Le Grand Jeu

Plan de Terra => Les contrées du Chaos => Discussion démarrée par: Anakha Baley le mardi 02 septembre 2025, 13:52:02

Titre: Ruche d'Anakha [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Anakha Baley le mardi 02 septembre 2025, 13:52:02

Ruche :
Population : ≈ 2000 à 2500 organismes vivants (ruche en expansion constante)
Composition : 45% rampants, 30% carapacés, 10% anthropomorphes, 10% pondeuses et relais.
Défense : Essaim en croissance, perception psychique partagée, carapaces lourdes aux abords.

Perché autrefois dans une vallée oubliée, Erstonia n’est plus un village, mais le premier organisme territorial de la nuée d’Anakha.
Ses fondations humaines ont disparu, remplacées par une architecture vivante qui croît, s’adapte et respire.

Les anciennes maisons terranides se sont changées en alvéoles charnelles.
Les poutres sont devenues des tendons, les murs des membranes translucides parcourues de veines.
La palissade s’est muée en couronne chitineuse hérissée de crochets et de glandes défensives.
Le temple abrite désormais un cœur-matrice, un organe vibrant dont les pulsations rythment celles de la ruche entière.
L’auberge, jadis centre du hameau, est devenue le premier bassin de gestation : les pondeuses y sécrètent une lymphe nutritive où flottent des embryons translucides qui se reforment, se divisent, se spécialisent.

La rivière du sud, détournée, alimente ces bassins.
Sa couleur, jadis claire, s’est changée en rouge noirâtre, saturée de matière organique.
Sur ses rives, d’anciennes femmes terranides, désormais hôtes permanentes, nourrissent les incubateurs par pulsations périodiques.
Certaines, figées dans une transe catatonique, respirent au même rythme que la ruche : ni mortes, ni vraiment conscientes.

La falaise de l’ouest sert d’abri aux carapacés lourds, gardiens dormants qui s’animent à la moindre alerte.
Leur carapace s’ouvre parfois pour libérer des nuées de petits organismes rampants, parasites aveugles qui colmatent, réparent ou dévorent les intrus.
La forêt du nord, envahie de relais psychiques, palpite d’une lumière sourde : chaque tronc creux abrite une antenne vivante qui transmet les ordres d’Anakha à des kilomètres à la ronde.

Le lac, lui, a été sanctifié en un immense miroir nutritif.
Sous sa surface, des poches de couvée s’étendent : un entrelacs de membranes et de vaisseaux où s’élèvent de nouvelles générations.
La brume au-dessus de l’eau n’est plus naturelle — elle pulse, rougeâtre, au rythme des pondeuses.

La population croît d’heure en heure :

Les rampants patrouillent entre les alvéoles et les berges.

Les carapacés bâtissent les structures, se greffant parfois eux-mêmes à la paroi.

Les anthropomorphes, premières générations stabilisées, veillent et adaptent les fonctions de la ruche.

Les pondeuses et relais nerveux régulent la température, la croissance et le lien psychique global.

L’ensemble forme une entité cohérente : un cerveau étalé, une cité vivante en constante expansion.
Les nouveaux nés rejoignent la masse ; les plus anciens se fondent dans les murs ou deviennent de nouvelles fondations.
La vallée entière semble respirer, vibrer, penser, une pensée collective, froide et méthodique, entièrement tournée vers l’expansion.

Erstonia n’est plus un lieu : c’est un être.
Un organisme colossal dont la chair s’étend déjà au-delà de la vallée.
Les hameaux voisins sentent les vibrations sous leurs pieds, les forêts perdent leur faune, et les rivières commencent à charrie un goût de fer et de sel. Là où autrefois le marteau du forgerons résonnait à l'approche du village, ce sont les cris de plaisir et de désepoir qui accueillent aujourd'hui le visiteur imprudent.



Spoiler: "anciennement" (cliquer pour montrer/cacher)
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre à qui veut]
Posté par: Anakha Baley le mardi 02 septembre 2025, 13:53:35
La plume brûle. Chaque pulsation de son cœur l’enfonce plus profondément dans la chair, comme si elle cherchait à perforer l’os. La douleur, constante, insupportable, est devenue une compagne. Elle n’éteint pas le souvenir de Deirdre : elle le grave. Le visage de la demi-ange, ses lèvres, sa chaleur… puis l’absence. Au matin, il n’y avait plus qu’un lit froid et ce gage d’amour transformé en supplice.

Anakha sait qu’elle vit encore. Il le sent. Et chaque battement douloureux le pousse à avancer, à bâtir, à conquérir.

Derrière lui, l’essaim attend. Des dizaines de silhouettes grouillantes, fruits de sa semence et de son pouvoir. Les corps luisent sous la lune, couverts de chitine, de chairs cicatricielles, d’appendices tranchants. Certains rampent sur plusieurs membres, d’autres marchent presque droit, gardant une silhouette vaguement humaine où brillent des yeux vides. Tous respirent au même rythme, un grondement discret et profond qui se mêle au vent nocturne.

Là où son esprit seul ne pourrait les atteindre, des relais psychiques s’élèvent, tours de chair et d’os formées à partir de ses premières expériences. Reliés à lui par un fil invisible, ces organismes transmettent ses pensées de proche en proche. Un murmure suffit, et l’ordre parcourt la nuée comme une onde nerveuse. Ses créatures n’ont pas besoin de voix. Elles obéissent à la volonté nue, totale.

En contrebas, le village terranide s’étend dans un repli de terrain, invisible à qui ne connaît pas la vallée. C’est un lieu choisi par la nature pour survivre :
Adossé à une colline qui fait office de rempart naturel.
Bordé par un lac à l’est, dont les eaux noires reflètent les étoiles.
Protégé par une rivière sinueuse qui coule au sud, servant à la fois d’abreuvoir et de barrière.
Entouré de bois épais au nord, formant un écran parfait contre les regards.

Un nid idéal. Stratégiquement isolé, mais fertile et défendable. C’est ici qu’Anakha bâtira sa première ruche. De ce village, il étendra son territoire, toujours plus loin, jusqu’à ce que les mondes mêmes cèdent. Jusqu’à ce que Deirdre soit à portée de ses bras.

Il observe les toits pointus, les lueurs des feux qui s’éteignent, les silhouettes endormies derrière les vitres. Mais plus que tout, il scrute. Chaque pensée étrangère qui effleure ses relais est examinée, fouillée, disséquée. Une partie de lui espère, absurdement, reconnaître une fragrance mentale, une étincelle semblable à celle de Deirdre. Rien, pour l’instant. Mais il cherche encore. Il cherchera toujours.

Ses troupes se déploient. Les plus massives bloquent les sentiers à l’ouest. Les rampants s’infiltrent le long des berges au sud, coupant l’accès à l’eau. Les carapacés grimpent dans les arbres au nord, prêts à fondre comme des prédateurs ailés. À l’est, sur la colline, il place ses créatures les plus vives, celles capables de poursuivre quiconque tenterait de fuir.

L’encerclement est parfait. Invisible. Irréversible.

Il ferme les yeux, inspire. Toute la vallée respire avec lui. La douleur au cœur pulse, mais il la canalise, la transforme en arme. Son sourire s’étire, cruel et froid.

Un murmure, à peine audible, s’échappe de ses lèvres :

"Maintenant."

Le mot file dans les relais, se démultiplie, se grave dans chaque créature. Pas un cri, pas un hurlement de guerre : seulement le silence oppressant de la chasse. L’essaim bouge comme un seul corps, chaque pas, chaque souffle synchronisé.

Dans la vallée endormie, le dernier instant de paix s’achève.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre à qui veut]
Posté par: Damian Urteist le jeudi 04 septembre 2025, 22:00:56
L’odeur du sang et de la chair se répand dans la vallée avant même que le silence ne se brise.
Je me tiens à l’écart, en hauteur, là où la falaise se penche comme une sentinelle sur ce repli de terre. De ma position, chaque détail m’appartient : les lueurs mourantes derrière les vitres des chaumières, les ombres qui rampent au sol, la synchronie parfaite de l’essaim qui se déploie.

Un spectacle fascinant.
Une horreur… magnifique.

