Le Grand Jeu
Plan de Terra => Les contrées du Chaos => Les terres sauvages => Discussion démarrée par: Grayle le pérégrin le vendredi 31 janvier 2025, 17:55:12
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- Mais quel coin de merde quand même...
Grayle, réfugié sur une branche basse d'un arbre colossal dont il ne connaissait pas le nom, regardait autour de lui. Le soleil de plomb écrasait la végétation des environs, transformant l'immense étendue de la savane en un tableau de chaleur ondulante. Les herbes hautes jaunes, rouges et orangées se mêlaient aux arbustes noueux des zones marécageuses, qui traversaient la savane comme autant de rivières et d'oasis. Large de centaines de kilomètres de rayon, la savane ardente de Koz-Tarela comptait parmi les endroits les plus dangereux de la région. Nichée entre plusieurs nations terranides, il s'agissait d'une zone tampon, que personne ne revendiquait clairement, faute d'avoir la capacité d'y établir plus qu'un avant-poste temporaire.
En effet, entre les crocodiles géants, les arbres dévoreurs d'homme dont l'écorce était faite de muscles de chair et qui se déplaçaient régulièrement, les araignées géantes ET volantes, les buissons tentaculaires, les dinosaures, les serpents géants, les tigres invisibles et les aigles carnivores nichant dans les montagnes surplombant la savane, Koz-Tarela était un gigantesque doigt d'honneur à la civilisation. Les seuls êtres pensants y évoluant étaient généralement des exilés, des contrebandiers ou réfugiés préférant la discrétion de cette zone échappant à toute surveillance, et quelques aventuriers.
Car, aussi dangereuse soit-elle, Koz-Tarela recélait de trésors naturels. Ecailles servant de bouclier alchimique, griffes utilisées dans les rituels chamaniques, eaux miraculeuses capables de guérir et rajeunir, plantes rares pouvant créer des potions médicinales ou hallucinatoires... les utilisations ne manquaient pas, et les prix pouvaient atteindre des sommes faramineuses. Suffisamment pour tenter quelqu'un comme Grayle, bien que l'argent soit souvent le cadet de ses soucis.
Car c'est la soif d'aventure qui, depuis des siècles, animait l'âme du jeune immortel. Avec lenteur, il essuya la sueur qui coulait sur son front et collait ses cheveux. Il était dans la savane depuis plusieurs jours, arrivant en vue des aires marécageuses. Jusqu'ici, il avait pu éviter toute mauvaise rencontre. Il faut dire qu'un simple humain, fragile et fébrile, n'attirait pas forcément l'attention des monstres locaux, qui avaient mieux à faire que se soucier d'un simple bipède, quand d'autres rivaux s'aventuraient sur leur territoire. Un profil bas, une démarche discrète et rapide lui avaient pour l'instant souris. Il faut dire qu'il n'en était pas à son premier rodéo.
- Bon, la prochaine direction... marmonna-t-il en consultant sa carte, continuant de jeter des coups d'oeil autour de lui, afin de s'assurer qu'un serpent arboricole ne décide de faire de lui son prochain repas. Hum, encore quelques jours de marche avant d'arriver près des pics et cavernes ou, selon les informations de son commanditaire, se trouvait La "Fleur de Vérité Éphémère".
Cette plante permettait, lorsque ses essences sont libérées, de créer une fenêtre temporaire de vulnérabilité émotionnelle et sensorielle. Transformée en poudre de vérité sensorielle, elle était aussi connue comme pouvant provoquer une désinhibition temporaire de 2-3 heures, amplifiant l'empathie, et révélant les désirs profonds. Élixir de séduction, poudres de vérité pour enquêteurs, encens pour rituels shamaniques, les applications étaient nombreuses, et très recherchées par les populations locales. Grayle n'en avait aucune utilité, et les sorciers de l’Académie Lenwë, qu'il avait déjà rencontré il y a quelques décennies, faisaient confiance à l'immortel, de par sa capacité à... et bien, ne pas mourir même en cas d'erreur. Une fiabilité indispensable dans son métier.
Refermant sa carte, qu'il rangea dans son sac sans fond, Grayle souffla, conscient de l'immense voyage qu'il aurait à faire pour rapporter la plante. Vérifiant que la voie était libre, il se laissa tomber sur le sol meuble de la savane, reprenant sa marche, avançant dans un silence témoignant son expertise. Vêtu de bottes légères, d'un pantalon de orangée et d'une chemise vert kaki ouvertes sur son torse, il avait aussi peinturluré son ses bras, son visage et son torse avec de larges bandes d'onguent, rendant sa silhouette difficile à cerner, se mélangeant avec le paysage, tout en neutralisant son odeur et repoussant les insectes.
Chaque sens à l'affût, il continua sa marche, l'odeur terreuse de champignons en décomposition se mêlant au parfum âcre d'un cadavre de carnosaure à quelques centaines de mètres...
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- Tu n'es pas obligée d'y aller toi-même, tu le sais ?
- Oui, mais je préfère aller la récupérer moi-même. Je pense être la plus apte à ramener quelques échantillons sains et complets. Je pourrai rajouter des observations lors de la cueillette également.
Miuggrayd (https://i.pinimg.com/564x/5c/70/fc/5c70fcf42982ab348d744a731b629c23.jpg) acquiesce, même s'il affiche une mine inquiète. D'après ce qu'il m'a dit avoir trouvé dans des vieux grimoires de la grande bibliothèque, je vais devoir voyager pendant une bonne grosse semaine avant d'atteindre ma destination, et une fois sur place, cela ne sera pas de tout repos. La Centella Brumatica, également appelée le « Souffle de vie », est une plante que l'on trouve dans un environnement de type inhospitalier. Rares sont les plantes qui fleurissent dans des marécages, et celle-ci est encore plus difficile à trouver. La plante semble être utilisée pour guérir des maux dits incurables, mais les informations sont bien trop minimes pour les valider et pour savoir s'il s'agissait des racines, de la tige, des feuilles, des pétales ou de la plante dans son entièreté qui renfermaient ces dons de soin.
Alors je vais devoir prendre plusieurs spécimens, les plus complets possibles. Il va falloir que je prenne des fioles de conservations aussi...Mh. Je sais lire toutes les pensées qui traversent l'esprit du Miuggrayd. Son visage avait beau être des plus impassibles, j'ai pu apprendre durant toutes ces années, à lire le moindre de ses traits et le plus minime de ces changements. Haaa...Mon père avait les mêmes quand je voulais m'aventurer seule, loin de tous et surtout, sans l'aide de mes frères.
- Tout ira bien, ne t'en fais pas.
- Mon inquiétude ne s'en ira pas parce que tu me le dis, jeune fille. Les années ont beau passé, tu resteras la jeune Nunaat que j'ai ramassé, pleine de neige.
- Rooh ! T'exagères ! , ruminais-je.
Je n'ose pas lui dire plus, au risque de lui balancer des mots blessants, juste parce que ce genre de remarques m'agace. J'suis plus une gamine ! Il n'était pas mon père biologique, mais un de substitution, et moi...La fille colérique et désagréable qu'il rêvait d'avoir. Cela me fait penser que...Je ne lui ai jamais demandé pourquoi il ne trouvait pas quelqu'un pour fonder une famille. Il a beau être un elfe déjà âgé, il était frais comme un gardon ! Il pouvait toujours se créer ce petit foyer entouré de proches de son propre sang. Bref...
- Je reviendrai en un morceau, avec quelques cicatrices en plus, peut-être. De toute façon, si je ne reviens pas, tu vas m'ram'ner par la peau du cul !
Miuggrayd s'approche de moi, sourire aux lèvres, puis me fait une tape à l'arrière du crâne. Je bougonne un peu mais je le comprends. Son geste m'arrache un grognement puis un léger sourire étire mes lèvres foncées. Je ne suis pas la plus familière avec les gestes d'affection, mais on se comprend, lui et moi. Je m'éloigne un peu de lui, préparant mon sac à dos avec mes outils de récolte comme mon sécateur et un plantoir. Je me saisis également de fioles contenant des potions de conservation magique. Il faudrait peut-être que je prenne un deuxième sac pour installer les plantes dedans pour éviter qu'elles ne s'abîment en contact de mes instruments. En voilà une bonne idée !
Je demande aussi à mon ami immortel s'il peut me procurer une reproduction de la plante sur papier, avec une description précise, histoire que je ne me trompe pas lors de la cueillette. Je le laisse s'éloigner, le suivant pour quitter ma chambrée. Alors que lui part vers des salles d'études, je me rends vers les cuisines, allant me préparer des vivres et les ranger dans mon sac. C'est bon, j'ai tout. Une fois que tout est préparé, je me rends à l'entrée de l'Académie où m'attend déjà Miuggrayd. Je lui fais mes adieux, pas de câlins hein, au grand elfe, ainsi qu'à Lenwë, que je ne verrai que dans quelques semaines. Je m'enfonce à grandes enjambées dans les sillons enneigés, traversant les hauteurs familières sans difficulté, à force d'habitude...
Le voyage fut mouvementé. Si le début du périple fut plus aisé parce qu'il s'agissait de terrains que j'avais déjà arpentés, le reste des contrées rendait l'excursion plus ardue. Moi qui avais plus coutume des landes enneigées et des simples forêts et clairières, me voilà dans des terres arides où tout cherche à me bouffer ! Heureusement que ma hache ne me quitte jamais, et que, même sous ce soleil brûlant, ma magie de glace fait son petit effet. Koz-Tarela, terre de tous les dangers ? Du pain béni pour moi, oui ! Mais on ne va trop s'y attarder. J'ai beau avoir plus d'un tour dans mon sac, je ne suis pas venue pour séjourner dans cette savane dangereuse. Mon objectif est bien plus loin, dans cette masse au loin, paraissant telle un mur sombre, comme un orage près à éclater.
