Rien ne se passait comme Cassiphone le voulait aujourd'hui. Elle avait passé la journée à utiliser la numérologie pour tenter de comprendre pourquoi cet homme parvenait a réussir les épreuves afin de devenir Grand Enchanteur alors que tant d'autres échouaient. Elle espérait, par ses calculs arithmantiques, prouver qu'il trichait. Il était impossible, autrement, qu'il réussisse aussi bien qu'une femme pourrait le faire. Et elle ne laisserait pas Délia perdre ses pouvoirs au profit d'un tricheur. C'est au profit de Cassiphone qu'elle devrait les perdre. Ou bien d'Isidora. Mais pas de ce... Ce chien. Ou ce porc, comme dirait Circé.
Ah ! Si elle s'écoutait, Cassiphone changerait tous les hommes de l'Académie en porc. Après tout, tout est bon dans le cochon. Dans l'homme... Non.
Frustrée par les calculs qui ne donnaient rien, la brunette mit le feu aux papiers coordonnés qui traînaient au sol, réduisant en cendres tous les échecs qu'elle avait essuyé depuis ce matin. D'un geste négligent de la main, la cendre s'envole par la fenêtre ouverte, laissant le sol de nouveau éclatant.
Avec un soupir dépité, la sorcière se prend la tête entre les mains, ses doigts agiles massant ses tempes où un début de migraine commençait à s'y développer.
Décidée a ne pas abandonner malgré tout, la brune attrape l'un des grimoires de numérologie dont elle se servait pour élaborer ses calculs. Elle finirait bien par trouver comment ce satané Hadrian avait fait pour tricher. Parce que c'était certain, il trichait forcément !
L'interruption d'Isidora, un peu plus tard, tombait à pic. Sa crinière, relevée en un chignon strict en début de journée, était toute désordonnée. Des mèches s'en était échappées au fil des heures, a force de passer ses mains contre son crâne, rendant la sorcière échevelée.
Attrapant une robe de chambre en satin, noire et avec le dos en dentelle, pour couvrir sa petite tenue d'été qui pourrait passer pour un pyjama léger, elle prit place sur le lit et invita son amie à y prendre place. Tout le stress dr la journée s'envola dès lors qu'Isidora lui montra le grimoire.
« Intéressant, » souffla-t-elle quand la sorcière vaudou précisa son idée. « Ça pourrait marcher oui. Et tu as raison, s'il est aussi puissant que ce livre le dit, l'invoquer ici pourrait se montrer dangereux. Je ne voudrais pas relâcher un monstre pareil sur l'Académie... »
Se levant du lit avec Isidora, Cassiphone lévita le tapis qui masquait le sol en pierre de sa chambre et s'empara du talisman mentionné. C'était un vrai bijou d'ingéniosité, elle n'en était pas peu fière. D'apparence anodine, la petite pierre de lune percée en son centre était en réalité recouvert de runes, toutes liées les unes aux autres, si finement ciselées qu'on ne décelait rien a l'œil nu.
Elle glissa le talisman autour de son cou avec la fine chaîne d'argent sur laquelle elle l'avait accroché, et rejoignit son amie qui avait déjà préparé le rituel. Finissant d'allumer les dernières bougies d'un claquement de doigts, la grecque prit les mains de son amie et inspira un grand coup. Elle relâcha doucement son souffle, se mettant dans l'état d'esprit requit pour que ça marche. Détendue, mais étrangement concentrée en même temps, elle récita les quelques mots magiques qui allèrent les emmener en Enfer, priant pour que le démon soit réceptif à leur demande.
"Fuck, il ne ressemble en rien au dessin du grimoire..." Fut la première pensée a traverser l'esprit de la sorcière alors qu'elle posa les yeux sur le démon assis derrière son bureau. Au lieu d'un être grotesque, difforme et à l'air grognon, elle avait devant les yeux un spécimen plutôt exceptionnel de la gent masculine. Ses prunelle s'attardèrent un moment sur les muscles qui se dessinaient sous les vêtements qu'il portait, sur sa taille immense alors qu'il se levait de sa chaise, avant de revenir scruter son visage. Elle peut note des iris d'un rouge aussi sombre et intense que le sang, réprimant un frisson d'effroi. Impossible d'oublier qu'il n'était pas humain, avec un regard pareil.