Je sens la crispation animale de ces corps modelés par une volonté unique, cette respiration commune, presque religieuse. C’est une liturgie de chair et de chitine, un chœur muet qui ne connaît ni peur ni désir, seulement l’ordre gravé dans leurs nerfs. L’empreinte de leur maître.
Mes lèvres s’étirent en un sourire fin, froid.

Je pourrais être terrifié. Je devrais peut-être l’être. Mais au lieu de cela, je contemple, comme un alchimiste qui découvre une pierre rare, comme un anatomiste devant un cadavre encore chaud. Ces créatures… elles ne sont pas seulement des armes. Elles sont des sujets. Des mystères incarnés.

L’idée s’insinue doucement, venimeuse et délicieuse : que donnerait leur sang, une fois extrait, raffiné, distillé ? Quelle essence circulerait dans leurs veines ? Quel nectar de guerre pourrais-je tirer de leur existence pour en nourrir mes propres recherches ? Les vampires se contentent trop souvent de la répétition fade — sang humain, sang terranide, sang démoniaque… Mais ceci ?
Ceci est nouveau. Ceci est pur pouvoir, sculpté dans la douleur et la volonté.

J’imagine déjà un spécimen arraché à la cohorte, entravé, observé, percé d’aiguilles. Leurs cris — s’ils savent encore crier — résonnant contre la pierre de mes laboratoires. Leurs fluides pompés, analysés, réinjectés. Quelles mutations ? Quelles réponses ? Quelle fusion pourrait naître de ce mariage abject entre leur essence et le sang vampirique ?

Mes yeux suivent un rampant qui glisse au ras de la rivière, ses pattes griffues s’ancrant dans la boue avec une régularité métronomique. Parfait candidat. Assez petit pour être saisi, assez étrange pour nourrir mes hypothèses. Oui… il faudrait que je teste. Mais pas ce soir. Pas encore.

Car l’instant n’est pas à l’intervention. Il est à l’observation.
Je laisse mes pupilles rouges refléter la danse terrible de l’essaim qui encercle Erstonia. Je me gorge de cette symphonie silencieuse, de ce ballet de mort. Les villageois ignorent encore qu’ils vivent leurs derniers instants. Bientôt, ils seront mémoire et cendres.

Moi, je reste spectateur.
Un témoin dans l’ombre.
Un prédateur patient.

Et dans l’ombre de mon silence, je fais serment : un jour, une de ces créatures portera ma marque… et son sang chantera dans mes veines comme une symphonie interdite.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Anakha Baley le lundi 08 septembre 2025, 00:20:37
La plume brûle. Chaque battement de son cœur l’enfonce davantage dans la chair, comme si elle cherchait à lui perforer l’os. La douleur n’a rien perdu de sa morsure. Elle est devenue une compagne, gravant le souvenir de Deirdre plus sûrement qu’aucune mémoire. Son visage, ses lèvres, sa chaleur… et puis l’absence. Il ne lui reste que ce gage d’amour, transformé en supplice.

Anakha ouvre les yeux. Le reflet de la lune se prend dans ses iris fauves, plus vifs, plus agressifs qu’autrefois. Sa silhouette n’est plus celle de l’homme trouvé sur un champ de bataille : Son corps est désormais gainé d’une chitine grise, organique, veinée de lignes sombres qui épousent chaque muscle comme une armure vivante. Ses yeux fauves brillent dans la nuit, agressifs, inhumains. Dans son dos, de grandes ailes membraneuses s’étendent, semblables à celles d’un insecte gigantesque : fines, veinées, presque translucides par endroits, mais vastes et puissantes, capables de couvrir son ombre tout entière. Sur son pectoral gauche, juste sous la clavicule, une plume bleue irisée est incrustée dans la carapace, horizontale, luisant d’une clarté froide à chaque battement de son cœur.

Derrière lui, l’essaim respire. Des dizaines de créatures, fruits de sa volonté et de sa semence, bruissent d’impatience.

Les rampants, hexapodes nerveux de 4 pieds de haut, penchés en avant, à peine plus hauts qu’un enfant, mais terriblement rapides, se coulent déjà dans les herbes hautes, chitine sombre collée au sol. Leurs pattes griffues frappent sans bruit, leurs crochets claquent dans l’air. Ils sont rapides, invisibles, parfaits pour couper la fuite.

Les carapacés suivent, masses cuirassées, quadrupèdes marchant à la fois sur jambes et sur bras, pinces et lames dressées devant eux. Leurs lourdes élytres vibrent parfois, comme si elles cachaient des ailes prêtes à se déployer. Chacun est un bélier vivant, taillé pour éventrer une palissade.

Plus haut, dans les arbres et sur les toits, se glissent les anthropomorphes. Bipèdes, quatre bras repliés contre eux, visages masqués d’une chitine sombre où brillent des orbites vides. Leurs yeux n’ont aucune utilité : ils ne sont là que pour imiter. Leur chasse se fait au son, à l’odeur, aux vibrations. Ils avancent sans un bruit, toujours à portée de bond.

Entre les branches et les charpentes, les arachnomorphes tissent leurs toiles nerveuses, érigeant des relais psychiques de fortune : excroissances translucides qui lient chaque unité à la conscience d’Anakha. Plus loin, dans les bois, des tours plus massives, tissées depuis des jours, palpitent d’un éclat humide, irradiant sa volonté dans toute la vallée.

Et, plus loin encore, sur les falaises de l’Ouest, les scarabées géants s’ébranlent. Deux mètres au garrot sans la corne, cuirasses hérissées de crocs chitineux. Trop massifs pour la discrétion, ils ne participeront pas à l’assaut. Mais quiconque tentera de fuir vers les hauteurs trouvera leur ombre et le gouffre.

C’est alors qu’Anakha le sent. Une pensée étrangère a effleuré le réseau, glaciale, étrangère. Une présence solitaire, là-haut, sur la falaise. Ce n’est pas Deirdre. Ou peut-être ? Ses souvenirs sont flous, ses certitudes fragiles. Il n'avait pas connaissance de tous ses pouvoirs alors. Alors il ne prend pas de risque. Quelques rampants se détachent déjà de la masse, accompagnés d’un scarabée, et commencent à contourner l’intrus. Pas d’assaut direct : seulement l’ombre, l’étau qui se referme lentement, à distance.

En contrebas, Erstonia dort encore.

Sur la palissade, un garde renard plisse les yeux. Le vent lui porte une odeur qu’il ne connaît pas, entre la charogne et la braise. Ses oreilles se dressent. Un instant, il croit voir une ombre bouger entre les arbres. Il tend l’arc. Derrière lui, le village sommeille, inconscient.

Un mouvement. Une silhouette bipède se hisse d’un bond sur le chemin de ronde. Trop près. Trop vite. Le garde n’a pas le temps de crier. Ses orbites vides se fixent sur lui, puis les bras se déploient. Quatre. Trop de bras. Le premier coup tranche la corde de son arc. Le second lui ouvre la gorge. Le garde s’effondre sans un son.

Plus loin, dans les maisons des faubourgs, d’autres tombent ainsi, égorgés dans leur sommeil, étranglés dans leur lit. Le massacre est déjà en cours.

Les rampants franchissent la rivière au sud dans un clapotis à peine audible.
Les carapacés atteignent la palissade, pinces levées, prêts à trancher le bois.
Les anthropomorphes escaladent les façades, se hissent jusqu’aux greniers, se glissent dans les charpentes.
Et dans les ruelles, des cocons nerveux apparaissent déjà, fils translucides s’accrochant aux poutres, au sommet des toits, dans l’ombre des granges. Le village devient une toile.

La cloche du temple retentit soudain, brisant le silence comme un cri. Un vieil homme-chat, sorti d’un rêve brûlant, l’a frappée de toutes ses forces. Le bruit se répand comme un cri dans la vallée. Des chiens-loups aboient, affolés, avant d’être réduits au silence. Des volets claquent, des silhouettes se précipitent vers la place. Dans l’auberge, les tables basculent pour former des barricades. Les miliciens hurlent des ordres, arcs levés, trop peu nombreux, trop mal préparés.

Tout autour d’eux, l’essaim resserre l’étau.