Le changement d'ambiance est...grisant. Adieu le soleil tapant sur ma peau claire, bienvenue dans l'empire des moustiques et autres crapauds ! Ce n'était pas une grande touffe d'herbe immense et étouffante qui allait me faire peur ! On tire et on arrache par ici, un coup de machette par là, et ça fait le travail ! Cela avait beau être un tout nouvel environnement pour moi, cela ne faisait que gonfler ma poitrine d'une excitation et d'un engouement que j'avais oublié avec le temps, à force de fouler le sol des mêmes paysages. Mais bon, je ne suis pas là pour la rigolade, ou bien même, pour me défouler. Bien que des bruissements discrets chatouillaient mes oreilles, le silence du marécage ne me trouble pas. J'avance tout de même d'un pas mesuré sur ses terres spongieuse. Je me fiche de cette moiteur oppressante, ni des volées d'insectes avides de goûter à mon sang. Mon regard glacial balaie les environs, analysant chaque détail avec une précision chirurgical. Il faut dire qu'avec le peu d'informations que j'ai sur la Centella Brumatica, je me dois de regarder partout et d'être atte...
- Et merde...
Je n'arrive plus à lever ma jambe gauche...Ni la droite. Mon corps se fait de plus en plus lourd, comme si on se mettait à me tirer exprès vers le fond. Putain de marais et ses boues comme des sables mouvants ! Bon, ne paniquons pas et ne bougeons pas trop non plus. Mes yeux se baladent de droite à gauche, de haut en bas, tout autour de moi à la recherche d'une branche, d'une liane, d'UN TRUC QUOI, qui pourrait m'aider à me sortir de ce merdier ! Je me penche en avant pour agripper du bout des doigts une branche mousseuse, presque glissante. Je m'y accroche comme je peux, tirant avec force pour essayer de sortir mes sabots, mais rien n'y fait. Je ne peux même pas utiliser ma magie, vu que la glace risquerait d'emprisonner mes cuisses et que le sol deviendrait si friable que je m'enfoncerai davantage jusqu'à en créer un énorme trou, pour ne pas dire une tombe...Bon, ainsi agrippée, au moins, je ne m'enfonce plus, mais là, faudrait pas que je m'éternise dans cette position et trouve assez rapidement une solution. Manquerait plus qu'une créature des marécages vienne me faire chier...
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Avec la prudence d'un serpent dans une usine de sacs à main, Grayle continue son avancée. Ses siècles d'expérience, et sa préparation lui avaient permis d'esquiver la totalité des monstrueux prédateurs, ne laissant quasiment aucune trace derrière lui. Se faufilant entre deux arbres, il se dirigeait en direction du sud, un détour qui allait le ralentir, mais permettrait d'éviter les principaux dangers qu'il croiserait s'il se dirigeait directement vers l'est.
Il n'y avait qu'un réel danger, outre les salamandres explosives, les tapirs invisibles et les araignées volantes : les marécages, dont l'eau et la boue pouvaient vous aspirer tels des sables mouvants. Heureusement, Grayle était tout juste assez léger pour leur échapper, ces derniers essayant surtout d'attraper des proies plus lourdes.
Oui.
Essayaient.
La subtilité de cette région était que...
- Hm ?
Progressant à couvert, dans l'ombre des arbres longeant la quasi-rivière du marais, dont le lit était retiré, Grayle aperçu une scène insolite : un terranide coincé, englué dans la boue, à quelques pas pourtant de la rive. Il resta immobile quelques instants.
En premier lieu, écouter ses yeux, puis ses oreilles, sa tête, et enfin seulement, son cœur. Alors, il l'observa. Il cru au début apercevoir un mâle, mais il s'agissait en réalité d'une femelle, dont la taille et la musculature l'avaient trompé. Elle était grande et puissante, aux jambes aussi épaisses que son tronc, aux bras puissants et aux formes opulentes, ses muscles contractés par l'effort, alors qu'elle pestait, la branche à laquelle elle s'était accrochée se brisant dans un craquement sec.
Puis, en s'avançant, il vit qu'elle n'était pas une terranide, mais... autre chose. Il ne voyait pas ses pieds, mais à la forme de ses jambes, imaginait des sabots. Pas de fourrure, mais une peau glabre. Clairement un être intelligent. Ses yeux continuent de la parcourir. Une armure lourde protégeant son torse. Une hache obscénement large. Une paire de sacs.
Une aventurière, comme lui. Hostile ? Une rivale ?
Tout être humain normalement constitué l'aurait probablement laissée mourir. Il n'y a rien à gagner et tout à perdre à risquer de s'exposer pour venir aux secours d'un potentiel ennemi qui, de toute évidence, était assez fort pour vous briser en deux.
Mais Grayle était immortel. Libre des conséquences d'une erreur potentiellement fatale.
Alors, il vint à son aide, sortant de sa cachette. Il se montra à elle, levant les mains pour indiquer qu'il n'avait pas d'arme, ou, du moins, pas d'intention hostile.
- Bonjour ! dit-il d'un ton rassurant. Il ne fit pas l'affront de lui demander si elle avait besoin d'aide. Arrivé à quelques mètres d'elle, à l'abri sur la rive, il déposa son sac au sol, en tirant une longue et solide corde, qu'il lanca vers elle. L'étrangère n'eut aucun mal à l'attraper.
- Nouez là autour de vous bras ou votre torse dit-il en s'éloignant tenant la corde qui devait facilement faire une vingtaine de mètres. Comment tenait-elle dans son sac en apparence si petit ? Mystère... Il l'attacha autour du tronc d'un arbre voisin, puis à sa propre taille, dans un double système de sécurité, de manière à ce qu'elle soit parfaitement tendue entre l'arbre et l'étrangère, avant d'enfiler des gants.
- Ne vous agitez surtout pas, où vous vous enfoncerez encore plus vite ! Penchez vous en arrière, ca fera remonter vos pieds et resolidifiera le sol. Et dès que vous avez une meilleure prise... tirez sur la corde pour pour hisser en dehors.
Il tendit les bras vers elle. Il n'était pas aussi large et grand qu'elle, mais un simple coup d’œil lui permettait de voir que les avant-bras du jeune homme étaient solides et que ses jambes étaient aussi musclées et puissantes que les arbres environnants.
- Une fois à portée de mes mains, agrippez les autant que possible à mes bras. Je peux aussi vous tirer de là, et aucune chance que je me fasse aspirer par les sables avec ma corde.
Il fronça les sourcils.
- Ah, et vous pouvez aussi lancer vos sacs sur la rive. Promis, je ne vais pas vous voler !
Il lui fit un sourire, mielleux et charmeur, ses yeux bleus brillants sous les bandes d'onguent vertes parcourant son visage, similaire à celles traversant son torse et ses bras.
- Allez Madame ! Faisons vite ! Cette région est vivante. La nature veut vous tuer. Vous êtes dans le lit d'une rivière. Elle a retiré son eau pour vous piéger dans sa boue. Et bientôt, l'eau va revenir... et vous emporter.
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Quelle connasse que je fais, putain ! J'aurais mieux fait de rester à Lenwë moi, sérieux...Tout ce chemin parcouru pour finir embourbée jusqu'à la taille et pas savoir se sortir de là. Elle est grande hein, la dernière des Nunaat...Elle est forte, la grande guerrière à la hache...Elle est puissante, la mage de glace. Je fulmine. J'enrage tellement. Je suis si en colère contre moi-même. J'ai juste l'air d'une abrutie coincée dans ce fichu trou plein d'berdoule ! J'aurais dû faire plus attention, surtout dans un coin que je ne connais pas, plus en particulier dans un type d'environnement que j'ai pas l'habitude d'arpenter. Je soupire, les dents grinçantes à force de serrer la mâchoire. Mes mains s'agrippent avec force sur ce petit bout de bois ridicule, en priant trèèèès fortement pour qu'il ne cède pas, car il est mon seul salut à l'heure actuelle. Si je tire davantage, il y a de fortes chances que le bois cède et que j'me retrouve à faire un léger vol plané en arrière et que je m'enfonce encore plus, jusqu'à ce que mort s'en suive...Pitié, j'ai pas signé pour ça et surtout, c'est pas encore mon heure ! Si je lâche, la même merde m'arrivera. Si je reste trop longtemps, j'vais me fatiguer, tomber de sommeil, avoir la dalle ou, si j'ai une chance proche du négatif, avoir la petite visite d'une bestiole plus ou moins grande qui voudra me choper le bout de gras...En clair, ça craint.
Réfléchis...Réfl...Hein ? Un bruissement me détourne de ma quête. Puis un soupir accompagne le tout, ainsi qu'un haussement de sourcils. Visiblement, je n'étais pas seule...Mon regard se pose sur cet homme, sorti de nulle part. Je n'aurais jamais pensé rencontrer quelqu'un ici, au fin fond d'un marécage, dans une végétation aussi dense. Et que dire de son accoutrement ? Il voulait clairement ne pas être vu. Soit il se la joue discret pour ne pas se faire attraper par la faune locale, soit il ne se veut pas se faire voir pour une toute autre raison...Et ça, c'est suspect. Je fronce les sourcils, pas très à l'aise. Même s'il a l'air un peu gringalet, je reste dans une situation où je n'ai clairement pas l'avantage, même si j'peux toujours lui mettre une petite misère à coups de magie de glace, mais cela voudrait également dire me foutre dans de beaux draps.
Je ne lui réponds que d'un grognement, hostile, même s'il cherche visiblement à m'aider. Pourquoi ? T'es une belle âme, c'est ça ? À moins que tu fasses semblant pour me la foutre à l'envers une fois que je serais sortie de ce merdier ? Je ne vais pas te faire passer un interrogatoire là maintenant, j'ai besoin de lui finalement, même si ça m'arrache la gueule de le reconnaître.
