’elle avait tous les accessoires nécessaires pour cela. Des jouets à gogo, de la lingerie à n’en plus pouvoir, et une imagination très fertile. Pourtant, à la place, Emi prit une douche rapide, avant de se changer, enfilant un débardeur blanc, un short moulant couleur safran, léger et pratique, et une paire de baskets. Quelques minutes plus tard, elle claquait la porte derrière elle, les écouteurs vissés aux oreilles, filant droit vers la salle de sport, où elle se rendait habituellement.
Elle s’épuisa volontairement à la tâche pendant près de deux heures, enchaînant les exercices sans répit : course, squats, renforcement musculaire, étirements. Et parce qu’elle ne perdait pas le nord, notre Emi, elle n’oublia pas son rôle de modèle et ses réseaux sociaux. Entre deux séries, elle attrapa son téléphone pour immortaliser sa séance, choisissant avec soin l’angle et le moment. Elle se plaça dos à son téléphone, bras levé au-dessus de la tête dans un étirement étudié, quelques gouttes de sueur glissant de ses épaules et de ses clavicules.
Le clou du spectacle ? Son débardeur blanc, trempé, qui collait à sa peau, laissant deviner plus qu’il ne cachait. Et surtout, son short, tendu sur sa taille, qui soulignait la fermeté de ses fesses, résultat d’un travail acharné. Un cliché que ses abonnés fidèles apprécieraient, sans aucun doute.
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En rentrant, elle refit un tour par la case salle de bain, mais se prépara un rapide repas, qu’elle mangea sans vraiment y prêter attention. Après tout, son live commençait dans moins d’une heure, et elle devait encore se préparer. Sa lingerie, choisie depuis plusieurs jours déjà, l’attendait dans un recoin de son armoire. Et si elle pensait qu’elle allait pouvoir l’utiliser à sa convenance, comme à son habitude, Dante semblait en avoir décidé autrement. Elle terminait son assiette lorsqu’elle reçut son message, et ce dernier lui fit froncer les sourcils, tandis que les battements de son cœur s’affolaient. Non pas de peur, mais bien de fureur et d’agacement. Et puis quoi encore ?
« Bien sûr, chaton, et après, je vends mon cul pour dix balles au passant du coin. Les affaires, ce sont les affaires. S’ils veulent profiter d’une séance, qu’ils paient. »
Son deuxième message fut envoyé quelques secondes plus tard.
« Je suis sûre qu’ils seraient ravis que tu sortes la carte bleue pour eux, d’ailleurs. Je t’en prie, fais-leur ce plaisir. »
Son ton était mordant, acéré, saturé d’un sarcasme à peine contenu. Dante dépassait vraiment les bornes, à ce stade. Cet idiot s’attaquait tout de même à son business, à son gagne-pain.
C’est renfrognée qu’elle finit de manger, de ranger sa vaisselle, puis de se préparer. Et enfin, ce fut le moment d’allumer sa caméra et de lancer son live, vêtue de son éternel masque de chat, utilisé pour dissimuler son identité.