Pas un cri, pas un rugissement. L’assaut est muet. Seule résonne la cloche, désespérée, tandis que la chasse commence.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Damian Urteist le lundi 08 septembre 2025, 21:21:43
Je me tiens en hauteur. L’air est chargé de l’odeur métallique du sang et de la terre humide. Chaque mouvement est parfaitement coordonné, chaque créature une extension de sa volonté. La perfection de cette horreur m’envoûte. Un sourire glisse sur mes lèvres malgré moi. Mais je ne suis pas ici pour admirer.

Je dois choisir : agir seul et risquer le chaos, ou me rapprocher de celui qui contrôle cette force. Je sens… je sens quelque chose en lui… un écho de maîtrise qui résonne avec mon propre instinct de prédateur et de chercheur.

Un pas en avant. Lent. Contrôlé. Ma silhouette se détache des ombres, juste assez pour qu’il me voit, mais pas assez pour alerter l’essaim. Mon regard ne quitte pas le sien. Le silence se fait pesant, presque palpable. Je n’ai rien dit, et pourtant mes intentions flottent dans l’air comme un parfum interdit : je ne viens pas en ennemi.

"Je vois." Ma voix s’élève, froide et mesurée. Pas de menace. Juste une constance tranquille. "Je vois ce que tu fais… et je dois dire, c’est fascinant." Je laisse le mot flotter, calibré pour titiller sa curiosité sans le provoquer. "Je peux t’être utile."

Je ne m’avance pas davantage. Mon corps, pourtant, exprime ce que mes mots taisent : je ne cherche pas le conflit. Mon sang, mon souffle, mes sens aiguisés… tout me rend capable d’apporter ce qu’il semble moins maîtriser : l’analyse, le contrôle fin, l’observation active.

Son essaim me contourne. Intéressant.

Un chasseur terranide surgit derrière l’inconnu. Trop vigilant. Trop curieux. Ses gestes sont rapides, désespérés, maladroits. Sans réfléchir, je bondis. Je me glisse entre les arbres. Léger. Rapide. Précis.

"Oh ! Rå, l’Esprit de la forêt et des lieux sauvages, accorde-moi ton don pour défendre l’objet de ma curiosité."

J’utilise l’Étreinte de Rå. Une liane de ronces surgit, se resserrant progressivement autour de l’assaillant, suivant chacun de ses mouvements. Suffisamment ferme pour le neutraliser, mais pas pour le blesser gravement.

Il hésite. L’essaim reste sur ses positions. Aucun mouvement agressif, mais la vigilance est palpable. Je ne cherche pas à m’imposer. Juste à proposer un partenariat pragmatique. Pas d’émotion. Pas de loyauté. Juste une utilité mutuelle.

Mes pupilles rouges croisent ses yeux fauves. Je jauge son évaluation. Sa prudence. Puis, d’un geste subtil — un doigt levé, minime mais visible — je marque ma présence et ma volonté de coopérer. Pas de confiance. Pas de promesse. Juste un signal clair : je choisis d’agir avec lui.

Le silence est lourd. Mais l’air vibre d’une possibilité nouvelle. Nous ne sommes pas alliés par le sang, ni par le passé. Nous sommes alliés par la nécessité, par la logique froide de nos instincts de prédateur et de tacticien. Dans cette alliance improbable, pragmatique, une force coordonnée commence à s’ébaucher.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Anakha Baley le mardi 09 septembre 2025, 11:28:12
L’essaim n’avait pas ralenti.

Dans les ruelles d’Erstonia, les cris commençaient à s’élever, déchirés, étouffés, noyés sous le grondement muet de la nuée. Les rampants se coulaient dans les granges, sous les planchers, surgissant pour trancher des jarrets avant que les proies n’atteignent les portes. Les carapacés éventraient les palissades, bois éclaté sous les pinces et les lames. Les anthropomorphes bondissaient de toit en toit, laissant derrière eux des cadavres étouffés dans les draps. La résistance s’organisait, oui… mais trop tard. La cloche sonnait, les miliciens hurlaient, et déjà les cocons nerveux s’accrochaient aux charpentes pour dresser de nouveaux relais psychiques. Sans Anakha pour guider directement, l’essaim avançait plus lentement, mais il avançait, inexorable.

Lui, il avait les yeux fixés ailleurs.

Le vampire avait bougé. Trop vite, trop fluide, un mouvement que peu d’humains auraient pu suivre. Mais ses nouveaux yeux fauves l’avaient saisi, sans perdre une miette de cette vélocité inhumaine. Et malgré lui, Anakha en fut impressionné. Ses pupilles se rétrécirent, s’adaptant, mesurant chaque geste, chaque tension du corps adverse. Mais être capable de voir ne signifiait pas pouvoir agir assez vite au besoin ... Et encore moins pouvoir le suivre s'il décidait de fuir et de signaler sa présence au monde. Et Anakha n'était pas encore prêt à subir une attaque combinée de plusieurs nations, surtout si Tekhos choisissait de participer ...

L’armure chitineuse craqua doucement lorsqu’il écarta une aile. Il avait confiance. Si ce qu’il pressentait était vrai, sa chair renforcée pouvait encaisser des tirs de railgun. Mais aucune armure n’était parfaite. Il savait que toute cuirasse avait ses interstices, ses points faibles. Et la force brute de cet être lui restait inconnue.

Il écouta. La voix portait la froideur du calcul, sans ferveur, sans soumission. Pas une menace, pas une supplique. Une proposition. Fascination et pragmatisme mêlés.

"Tu dis pouvoir être utile…", énonça Anakha, et au même instant, en contrebas, un carapacé ouvrit ses élytres dans un craquement humide. "En quoi ?".

Le chasseur terranide prisonnier des ronces s’agita, tirant en vain sur la liane qui lui sciait la peau. L’essaim encerclait toujours l’intrus, crocs et pinces tendus, mais aucun ordre n’avait jailli pour frapper, laissant le chasseur comme un cobbaye, un exemple à laisser à son interlocuteur. La chasse continuait, mais l’instant s’était figé entre eux deux.

En contrebas, les villageois croyaient leur résistance ralentir l’assaut. Quelques barricades tenaient encore, arcs décochaient des traits paniqués, forçant les rampants à se disperser. Mais ce n’était qu’une illusion : la nuée se réorganisait, bâtissait de nouveaux relais de fortune dans les greniers et les poutres. Dès que la toile serait complète, la vague se refermerait.

Anakha, lui, attendait la réponse du vampire. Ses yeux fauves brillaient d’un éclat de défi, mélange de curiosité et de menace.

En contrebas, Erstonia se débattait dans son agonie.

Les villageois s’étaient regroupés sur la place centrale, là où l’essaim ne pouvait encore les atteindre, tant qu’il n’aurait pas tissé plus de relais ou qu’Anakha ne les aurait pas rejoints. Deux miliciens, à peine mieux équipés que des chasseurs, tentaient d’organiser une ligne derrière des tables renversées. Des flèches partaient, sifflaient dans la nuit, certaines trouvant leur cible. Un rampant s’effondra, transpercé à travers la gorge. Un autre recula en claquant des crochets. L’espoir vibra un instant, fragile, dans le cœur des défenseurs.

Puis les carapacés atteignirent les barricades.

Le bois vola en éclats sous leurs pinces, les lames osseuses labourant les tables comme si elles n’avaient été que foin sec. L’un d’eux, massif, stoppa sa charge, ses élytres se soulevant dans un craquement. De l’ouverture, un grouillement immonde jaillit : une masse de petites créatures aux multiples tentacules chitineux, peu aptes à se déplacer seules mais avides. Elles se jetèrent sur les femmes terranides, les ligotant dans une étreinte visqueuse, les immobilisant au sol.

Un instant, certains crurent qu’elles étaient épargnées. Les parasites ne mordaient pas, ne déchiraient pas : ils s’enroulaient. Mais l’illusion s’éteignit aussitôt dans les hurlements. Les tentacules palpèrent, sondèrent, pénétrèrent. Les cris se muèrent en sanglots d’horreur.

Les hommes, eux, n’eurent pas cette “clémence”.
Un jeune terranide, arc encore en main, fut saisi par les pinces d’un carapacé. Son torse craqua, ouvert en deux, avant d’être porté à la gueule du monstre. La chair disparut dans un bruit de succion immonde, et les entrailles fumantes éclaboussèrent les planches. D’autres furent littéralement déchiquetés, les rampants se disputant des morceaux encore chauds, leurs crochets claquant dans un festin obscène.