Je le vois sortir une corde, m'en balançant un bout avant d'aller en accrocher l'autre autour d'un tronc bien épais. Bon, concentrons-nous. Je relâche la poigne que j'ai sur la branche de ma main droite afin d'attraper cette fameuse corde...gigantesque d'ailleurs. Il l'a sortie d'où ? Son cul ? Je me saisis de la corde, l'enroulant autour de mon poignet droit, mon avant-bras, jusqu'à mon coude...Mais putain, il commence à me casser les couilles que j'ai pas, cet enculé !
- Mais...TA GUEULE, PUTAIN ! Tu m'prends pour une abrutie?
Je sais quoi faire. Qu'il tire de ce côté et basta. Surtout qu'il a quand même des muscles, là ! J'me penche en arrière, remuant un peu les sabots pour me défaire de cette prison de boue. Enfin, j'arrive à sortir une jambe, dans un « pop » ou un « slurp »...Une succion presque dégueu. De l'autre main, je retire ma hache pour m'appuyer dessus et....Je suis déjà énervée, mais là, il me gonfle vraiment.
- Ferme-la !Tu causes beaucoup trop !
Et puis quoi ? Jeter mes affaires ? J'te connais pas, bonhomme. J'vais pas te laisser le loisir de me voler, sous prétexte que t'es en train de m'aider ! On sait jamais, il pourrait partir avec tout mon bordel et finalement, me laisser en plan...Pour que j'devienne un plant, enfin, plutôt mon cadavre. Mais...AH ! Argh, c'est quoi ce regard ? Il va me filer la gerbe en plus, ce con ! Enfin, je sors de ce calvaire, me laissant tomber lourdement à genoux, presque face à cet homme, grognant un :
- Merci.
Je ne suis pas facile mais j'suis pas une connasse. Toujours à l'aide de ma hache, je me redresse, couverte de boue, mais on n'est pas au bal. J'en profite pour me défaire de cette corde, observant les marques qu'elle m'a laissée sur le bras droit. Je dois avouer que j'ai les jambes tremblantes, et la corde s'est bien imprimée dans ma chair, mais ce ne sont que des petites blessures qui partiront très vite. Rien d'insurmontable. Je suis fatiguée, mais j'dois rester aux aguets. Il pourrait profiter de cet instant pour tenter quelque chose. Je me redresse sur mes sabots, rien qu'un peu, histoire de paraître plus imposante. Le message ? Viens pas me faire chier.
- T'veux un truc en échange, c'est ça, gamin ?
Sait-on jamais. Peut-être qu'il attend quelque chose, et si c'est un oui, peut-être que j'pourrais me débarrasser de lui et reprendre ma route et mes recherches.
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Même trempée de sueur, épuisée, à genoux et à moitié recouverte de boue, l'étrangère restait impressionnante. Elle ne se laissa pas démonter, affrontant la situation sans panique. Au contraire, c'est avec colère qu'elle invectiva Grayle, qui ne s'en vexa pas. Si elle avait assez d'énergie pour l'insulter, alors elle en aurait assez pour se tirer dela.
Et quelle énergie ! Grayle avait du puiser dans ses réserves pour ne pas se faire emporter par les puissants muscles de la Nunaat. S'il était loin d'être un freluquet, Grayle compris très vite que la femme était au moins deux fois plus forte que lui lorsqu'elle avait agrippé ses bras afin de se hisser sur la berge. Il regarda ses avant-bras. La marque des doigts de la femme était encore rouge, et allait le rester pendant quelques temps.
- Merci.
- C'est normal.
Puis, elle se redressa, et il ne put s'empêcher de reculer. La femme faisait une bonne tête de plus que lui et le toisait avec un air las et un mépris qu'elle avait bien du mal à cacher. Lui, ne put s'empêcher de voir que, de plus près, elle était en effet obscènement musclée. Ses cuisses étaient aussi larges que le torse de Grayle, et contrastaient avec son ventre taillé dans le marbre mais tout fin, qui s'élargissait ensuite sur une poitrine opulente et des épaules de charpentier. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un dont le corps émanait d'autant de puissance masculine et de beauté féminine. Le monde était vraiment fascinant.
- Gamin ? J'ai l'air si jeune que ca ? dit-il en caressant son menton et ses joues imberbes, avant de rendre son regard à la femme. Ses yeux étaient glacés, des billes bleues brillantes qui troublaient l'immortel.
- Je laisse pas les gens crever quand je peux les aider, c'est tout. Si en échange je peux ne pas me faire découper par ta hache, ca suffisant pour moi.
Il allait rajouter quelque chose quand la terre se mit soudainement à gronder, puis à trembler, de plus en plus fort, au point que les deux humanoïdes durent lutter pour rester debout. Grayle cria.
- Suivez moi !
Pendant un bref instant, il pensa la prendre par la main pour l'aider, mais n'en fit rien, conscient qu'elle était trop indépendante et butée pour l'accepter. Et qu'il y avait un risque non nul qu'elle le balance derrière elle juste pour se venger de ses manies de perroquet.
A peine quelques secondes plus tard, un massif raz de marée venant du nord dévala le lit de la rivière et la berge sur laquelle ils se trouvaient. Ils purent voir avec horreurs plusieurs animaux pris au piège de l'écume hurler et rugir alors qu'ils se faisaient emporter, pour finalement percuter arbres et rocheux dans un fracas ecoeurant. Alors qu'ils remontaient la pente des berges, l'onde derrière eux continua de croître en puissance, avant de se calmer et d'amorcer une décrue. La rivière auparavant vide redevint calme, exceptée que l'eau était maintenant poisseuse de sang, celui des animaux qui, comme la Nunaat, s'étaient retrouvés piégés dans la boue.
Le cul par terre et adossé à un arbre, Grayle reprit son souffle, avant de se relever avec peine. Il jeta un oeil à l'aventurière pour voir dans quel état elle était.
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Si les années et ce monde m'ont bien appris quelque chose, c'est que la gentillesse, c'est rarement gratuit. Tout du moins, envers ma personne. J'ai la gueule et le physique d'une terranide, alors j'avais déjà eu mon lot d'emmerdes avec des esclavagistes qui voulaient m'vendre à des putains d'nobles, comme bête de foire ou comme sac à foutre. C'est pas pour rien qu'on nous apprenait à manier les armes dès le plus jeune âge, chez les Nunaats. Que je suivais mes frères, les observais et me battais avec, juste pour savoir me défendre plus tard. Mais ça, c'était avant...Quand Miuggrayd m'a recueillie au sein de Lenwë, je me suis dit que la force brute n'allait pas me suffire pour venger les miens, alors je lui ai demandé de l'aide pour me lancer dans la magie et me perfectionner vers l'élément de glace. Il est devenu ma famille et le seul en qui j'ai totalement confiance. Même les autres professeurs et étudiants, de passage ou non, je m'en méfie. Je vois bien dans leur regard que je suis une curiosité, dans tous les sens du terme. M'étudier, me parler, découvrir mes secrets, ou même mon corps...Je ne suis pas dupe.
Il y a toujours un retour dans un acte de bonté quand ça me concerne. Ce n'est pas pour rien que j'ai posé la question à ce petit...Mais visiblement, il n'attendait rien, juste que je ne le découpe pas en rondelles. Arquant un sourcil, je le vois un peu reculé lorsque je me tiens enfin correctement debout. J'en impose, hein ? Sa réaction fait un peu gonfler mon ego, en voyant que je l'impressionne. Un sourire naît sur le coin de mes lèvres, m'approchant de lui pour fourrer ma main dans sa chevelure et la foutre en bordel, dans une caresse digne d'un chien, un peu amusée de la situation.
- Je tue pas c'qui m'a sauvée et c'qui peut encore servir.
J'suis peut-être un peu trop dure là, non ? La remarque sur son possible âge semble le faire tiquer aussi. Je m'en carre un peu mais, de le voir fouiller son visage à la recherche de poils, ça me fait un peu sourire.
- T'es pas bien grand et...Un peu qu'on dirait un jeunot ! Bien plus jeune que moi, ça, c'est sûr.
J'en connais des personnes qui ne font pas leur âge. Je ne fais pas mes presque trois siècles, et ne parlons pas de Miuggrayd...Bien sûr, y'a des personnes, à l'aspect humanoïde, qui sont pourtant bien plus vieux qu'ils en ont l'air. M'enfin. Qu'il soit un gamin, une vieille croûte, je m'en fous. Ça ne fera pas avancer le schmilblik, et encore moins ma recherche de plantes.
Je hausse un peu les épaules, pour signifier que ça m'importe peu, et alors que j'étais prête à reprendre ma route en délaissant le gamin sur le bord du chemin, un frémissement fit vibrer mes sabots. Ça n'annonce rien de bon. Les galères vont se suivre, c'est ça ? Pas le temps de dire « ouf » que la terre se met à trembler. Je ressens les vibrations du sol du plat de mes sabots jusqu'à la pointe de mes cornes. Le jeune homme se mit à hurler de le suivre, et je décide de lui faire confiance. Il a l'air de mieux connaître l'endroit que moi et il faut dire que je n'ai pas d'autre choix actuellement. Je trace ma route à toutes jambes, filant derrière cet inconnu. Mes enjambées sont peut-être plus grandes que les siennes, mais plus lourdes aussi, alors je ne le dépasse pas. Je cours, je me raccroche à la vie...
Enfin, on se met à l'abri. Si lui prend place assis contre un arbre, moi je reste debout. Immobile, légèrement penchée vers l'avant, les bras peu écartés pour rétablir un certain équilibre sur le sol encore tremblant. À moins que ce ne soit mes pauvres jambes, fatiguées d'avoir eu à se débattre pour sortir du précédent bourbier et de courir comme une dératée...Mes yeux fixent l'eau en contrebas, maintenant devenue rougeâtre du sang des bêtes mortes dans le torrent. J'inspire longuement pour reprendre mon souffle, mon regard se faisant plus dur face à ce spectacle.
