Charly :
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Ce jour-là, il y avait une lettre sur le parquet usé de l'appartement. Dany l'ouvrit tandis que Charly se réveillait enfin. Autour d’un bol de lait froid et d’une odeur de cigarette rance, Dany prit un vieux couteau sur la table, tâchant le papier blanc de l'enveloppe avec de la sauce tomate séchée. Elle déplia la lettre et commença à la lire dans sa tête avant d’en faire part à son frère.
Dany : Cher chien, cher bouclier…
Dany s'arrêta pour regarder son frère, qui avait levé les yeux vers elle. Ces surnoms leur venaient de l’époque de James ; ce n’était pas bon signe.
Dany : Je vous donne rendez-vous à l'entrepôt nord de la ville, à 14h tapantes. Je souhaite discuter d'une commission avec vous. Je vous conseille de venir, sauf si vous voulez que je parle à James de votre appartement et de votre nouvelle vie.
Dany jeta la lettre au centre de la table et termina son bol de lait d'une traite – c'est bon pour les os.
Charly : C’est tout ?
Dany : C’est tout. Pas de signature, pas de prénom. Juste ça. Tu veux faire quoi ?
Charly : On va y aller. Si c’était James qui nous avait retrouvés, il aurait défoncé notre porte au lieu de nous envoyer une lettre. Autant régler ça vite pour éviter les risques.
Dany n’allait pas contester son frère, elle était d'accord. Une fois leur petit déjeuner de midi terminé, ils allèrent se préparer dans leurs chambres. Dany enfila un pantalon carotte noir, avec une ceinture massive qui marquait sa taille, un débardeur court s’arrêtant à son nombril, et une veste noire pour dissimuler les cicatrices qui balafraient son corps. Des baskets blanches aux pieds, ses lunettes de soleil rondes, elle était prête. Charly s’habilla dans un style similaire : tout en noir, des vêtements ajustés à sa corpulence massive pour lui permettre de bouger aisément. Les deux prirent ensuite la direction de l'entrepôt nord de la ville pour arriver à l'heure.
La zone industrielle était déserte en ce dimanche, les ouvriers étaient en repos ; seuls Dany et Charly déambulaient dans l’immense espace. À 14h pile, un des conteneurs s’ouvrit, révélant une silhouette.
Inconnu : Toujours ponctuels. Venez avec moi.
La silhouette s’enfonça dans le conteneur, et Dany et Charly le suivirent tout en restant sur leurs gardes. À l’intérieur, la boîte métallique avait été aménagée. Leur commanditaire se retourna, révélant un visage familier qui raviva des souvenirs dans l’esprit du duo : Marshall, ou plutôt le docteur Marshall, un des scientifiques du laboratoire de James. Il avait travaillé sur de nombreuses expériences, dont très peu avaient abouti. Un savant fou qui avait tué beaucoup d’enfants.
Marshall : Content de me revoir, les enfants ?
Il n’avait pas eu l’autorisation de travailler sur Dany et Charly, mais il venait souvent les voir pour connaître l’avancement des expériences.
Marshall : Je prends ce silence pour un oui. Installez-vous, mettez-vous à l’aise. Pas besoin de faire des manières avec moi, vous le savez bien.
Dany et Charly prirent chacun une chaise pour s’asseoir. Ils observèrent autour d’eux : des ordinateurs, du matériel de chimie, des tableaux couverts de chiffres et de lettres incompréhensibles. Au fond, un grand rideau tiré semblait dissimuler bien des choses.
Marshall : Je savais que je pouvais compter sur votre présence.
S’ensuivirent des louanges de la part de Marshall, qui évoqua le passé, effleura le présent et resta évasif sur le futur, jusqu’à aborder la fameuse commission.
Marshall : «Vous l’aurez compris, je ne suis plus en contact avec James et le reste de la bande. Je souhaite voler de mes propres ailes. Être sous les ordres d’un chef, ce n’est pas mon truc. Mais pour mes projets, j’ai besoin de plus de moyens. Travailler dans un conteneur n’est pas l’idéal. J’ai donc mis de côté tout mon argent pour vous offrir une belle somme si vous acceptez cette mission. C’est trois fois rien, juste un petit voyage d'une heure… en enfer.