Les anthropomorphes frappaient dans l’ombre. Une silhouette surgit d’une fenêtre entrouverte, attrapa un homme-chat par derrière et l’entraîna dans la maison, les cris cessant aussitôt. Plus loin, une femme-lynx fut saisie, projetée au sol, les tentacules l’enserrant déjà. Elle se débattait, hurlait, mais ses griffes n’entamaient pas la chitine gluante.

Sur la place, la cloche du temple résonnait encore, portée par un vieil homme-chat qui refusait de lâcher la corde. Ses mains saignaient, sa gorge se brisait à force d’appeler à l’aide. Mais chaque son de la cloche semblait attirer davantage l’horreur, comme un phare dans la nuit.

À travers les relais psychiques improvisés, Anakha sentait tout : la peur brute, les prières étouffées, les chairs déchirées, les cris des femmes capturées. La toile mentale vibrait de leur panique, se gorgeait de leur désespoir.

Un relais après l’autre, l’essaim avançait, méthodique, implacable.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Damian Urteist le mardi 09 septembre 2025, 16:08:28
Les cris, les hurlements, les supplications m’assaillent… mais je ne détourne pas le regard. Mon souffle demeure calme, mes yeux suivent chaque mouvement de son essaim, chaque relais qui se tisse, chaque point faible qui naît dans sa toile. Il ne s’en rend peut-être pas compte, mais dans cette horreur parfaite, il existe des failles. Les cloches qui sonnent, les barricades trop vite brisées, la panique qui se concentre à un seul endroit… tout cela attire l’attention comme un phare.

"En quoi ?". Sa voix gronde encore dans ma mémoire.

Je m’avance d’un pas, sans crainte. Ma main se lève, désignant les toits où certains anthropomorphes bondissent trop tôt, révélant leur trajectoire. Les villageois les voient.

L’illusion d’invincibilité se fissure.
"Ton essaim est parfait pour détruire… mais imparfait pour durer. La peur qu’il provoque est brute, immédiate. Mais je sais la prolonger, la transformer en arme durable. Là où tes créatures frappent de front, moi, je peux préparer le terrain. Identifier ce qui résiste, ce qui vacille, ce qui se soumettra sans combat."

J’écarte les doigts. En contrebas, le vieil homme-chat qui sonnait la cloche s’effondre : une liane de ronce jaillit, s’enroule autour de la corde et l’étouffe. Le son s’arrête net. Le silence est pire encore, car il laisse les villageois seuls avec leurs respirations hachées et l’implacable bruissement de l’essaim qui approche.

"Entends-tu ?" Ma voix est basse, tranchante.
"Je peux faire taire leurs cris, contrôler leurs signaux, semer la confusion dans leur esprit collectif. Là où tu imposes ta domination par la force, je l’entretiens par le doute et le silence. Ton essaim est l’épée. Je suis le scalpel. Ensemble… personne n’échappera."

Je sens sa méfiance, sa vigilance. Normal. Alors je poursuis, mais cette fois avec un geste qu’aucun autre ne peut offrir. Ma main se serre, l’ongle perçant ma paume. Le sang coule, sombre, dense. Je l’élève, puis souffle dessus. Le liquide s’évapore, se déchire, se répand. En quelques battements, une brume écarlate s’élève et serpente entre les maisons, recouvrant les ruelles comme une chape mouvante.

Elle n’étouffe pas, ne blesse pas : elle dissimule. Les arcs terranides perdent leur précision. Les flèches partent à l’aveugle, ricochent, se plantent dans le vide ou heurtent des carapaces qu’elles n’auraient jamais dû manquer. Les silhouettes des créatures disparaissent dans la brume mouvante, se dédoublent, se multiplient. Chaque monstre semble avoir des dizaines d’ombres. La peur se démultiplie. Le chaos devient terrain fertile.

Je baisse ma main. La plaie se referme déjà, mais mes pupilles rouges brûlent encore de l’éclat de ce pouvoir car c'est la première fois que je l'utilise. Mon regard s’ancre dans celui de mon interlocuteur.

Je n’ai pas besoin de longs discours. Mon intervention parle d’elle-même : là où son essaim déchire et submerge, je rends ses proies aveugles, vulnérables, prisonnières de leur propre terreur.

Un murmure glisse de mes lèvres, assez bas pour que seul lui l’entende :

"Je voile leurs yeux… tu n’as qu’à frapper."
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Anakha Baley le samedi 20 septembre 2025, 01:12:44
La brume écarlate s’insinuait entre les troncs, rampait dans les ruelles d’Erstonia, noyait les barricades et les toits pointus. Les villageois voyaient des monstres partout : un rampant devenait cent, un carapacé dix. Chaque ombre se dédoublait, chaque cri résonnait sans origine.

Mais dans la forêt, Anakha n’était pas dupe. Ses créatures n’avaient pas besoin de voir : elles vibraient, elles traquaient, elles sentaient. Le brouillard n’était pas un voile pour elles, mais une chape protectrice.

Le chef de la nuée écarta une aile, la chitine de son armure grise captant les reflets pâles de la lune. Ses yeux fauves se fixèrent sur Damian, à travers les branchages. Ses nouveaux iris s’étaient habitués à l’inconcevable vélocité du vampire — un mouvement qui, autrefois, lui aurait échappé. Impressionnant, certes. Mais pas suffisant pour le déstabiliser.

Il ouvrit la bouche, et sa voix profonde résonna, grave, mesurée, parmi les troncs.

"Tu ajoutes de la nuit à ma nuit. C’est utile."

Il marqua une pause, inclinant légèrement la tête, ses iris flamboyants toujours ancrés dans ceux de Damian.

"Mais ta brume… dès qu’elle sert mon dessein, cesse de t’appartenir."

Le silence pesa un instant, rempli seulement par le claquement des crochets et le bois des barricades qui cédait en contrebas. Anakha reprit, plus dur :

"Alors parle. Quelle faim te pousse ? Qu’attends-tu en retour ?"

En même temps, il laissa ses relais effleurer l’esprit de l’inconnu. Il ne chercha pas à forcer : juste un contact, une impression. Mais il rencontra une barrière, dure, lisse, glaciale. Pas un esprit ouvert, pas une proie vulnérable. Un mur. Une silhouette mentale aux contours nets, mais imprenables. L’intrusion s’arrêta là. Ses yeux se plissèrent : méfiance redoublée.

Autour d’eux, l’assaut continuait.

Dans le village, les hommes reculaient pas à pas. Leurs flèches ricochaient contre les carapaces, frappaient parfois leurs propres alliés dans la confusion. Le sol était jonché de cadavres disloqués : entrailles fumantes, membres arrachés, visages écrasés sous les pinces.

Et les femmes… elles hurlaient. Les parasites tentaculaires, jaillis des carapacés, les plaquaient au sol, palpant, sondant, pénétrant. Certaines criaient à la mort, d’autres suppliaient d’être achevées. Mais déjà les spasmes les trahissaient : des gémissements brisés se muaient en soupirs obscènes, des sanglots éclataient en cris déchirés de plaisir. Dans la brume, nul ne pouvait distinguer où finissait la terreur et où commençait la jouissance. Ce mélange monstrueux emplissait les ruelles, vrillait les oreilles des survivants.

Pour les hommes encore debout, c’était un supplice pire que la mort. Ils entendaient les voix de leurs sœurs, de leurs épouses, de leurs filles. Des cris arrachés par la douleur, mêlés à des gémissements qui semblaient jouir de l’abomination. Leurs mains tremblaient. Certains lâchaient leurs armes. D’autres frappaient dans le vide, comme des fous, incapables de supporter ce qu’ils entendaient. Chaque souffle n’était plus qu’attente du prochain coup, du prochain hurlement, du prochain spasme.

La voix d’Anakha monta de nouveau, claire malgré le tumulte. Elle dominait le chaos, presque solennelle.

"Tes ombres couvrent mes pas. Tes ronces étouffent leurs signaux. Tu peux être un allié."

Il fit un pas vers Damian, ses ailes bruissant derrière lui, et son ton tomba comme une lame :

"Mais on ne donne rien pour rien. Dis-le. Qu’espères-tu gagner ?"