- Fait chier, putain...
La mâchoire serrée, je me rends compte de ce que sera la suite de cette excursion. Si déjà, à la base, ça semblait compliqué de par ce terrain merdique que je ne connais pas, là, ça ne va pas être une partie de plaisir. Et je ne sais pas pourquoi, mais je sens que le gamin va m'coller...Je lui jette enfin un regard, tout en restant aux aguets. Si les secousses et le raz-de-marée ont balayé des pauvres animaux sur son passage, c'est presque sûr que des créatures allaient profiter de cette prolifération de carcasses sans avoir à chasser.
- Tu vas bien, gamin ?
Il est vrai que je le toise mais sans hostilité, juste avec une curiosité froide, presque analytique. Je jauge, je juge. Il ne m'a pas l'air dangereux, mais on sait jamais.
- T'as l'air de connaître les environs. C'est fréquent dans l'coin, ce genre de trucs ? Ou alors, c'est peut-être mon karma qui m'en fourre plein la gueule...
Un long soupir accompagne ma dernière remarque. C'est vrai qu'on pourrait croire que je porte la poisse, avec toutes les folles mésaventures qui m'arrivent. Putain d'chat noir.
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Quand la géante se mit à caresser les cheveux de Grayle, sa fierté aurait du lui intimer de grogner, d'éprouver de la désapprobation, ou de contester cette boutade maternelle ou infantilisation.
Mais, sans qu'il ne comprenne réellement pourquoi, à la place, Grayle se mit à rougir violemment, ses yeux bleus se détachant encore plus au milieu son visage cramoisi, et le sourire fier et taquin de la colosse le fit détourner son regard d'un air gêné. Lorsque le tremblement de terre cessa, il se releva, époussetant son corps et la terre qui avait recouverte ses manches et son visage encore rougeoyant.
- Je vais bien. Il ne put s'empêcher de la regarder, à moitié pour vérifier qu'elle n'était pas blessé, et à moitié... enfin, non, au moins à 70% pour admirer ses muscles et sa peau nue, ses formes plus soulignées que cachées par son armure. Il détourna ses yeux au moment où elle reporta son attention sur lui, espérant qu'elle n'ait rien remarqué.
- Si c'est fréquent ? Et bien oui, je connais un peu le coin, et c'est un peu le pire endroit d'une région de merde. La région est vivante et hostile. Ça, c'était une rivière dévoreuse...
Il lui fit signe de le suivre et de regarder ses pieds, lui intimant de marcher là où il laissait ses pas, et reprit sa progression, se retournant une ou deux fois pour vérifier qu'elle ne s'était pas carapatée autre part.
- En plus des animaux habituels et classiques comme les dinosaures ou les araignées volantes, l y a de fausses rivières composées d'insectes carnivores, des arbres de chair qui tabassent et dévorent leurs victimes, des lianes tentaculaires qui capturent et écartèlent leurs proies, des rochers explosifs, des montagnes qui se déplacent pour emmurer les voyageurs, et j'en passe...
Son ton laissait entendre qu'il avait encore beaucoup à dire... et sa démarche, qu'il savait où aller. Il allait, d'ailleurs, dans la même direction que souhaiter emprunter la Nunaat, par coïncidence...
Mais, quand bien même la guerrière faisait des enjambées plus grandes et était plus forte, elle devait lutter pour suivre la cadence de l'immortel, qui évoluait avec grâce et célérité plus proche de l'elfe que de l'humain, sans pour autant faire preuve de la légèreté aérienne des premiers. Il n'y avait rien de surnaturel ici, si ce n'est une évidente expérience, alors que son équilibre n'était jamais pris en défaut.
Ses pieds trouvaient instinctivement les prises solides entre les racines traîtresses, évitaient sans même les regarder les plaques de mousse spongieuse qui dissimulaient des pièges naturels. Là où la géante devait enjamber prudemment un fossé, lui le franchissait d'un mouvement fluide, son corps se coulant entre les obstacles comme de l'eau contournant les pierres. Quand une liane pendante frémit avec un peu trop d'insistance, sa main se porta automatiquement à la machette qui pendait à son flanc, mais il continua sa progression sans ralentir, ayant déjà identifié qu'elle n'était qu'agitée par le vent.
Ses yeux clairs balayaient constamment l'environnement sans que cela ne perturbe sa marche assurée, la facilité déconcertante avec laquelle il naviguait dans ce labyrinthe mortel contrastant violemment avec son embarras quelques instants plus tôt. Il n'eut pas besoin de lui dire ou de l'encourager à le suivre, tant ses mouvements parlaient pour lui-même. A un moment, il mit le doigt sur ses lèvres, lui intimant tout silence. Par delà les frondaisons, il surveilla quelque chose, que la Nunaat ne pouvait voir, et il ne mit fin à son geste que quelques minutes plus tard.
Après un long moment, ils arrivèrent dans une clairière dégagée, avec un point d'eau en apparence idyllique, sous un arbre ressemblant à un pommier.
- Les fruits sont empoisonnés. Le point d'eau est un faux, il s'agit en fait de la bouche remplie d'eau et ouverte d'une plante carnivore enterrée sous le sol, expliqua le jeune homme. Les autres animaux évitent de trainer là, donc on est tranquille. Il la regarda en croisant les bras, essayant de se donner contenance devant cette femme qui était probablement assez forte pour lui arracher un bras et le tabasser avec.
- Je m'appelle Grayle. Je suis à la recherche de la Fleur de vérité éphémère.
Autant jouer cartes sur table. Si elle avait un autre but, alors ils n'étaient pas rivaux. Si ils avaient le même objectif, il pouvait toujours la persuader de faire équipe. Si ce n'était pas son genre, et bien...
... et bien elle allait apprendre que Grayle n'est pas quelqu'un dont on peut triompher avec la violence.
- Et toi, "maman", pourquoi t'es là ?
Il n'avait pas encore digéré le "gamin". Ses yeux se posèrent sur la main puissante qui avait ébouriffée ses cheveux, qu'il remit instinctivement en place.
-
Pas b'soin de te cacher, t'sais. Je l'ai remarqué, ton visage qui prenait des teintes cramoisies. Ce jeune homme...Est-ce parce que je l'ai appelé « gamin » ? Ou bien est-ce parce que je l'ai touché ? 'Fin, ce n'est pas comme si notre premier contact avait été une sérieuse poignée de main qui m'a fait sortir de la gadoue. Je le reconnais un peu ce regard, et même s'il est d'un bleu intense, je crois que je lui plais, ou tout du moins, ma plastique l'impressionne. C'est vrai qu'on ne voit pas des Nunaats tous les jours. J'aurai pu le prendre mal si cela avait été un homme dans une ruelle de Nexus, avec le regard vraiment pervers, mais ce n'était pas le cas. Il m'avait aidée après tout, mais je devais me montrer méfiante. Le coup des yeux, on me l'avait déjà fait pour s'approcher de moi et me la faire à l'envers.
Il me fallait des informations, aussi bien sur la topographie des lieux, le faune et la flore générales, ainsi que, plus précisément, sur le « Souffle de vie ». Et rien de ce qui suivit ne me donnait envie de continuer. J'vais sûrement y laisser un bras ou une jambe, si ce n'est plus. Tout dans cette région voulait la mort d'un vivant, que ce soit une plante, un animal, une créature ou plus que ça. J'ai bien peur que rien que de respirer nous mettait en danger. Alors autant ne pas rester sur place et commencer à avancer, qu'importe la direction, sans aller dans la bouche géante d'une créature...
Si je faisais de plus grandes enjambées que lui, ce gamin faisait tout pour me rattraper, bien plus habile et léger dans ses mouvements. Là où j'avais la force, lui avait la légèreté. Et comme il connaissait plus l'endroit, je lui obéissais bien docilement, même si parfois, je levais les yeux au ciel, agacée. Même quand il me disait de me taire, je ne bougeais plus d'un poil, ni ne respirait profondément. Jusqu'à ce que s'étende devant nous une clairière. Elle semblait paisible, mais étrangement, l'ambiance était de plomb. Y'a bien un truc qui cloche, et l'inconnu vient m'expliquer le pourquoi du comment, en plus de me donner des informations sur le pourquoi de sa présence, en plus de son prénom. Et en plus, il m'appelle Maman ? Ok, bien joué, bonne répartie.
- Grayle...Gamin...Ok, ça commence pareil, alors j'vais retenir facilement. Moi, c'est Yukka, et j'cherc...
Que...Quoi ? C'est pas possible...Il me fait une blague.
- Attends, quoi ? La fleur de Vérité éphémère ? T'es sérieux ?
Mes yeux doivent paraître encore plus gros, sous ma surprise. J'ai bien entendu, j'ai pas rêvé ? Comment se fait-il qu'il soit à la recherche de cette plante alors qu'elle était sur ma liste donnée par Lenwë ? Un grondement sort alors du plus profond de ma gorge, m'approchant de ce Grayle. Mes mains empoignent ses habits au niveau de sa poitrine et je le lève du sol, jusqu'à avoir son visage en face du mien, vraiment pas contente, les traits tirés de colère et d'incompréhension.
- Qui t'envoie chercher cette plante ?
À Lenwë, en plus de Miuggrayd, certains n'hésitent pas à faire des listes de plantes ou même d'objets pour m'y envoyer les chercher. J'avais décidé de me focaliser sur la Centella Brumatica car j'étais certaine qu'elle me prendrait bien du temps à aller chercher, et ses capacités faisaient qu'elle me semblait plus importante à étudier et à ramener à l'Académie...Est-ce que quelqu'un d'autre serait sur le coup pour la fleur de Vérité éphémère ? Qui aurait pu devancer Lenwë ?