Charly ne put retenir un pouffement de rire tandis que Dany levait les yeux au ciel derrière ses lunettes. Venir ici pour écouter les délires d'un scientifique… Une après-midi de perdue.
Dany : En enfer ?
Marshall : Je ne rigole pas. Vous savez qu’il existe une autre planète semblable à la Terre. Pourquoi être surpris quand je vous parle d’aller en enfer ? Le véritable enfer, celui sous terre, où les humains normaux ne peuvent aller sous peine de brûler. C’est pourquoi j’ai besoin de vous pour y faire un aller-retour. J’ai besoin d’un objet magique qui se trouve dans le dernier cercle de l’enfer : un sceptre…
Dany : Non. On arrête ici. Si personne n’a jamais mis les pieds là-bas, comment pouvez-vous être sûr que ce sceptre s’y trouve ?
Dany perdait patience à l’écouter. Elle avait envie de l’attaquer ici et maintenant pour qu’il se taise à jamais.
Marshall : Je connais quelqu’un qui y est déjà allé.
Dany : Contactez-le. Qu’il y retourne pour vous.
Marshall : C’était James qui était en contact avec lui, pas moi. Mais j’ai toutes les informations nécessaires : le moyen d’entrer en enfer, l’objet que je cherche, et le moyen de revenir. Il n’y a aucun danger, je vous assure. Et vous avez vu la somme que je vous propose en échange.
La conversation continua entre eux. À plusieurs reprises, Dany manqua de partir, et Marshall dut presque la supplier à genoux pour la retenir. Cette histoire semblait absurde, mais voir Marshall, habituellement scientifique et rationnel, s'y accrocher avec tant de ferveur rendait l’ensemble étrangement crédible. Les négociations durèrent jusqu'au crépuscule, et lorsque les portes du conteneur s’ouvrirent enfin, Dany et Charly sortirent.
Marshall : Merci encore. Je vous revois bientôt pour le versement final.
Dany et Charly avaient fini par accepter l'offre de Marshall, gonflant le prix pour obtenir presque le triple de la somme de départ, avec la moitié en avance. C’est les poches pleines qu’ils décidèrent de se faire un restaurant de viande ce soir, avant de partir découvrir l’enfer le lendemain.
Au petit matin, Dany et Charly se trouvaient devant la forêt d’Aokigahara, plus connue sous le nom de la forêt des suicides. Une mer d’arbres s’étendait sur plusieurs kilomètres, dans un terrain escarpé. Les Japonais viennent ici pour mettre fin à leurs jours, sachant que leurs corps ne seront retrouvés que des mois après, voire jamais. Pour le duo, il s’agissait de traverser une partie de la forêt pour trouver l’une des portes de l’enfer. Cette histoire était vraiment glauque. Munis d’un plan, la sœur et le frère se mirent en route, avançant à bon rythme en évitant serpents, trous, et ronces, tout en tâchant de ne pas se perdre.
Dany : On y est presque. Encore un détour autour de cette rangée d’arbres.
L’humidité ambiante était inconfortable. Dany et Charly avaient retiré leur veste pour la nouer autour de la taille et éviter de transpirer davantage. En contournant les arbres, ils se retrouvèrent devant un énorme trou dont le fond était invisible.
Charly : C’est là ?
Dany : D’après le plan, oui.
Charly : L’autre n’a pas mentionné qu’on aurait besoin de cordes pour descendre. On ne voit même pas le fond.
Ils s’approchèrent du bord pour mieux observer, cherchant un point de repère. Tout se passa très vite. Une odeur de soufre émana du trou, accompagnée d’une présence invisible qui les happe depuis la surface. La pression était si puissante que le rebord en terre céda, les entraînant vers le fond. La lumière disparut dans les ténèbres à une vitesse vertigineuse. Dany et Charly furent projetés sur un sol noirci de suie. Bienvenue au premier cercle de l'enfer : les limbes.
Les deux se redressèrent, encore un peu groggys après ce voyage express et turbulent, en frottant leurs vêtements et leurs visages pour enlever la poudre noire. Les choses sérieuses commençaient : ils allaient devoir traverser, un par un, les cercles des enfers pour atteindre le sceptre. D’abord les limbes, puis la luxure, la gourmandise, l’avarice, la colère, l’hérésie, la violence, la ruse et la tromperie, pour finir avec la trahison. Un sacré périple qui, assurément, ne serait pas bouclé en une heure comme Marshall l’avait prétendu et qui cachait de nombreuses surprises dont une de taille que Marshall avait gardé sous silence.