Et tandis qu’il parlait, l’essaim poursuivait son avancée dans la brume, méthodique, implacable.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Damian Urteist le samedi 20 septembre 2025, 11:59:53
La brume rouge pulse sous mes doigts comme une chose vivante. Elle répond à ma volonté et m’éclaire autant qu’elle voile : chaque gouttelette de sang suspendue capte la lumière mourante, chaque battement de cœur devient un écho, net, dans l’air empuanti.

Quelque chose en moi s’éveille,  plus ancien que la raison, plus proche du sang que de la pensée. Je lutte contre l’appel, puis j’y cède juste un instant : mes pupilles se rétractent, deux fissures d’encre, et une chaleur froide rampe sous ma peau.

Je ne bois pas. Pas maintenant. Mais l’ivresse du sang répandu aiguise mon esprit ; la brume n’est plus seulement un voile aveuglant, elle devient une sonde. Un fin filet liquide touche une pierre, rebondit, me renvoie le pansement d’un cœur qui s’emballe, la prière étranglée d’une femme. J’entends. Je vois. Je comprends plus que ceux qui se contentent de frapper.

Ma voix tombe, basse, sans concession, un timbre que le monde associe aux créatures des nuits.
Pourquoi ?

Je laisse la question suspendue, plus qu’une curiosité tactique : une exigence. Mes doigts passent l’air, et les ronces répondent, palpant toits et cordages, débusquant relais mal positionnés. Je pourrais lui donner des clefs, je lui en ai déjà offert quelques-unes,  mais je veux nommer ce feu qui l’anime.

"Pourquoi réduire ces villages à spasmes et à abjection ? Pourquoi courir ce prix moral et ce bouillonnement d’horreurs ?"

Je sens la réponse monter, mais je veux l’entendre sortir de sa bouche. J’ai mes propres fantômes. J’ai perdu Liv ; j’ai cherché dans le sang des réponses et j’ai fini par me changer en ce que je craignais pour avoir attiré un grand vampire, curieux de mes recherches. Sa nuit me renvoie la mienne. Que mon interlocuteur me dise : sa faim est-elle vengeance, nécessité, ou le fruit d’un pacte qu’il refuse d’avouer ?

Autour de nous la brume s’épaissit, devient un réseau qui vibre au rythme des peurs. J’en capte les frémissements comme un maître d’orchestre perçoit les fausses notes.

Le chef de la nuée, perché entre deux troncs, écarte une aile ; sa chitine luit sous la lune. Ses yeux fauves me fixent, immobiles, et sa voix tombe, grave, mesurée :
"Tu ajoutes de la nuit à ma nuit. C’est utile."

Il incline la tête, jaugeant.
"Mais ta brume… dès qu’elle sert mon dessein, cesse de t’appartenir."

Silence un instant. Le vacarme en contrebas paraît lointain, comme une toile sur laquelle on a posé la lame.

Anakha reprend, la voix plus dure :
"Alors parle. Quelle faim te pousse ? Qu’attends-tu en retour ?"

Je sens ses relais effleurer mon esprit ; ma barrière tient. Pas d’ouverture pour une intrusion facile. Méfiance légitime.

Je n'alourdit pas davantage le duel. Je baisse la main, laisse la brume jouer son rôle, et je réponds d’un ton mesuré, sans appel :
J’ai déjà perdu ce que tu crois pouvoir m’enlever. Liv.

Le nom tombe entre nous comme une pierre dans une eau noire ; il résonne.
Elle était mon ancre. Quand elle est morte, je me suis effondré. Pendant un an je n’ai connu que fioles et cendres, je n’ai ni mangé, ni dormi, ni respiré autre chose que l’odeur de mes expériences. J’ai voulu créer un substitut au sang, une voie qui permette aux vampires de survivre sans dévaster la vôtre. J’ai échoué. Et quand mon corps a finalement cédé, je suis devenu ce que tu vois. Par pas choix. On me l’a imposé.

Je montre la paume, la cicatrice encore sombre autour de la coupure ; le sang séché brille, mémoire muette de la brume que j’ai conjurée.
Ce que je veux ?” Je m’avance d’un pas, sans hâte mais sans recul. “Pas tes terres, ni tes ruines, ni des captives. Je veux comprendre ta nuée. Sa chair, ses pulsations, ses failles. Laisse-m’en un fragment, une seule créature, pour l’étudier. Le reste demeure à toi. Je veux un échantillon pour mes recherches. Rien de plus.

Autour de nous, la brume palpite, un organisme qui m’obéit. Je sers la main comme pour sceller un pacte invisible. Anakha juge, puis incline à peine le buste, ses yeux flamboyants me sondant. Il n’est pas dupe : rien n’est offert sans contrepartie.
"Mais on ne donne rien pour rien. Dis-le. Qu’espères-tu gagner ?"

Un grondement lointain, des carcasses qui se replient, des hurlements qui se muent en gémissements abjects, emplissent l’espace. La brume les avale et les renvoie plus confus.

Je respire un peu plus lentement, la soif encore prête à rugir, et je conclue sans fard :
Très bien. Donne-m’en une. Je la disséquerai, j’y trouverai peut-être la clé. Et si mes efforts tiennent, ce que nous bâtirons ensemble dépassera le simple carnage. Ce sera une ère.

Anakha ne sourit pas, mais ses yeux prennent une lueur qui n’est pas déplaisante. L’alliance est fragile, mais elle se noue, d’abord par nécessité, ensuite par curiosité. Et dans la brume écarlate, le monde semble, pour un instant, à la fois plus sombre et plus prometteur.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Anakha Baley le mercredi 24 septembre 2025, 01:14:48
La question de l’autre résonna dans la brume. "Pourquoi ? "
Un mot lourd, pas un reproche, mais une exigence glaciale.

Anakha ne détourna pas les yeux. Sa voix s’éleva, grave, rauque, comme sortie des profondeurs de sa carapace.
"Parce qu’on m’a arraché ce qui m’ancre. Elle s’appelait Deirdre."

Il n’expliqua pas tout, pas comme on confie une confidence à un frère d’armes. Mais ses yeux fauves se durcirent, et ses ailes frémirent à ce souvenir.
"Elle m’a sauvé. Elle m’a aimé. Elle m’a donné un gage…" Sa main chitineuse frôla la plume incrustée dans son torse. Elle pulsa, réponse douloureuse à son nom. "Et au matin, il ne restait rien. Rien qu’une absence qui brûle encore."

Un silence pesa, lourd comme une chape. Puis Anakha reprit, plus bas, sa voix vibrante de cette rage froide qui l’habitait.
"Alors j’ai fait de cette douleur une arme. Tu demandes pourquoi ? Parce qu’à chaque battement, la brûlure me dit d’avancer. Parce que je la cherche. Et parce que pour la retrouver, j’ai besoin d’une armée."

Il ne savait pas pourquoi il en avait parlé. Peut-être parce qu’il avait senti, dans le timbre de Damian, une parenté invisible, ce vide qui forge ou détruit. Mais il n’avait pas cherché à forcer son esprit. Lorsqu’il l’avait effleuré par ses relais, il n’avait trouvé qu’une paroi lisse, glaciale, infranchissable. Pas une proie. Pas un disciple. Mais un semblable, d’une autre voie.

Il redressa la tête, reprenant son ton sec, utilitaire.
"Tu veux comprendre ma nuée ? "

Un rampant s’avança aussitôt, chitine sombre luisant dans la brume, pattes griffues repliées pour paraître moins menaçant. Anakha n’avait pas eu besoin de bouger : sa pensée seule l’avait tiré du flot. La créature attendait, immobile, son exosquelette vibrant doucement de la pulsation mentale qui la liait à son maître.

"La voici. Est-ce suffisant pour ton étude ?" demanda-t-il. Sa voix était dure, mais pas ironique. "Ou souhaites-tu un autre type ? Carapacé ? Anthropomorphe ? Arachnomorphe ? Dis, et je te l’apporterai."

Il n’avait rien à craindre. Tekhos avait passé des années à disséquer des spécimens, à sonder leur chair et leur nerf. Tout ce qu’ils avaient obtenu n’était que poussière de compréhension. Les secrets de la ruche ne s’ouvraient pas au scalpel ; ils vivaient dans la trame psychique, dans la pulsation invisible des relais. Qu’importe donc qu’un vampire en dissèque un. Anakha saurait de toute façon ce qu’il voyait, à travers les yeux du spécimen.