-
La Nunaat était grande et musclée, mais pour le coup, ce n'est pas sa force qui avait impressionné Grayle, mais sa vitesse. Ses bras épais étaient devenus serpents, se saisissant du col de sa chemise avant même qu'il n'ait eu le temps de réagir. Elle le souleva au-dessus du sol avec une facilité déconcertante, le tissu frottant douloureusement sous les aisselles de Grayle, dont les jambes s'agitèrent avec panique, brassant l'air.
- Attend Yukka, attend attend attend...
C'est la première fois qu'il la voyait de face, et non en contre-plongée. Son visage faisait plus féminin, plus fin. Presque plus séduisant, s'il n'était pas déformé par une expression rageuse. Les yeux bleus brillants de la colosse plongèrent dans ceux de l'humain. Il posa ses mains sur les avant-bras de Yukka, serrant de toutes ses forces pour la dégager, mais elle ne cilla pas d'un millimètre. Sa chair musclée semblait faite de roche, et elle ne réagit même pas à sa tentative. Il se sentait comme un enfant.
- Qui t'envoie chercher cette plante ?
- Je ne suis pas sensé le dire.
Il n'y avait ni méchanceté, ni défi dans la voix de Grayle. Malgré la situation précaire dans laquelle il était, elle pouvait lire sur son visage et sentir dans sa voix qu'il n'y avait nulle peur non plus. Une absence totale de crainte, qui ne semblait pas venir d'un quelconque bravado ni d'un manque d'instinct de survie. Sa respiration était légèrement accélérée, mais stable.
En bas, ses pieds se posèrent contre les cuisses nues de Yukka, les salissant avec de la terre, afin de la repousser, sans guère de succès. A aucun moment il n'essaya de frapper les genoux, le ventre exposé ou l'intimité de la Nunaat, quand bien même il était totalement en position de le faire.
- En quoi c'est important ?
-
Lenwë est une grande académie de magie nichée haut dans les montagnes blanches de Terra. Ce domaine « un peu » à part n'est pas facile d'accès et heureusement, sinon on se prendrait tous les chiants qui chouinent comme élèves et ce n'est clairement pas ce que les professeurs souhaitent. S'ils arrivent à atteindre l'Académie, cela prouve qu'ils en ont dans le ventre. Les professeurs, mmh...Que dire ? Il y en a une petite flopée, certains plus agréables que d'autres, mais personne n'était dans mes bonnes grâces plus qu'un autre. Sauf Miuggrayd, bien entendu. Quelques uns sont plus plongés dans leurs propres études que dans le véritable but d'enseigner. Aussi, il n'est pas rare qu'ils fassent part de petites listes de courses à faire, et c'est souvent moi qui m'y colle. Non pas que ça me dérange en fait, ça me fait bouger et j'aime ça. Cela me permet de récolter des plantes et de les étudier aussi. J'en profite pour me défouler aussi, parfois...Souvent, quand on vient m'faire chier en fait.
Cette fois-ci, sur la liste du professeur Simón Estanyol (https://i.postimg.cc/zD6Wjc01/lenweprof3-Sim-n-Estanyol.jpg) et de Miuggrayd, j'ai choisi la Centella Brumatica parce qu'elle me semblait être la plus importante. Elle est censée guérir bien des maux, alors la fleur de Vérité éphémère, elle va faire quoi ? Faire cracher sans torture toutes les vérités ? En fait, je sais pas, et je m'en fous, j'ai pas lu le résumé dans ce qui était demandé ou je ne m'en souviens plus. C'est clairement pas ce qui importe en ce moment-même. Comment ça se fait qu'un gars, rencontré par hasard au fin fond du trou du cul du monde, cherche une des plantes que je dois chercher par la suite ? C'est putain d'suspect. J'insiste.
- Qui ?
Je le garde toujours au dessus du sol. Il doit craquer, mais j'ai pas l'impression qu'il va pas cracher le morceau aussi facilement. Néanmoins, il cherche à se débattre, posant ses pieds sur mes cuisses. Tu penses t'enfuir ou te défaire de moi ? Hm. Un sourire en coin, en plus de ma colère, se dessine sur mon visage. J'utilise ma queue pour balayer assez rapidement les pieds de Grayle. L'agrippant toujours, je rapproche son visage du mien, ma gorge grondant les prochains mots.
- Ça l'est. J'dois savoir si t'es un ami ou un ennemi...Et ça, même si tu m'as sauvée la vie y'a peu. T'vois, ta fleur, elle est aussi sur ma liste. Alors ? T'vas m'dire qui t'envoie, ou jt'envoie valser plus loin et qu'la plante ou créature je sais pas quoi te croque le cul.
Et si c'était vraiment un ennemi ? Aucune pitié n'est permise. Même si elle arrive seconde dans ma quête, la fleur de Vérité éphémère reste importante, et ça m'ferait chier d'être devancée pour ce genre de choses. Pire encore ! Qu'elle tombe entre des mains malveillantes. Je secoue un peu le jeune homme, le visage dur.
- J'attends, Grayle. Mais ma patience a des limites.
-
Las. Malgré toute ses tentatives (qui n'étaient pas non plus celles d'un homme désespéré), Grayle n'avait pas fait ciller Yukka d'un foutu millimètre. Il hésitait encore. Et si il mentait ? d'un côté, celui lui permettrait de ne pas déshonorer son contrat et sa fierté. de l'autre, si elle réalisait qu'il mentait... elle n'allait quand même pas le tuer pour ca non ? Il n'avait, au final, pas grand chose à craindre de Yukka, ni les blessures, ni la mort n'étant définitives pour lui. Au pire, elle se retrouverait seule et...
L'image de la Nunaat éviscérée, le regard vide et le corps dévoré par les prédateur locaux, lui vint en tête. Il ne la connaissait pas. Elle n'était pas faible. Il était très probable qu'elle s'en sortirait très bien toute seule. Et pourtant, malgré le fait qu'elle était en train de le soulever à cinquante centimètre du sol et menaçait de le tuer, il avait envie de la protéger. Elle le secoua comme un prunier, son crâne cognant contre l'arbre, et la vision de Grayle se brouilla. Il sentait le sang battre de plus en plus fort à ses tempes.
- C... C'est Vixen ! Hecilia the Vixen ! dit-il dans un souffle, avant de soupirer de soulagement lorsque la guerrière cessa de le secouer, le fixant avec attention.
- Elle m'a contacté via un informant ! Elle savait qui j'étais, elle a sûrement entendue parler de ma participation à l'ascension du Mont Maëlstrom... une femme brune et pâle, une nécromante... je crois ? Il se dit que plus d'informations aideraient peut-être Yukka à lui faire confiance. Elle veut la fleur pour ses rituels de projection astrale et les sérums de vérité...
Il regarda Yukka, qui restait silencieuse et le fixait comme un aigle examine un lapin. Il se dit qu'il était en position de lui demander les mêmes informations, mais son bon sens lui disait que la guerrière bornée l'enverrait paître, et, au final, il se fichait bien de pour qui elle travaillait.
- Je peux redescendre ?
-
J'ai beau le secouer, Grayle ne bouge pas. Mes menaces ? On dirait qu'il n'en a rien à faire. Pas que je lui fasse peur mais comme s'il ne craignait rien...Bien au contraire, les traits de son beau visage n'indiquent aucunement qu'il est effrayé...J'viens de dire que ce gamin était beau ? Mphm ! N'importe quoi ! Je souffle du nez, exaspérée par cette simple et ridicule pensée. Ça m'énerve, aussi bien ça que le fait que je ne l'impressionne pas le moins du monde. Cela peut arriver quand je joue les séductrices parce que, par principe, je ne cherche pas à faire peur, mais ça doit bien être la première fois que quelqu'un se retrouve las, presque sans émotion, face à mes menaces. Aurais-je perdu de ma superbe ? Putain, ça m'saoule. Je brusque un peu le gamin, sa tête cognant contre l'écorce de l'arbre. J'insiste. Je veux une réponse et je l'ai finalement en peu de temps.
- Hecilia ?
J'ai bien entendu ? Ce n'est pas un prénom commun, certes, mais il doit y avoir d'autres femmes le portant sur tout Terra, tout de même. Non, attends Yukka, c'est peut-être vraiment quelqu'un d'autre. J'agrippe toujours ce jeune homme, attendant clairement qu'il me donne plus d'informations. Je le fixe intensément de mon regard inhumain, prête à lire la moindre trace de mensonge sur son visage. Mais je n'entends rien de tout ça. Mes yeux, surplombés de mes sourcils arqués, indiquent ma surprise, tandis que ma bouche se tord d'un réel agacement. Je fais en sorte que Grayle retrouve le sol, le déposant délicatement, avant de relâcher complètement ma prise sur sa chemise bien froissée désormais.
- Putain, Hecilia ! MAIS QUELLE CONNASSE !
Ma voix porte. Avec rage, je frappe de mon poing gauche dans l'arbre, l'écorce s'enfonçant et épousant à merveille la forme de mes doigts. Hecilia the Vixen est, en effet, comme l'a décrit le gamin : une belle femme brune, d'un teint pâle. Une nécromante, en plus d'être professeure et chercheuse au sein de Lenwë. Elle est respectée de ses élèves et de ses pairs, tout en étant crainte d'une certaine façon. Il faut dire que la nécromancie, ça fait rêver que les esprits...dérangés. C'est une femme forte, de caractère bien évidemment, qui n'hésite pas à franchir certaines limites au nom de la science. C'est bien souvent Miuggrayd qui lui rappelle les règles et qui la sanctionne lorsqu'elle les enfreint trop souvent ou que cela amène à de plus graves répercussions sur l'Académie en général.
Elle fait également partie des professeurs qui aiment à ce que je fasse leurs « courses ». Je ne rentre jamais bredouille de mes sorties, même si j'y vais que pour mon compte, et ce même aussi, s'il m'arrive d'avoir des couilles en chemin. J'ai toujours rempli les missions qu'on me donnait. On me fait confiance à l'Académie, en particulier lorsqu'il s'agit de ramener des plantes...et des personnes. Et juste parce que je n'pars pas directement pour sa foutue plante, j'me fais remplacer ?