La brunette ferma les yeux un instant alors que le démon se glissait dans son dos, luttant contre l'instinct qui la poussait à agripper la main d'Isidora pour se rassurer, ou contre la pulsion de se retourner pour ne pas avoir un être aussi dangereux dans son dos. Elle était pratiquement certaine que sa sœur entretenait le même genre de pensée qu'elle a cet instant. Helel était dangereux, et le séduire pour obtenir ce qu'elles désiraient allait se montrer plus ardu que prévu.
Elle ne put retenir un frémissement alors qu'il se penchait pour humer l'air en se rapprochant de leurs nuques. Elle ne sut déterminer s'il s'agissait d'appréhension, cependant, ou d'une autre émotion bien plus insidieuse. La grecque ne rouvrit les yeux que lorsque le prince démoniaque revint a son point de départ, conjurant deux chaises pour ses invitées. Elle prit place aux côtés d'Isidora, croisant les jambes avant de songer que ce n'était peut-être pas sa meilleure idée compte tenu de la jupe courte flottant contre ses cuisses. Trop tard pour changer d'avis sans montrer de faiblesse. Elle rajusta la robe de chambre autour de son corps, rapprochant les pans de satin contre son buste pour tenter de cacher ses cuisses qui se dévoilaient au regard.
« Cassiphone... Tæcleris, souffla-t-elle quand vint son tour de se présenter, hésitant un instant avant d'ajouter son nom de famille. »
Il n'était jamais prudent de dévoiler son nom, surtout a un être aussi puissant qu'Helel. Les noms ont du pouvoirs, après tout. Mais elle a décidé de suivre l'exemple d'Isidora, ne sachant si cette règle s'appliquait ici.
« Il s'agit d'une pierre de lune, percée en son centre, et recouvertes de runes si finement ciselées qu'elles ne sont pas déchiffrables à l'œil nu. Ces runes ont infusées de magie lors d'un rituel très particulier, et elles permettent a celui ou celle qui porte ce talisman d'inviter toutes traces de magie -de quelques sortes que ce soit- aux yeux et aux sens de tout le monde. En bref, avec ce talisman, il sera impossible pour quiconque de dire que vous êtes un démon. Même des charmes révélateurs ou des détecteurs spécialisés ne peuvent faire faillir ce petit bijou, présente-t-elle avec le sourire de celle qui est fière du travail accompli, et qui est plus-que-certaine de ce que ce travail vaut. »
Relâchant les pans de la robe de chambre, Cassiphone attire l'attention sur son décolleté en venant piocher la pierre percée qui pendait au bout de sa chaîne d'argent. La chaîne étant assez large, elle peut la passer par-dessus sa tête pour la retirer. L'enroulant autour de ses doigts, elle laisse pendre la pierre dans le vide, l'offrant au regard du démon pour l'examiner. Elle serait réticente a le laisser s'en emparer tant qu'ils n'ont pas un accord, et préfèrerait qu'il se contente d'un examen visuel.
« Pour l'activer et le sceller à votre aura, une seule goutte de sang suffira. Il n'y a pas de rituel particulier pour cela. Mais une fois scellé, ce talisman ne peut pas être utilisé par une autre personne. Il n'a pas non plus besoin d'être rechargé, il se nourrit de la magie ambiante pour fonctionner ou, si besoin, d'un soupçon de la vôtre. Mais comme il est très rare de voir un lieu sans la plus infime trace de magie ambiante... Le plus amusant, c'est qu'il fonctionnera même face a un ange. Personne ne fera la différence entre vous, et un vrai humain dépourvu de pouvoir. Pas même moi, pourtant créatrice de ce talisman. »
La belle s'autorise un rictus fier, et affiche l'air désinvolte de celle qui sait de quoi elle parle. Elle n'a aucun doute quant à ses capacités, et cela se voit. Elle sait que ce talisman n'a aucune faille. Elle y a veillé. Elle a travaillé dessus pendant des années pour arriver a ce résultat.
« Ce petit bijou peut n'être rien qu'à vous, seigneur Helel, sourit-elle en ronronnant presque, espérant l'appâter pour qu'il accepte le deal. Mais seulement si vous acceptez de nous aider à anéantir notre compétiteur... »