En contrebas, Erstonia cessait d’exister.

Les carapacés avaient brisé les dernières défenses et fondaient sur les derniers survivants. Les parasites libérés s’enroulaient autour des corps des femmes, et les gestes d’horreur prirent, en peu de temps, une conséquence cruelle et fonctionnelle : l’impregnation. Toutes étaient sans ménagement immobilisée et pénétrée par ces être diformes aux multiples tentacules qui exploraient l'ensemble de leurs corps. Même une fois l'insémination passée, la saillie continuait, afin de provoquer la sécrécrétion en plus grande quantité du fluide nécessaire à la croissance des parasites. Les femmes capturées furent retenues, protégées des mutilations lorsqu’une gestation offerte servait les desseins de la ruche. Les tentacules, les sondes biologiques des parasites, déclenchèrent des grossesses accélérées ; au fil des heures, des embryons organiques se formèrent, nourris par le corps de leurs mères.

La logique était simple et cruelle : on laissait les hommes périr, et l’on conservait les femmes vivantes autant que nécessaire pour engendrer la chair utile. Les corps des mères, quand le projet l’exigeait, furent nourris, abrités, reliés à des canalisations d’eau et de nutriments ; les naissances fournissaient des éléments qui grandiraient, puis se joindraient à l’armée ou s’épanouiraient en structures.

Les derniers cris s’éteignaient, remplacés par d’autres, plus obscènes : ceux des captives saillies par les parasites. Les hommes, eux, mouraient déchirés, disloqués, avalés. Mais les femmes étaient retenues, forcées, protégées dans leur douleur parce qu’elles servaient. Les tentacules, appendices nerveux et chitineux, s’enroulaient autour d’elles, déclenchant des gestations fulgurantes. Leurs ventres gonflaient en quelques heures, quelques minutes, parfois. De leurs corps jaillissaient des embryons translucides, poisseux, qui se redressaient déjà pour ramper vers leurs semblables.

Ces naissances n’étaient pas la fin : elles étaient les fondations. Certaines larves se fixèrent aussitôt aux murs et aux toits, leurs corps se fendant comme des fleurs monstrueuses. Leur chair s’ouvrit en corolles chitineuses, d’où jaillirent des filaments translucides qui palpitaient. C’étaient les relais : des organismes vivants, branchés dans le réseau, transmettant la volonté d’Anakha de proche en proche.

D’autres larves rampèrent vers la rivière. Elles s’immergèrent, se gonflèrent, et commencèrent à bâtir des poches vivantes, membranes souples qui s’élargissaient au fil de l’eau absorbée. Ce furent les premières couveuses. Leur peau battait comme un cœur, pompes organiques aspirant le courant pour nourrir les embryons qu’on y déposerait.

La ruche ne se contentait pas d’utiliser des cadavres. Elle engendrait des organismes qui grandissaient, qui respiraient, qui palpitaient de leur propre vie. Les murs allaient se tendre comme des muscles. Les couloirs vibreraient d’un souffle chaud. Les piliers seraient des créatures figées, vivantes, leurs carapaces soudées entre elles. Chaque élément croissait, non pas bâti, mais enfanté.

Déjà, les premiers contours se dessinaient. Sur la berge, les carapacés avaient creusé un bassin large, détournant une partie du courant de la rivière. Les larves y furent déposées, et leur croissance prit vitesse. Le bassin devint salle de gestation : un réservoir tiède, parcouru de membranes translucides où flottaient des embryons, alimentés par des fibres nerveuses qui puisaient directement dans les corps des mères attachées à la rive. Ces dernières gémissaient encore, mais leur rôle n’était plus de résister : elles étaient devenues sources.

Autour de ce cœur central, les premières chambres annexes s’élevaient. Des cocons se fixaient les uns aux autres, durcissaient, fusionnaient pour former des alvéoles. Certaines servirent à stocker la nourriture, restes de proies, chairs broyées, sang accumulé. D’autres, encore plus vastes, seraient des salles de maturation : des couloirs où les larves grandiraient en rampants, carapacés, anthropomorphes, selon le besoin.

Les récolteurs allaient de corps en corps, nourrissant les pondeuses de force, enfouissant leur tube au fond de leur gorge pour y pomper un épais liquide nourricier conçu à partir de leurs récoltes. Ils alimentaient de même toutes les créatures qui venaient au monde, véritable source d'énergie de la ruche, adaptant le liquide au besoin de chacune des tâches de la nuée.

Les relais, eux, se multipliaient. Chaque poutre, chaque racine, chaque pierre servait d’ancrage à de nouveaux bulbes translucides, reliés par des filaments vibrants. La vallée tout entière se transformait en toile nerveuse.

Anakha observa un instant ce début de royaume. Ses yeux fauves brûlaient d’un éclat froid. Erstonia n’était plus un village : c’était un terreau. Deux cents âmes avaient suffi à enclencher la croissance d’une ruche. Et ce n’était qu’un commencement.

Il ramena son regard sur Damian, sa silhouette dressée au milieu des troncs, la brume écarlate palpant encore le sol autour de lui. "Alors ?" Sa voix résonna, implacable. "Suffira-t-elle ? Ou veux-tu un autre modèle ? Et auras tu besoin de quelque chose pour ton laboratoire ? Un emplacement particulier ? Je ne sais pas la clef de quoi est-ce que tu souhaites trouver. Mais si tu m'aides correctement, je suis disposé à te rendre la pareille"
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Damian Urteist le vendredi 26 septembre 2025, 19:03:26
J’écoute Anakha répondre à mon « pourquoi » comme on observe une bête qui déploie ses ailes : sans surprise, et pourtant avec une pointe de tristesse que je ne lui connais pas. Deirdre. Le nom tombe dans la brume et allume quelque chose de froid en moi. Quand un homme bascule aussi loin dans l’ombre, il faut, me dis-je froidement, qu’il ait perdu quelqu’un d’exceptionnel. Cette jeune femme devait briller d’un feu que rien, ou presque, ne peut apaiser.

En un éclair, une image me traverse : Diamant, ma Diamant, mon elfe lunaire, disparue. Je sens, plus qu’une pensée, une hypothèse effroyable : que ferais-je si elle n’était plus ? Si quelqu’un me l’arrachait ? Mon estomac se noue d’une façon que je connais trop bien. Le spectacle d’Anakha, sculpté par la haine et la perte, m’envoie un miroir que je n’aime pas voir : je pourrais être lui. Ou mon créateur.  Je pourrais devenir, par la même mécanique perverse, une machine de vengeance. L’image me terrasse un instant : je me vois rugir, dépouillé de pitié, de mon reste d’humanité,  capable des mêmes horreurs. Cela me glace, et m’éclaire. Je sens que la ligne entre créateur et monstre est plus fine qu’on ne la croit.

Je le regarde, et je me surprends à me demander comment ladite recherchée réagirait, si elle savait. L’aurait-elle reconnu dans la ruche qui grandit, dans ces bébés qui pulsent et s’agrippent à la rive ? Aurait-elle pleuré, ou se serait-elle détournée ? Je ne sais pas. La question me hante : Anakha est-il créateur, un forgeron d’armées et d’architectures vivantes, ou géniteur d’une monstruosité qui nie l’humanité de ses enfants ? La réponse n’est pas nette. Son œuvre porte le sceau d’un génie malade et d’une rage méthodique ; la frontière entre science et profanation s’efface.

Je regarde la vallée qui se transforme, et, curieusement, les cris, les gémissements, les sons obscènes n’atteignent plus mes entrailles comme ils le feraient autrefois. Ils sont là,  je les entends et les décortique comme on écouterait des notes dissonantes, mais ils ne me chavirent pas. Peut-être suis-je déjà trop infecté d’horreur pour m’émouvoir davantage ; peut-être que la brume a anesthésié ce réflexe. Toujours est-il que je les note, comme on note une donnée utile : rythme, intensité, répartition des relais. Tout est information.

Anakha, implacable, me toise et pose sa question pratique, tranchante : suffira-t-elle ? un autre modèle ? un emplacement ? une clef ?  Sa proposition de réciprocité flotte à nouveau entre nous.