- Cette salope a pas su attendre, bordel ! Elle entendra parler d'moi quand j'rentrerai !
Je retire mon poing du tronc, qui a clairement pris plus de dégâts que ma main, dont je secoue les doigts pour faire craquer mes articulations. Je soupire longuement, laissant tomber mes bras, agacée à un point. Cette expédition devient de plus en plus ridicule. Manquerait plus que j'trouve la fleur de Vérité et le Souffle de vie dans l'cul d'un monstre !
Je me redresse un peu, faisant rouler mes épaules pour délacer mon dos, avant de m'approcher de Grayle, afin de lui remettre correctement sa chemise. Oui, j'suis encore grognon. Oui, j'serre les dents.
- Désolée, gamin. J'devais être sûre qu'tu cherchais pas à m'doubler...Enfin, plutôt à t'garder la plante avec de mauvaises intentions derrière...
En passant les mains sur le tissu pour le rhabiller, je sens que ce petit a matière sous ses vêtements. Tiens, il est plus musclé que je ne le pensais, ce jeune Grayle.
-
Grayle serra les dents et fronça les sourcils lorsque Yukka cogna l'arbre de rage, enfonçant l'écorce musclée, alors que plusieurs corbeaux carnivores s'éloignèrent en croassant d'un air scandalisé, pour finalement se disperser alors qu'un pterodactyle des marais les prenais en chasse.
Apparemment donc, sa commanditaire était une salope. Bon. Il fallait avouer qu'elle n'avait pas l'air commode et que Grayle s'était attendu à une trahison ou un coup fourré au moins une bonne dizaine de fois, mais pour l'instant, la nécromante avait été réglo. Non pas que Grayle la craignait. Mais une partie de lui était curieux et un peu excité de voir comment une nécromante essayerait de se débarrasser de lui. Plusieurs avait essayés, sans succès. Les spécialistes de la non-vie tendaient à être un peu désarmés face à l'incarnation de la vie éternelle.
Quoi qu'il en soit, ce coup de poing semblait avoir calmé Yukka. Sa détestation d'Hecilia faisait sens, tant elles étaient opposés. Hecilia, de ce qu'avait pu voir Grayle, était froide, calculatrice, d'un charme glacial, alors que Yukka était bien plus directe et sanguine. Pour Grayle, c'était des traits qu'il préférait avoir chez une compagne d'aventure.
- Désolée, gamin. J'devais être sûre qu'tu cherchais pas à m'doubler...Enfin, plutôt à t'garder la plante avec de mauvaises intentions derrière...
Il poussa un rire clair, appréciant le contact de ses mains puissantes sur son corps alors qu'elle remettait sa chemise massacrée sur ses épaules. Il posa ses propres doigts sur ceux de la Nunaat, tapotant le dos de ses mains. Il sentait la force de ces dernières, mais aussi une douceur typiquement féminine, qui ne s'était pas évanouie.
- Y a pas de mal maman, dit-il du tac au tac lorsqu'elle l’appela "gamin" et je te rassure, j'ai aucune mauvaise intention. Je ne trahis pas et contrairement aux habitants de ce marais, je ne mord que si on me le demande !
Il s'épousseta, avant de reprendre son sac à dos. Le ciel, teinté par les vapeurs sanguines des fleurs de feu, était en train de devenir rouge.
- Ca, c'est le signe que l'heure de chasse des tigres plongeurs va commencer dit-il en désignant du doigt le ciel. On ferait mieux de se remettre en marche en vitesse, dit-il en prenant déjà la tangente, suivit par Yukka.
- du coup Yukka, tu m'a parlé d'une liste ! Je suppose que tu cherche d'autres plantes ou champignons ou créatures ? Si j'ai le temps je peux peut-être te filer un coup de main dit-il en s'exprimant avec douceur afin de ne pas trop trahir leur présence, même si les prédateurs agressifs des environs étaient assez malins pour comprendre que s'attaquer à une guerrière de près de deux mètres et avec une hache plus grande que son plus fin compagnon n'était pas une bonne idée. Les bottes du pérégrin s’enfonçaient à peine dans l'herbe boueuse du marais, alors que le terrain, petit à petit, se transformait en pente.
Ici et là, alors qu'ils continuaient de progresser à travers la végétation, Grayle utilisant sa machette pour se frayer un chemin à travers les lianes étrangleuses, feuilles empoisonnées et autres ronces acérées qui leur barrait la route, on pouvait apercevoir des petites constructions humaines : quelques pierres amoncelées ici, une petite statue détruite là, un vieux panneau métallique rongé par la rouille...
- Un ordre de chevalier s'était installé ici pour tuer les monstres du coin, mais ils ont fini par dépérir et partir y a quelques décennies. Il reste encore quelques refuges... expliqua Grayle qui s'arrêta un instant pour prendre un peu d'eau, lançant sa gourde à Yukka pour qu'elle puisse en profiter elle aussi. Il la regarda boire un instant, admirant malgré lui la silhouette athlétique de la Nuunat. Ses épaules larges et musclées, la définition de ses bras puissants qui se contractaient tandis qu'elle portait la gourde à ses lèvres, ses abdominaux qui semblaient animés d'une vive propre... l'humidité du marais avait rendu sa peau bleutée luisante de sueur, accentuant davantage les reliefs de sa musculature de guerrière aguerrie.
Grayle détourna rapidement le regard, conscient que ce n'était ni le lieu ni le moment pour de telles pensées, alors que la chaleur étouffante du marais les enveloppait tous deux.
-... enfin bref, allons-y.
Ils marchèrent, encore. Autour d'eux, les marais étaient remplis des cris et grognements des prédateurs apex qui se chassaient les uns les autres. Mais, finalement, c'est un obstacle inattendu qui stoppa leur progression.
- Un escarpement, sérieux ? s'énerva Grayle, qui savait parfaitement que la présence de ce monticule n'était pas sur sa carte. La corniche n'était pas si grande que ca, de quelques mètres seulement, mais elle était parfaitement lisse, verticale, et trop petite pour utiliser proprement le moindre grappin. La roche était faite de verre-miroir, bien connu pour refléter parfaitement toute force appliquée contre lui. Plus on pousse ou frappe fort, plus la force est renvoyée.
- C'est assez petit pour que tu puisse te hisser de l'autre côté, non ? Tu pourrais m'aider ? demanda Grayle en sautant autant que possible, sans parvenir à saisir le haut de la paroi. En réalité, ils pouvaient faire un détour, ou il pourrait trouver un moyen de passer cette paroi avec un de ses objets magiques, mais il se disait que faire appel à Yukka serait non seulement plus efficace, mais aussi plus rapide.
A moins qu'elle ne décide de l'abandonner ici ?
-
- Ferme t...
Je m'arrête là, levant les yeux au ciel mais n'empêchant nullement un grognement rouler dans ma gorge, lorsque je l'entends m'appeler Maman. Va t'faire foutre. J'ai bien compris que c'était mon « gamin » qui te faisait tiquer, mais arrête ou sinon, je t'étripe. Je me garde bien de le lui dire en face. Après tout, je l'ai bien cherché, et l'admettre me fait tout autant chier, mais ça aussi, j'le dirai pas ! Il y a au moins un truc de rassurant, même si je ne peux pas lui faire confiance à cent pour cent, il dit qu'il ne me trahira pas. Chouette, mais je l'aurai à l’œil quand même.
Je ne dis rien d'autre. J'écoute, j'observe et je constate que l'environnement change, et quand ça devient rouge, en général, ça n'annonce rien de bon. Mais c'est lui le spécialiste. Il m'a clairement montré qu'il connaissait l'endroit, que ce soit sa faune que sa flore, notamment ses dangers, alors même si je reste sur mes gardes, je préfère le suivre lui. Il m'a sortie d'un sacré pétrin, juste avant, et puis, je sais qu'il doit trouver la plante pour Hecilia...D'ailleurs, faut pas que je l'oublie, elle. Cette professeur entendra parler de moi à mon retour à Lenwë.
- J'ai bien une liste mais que deux plantes à trouver dans le coin et pour le coup de main...Ça dépend de si tu dois passer par un intermédiaire pour rendre ta plante, ou si tu dois te rendre à l'Académie et remettre la plante en mains propres à Hecilia.
Je ne lui prendrai pas la fleur de Vérité éphémère des mains, mais je pourrais l'accompagner jusqu'à ce qu'il puisse toucher ce que cette mégère lui doit. Et j'pourrais également en parler à Miuggrayd. Pour l'instant, c'est la Centella Brumatica qui m'intéresse, c'est pour ça que je suis là. Je montrerai les dessins de la plante au gamin plus tard, une fois dans un endroit calme pour se poser.
Nous continuons notre marche et rien autour ne donne envie de rester dans le coin. Grognements, sifflements, ciel qui change de couleur...Et cette putain d'humidité ambiante. Ça colle, bordel de merde ! On sent que tout autour de nous veut notre mort, et heureusement que y'a pas des moustiques géants, mais je comprends mieux que cet ordre de chevaliers ait fini par partir. C'est invivable. Autant se tirer une balle ou se pendre, plutôt que d'être obligé de vivre dans cet enfer. On s'arrête un instant et Grayle me prête sa gourde pour que je ne finisse pas toute desséchée. Même si j'ai la mienne encore, je ne vais pas refuser un si bon geste, et puis, comme ça, il m'en restera pas mal s'il me pose une colle. Une, puis deux gorgées, et ça suffit. Je sens même une petite goutte filer sur mon menton, continuer dans mon cou et disparaître vers mon poitrail. Je ne l'enlève pas, c'est juste de l'eau. Ça fait du bien. Je la lui rends en le remerciant d'un hochement de tête. Puis on reprend notre route...