Dany, le chien fou, ne voyait plus seulement rouge : elle baignait dedans. À chaque mot que l’avorton lâchait, elle sentait la pression grimper dans son crâne comme si quelqu’un y serrait un étau. Ses muscles se nouaient, son corps entier se tendait, prêt à rompre. Ses poings se cimentaient, faisant ressortir les lignes sèches de ses bras, de ses épaules et de son dos. Un signal assez clair pour que Charly comprenne que la moindre étincelle ferait exploser la poudrière. Robbie venait de s’écraser tout en bas de l’échelle de Dany : tenir tête, se foutre d’elle, lui faire la morale… il signait son arrêt de mort.
Dany : Je vais —
La main de Charly se posa brutalement sur l’épaule de sa sœur, une laisse improvisée. Il colla ses lèvres à son oreille pour lui souffler quelques mots.
Charly : Tu ne vas rien faire.
Libres ou pas, réparés ou pas, il restait des moments où Dany avait besoin de quelqu’un pour la retenir avant qu’elle ne dévore tout. Celui-ci en était un. Robbie se vantait d’être increvable ; Charly savait, lui, que Dany avait mille façons de faire regretter ce genre de déclaration. Si la douleur physique ne l’atteignait pas, elle trouverait autre chose. Pire. Alors il resserra encore sa prise, ses doigts râpeux enfoncés dans sa peau.
Dany : Tu crois qu’on va expliquer à une petite merde comme toi ce qu’on fout ici ?
Sa voix vibrait, coupée par la rage prête à jaillir. Une veine battait dans son cou, une autre pulsait à sa tempe, comme si son cœur frappait contre sa chair pour sortir.
Dany : Tu vas voir si on a d’la chance d’être en vie. Si notre peau va finir scotchée aux murs d’une de tes villes de merde. C’est ta sale gueule qui va —
Un clac sec résonna dans le corps du chien : son frère venait de lui broyer à main nue la clavicule, sentant qu’elle s’emportait de trop. Pour Dany, ce n’était pas bien grave ; elle ne fit même pas un sourcillement de douleur. Son corps se remettrait en place sans qu’elle le remarque.
Charly : Tu n’as pas tout à fait tort sur un point. Ma sœur ressemble bien à un bœuf dans une corrida. Et pour être plus précis : à un chien en cage. Mais tu devrais t’en méfier. Il est loin, celui qui réussira à la briser entièrement.
Oui, entièrement. Il serait hypocrite de prétendre qu’elle n’avait pas déjà été à moitié brisée dans le passé par James, autant mentalement que physiquement. Ils ne pouvaient pas occulter toute une partie de leurs vies. Mais ils avaient réussi à se relever, à se reconstruire à leur rythme. Ils étaient devenus bien plus forts qu’avant : ils n’étaient plus des enfants qu’on pouvait manipuler.
Charly lâcha l’épaule de sa sœur pour suivre Robbie, laissant Dany redescendre en pression. Heureusement qu’il était là : plus calme, plus diplomate, gardant toujours les idées claires.
Charly : Pour ta gouverne, on est bel et bien des invités ici —
Contrairement à Dany, lui n’avait pas oublié le nom qu’on lui avait soufflé dans la barque.
Charly : — L’invitation vient d’Helel.
Est-ce que ce nom allait faire réagir Robbie, comme l’homme de la barque l’avait laissé entendre, ou allait-il encore une fois éclater de rire ? En tout cas, du côté de Dany, la révélation n’était pas plaisante. Elle aurait préféré ne rien dire, avancer par leurs propres moyens et ne pas se faire remarquer ainsi.
@Helel
Excuse-moi pour cette longue absence. J’ai eu de grosses complications de mon côté, et le temps a fini par tout bousculer. Je reviens ici en espérant pouvoir continuer notre RP. Je ne sais pas si tu as débloqué l’accès aux messages privés, mais si tu veux en parler, n’hésite pas.