Je le fixe droit dans les yeux. Le feu qui danse dans les siens n’est pas du feu humain, et c’est précisément cette certitude qui m’autorise la franchise. Ma voix est calme, mes mots mesurés, je veux poser le pacte, pas un ultimatum.

Merci. Cela me suffira amplement.” Je marque une pause, et laisse ma phrase faire son travail. “Pour le laboratoire, choisis l’emplacement que tu juges le plus sûr et le plus isolé. Je m’occuperai du matériel spécifique, instruments, conservateurs et… ce qu’exige l’étude. Je serai absent une journée : je vais chercher ce dont j’ai besoin dans mon laboratoire de base.

Je sens la brume palpiter, comme si elle approuvait cette précision. Je reprends, plus directement :
La clef de quoi ?” levant un doigt, presque interrogatif. “Rendre les miens moins dépendants du sang humain. Trouver ou forger un substitut capable de les maintenir en vie, sans l’hécatombe. Voilà la clef que je veux.

Il y a, dans mes mots, l’effort d’un homme qui vend sa nature et sa science sans renoncer à son but. Puis je lui rends sa condition, sèche :
Me rendre la pareille ?” Je le scrute, sans sourire. “Tu viens d’en faire la moitié. La seconde moitié, tu l’accordes ainsi : tu épargnes un village spécifique des Terres Sauvages. C’est tout ce que je demande.

Je laisse mes syllabes peser. La violence d’Anakha pour une femme ne me surprend plus, mais son amour m’oblige à tenir parole : c’est un fil moral tordu, mais je le reconnais quand il est offert. Je ne peux, en conscience, fermer les yeux sur l’ardeur qui l’habite ; et je n’ai pas l’intention d’être le complice d’un carnage inutile.

Je termine, et mes mots deviennent presque doux, choisis pour ne pas être interprétés comme faiblesse :
Je ne peux pas ignorer l’amour que tu portes à Deirdre. Je te fournis toute l’aide vampirique, scientifique et matérielle dont tu auras besoin pour la retrouver, dans la mesure où cela s’insère dans ma recherche. Mais je poserai une condition : tu préserves ce village. Pas en paroles, mais en actes. Tu m’accordes la vie de ces innocents, et je t’apporte les moyens pour que ta quête ne dévaste plus des terres entières.

Je relève la tête, et nos regards se lient. La brume écarlate palpite autour de nous comme un juron ou une promesse. Anakha jauge mes termes ; je sens le calcul, l’évaluation du bénéfice. Il comprend que je ne parle pas en vain.

Puis je me retourne légèrement, pour saisir à la fois l’ampleur du terreau qui se forme et la certitude froide qui m’habite : il y a une route possible entre nos monstruosités. Une route sanglante, peut-être, mais une route qui, si on la trace avec soin, pourrait transformer l’horreur en outil. J'incline la tête en silence, et, sans rompre le contact visuel, j’ajoute, sobre :
Nous commençons demain. Garde ton spécimen de côté. Je partirai à l’aube pour une journée. Tu laisseras ton spécimen mis de côté pour m'amener vers toi si tu as avancé géographiquement. Et Anakha… lorsque tu retrouveras Deirdre, prends soin d’elle, d’une manière que je comprendrai.
Titre: Re : Erstonia : Une paisible nuit au village [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Anakha Baley le dimanche 05 octobre 2025, 23:46:42

Anakha l’écoute sans interrompre. Quand Damian expose son objectif, rendre les siens moins dépendants du sang humain, le chef de la nuée hoche imperceptiblement la tête. Il reconnaît la noblesse froide d’un but qui protège des innocents, et il entrevoit aussi le danger : un peuple d’immortels affranchi de ses chaînes, désormais plus libre et potentiellement plus féroce encore. L’idée le frôle, l’inquiète, et l’intrigue à la fois.

"C’est une visée respectable… et périlleuse."

Sa voix, grave, n’est ni approbation béate ni condamnation.
"Un substitut au sang allège un fardeau… et augmente la menace si on le manie sans garde."

Un silence passe, traversé d’un bourdonnement lointain. Dans l’esprit d’Anakha, une pensée glisse comme un éclat de métal : si Damian réussit, les vampires n’auront plus besoin de se nourrir. Mais que deviennent des immortels privés de faim ? Que font des prédateurs sans proie ? Peut-être qu’ils se rongent entre eux… ou qu’ils se mettent à rêver d’autres conquêtes. Ce monde, alors, deviendrait un désert parfait pour leurs ambitions. Et pourtant, une part de lui espère que Deirdre, où qu’elle soit, verrait là un signe d’humanité, un effort pour que d’autres ne souffrent pas.

Il tique, presque dans l’ombre, un mouvement si minime que seul lui le sentirait comme une piqûre. Il avait déjà offert un échantillon en geste d’approche ; il pensait que c’était suffisant. Mais ce que Damian propose n’est pas rien : fournir une alternative qui pourrait réduire les prélèvements permanents. Pour Anakha, c’est une opportunité, et bien peu en comparaison de ce qu’il cherche. S’il doit céder un point pour obtenir un instrument, il peut le faire. Toujours temps de revenir sur sa décision plus tard.

Il ajoute, en un souffle presque privé que la plume près de son cœur semble accompagner :
"Je peux te laisser une journée. Je serai là quand tu partiras et je serai là quand tu reviendras."

Les mots sont simples ; leur portée est mesurée. Anakha n’a pas l’intention d’abandonner son œuvre pendant une journée. Au contraire : pendant que Damian s’absente, la machine qu’il a lancée ne s’arrêtera pas. Les pondeuses s’activent en continu ; les récolteurs pompent le bouillon nutritif ; les naissances s’accélèrent. Durant la journée, plusieurs troupes partiront déjà dans diverses directions pour harceler et prendre d’assaut les hameaux voisins. Chaque prise servira de noyau, chaque bassin de gestation installé le long d’un cours d’eau deviendra une annexe qui, plus tard, rayonnera vers d’autres régions. Anakha le prévoit : on étendra la ruche par points d’appui successifs, d’abord dans les Contrées du Chaos, territoires fragmentés, mal gardés, riches en proies faciles, avant de songer à attaquer des nations plus organisées. Pour l’instant, écraser les peuples humains en masse serait de l’imprudence : trop de monde, trop de résistance coordonnée. On agrandit par taches, par annexes, par relais.

Il laisse Damian mesurer cela, puis reprend, plus précis :
"Si tu veux préserver un village, indique-m’en un. Je suspendrai les prélèvements et les pontes sur ce point précis tant que tu me fournis des résultats tangibles et que tu respectes nos accords. Cela ne signifie pas que je ne l’explorerai pas, mais ce sera fait sans se faire remarquer, et nul n’y sera tué."

Anakha n’insiste pas davantage sur la portée réelle de sa promesse. Il sait que Tekhos a déjà labouré ce terrain : des laboratoires entiers ont disséqué, étudié, tenté de comprendre la biologie formienne pendant des années. Rien n’en est sorti que des hypothèses et des impasses. Ce souvenir le rend méfiant, mais aussi confiant : si les savants de Tekhos n’ont rien percé, alors Damian, lui aussi, aura du mal à saisir l’essence réelle de la ruche. Ses recherches ne menaceront pas l’ensemble, elles n’en gratteront que la surface.

Il dit plutôt ce qui l’intéresse immédiatement : l’efficacité, le contrôle, la garantie qu’on ne lui vole pas sa proie ni sa recherche.

Il marque une pause, pose la main sur la plume à sa poitrine comme pour sceller une promesse muette, puis énonce, presque en note finale :
"Pendant que tu t’éclipses, la ruche avance. Des troupes partiront, des annexes pousseront. Mais si ta voie réduit la nécessité de réduire des vies, alors je réduirai le mal où je le peux. Pour l’instant, nous commençons par les Contrées du Chaos."

Ce que signifie "commencer" dans sa bouche est vaste. La ruche croîtra : d’abord des poches de contrôle, des épicentres de gestation appuyés sur la rivière ou sur des mares, puis des ateliers organiques où la chair se muera en architecture. Les relais psychiques, synchronisés, feront en sorte que chaque anneau se nourrisse du précédent ; la vallée se transformera en cerveau décentralisé, chaque point d’appui étant une extension du centre. C’est une logique d’empilement, non une charge frontale.