...Jusqu'à un nouvel obstacle. Objectivement, ce n'en est pas vraiment un pour moi mais visiblement pour lui. Grayle s'énerve et, étrangement, ça me fait rire un peu. Je cache le tout dans un petit sourire et observe ce qu'il y a devant nous. Cette roche est étrange et j'ai franchement pas envie de toucher sans savoir ce que c'est. Miuggrayd m'a toujours répétée de ne pas foncer tête baissée, et même si c'est encore souvent ma marque de fabrique, on va éviter pour ce coup-ci. Dans le reflet de la roche, qui ressemblait à un miroir, le ciel prenait une teinte violette. Mon reflet en était déformé, celui de Grayle également, et clairement, ce n'était pas agréable. Un bref instant, pour ne pas dire une micro-seconde, j'ai cru voir le reflet de mon père. Des siècles sont passés et pourtant, ma blessure semble être toujours aussi vive.
Je masque mon amertume avec un sourire en coin, fixant mon compagnon de route.
- T'aider ? J'avoue que la tentation de t'abandonner est grande mais, ne t'en fais pas, j'le ferai pas. J'ai pas envie de perdre du temps à chercher un autre guide dans c'te fange.
Je hausse les épaules, comme si je m'en fichais, mais j'ai juste envie de l'embêter. Une vengeance pour le « maman » de tout à l'heure. Je m'approche du mur lisse, posant la paume dessus. Aussitôt, une sorte de force invisible repousse ma main, une fine onde faisant vibrer l'air. Je grogne.
- C'te merde...On peut même pas poser un pied d'ssus...
Je jette un regard vers Grayle, puis vers le haut du muret, et de nouveau sur lui.
- J'imagine que si j'te balance direct par dessus, tu vas te péter les chevilles à l'arrivée...Alors j'vais devoir y aller mollo...
Je m'accroupis légèrement, prenant bien appui sur mes sabots. Je joins alors mes deux mains, faisant signe au gamin de se servir de moi.
- Allez, pose ton panard ici et grimpe. Jt'aide à monter et moi, j'vais me débrouiller.
J'ai bien compris que si j'dois prendre appui sur le mur et escalader, j'vais juste me faire rejeter par ce fichu mur à la noix, et prendre un chemin pour contourner l'obstacle, ça pourrait nous faire perdre du temps, en plus de nous emmener vers d'autres emmerdes, même si je ne sais pas ce qui nous attend derrière. Grayle pose son pied droit sur mes mains, puis se tient sur mes épaules pour ne pas perdre l'équilibre. À partir de là, je compte.
- Une...Deux...Trois !
D'un coup puissant, je me redresse et je le pousse au plus haut que je peux, afin qu'il atteigne le sommet du mur et puisse y grimper avec aise. Il ne lui fallut pas longtemps pour finalement passer de l'autre côté. Sauf que moi, j'peux pas faire pareil. Bon, aux grands maux les grands remèdes, et comme j'ai pas envie de prendre des plombes pour juste passer par dessus cet obstacle, j'vais utiliser un peu de magie. Doucement, je me concentre et avec le bas du manche de ma hache, je tape le sol, me fabriquant un escalier de glace, sauf que j'ai intérêt à me grouiller. Ça ne tiendra pas longtemps. Remettant ma hache dans le dos, je grimpe les quelques marches que j'ai pu figer, les entendant craquer sous mon poids et la chaleur qui commence déjà à fondre avec la chaleur ambiante. Ni une, ni deux, je pousse sur mes sabots sur la dernière marche et me projette par dessus, finissant par retrouver le sol de l'autre côté. Réception parfaite. Mes entraînements n'ont pas servi à rien...
- Eurk, ça fouette ici...T'as pété ?
Ça sent le cadavre et le sang...Le spectacle derrière le mur n'avait rien à envier à celui-ci : une clairière, si vaste, entourée d'arbres morts et de statues effondrées, s'étend devant nos yeux. Des stèles jonchent le sol en partie retourné, comme si tout était frais. Des racines vivantes les enlacent comme s'il s'agissait d'objets à garder précieusement. Un soupir bruyant s'échappe de mes lèvres. Cela promet pour la suite.
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- Mes pets sont du genre bruyants, tu m'aurais sans doute entendu avait répondu Grayle tout en se massant l'épaule, encore marquée par la poussée vigoureuse qui l'avait propulsé par-dessus le mur. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire en coin.
Il avait été impressionné par l'ingéniosité et la force brute de sa compagne. Cet escalier de glace improvisé montrait qu'elle ne manquait pas de ressources, qu'elles soient magiques ou intellectuelles. Ça le rassurait, d'une certaine manière : elle n'était pas qu'une grosse brute jouant des muscles, et un tel allié lui serait définitivement précieux.
Cependant, la scène à laquelle ils étaient confrontés l'inquiétait suffisamment pour effacer cet optimisme, alors que son estomac se nouait à la vue du spectacle macabre qui s'offrait à eux. L'odeur pestilentielle de mort lui arracha une grimace de dégoût. Les racines vivantes serpentant entre les stèles renversées lui donnaient la chair de poule, le contraste entre leur vigueur dans un lieu si manifestement marqué par la mort. Il resserra instinctivement sa prise sur sa machette, balayant la clairière du regard avec une vigilance accrue, conscient que chaque pierre effondrée pouvait dissimuler un danger.
- On dirait que quelqu'un, ou quelque chose,a profané cet endroit récemment, murmura-t-il d'une voix basse
Instinctivement, il se rapprocha légèrement de sa compagne, malgré leur chamaillerie précédente. Mais malgré sa peur apparente, il fut le premier à ouvrir la marche.
- Cela devait être une retraite des fameux chevaliers, dit-il en désignant les statues, et, au loin, une paire de maisons en pierre, encore solides. Il y avait une entrée sans porte, et aucune fenêtre. De la, impossible de voir à l'intérieur. Mais il ne sentait pas de présence. Je suggérais de nous arrêter ici, vu le luxe d'avoir un toit solide au dessus de nous mais... ce truc dit-il en désignant les racines de la machette ne me rassure pas.
Les racines se contractèrent et bougèrent lentement, comme des serpents. Comme si elles avaient compris que l'humain parlait d'elles.
- Fantastique... dit-il avec ironie. Enfin... même si tout essaie de s'entretuer ici, le principe de "je te fait rien si tu m'emmerde pas" qui règne sur le monde animal marche aussi ici. Donc... je suppose que si on évite les arbres...
Il jeta un regard entendu à Yukka.
- Tu sais, je n'ai aucun pouvoir magique, moi. Juste mes armes et mon instinct. Toi par contre, avec ta glace et ta hache... tu gères le feu aussi ? Parce que je vais avoir besoin de ta protection.
Dit ainsi c'était plus élégant que "protège moi s'il te plaît".
Il ouvrit la marche, sa main tenant fermement sa machette, ne faisant aucun bruit sur le sol, ses pas alertes, précautionneux et silencieux. Il voulait voir... est ce que les tombes étaient vides ?
Allaient-ils affronter des morts-vivants ?
- J'espérais finir la journée calmement...
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- Pffrr...
J'retiens un rire, qu'on pourrait même prendre pour un pet d'ailleurs, tellement je serre les lèvres. Je détourne le regard sinon j'vais éclater. C'est pas vraiment l'endroit pour se taper une barre et se faire repérer. Finalement, il me plaît de plus en plus, ce gamin. J'ai beau lui balancer des trucs à la con à la gueule, il répond plutôt bien. J'aime sa répartie, et surtout, le fait qu'il ne se laisse pas faire, alors que je pourrais lui paraître trop impressionnante et qu'il ne moufte pas. Mais ce n'est pas le cas. D'habitude, les gens font la tronche parce que je suis assez vulgaire et que voulez-vous, « c'est mal vu chez une dame ». Mais ça n'a pas l'air de le déranger, au contraire. Il ne s'offusque pas à mes blagues douteuses, pas du genre à bouder pour quelques broutilles, même quand je l'appelle « gamin ». Il a du répondant et c'est...rafraîchissant. Et en dehors de ça, il est plutôt...mignon.
Blague à part, l'endroit où nous avons atterri est des plus lugubres. Je ne saurai trop d'écrire l'ambiance, mais j'ai juste l'impression d'être tombée dans un profond trou de désespoir. Que toute la peine du monde se trouve ici et se manifeste en ses lianes et autres racines mouvantes. À moins que cela ne vienne des stèles qui sont ravagées, ici et là. Je ne sais pas réellement pourquoi mais j'ai la sensation d'être dans un endroit connu. La remarque que fait Grayle a le don de me faire retourner dans la réalité. Je hausse doucement les épaules, le regard perdu devant moi.
- Dans un certain sens, on est aussi en train de le faire...
Et je n'ai pas tort. On ne sait rien de cet endroit et on va devoir passer à travers pour s'approcher de notre destination finale. Grayle me désigne quelques maisons en pierre plus loin, et souhaite qu'on s'y établisse pour la nuit. Soit. Je n'ai rien contre. Je dégaine alors ma hache, en serrant un peu plus la garde. Il entame alors la marche, et je le suis, tout en restant aux aguets. Je ne sais pas si c'est un simple geste de galanterie, ou un truc chevalier, même s'il n'en a pas l'air du tout...Ça pourrait être seulement de l'ego de mâle mal placé...Mais j'apprécie, juste un petit peu. Une pensée me frappe l'esprit, me disant que d'un côté, s'il y a un souci, c'est lui qui prendra le premier. Un petit sourire étire mes lèvres en coin. C'est pas très gentil de ma part de penser ainsi.