Déjà, sous ses yeux, la vallée semble respirer. Les toiles palpitent au rythme d’un cœur invisible ; les couloirs de chair se dilatent et se resserrent comme si l’air lui-même obéissait à une pulsation interne. Des murmures parcourent la trame psychique, bribes de pensées de ses créatures qui se mêlent aux siennes. La ruche n’est plus un projet : c’est un organisme en expansion, une conscience embryonnaire qu’il sent grandir autour de lui, impatiente de s’étendre.

Anakha n’avait nul besoin de se déplacer pour suivre ses troupes. Chaque œil sur le terrain serait le sien, et chaque décision serait la sienne : un réseau de relais retransmettrait son regard, ses ordres, sa volonté. Ce corps cependant était probablement plus puissant que la plupart de ses créations. Il comptait le renforcer encore, maintenant qu'il disposait d’un "atelier" digne de ce nom : un endroit où tissus et nerfs pourraient être modelés, où la chair se prêterait à l’architecture comme la pierre l’est pour un bâtisseur. Les humains qui parlaient de "se forger un corps" n'avaient aucune idée de ce que ce mot pouvait vouloir dire.

Il se détourne ensuite, sans chaleur, mais avec une décision limpide : préparer le nœud, déposer le spécimen choisi, organiser la garde. La brume reprend son chemin. Il avait un instant songé à faire suivre le vampire. Mais  c'eut été vain. Soit il restait à portée de ses relais, et il y aurait des yeux pour le voir, soit ce n'était pas le cas, et aucune de ses créatures ne pourraient le suivre.
Les pondeuses continuent, inlassables. Et Anakha, fidèle à sa logique, restera là, maître d’un empire qui naît, calculant chaque perte comme on compte des pierres sur une carte, prêt à agrandir sa toile jusqu’à ce que Deirdre ne soit plus une absence, mais une certitude, ou un souvenir qu’il pourra enfin consumer. Il n'avait pas répondu à Damian sur le dernier point ... L'espoir pouvait tuer plus sûrement qu'une dague, disait-on... Prendre soin d'elle d'une façon qu'il comprendrai ...
Titre: Re : Ruche d'Anakha [Entrée libre Sans limite]
Posté par: Damian Urteist le lundi 06 octobre 2025, 18:59:07
Le silence s’étire entre nous, dense comme une nappe de brume avant l’aube. Anakha me jauge, ses mots viennent enfin : "C’est une visée respectable… et périlleuse."

Je ne peux m’en empêcher : un rire m’échappe. Franc, sonore, presque déplacé dans ce théâtre de chairs et de toiles palpitantes. Vivre dans le péril est mon quotidien depuis des décennies. Périlleux ? Il ignore sans doute ce que cela signifie, pour quelqu’un qui a traversé les siècles avec une lame d’argent suspendue au-dessus de la gorge.

Mais lorsqu’il enchaîne : "Un substitut au sang allège un fardeau… et augmente la menace si on le manie sans garde.", mon rire s’éteint net. Je penche légèrement la tête, un sourire carnassier étirant mes lèvres.

"Aurais-tu peur, Anakha… que des canines d’albâtre viennent mordre dans ton expansion ?"
Ma voix reste calme, presque caressante, mais derrière les syllabes flotte une pointe de défi. Je sais qu’il a sa logique, et je ne la méprise pas : tout bâtisseur redoute les forces qu’il ne peut anticiper.

Quand il me demande de désigner le village à épargner, je réponds sans détour :
"Nuevaviva. Un hameau caché dans une forêt, bordé d’un lac, protégé par les montagnes. Isolé, discret. Tu le laisseras intact. Pas une mort, pas un prélèvement, pas un “accident” pratique."

Je plante mon regard dans le sien, froid, immobile.
"Je prendrai ta parole pour ce qu’elle vaut. Et je te préviens : si elle se brise, je n’aurai aucune hésitation à traiter ta ruche comme je traiterais un nid de vermine. L’étendue de ton empire m’importe peu : tant que tu tiens ta promesse, je t’apporte ce que je sais. Si tu la trahis, je m’en moquerai comme d’un souffle éteint."

Il m’écoute. Ses phrases s’enchaînent : la ruche avance, les annexes poussent, les troupes partent. Son ton est celui d’un stratège qui déroule son plan, pas d’un suppliant. Je ne m’y trompe pas. Et je n’ai pas besoin qu’il me jure loyauté ; je veux juste que le pacte soit clair : mon aide contre sa retenue ciblée. Rien de plus.

Je reste un moment à observer la vallée qui se tord et respire. Les structures organiques palpitent, les couloirs de chair s’ouvrent et se referment comme des poumons. Ce n’est plus un chantier, c’est un organisme. Un empire embryonnaire, qui ne dort jamais.

Quelques heures passent. Quand je m’éloigne, la brume m’enveloppe comme un manteau familier. L’aube approche : je la sens dans la texture de l’air, dans le silence électrique avant la lumière. Je ne dors pas ; je n’ai pas besoin de sommeil comme les humains, mais je ressens l’appel des heures grises. Mon corps s’étire dans l’obscurité comme une lame.

Je pars sans me retourner. Ma silhouette se fond dans les méandres de la brume jusqu’à disparaître. Les premières lueurs effleurent les cimes quand je m’élance vers Nuevaviva. Le monde défile dans un silence que seuls mes sens percent : bruissements de feuilles, craquements lointains d’animaux, la respiration d’une rivière sous la terre.

J’avance vite, comme seul un vampire peut le faire. Chaque pas est précis, calculé. Le vent m’effleure le visage sans jamais me ralentir. Je pense à Anakha, à sa ruche, à ses plans. Je pense à ce que je vais lui offrir, un savoir que Tekhos lui-même n’a pas percé, et au prix exact qu’il devra payer : la paix d’un village.

Et puis, sans que je le décide vraiment, son visage s’impose à moi. Diamant. Ma Diamant. La seule dont la lumière traverse encore mes défenses sans effort. Une pensée fugace, comme une veine d’or dans la roche froide. Elle ignore ce que je m’apprête à faire ; elle me connaît trop bien je pense, pour croire que je me lierais à un être comme Anakha sans raison. Elle devinera, tôt ou tard.

Je me surprends à serrer légèrement la mâchoire. Elle est mon ancrage, mon étoile fixe. C’est pour elle que je reste lucide au milieu de la fange.

Les montagnes se découpent lentement dans le ciel pâlissant. Nuevaviva dort encore, paisible, blottie au bord de son lac. Les cheminées fument à peine, les odeurs de bois humide et de mousse me parviennent avant même que je distingue les toits.

J’entre dans le village comme une ombre. Personne ne m’arrête ; tout le monde sait. Mon laboratoire secondaire m’y attend, dissimulé dans une grange abandonnée depuis quelques semaines. Je pousse la porte sans bruit ; la poussière retombe en volutes paresseuses. Les instruments, soigneusement rangés, sont encore là. Le métal luit faiblement dans la lumière qui filtre.

Je prépare le nécessaire : cuves, instruments d’analyse, conservateurs, tout ce qu’il me faut pour transformer les promesses en résultats tangibles. Chaque pièce trouve sa place dans les deux caisses de transport.

Avant de repartir, je jette un dernier regard vers le lac. Nuevaviva est tranquille. Elle ne sait rien de ce qui s’étend là-bas, dans la vallée. Elle ne sait rien de la ruche qui germe, des troupes qui partent, des pactes passés dans la brume.

Je pense à Diamant une dernière fois. Elle devra être prudente. Très prudente. Son village peut être épargné… ou observé. Anakha a ses propres définitions de la retenue. Je lui laisse une note explicative sans trop rentrer dans les détails.

Lorsque le soleil franchit les crêtes, je suis déjà reparti, chargé de ce dont j’ai besoin. L’aube m’accompagne, froide et silencieuse.
Demain, la science et la chair se croiseront. Et si Anakha ment, je saurai exactement où frapper.

Pendant ce temps, sur les Contrées du Chaos, non loin de la Ruche, un terranide-loup court à perdre haleine en criant : "Elle est de retour ! La femme aux cheveux bleus !", mais il ne s'arrête pas.