Nous avançons par petits pas. L'air y est de plus en plus lourd, chargé de cette odeur putride qu'on voudrait oublier dès qu'on la sent. Ça pèserait presque sur mes poumons, mais ce genre d'ambiance, j'en ai l'habitude. Les champs de bataille, les morts...Eurk. Je retiens un haut-le-cœur, des souvenirs douloureux se ravivant dans mon esprit. Lorsque je remarque que les racines se faufilent vers nous, je gronde, un son roulant dans le fond de ma gorge. Doucement, je décide de passer devant Grayle, ne lui accordant qu'un hochement de tête. Je lui emboîte le pas. Mes pas se font plus lourds, appuyant davantage sur mes sabots pour paraître plus imposante. J'espère que mon aura est impressionnante, car c'est ce que je veux : les effrayer. Je veux qu'elles se disent qu'elles n'ont pas intérêt à me faire chier...Et ça marche ! Mon aura meurtrière et menaçante les fait reculer. Ouf...
La remarque de Grayle sur ma magie me fit sourire, presque amusée.
- Je ne contrôle que la glace, magiquement parlant. Alors non, pas de magie du feu. La glace, ça peut brûler, d'une certaine manière, mais ce n'est pas du feu. Par contre, je sais en faire avec les bonnes vieilles méthodes.
Plus proche des ruines, je me rends compte que ce sont plus que des décombres : chaque pierre semble avoir gardé la mémoire d'un passé violent. Mais qui suis-je pour juger cela ? Personne. Des pans de murs brisés dressent encore leurs silhouettes décharnés, comme les ossements d'un colosse tombé depuis des siècles. Le sol semble trempé ici et là, là où la toiture fait défaut.
Mon regard balaie l'endroit ici et là, me mettant à ramasser différentes choses qui pourront me servir à faire un feu. Oublions le bois humide et j'me concentre que sur du petit bois qui était à l'abri. Dans un coin qui me semble adéquat, je fais un petit tas avec les plus petites brindilles au dessous. J'ouvre mon sac à dos et j'en sors une tige métallique et un silex. Avec aisance -oui, je peux me la péter un peu-, j'allume un feu, soufflant délicatement sur les premières braises et paf, ça prend ! Je baille doucement, mais je fixe Grayle, sérieuse.
- Si t'as peur, j'peux prendre le premier tour de garde. Comme ça, on se surveille les miches chacun son tour.
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Grayle s'était prestement écarté lorsque Yukka s'était approchée pour ouvrir la voie, non par peur mais par pragmatisme. Il avait parfaitement compris ce qu'elle voulait faire, et resta à bonne distance de la guerrière. L'aura de cette dernière était perceptible, même pour l'humain, qui sentait son corps agité par la chair de poule (malgré l'humidité de la région) et ses cheveux se dresser sur son crâne. La nature, en tout cas, semblait avoir compris que le duo n'était pas un repas qui en valait la peine, et les laissa relativement en paix.
Suffisamment pour atteindre les ruines, et élire domicile dans l'une d'entre elle. Une partie du toit tenait encore, maintenu par des racines grimpantes qui pulsaient d'une lueur orangée qui attirait une poignée de lucioles vertes. Grayle s'était assis en face du feu, et, empruntant une poignée de bâtons inutilisés, avait monté un sèche linge de fortune sur lequel il avait étendu sa chemise, afin que la chaleur des flammes sèche le tissu gorgé de sueur et d'humidité.
La proposition de Yukka était exactement celle qu'il aurait fait, pour un simple raison : si lui n'a pas réellement besoin de dormir, rester éveiller toute la nuit sans réel contrecoup aurait éveillé la méfiance de la Nunaat. Qu'elle prenne le premier tour de garde garantissait qu'elle serait en meilleur forme demain matin, plutot que l'inverse. Il lui fit un grand sourire.
- Avec plaisir, tu peux surveiller mes miches autant que le souhaites ! dit-il en sortant quelques provisions de son sac sans fond, donnant une ration à Yukka : dans un papier de lin épais emballé, elle pouvait trouver du fromage frais, du pain, une petite boite avec des pommes de terres écrasées, et quelques abats de veau. La ration était chiche, mais tenait du luxe dans une telle contrée.
- J'en ai pris plus que nécessaire, donc tu peux prendre ca si tu veux. C'est chiche mais ca ne te fera pas de mal. Ses yeux parcoururent le corps de la Nunaat d'un air impressionné. Tu dois manger comme quatre vu ton gabarit ! Ce genre de muscle ne se font pas pas en étant végétarien, pas vrai ?
Il se mit à rire avec gaillardise, avant de tendre ses bras vers le ciel, baillant un peu pour détendre sa propre musculature. Il était plus fin que la Nunaat, avec une musculature plus proche de celle d'un gymnaste que d'un perchiste. Si elle prêtait attention au corps du jeune homme, Yukka pourrait toutefois remarquer un détail particulier : outre l'absence de pilosité, le corps du pérégrin ne portait pas la moindre trace de brûlure, de balafre, d'éraflure, de griffure ou de tout reliquat de blessure. Malgré ses habitudes d'explorateur chevronné, le pérégrin semblait avoir été tout simplement épargné par la violence.
Toujours de son sac, il tira ce qui ressemblait à un matelas de campagne, utilisé pour ne pas dormir à même le sol. Il s'y allongea de côté, fixant Yukka avec un air mystérieux, un coude sur le sol, main soutenant son visage.
- Tu as envie de parler un peu avant que je pionce où tu préfères être tranquille ?
Il essuya son front. Si la nuit était moins humide et étouffante que la journée, la région n'en restait pas moins suante...
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Je ne dis pas que le gamin est un incapable, loin de là. Il m'a aidée plusieurs fois dans ces terres constamment hostiles, sans rien demander. Ça peut paraître louche, je ne lui ai pas accordé une confiance totale. C'est normal, ça ne fait que quelques heures que nous avons fait les présentations. Si je me suis proposée comme premier tour de garde, c'est pour surveiller les environs...Et le surveiller lui aussi. Même s'il a l'air plus faible que moi, ça pourrait très bien être une illusion, un bon coup de théâtre et lorsque j'aurais le dos tourné...PAF ! Coup de poignard entre les nibards ! Et si vraiment la fatigue me gagne, et bien, il faudra bien que je me repose, mais ça ne sera que d'un œil ou d'une oreille. D'être toujours aux aguets, ça ne va pas être réellement reposant mais j'en ai l'habitude.
Il a beau ne pas être aussi fort que moi, ça ne fait pas tout. Ce gamin a l'air de parcourir de nombreuses contrées, aux climats et aux paysages bien différents des uns des autres. La faune, la flore...Il semble la connaître sur le bout des doigts, et peut facilement l'esquiver lorsqu'elle devient dangereuse apparemment. Ce petit bout d'homme sait se débrouiller, et en réalité, il n'a pas vraiment besoin de moi pour survivre ici. Il suffit de voir comme il a monté un petit truc pour faire sécher sa...chemise. Visiblement, il n'a pas froid. Ahem...On va éviter de trop le fixer, et je me concentre sur le feu, agitant une branche pour l'attiser sans l'éteindre. Sa remarque me fait rire, juste un peu. Est-ce qu'il sous-entend quelque chose ? Boarf, j'ai pas à m'en faire.
Je lève un sourcil quand je l'entends fouiller dans son sac, jetant un œil vers lui. Il me tend alors un petit paquet que j'attrape gentiment, le remerciant premièrement par un hochement de tête.
- Merci. T'étais pas obligé.
Je le vois bien qu'il reluque mon corps. Bon, j'vais rien dire. C'est pas le premier à le faire, et ce ne sera pas le dernier. Au moins, ce qu'il dit me fait sourire. Même rire un peu. Mon esprit se perd un peu dans des souvenirs forts lointains.
- Comme quatre, j'sais pas, mais il fallait bien manger pour gagner en force et en muscles afin de battre mes frères. Et maintenant, j'entretiens la machine. On va dire ça comme ça.
Ça fait longtemps que je n'ai pas pensé à eux. Quelle ingrate. J'ai un peu honte, je dois l'avouer. Il faut dire que plus les années passent et plus leurs traits s'effacent de mon esprit. Parfois, ce sont leurs voix qui s'éteignent...Ne voulant pas afficher une mine déconfite et triste, je me concentre sur ce qu'il m'a donnée. Je me penche un peu, reniflant le paquet offert. Ça sent ni bon, ni mauvais, donc ça doit être au moins comestible. Je ne fais pas la fine bouche et croque un tout petit bout dans ce précieux mets de fortune. Il est bien gentil de me laisser taper dans ses réserves. Au moins, c'est pas du poison.
Je ne suis plus bavarde. Je ne vais pas parler la bouche pleine non plus ! Quoique...Je prends mon temps pour manger à petites bouchées. Je hausse les sourcils de surprise quand je l'observe sortir de son sac une sorte de matelas...Attends, son sac, c'est un trou sans fond ? Ha. S'il prend des missions sur Lenwë, ça ne m'étonnerait pas plus que ça qu'il ait obtenu des objets magiques en récompense...Mmh, la chose qui me titille un peu plus, et promis, j'reluque pas pour ça, mais...Il n'a absolument aucune cicatrice. J'veux dire...Même si ce n'est pas un combattant et qu'il a tendance à esquiver le danger, il crapahute dehors tout le temps. Il devrait avoir des cicatrices de coupures ou d'anciens coups, sur ses mains, son t...torse. Merde, quitte ça des yeux, Yukka !
Je gronde, mâchouillant la dernière bouchée de mon dîner, tandis qu'il s'installe sur son lit de fortune. Le nez froncé, reniflant longuement, j'me lance, vu qu'il a l'air de vouloir bavasser.
- J'ai une question. Tu l'as eu où, ton sac de l'infini, là ? On te l'a offert ? Tu l'as acheté ? Tu l'as volé ?
Oui, bon, ça ne fait pas qu'une seule question. Dans tous les cas, j'attends qu'il me réponde, et il a intérêt à être sincère, sinon, ça risque de ne pas être une très bonne nuit, j'le garantis.